Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères et président du Conseil de l'Union européenne, sur la politique étrangère de l'Union européenne, la situation internationale, le désarmement, les droits de l'Homme et l'action en faveur des PMA, New York le 12 septembre 2000.

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Circonstance : Ouverture de la 55ème assemblée générale de l'ONU à New York le 5 septembre 2000 pour 3 semaines-Voyage à New York de M. Védrine du 11 au 15 septembre

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Chefs d'Etat et de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Délégués,
J'ai l'honneur de m'exprimer cette année au nom de l'Union européenne, que la France préside jusqu'à la fin décembre.
J'ai à ce titre, Monsieur le Président, un plaisir tout particulier à vous féliciter pour votre élection. Elle témoigne de l'estime que la communauté internationale porte à votre pays et à votre personne.
Je souhaiterais remercier aussi votre prédécesseur, M. Theo-Ben Gurirab, pour le talent avec lequel il a conduit les travaux de la 54ème session de l'Assemblée générale, M. Sam Nujoma et Mme Tarja Halonen pour leur action, à vos côtés, comme coprésidents du Sommet du Millénaire. Je voudrais associer à cet hommage le Secrétaire général de l'Organisation, M. Kofi Annan. Son action internationale, son indépendance et sa vision contribuent, de façon déterminante, à affirmer le rôle central que l'ONU joue, et doit continuer à jouer. L'Union européenne souhaite l'assurer du soutien qu'elle apporte, aussi bien à son action personnelle qu'à l'Organisation et à ses agents.
Sommet du millénaire
Le Sommet du millénaire, réunion sans précédent de 155 chefs d'Etat et de gouvernement, a permis d'aborder les grands défis auxquels est confrontée la communauté mondiale, et de débattre du rôle des Nations unies au XXIème siècle qui commencera le 1er janvier 2001.
L'Union note avec une grande satisfaction que le sommet a débouché sur un document politique qui détermine le cap à suivre par l'Organisation pour les années qui viennent. Ces orientations s'inspirent des idées esquissées dans le rapport du Secrétaire général. Il appartient désormais à l'Assemblée générale de les mettre en oeuvre. L'Union y contribuera activement.
L'Union européenne, l'ONU et le maintien de la paix
Monsieur le Président,
La préservation de la paix, le renforcement de la sécurité internationale et la défense des Droits de l'Homme sont au coeur des principes qui fondent la politique étrangère de l'Union européenne. Aux portes mêmes de l'Europe, des crises récentes nous ont convaincus que nous ne pouvions rester inactifs quand ces principes fondamentaux sont violés. A cet égard, l'Union européenne approuve la priorité donnée au maintien de la paix lors des rencontres de la semaine écoulée. Sur ce sujet, le rapport de M. Brahimi constitue une analyse approfondie. Il fait des recommandations utiles en matière de mandats des opérations de paix, de planification opérationnelle à New York et de déploiement. Il offre une occasion unique de renforcer la capacité des Nations unies pour les opérations de paix. L'Union européenne participera activement à l'examen de ces recommandations.
L'Union européenne a décidé de se doter des moyens d'être un acteur politique majeur et de jouer pleinement son rôle sur la scène internationale. A cette fin, en un laps de temps très court, elle a pris des mesures décisives. De nouveaux organes, politiques et militaires, de décision et d'action, ont été mis en place : un comité politique et de sécurité, un comité militaire, un état- major, un centre de situation, un comité pour les aspects civils. Ces organes permettront à l'Union européenne d'intervenir de manière rapide et crédible dans la gestion des crises internationales. L'Union européenne a parallèlement annoncé sa détermination à disposer d'ici 2003 d'une force de 60 000 hommes, pour des missions internationales couvrant l'ensemble des opérations de prévention des conflits et de gestion des crises, avec l'appui aérien et naval nécessaire. Cette force pourra être déployée sur un théâtre de crise dans un délai de 60 jours et pour une période d'au moins un an. Cette détermination trouvera une première traduction concrète dès cet automne avec la réunion d'une conférence d'engagement de capacités, où chacun des Etats membres annoncera sa contribution à l'entreprise commune. L'Union s'est en outre fixée des objectifs à la fois ambitieux et réalistes pour le développement de capacités collectives. A ces moyens militaires, elle joindra également des moyens d'intervention civils, notamment un contingent de policiers dont la contribution à une opération de maintien de la paix est très précieuse. A cet égard, les Etats membres se sont fixés pour objectif, à l'échéance 2003, la capacité de fournir jusqu'à 5000 policiers, 1000 pouvant être déployés dans un délai de 30 jours.
L'Union européenne, qui agissait déjà à travers des programmes économiques et humanitaires considérables, disposera ainsi de toute la gamme des moyens pour la gestion d'une crise. Cette action s'inscrit naturellement dans le plein respect des principes de la Charte des Nations unies. Il est plus que jamais indispensable d'établir des liens de travail avec l'ONU. Afin de lancer cette coopération, la troïka de l'Union européenne va s'entretenir pour la première fois sur ce thème avec le Secrétaire général des Nations unies. Au nom de l'Union européenne, j'invite M. Kofi Annan à se rendre à Bruxelles pour une séance de travail avec les instances de l'Union.
Questions régionales
Proche-Orient
Monsieur le Président,
L'Union européenne salue les efforts considérables et la détermination dont ont fait preuve, au cours des dernières négociations, le président de l'Autorité palestinienne et le Premier ministre israélien en vue de parvenir à un accord définitif entre les peuples israélien et palestinien. Elle se réjouit en particulier de l'énergie nouvelle avec laquelle ont été abordées cette fois les questions les plus délicates.
Elle rend hommage à l'action inlassable du président Clinton et de la secrétaire d'Etat, en vue de faciliter ces négociations. Les circonstances favorables en vue d'une conciliation des positions continuent d'exister. Nous appelons instamment les parties à saisir cette occasion historique, à faire preuve de courage dans les choix décisifs, à prendre pleinement en compte les réalités humaines et les droits reconnus aux uns et aux autres et à parvenir ainsi à la conclusion d'un accord définitif.
L'Union européenne se réjouit du retrait d'Israël de la zone qu'il occupait au Sud-Liban. Elle salue le redéploiement de la FINUL ainsi que l'envoi, par le gouvernement libanais, d'une force mixte de sécurité dans cette zone. Elle appelle toutes les parties à assumer leurs responsabilités, afin de prévenir les tensions. Pour autant, l'Union européenne considère que seul un règlement global, portant sur l'ensemble des volets du processus de paix, y compris le volet israélo-syrien, est de nature à garantir durablement la stabilité de la région. Elle entend continuer à appuyer les efforts des parties en ce sens, et contribuer à la mise en oeuvre des accords qui viendraient à être conclus.
Europe
La situation dans les Balkans occidentaux reste, pour l'ensemble de la communauté internationale, un sujet de très grande préoccupation. Les dix années de conflits qui ont ravagé cette région ont engendré des situations humainement dramatiques, politiquement instables, et donc dangereuses. Mais, au-delà des énormes difficultés ainsi accumulées et du retard du développement économique et social de beaucoup de ces pays, tous les peuples et presque tous les responsables de cette région ont pris conscience que celle-ci a un avenir et que cet avenir s'appelle l'Europe. Et c'est aujourd'hui une conviction partagée par tous les Européens que ces pays n'ont pas d'autre destin que de venir un jour rejoindre l'Union européenne.
C'est pourquoi, le Conseil européen a réaffirmé que l'objectif reste l'arrimage des pays de la région à l'Europe. Ce qui signifie la plus grande intégration possible dans le courant dominant politique, économique et social de l'Europe, à travers le processus de stabilisation et d'association, le dialogue politique, la libéralisation des échanges, le rapprochement de leurs législations avec celle de l'Union européenne et la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.
L'aide que les Européens ont apportée depuis dix ans aux pays de la région - près de 8 milliards d'euros - est considérable. L'Union européenne continuera à soutenir ce processus de stabilisation et d'association en apportant aux pays des Balkans occidentaux une assistance technique, économique et financière massive et en leur accordant rapidement des avantages commerciaux asymétriques dans les domaines industriel et agricole, étape qui préparera l'établissement d'une zone de libre-échange avec l'Union européenne. Simultanément, dans le contexte d'échéances électorales qui concernent presque toute la région, elle continuera à encourager ces pays à développer leur coopération régionale et à poursuivre résolument leurs efforts dans la voie des réformes politiques, économiques et sociales pour consolider chez eux la démocratie et les Droits de l'Homme, construire un Etat de droit et jeter les bases d'un développement durable. Dans ce contexte, l'Union européenne a réaffirmé sa détermination de continuer à jouer le rôle moteur dans le pacte de stabilité, qui représente une vision nouvelle de coopération entre les pays de la région et la communauté internationale.
Le sommet que, sur proposition de la France, l'Union européenne et les pays des Balkans occidentaux ont décidé de tenir à l'automne prochain en Croatie, marquera notre commune détermination à surmonter les divisions du passé.
La RFY ne pourra évidemment pas participer à ce rendez-vous. La nature de son régime actuel ne le permet pas. Mais les Serbes savent qu'ils ont leur place dans la famille européenne et que l'Union attend le jour où il sera possible à la RFY de participer pleinement au processus de stabilisation et d'association et de retrouver sa place en Europe. Les élections du 24 septembre pourraient être à cet égard décisives.
Au Kosovo, l'action de la communauté internationale, fondée sur la résolution 1244 du Conseil de sécurité, a donné des résultats qu'il est juste de saluer. Il faut remercier tous ceux qui, en dépit d'extrêmes difficultés, ont permis ces progrès, en particulier le représentant spécial du Secrétaire général, les personnels des Nations unies et les soldats de la KFOR, les nombreuses organisations internationales présentes sur le terrain et les ONG. La tenue, d'ici quelques semaines, des premières élections démocratiques au Kosovo pour désigner les autorités municipales, marquera une étape importante de la mise en oeuvre de la résolution 1244. Je redis avec force que la communauté internationale ne permettra pas que des actes de violence inacceptables, quelles qu'en soient les motivations, fassent échouer le processus électoral démocratique en cours. Nous ne laisserons pas des extrémistes de tous bords saboter le travail accompli depuis plus d'un an sous l'égide des Nations unies.
Chypre
L'Union européenne considère que le statu quo à Chypre est inacceptable et soutient les efforts déployés par le Secrétaire général en vue de parvenir à un règlement négocié, global, juste et durable, qui soit conforme aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Elle réaffirme son engagement en faveur de la stabilité et de la prospérité dans la région méditerranéenne. Au moment où s'ouvrent ici même des pourparlers sous les auspices du Secrétaire général, elle appelle les parties concernées à engager des discussions substantielles.
Afrique
Monsieur le Président,
L'Union européenne est tout aussi résolue à soutenir les efforts qui sont déployés pour assurer la prévention et le règlement des conflits en Afrique, en étroite coopération avec les Nations unies, l'Organisation de l'Unité africaine et d'autres organisations sous-régionales, conformément aux objectifs retenus lors du sommet Afrique-Europe qui s'est tenu au Caire au mois d'avril dernier sous la présidence portugaise de l'Union européenne.
Elle entend apporter son soutien aux mesures prises, de manière coordonnée, par l'OUA et les Nations unies pour mettre en oeuvre le règlement de paix entre l'Ethiopie et l'Erythrée. Appuyant le déploiement des observateurs internationaux, elle est également disposée à apporter un soutien à la délimitation et au tracé des frontières, au déminage et à l'action entreprise pour aider les réfugiés et les personnes déplacées. Elle s'efforce d'apporter son aide aux populations de ces deux pays, durement éprouvées par le conflit et par la sécheresse qui est venue aggraver leurs difficultés.
L'Union européenne est profondément préoccupée par l'évolution de la situation en République démocratique du Congo. Elle appelle toutes les parties à l'accord de Lusaka à mettre en oeuvre leurs engagements, y compris ceux pris à Kampala. Cela permettra de progresser sur les volets militaire et politique, tous deux menacés par la persistance des combats et le blocage de la préparation du dialogue national. Elle les appelle de même à se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité, en particulier la résolution 1304 qui exige le retrait ordonné des forces étrangères présentes sur le territoire congolais, et la coopération de toutes les parties au déploiement de la MONUC, en levant les restrictions à la liberté de circulation de son personnel et en assurant sa sécurité.
L'exploitation illégale des ressources naturelles de la République démocratique du Congo, violation de la souveraineté de ce pays, est également inacceptable. Aussi l'Union européenne salue-t-elle la constitution par le Secrétaire général des Nations unies, le 15 août dernier, d'un groupe d'experts chargé d'analyser les liens entre l'exploitation illégale de ces richesses et la poursuite du conflit.
Il est heureux de constater que le trafic illicite de diamants et autres minéraux, qui alimente directement les conflits, a fait l'objet d'une prise de conscience. C'est notamment le cas du commerce illicite de diamants en Angola, par lequel l'UNITA finance son effort de guerre. Nous tenons à souligner l'importance que revêt le respect des résolutions du Conseil de sécurité à cet égard. Nous saluons la décision d'inscrire cette importante question à l'ordre du jour de l'Assemblée générale. La discussion devrait se fonder sur le processus de Kimberley. Elle devrait prendre en compte les travaux de la Conférence préparatoire coprésidée par le Royaume-Uni et la Russie. Elle devrait enfin porter sur l'examen de la proposition faite à Miyazaki visant à créer un groupe permanent d'experts indépendants pour mettre au point les modalités d'interdiction des trafics illicites.
L'Union européenne rappelle le soutien qu'elle a apporté à la résolution 1306 sur la Sierra Leone, qui a renforcé le dispositif existant de sanctions sur les armes et établi un régime d'embargo concernant les diamants bruts exportés illégalement de Sierra Leone. L'Union européenne appelle toutes les parties au conflit à se conformer aux principes et objectifs de l'Accord de Lomé, et à s'impliquer pleinement dans le rétablissement de la paix, de la stabilité et le respect des Droits de l'Homme en Sierra Leone.
L'Union européenne et ses Etats membres continueront de contribuer aux capacités et aux moyens d'action africains en matière de prévention et de règlement des conflits, notamment en apportant un soutien à l'OUA et aux organisations et initiatives sous-régionales.
Birmanie
L'Union européenne est vivement préoccupée par la situation en Birmanie. Elle demande aux autorités birmanes de rétablir sans délai la liberté d'expression, de circulation et de communication avec l'extérieur de Mme Aung San Suu Kyi. Il est urgent que s'engage un dialogue entre les autorités birmanes et l'opposition démocratique, dont la Ligue nationale pour la démocratie, ainsi qu'avec les minorités nationales. L'Union apporte son soutien à l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la Birmanie, M. Razali, dans ses efforts en vue de la recherche d'une solution.
Timor Est
Monsieur le Président,
L'Union européenne exprime sa solidarité avec le peuple de Timor Est et salue le travail accompli par l'ATNUTO, en coopération étroite avec les responsables politiques est-timorais. Elle est favorable à une accélération de l'aide à la reconstruction afin d'assurer le succès de la transition et d'éviter tout retard dans le calendrier menant à l'indépendance. Nous demeurons, toutefois, très préoccupés par l'instabilité provoquée par les milices, tant à Timor Est qu'à Timor Ouest. La recrudescence de ces violences a entraîné la mort de deux casques bleus et, plus récemment, de trois agents du HCR. L'Union européenne appelle les autorités indonésiennes à adopter sans délai des mesures effectives de contrôle des milices.
Inde/Pakistan
L'Union européenne appelle à la fin des actions terroristes au Cachemire, à la mise en oeuvre des mesures de confiance et de sécurité et à un strict respect de la ligne de contrôle afin que, dans un contexte local apaisé, le dialogue entre le Pakistan et l'Inde puisse reprendre, dans l'esprit de la déclaration de Lahore. Elle est particulièrement attentive aux gestes qui peuvent être faits sur ce point par les parties en présence et encouragera les initiatives propres à permettre la résolution de tous les contentieux entre ces deux pays.
Il importe que les mesures concrètes prévues dans la résolution 1172 du Conseil de sécurité soient mises en oeuvre et que le Pakistan et l'Inde adhèrent au régime international de non-prolifération et procèdent à la signature du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires.
Corée
Ayant de longue date plaidé en faveur d'un dialogue direct entre les deux Corée, l'Union européenne s'est réjouie de la tenue du sommet intercoréen historique de Pyongyang du 13 au 15 juin de cette année. Il s'agit d'un pas important dans la voie de la réconciliation entre la République de Corée et la République populaire démocratique de Corée qui ouvre des perspectives encourageantes de renforcement de la stabilité dans la région. Nous invitons les deux pays, membres de l'ONU depuis 1991, à poursuivre ce processus, afin de permettre au peuple coréen de surmonter les déchirures du passé.
Haïti
L'Union européenne rappelle que le respect total des dispositions constitutionnelles portant sur les élections et la loi électorale en vigueur est la base de la démocratie et de l'Etat de droit.
Désarmement et non-prolifération
Monsieur le Président,
Dans le souci commun de la paix et de la sécurité internationales qui doit animer les nations représentées ici, le risque de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs constitue un problème fondamental contre lequel l'Union européenne est déterminée à lutter sans relâche. A cet effet, la coopération internationale doit être privilégiée ainsi que l'élaboration de normes multilatérales en matière de non-prolifération, de maîtrise des armements et de désarmement.
Ceci est tout particulièrement vrai pour ce qui concerne les armes chimiques et biologiques, désormais interdites. L'Union oeuvre à la conclusion rapide d'un protocole de renforcement de la convention sur l'interdiction des armes biologiques et à toxines de 1972, qui devra comprendre des mesures de vérification fiables et efficaces.
Notre détermination s'applique également à la non-prolifération et au désarmement nucléaires, domaine de tant de progrès depuis la conclusion du TNP, auquel 187 pays sont aujourd'hui parties.
Dès la fin de la guerre froide, les instruments efficaces de la fin de la course aux armements et du désarmement ont commencé à être mis en place, avec l'arrêt des essais, le traité qui le scelle, les deux premiers accords START de réduction des plus grands arsenaux nucléaires ainsi que l'ensemble des décisions unilatérales qui vont dans le même sens.
La consolidation de ce dispositif doit être notre priorité. C'est ce qu'ont commencé de faire les Conférences d'examen de 1995 et de 2000, dont nous saluons les résultats qui doivent être pleinement mis en oeuvre.
Nous devons donner leur plein effet au renforcement des garanties de l'Agence internationale de l'énergie atomique par la mise en place généralisée des mesures contenues dans le modèle de protocole de 1997 et demeurer vigilants sur la question du respect du TNP. Il nous incombe aussi de relancer la dynamique des négociations multilatérales.
L'entrée en vigueur du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, l'achèvement de la mise au point opérationnelle de l'OTICE, la négociation à la Conférence du désarmement d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles pour des armes nucléaires doivent mobiliser tous les Etats, parties ou non au TNP. Le début de cette négociation implique la négociation urgente d'un programme de travail à la Conférence du désarmement. Les normes internationales dans ce domaine ne peuvent être efficaces que si elles sont universelles. La réduction des arsenaux, qui est de la responsabilité première des Etats dotés de l'arme nucléaire, doit aussi se poursuivre afin de nous rapprocher de nos objectifs communs : l'élimination des armes nucléaires et le désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace.
La question des armes légères et de petit calibre est tout aussi sensible dans de nombreuses régions du monde. Elle mérite une attention particulière. Les Quinze apporteront leur contribution à la préparation de la conférence internationale sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects qui se tiendra à l'été 2001, avec pour objectif d'aboutir à un plan d'action concret et réalisable, pour lutter contre l'accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre.
Dans le même temps, l'Union poursuivra son action en faveur de la mise en oeuvre de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction. Elle s'associera aux efforts visant à l'élimination totale des mines antipersonnel.
Droits de l'Homme
L'Union européenne continuera à soutenir les efforts déployés par les Nations unies pour que, conformément à l'objectif fixé par le Secrétaire général, les Droits de l'Homme soient au coeur de leur action.
La prise de conscience individuelle de l'importance des Droits de l'Homme et de la démocratie, et l'émergence de forces actives à leur promotion au sein de chaque pays sont le meilleur gage de progrès solides en la matière. A cet égard, l'Union européenne approuve la désignation, grâce au soutien de très nombreux pays, d'un représentant du Secrétaire général pour les défenseurs des Droits de l'Homme, Mme Jilani, dont nous saluons la nomination, et que nous assurons de notre entier soutien dans l'exercice de son mandat.
Les Nations unies ont, cette année encore, démontré qu'elles étaient l'enceinte d'élaboration de progrès normatifs en matière de Droits de l'Homme. En témoigne l'adoption des deux protocoles additionnels à la Convention des droits de l'enfant, sur l'exploitation sexuelle des enfants, et sur les enfants dans les conflits armés. Il s'agit d'une avancée importante en faveur de la protection des enfants. La session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies pour le suivi du Sommet mondial des enfants, qui se tiendra l'année prochaine, et à laquelle l'Union européenne entend contribuer activement, fournira à la communauté internationale une nouvelle occasion de faire progresser cette cause.
Une autre échéance importante nous attend : la Conférence mondiale sur le racisme. Lors de la Conférence préparatoire européenne, qui se tiendra en octobre à Strasbourg sous l'égide du Conseil de l'Europe, l'Union européenne montrera sa détermination à combattre les manifestations du racisme sous toutes leurs formes.
L'Union européenne, dont tous les membres ont aboli la peine de mort, appelle les Etats qui ne l'ont pas encore fait à adopter des moratoires, premier pas vers une abolition définitive de ce châtiment contraire à la dignité humaine.
Crime
L'Union européenne s'efforcera de renforcer la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme et participera activement aux négociations qui auront lieu à cette fin. Elle espère vivement que cette Assemblée générale sera marquée par l'adoption de la convention contre la criminalité transnationale organisée et de ses protocoles lors de la Conférence de Palerme au mois de décembre prochain. Face à la menace croissante que représente pour nos sociétés cette criminalité, dont l'une des formes les plus odieuses est le trafic d'êtres humains, il est indispensable que la communauté internationale se dote de moyens de lutte et de coopération efficaces.
Cour pénale internationale
Enfin, l'Union européenne souhaite la mise en place rapide de la Cour pénale internationale. Je rappelle qu'il faut encore pour cela la ratification de 42 Etats.
Développement durable
Monsieur le Président,
La contribution de l'Union européenne à la coopération internationale est substantielle. Avec 30 % du PNB mondial, elle apporte 36 % du budget ordinaire des Nations unies, 39 % de celui des opérations de paix, 50 % des fonds et programmes des Nations unies, 54 % du total mondial de l'aide publique au développement.
C'est dire l'engagement de l'Union européenne à réduire les inégalités, en particulier en enrayant la dégradation de la situation des pays les moins avancés. La préparation de la troisième conférence des Nations unies sur les PMA, que l'Union aura le privilège d'accueillir en 2001, est à cet égard très importante. Elle devra aboutir à des résultats concrets.
Nous attachons une grande importance au travail accompli par les Fonds et Programmes des Nations unies. Parvenir à une réduction de la grande pauvreté mondiale de moitié à l'horizon 2015 est un objectif majeur de la communauté internationale, qui vient d'être réitéré dans la déclaration du Sommet du Millénaire.
L'intégration progressive des pays en développement dans l'économie mondiale, en tenant compte des besoins particuliers des PMA, passe par la bonne gestion des affaires publiques, l'Etat de droit et le respect des Droits de l'Homme. S'ajoutant à la politique bilatérale d'aide au développement des Etats membres, l'engagement de l'Union européenne en faveur des PMA trouve des traductions concrètes depuis 1975 à travers les conventions de Lomé successives, et, pour l'avenir, grâce aux accords de Cotonou négociés dernièrement avec les pays ACP.
S'agissant du financement du développement, il est indispensable d'assurer une meilleure mobilisation des ressources nationales et internationales, mais aussi une plus grande cohérence des politiques ainsi qu'une coopération plus efficace entre tous les acteurs du développement : gouvernements, Nations unies et institutions de Bretton Woods, autres organisations internationales, secteur privé et société civile.
Eradication des maladies infectieuses
Des efforts coordonnés et des partenariats internationaux sont indispensables pour combattre les maladies infectieuses comme le VIH/SIDA, la malaria et la tuberculose , qui posent un problème d'une gravité extrême pour le développement et la sécurité du monde en développement et notamment de l'Afrique. Nous apportons un appui sans réserves à l'action entreprise dans le cadre d'ONUSIDA et des organisations qui le co-parrainent.
Environnement
Monsieur le Président,
L'environnement doit demeurer un souci prioritaire des Nations unies. A cet égard, les résultats du premier Forum ministériel mondial sur l'environnement, et l'adoption de la Déclaration de Malmö sont très encourageants.
La préoccupation exprimée dans le rapport du millénaire établi par le Secrétaire général en ce qui concerne la viabilité écologique est légitime. Nous souscrivons à l'appel lancé en faveur de la ratification du protocole de Kyoto, afin que celui-ci puisse entrer en vigueur d'ici 2002. Le succès des réunions de Lyon et de La Haye y contribuera.
La mise en oeuvre et le suivi des conférences des Nations unies sur l'environnement et le développement revêtent une importance cruciale.
Suivi des grandes conférences organisées dans le cadre des Nations unies
D'une manière générale, une plus grande cohérence et une meilleure coordination des processus de suivi des Conférences des Nations unies sont indispensables. Les processus d'examen et d'évaluation devraient être rendus plus rationnels, leurs résultats plus visibles et plus ciblés.
Finances des Nations unies
L'Union européenne demeure résolue à faire en sorte que les finances des Nations unies reposent sur une base solide, durable et équitable ; c'est pourquoi elle espère la réalisation d'une réforme globale des barèmes des contributions au budget ordinaire et aux opérations de maintien de la paix, conformément à la position qu'elle défend depuis longtemps en la matière. L'Union européenne réaffirme son attachement au principe de la capacité de paiement, sur lequel doivent reposer les contributions des Etats membres des Nations unies.
Réforme
L'Union européenne entend renforcer l'Organisation et lui imprimer un nouvel élan. Une réforme de ses principaux organes est indispensable pour une plus grande efficacité des Nations unies. La volonté de l'Union européenne est d'y contribuer.
Au moment où l'ONU est sollicitée pour répondre aux défis de la paix, du développement et de la régulation mondiale, je souhaite l'assurer du plein soutien de l'Union européenne et de ses Etats membres.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 septembre 2000)