Texte intégral
(Déclaration à la presse de Michel Barnier, à Rabat le 30 mai 2004) :
J'aurai l'occasion, tout au long de la journée de demain, d'évoquer dans le détail les dossiers de travail et de coopération qui sont très nombreux dans tous les domaines. Vous me permettrez simplement, au moment où je foule pour la première fois, comme ministre des Affaires étrangères de la France, le sol du Maroc, de dire à quel point je suis heureux de ce premier déplacement. C'est ma première visite officielle au Maroc mais aussi dans le Maghreb et dans le monde arabe. Et c'est assez naturel que ce soit ici que j'accomplisse cette première visite, même si je dois rappeler que je suis déjà venu au Maroc comme ministre des Affaires européennes, il y a quelques années, pour de très grands projets et des questions de coopération entre le Maroc et l'Union européenne. Je suis très sincèrement heureux de cette première occasion, d'abord parce que nous avons beaucoup de choses à faire et naturellement aussi, beaucoup de raisons de prolonger et de mettre en oeuvre les décisions qui ont été prises en octobre dernier par Sa Majesté le Roi Mohamed VI et par le président de la République, Jacques Chirac.
Nous allons donc développer, mettre en oeuvre ces orientations et c'est pourquoi nous suivons aussi, à Paris, en France avec beaucoup d'attention et de solidarité l'oeuvre de modernisation, de réformes qui est engagée par le gouvernement de M. Jettou, sous l'impulsion du Roi.
Je pense que cette oeuvre de coopération, de modernisation et de réformes, ici au Maroc, peut s'appuyer et va s'appuyer sur la relance de notre coopération bilatérale, c'est aussi pourquoi je suis ici pour animer le comité de pilotage qui a beaucoup travaillé.
Je voudrais ajouter aussi que cette oeuvre de modernisation et de réformes doit pouvoir s'appuyer, à l'avenir, aussi et beaucoup, sur la relance du dialogue euro-méditerranéen.
Nous étions avec le ministre Benaïssa, il y a quelques jours en Irlande et nous avons, l'un et l'autre, dit que cette coopération, ce partenariat euroméditerranéen devait être relancé. En tout cas, moi, comme ministre français des Affaires étrangères, mais aussi comme ancien commissaire européen, j'ai beaucoup de raisons de vouloir, avec d'autres, relancer ce dialogue et la coopération des deux rives de la Méditerranée.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2004)
(Entretien de Michel Barnier avec l'agence de presse marocaine "Maghreb arabe presse", à Rabat le 30 mai 2004) :
Q - Monsieur le Ministre, quels sont les objectifs de votre première visite officielle au Maroc en tant que chef de la diplomatie française ?
R - Je souhaite, à l'occasion de ma première visite dans la région depuis ma prise de fonction, réaffirmer en priorité l'attachement de la France au partenariat qui unit nos deux pays, qui est à la fois unique et exemplaire. Je veux aussi vous dire mon attachement personnel à cette relation forte de respect, d'amitié et de solidarité. Cette visite s'inscrit dans la lignée de la visite d'État du président de la République d'octobre 2003. Elle intervient aussi entre deux rencontres franco-marocaines des chefs de gouvernement. La cinquième rencontre s'était tenue au Maroc en juillet 2003 et la prochaine devrait intervenir début juillet en France. Nos relations politiques sont confiantes et privilégiées : j'aurai à coeur de conforter et d'approfondir ce dialogue politique sur tous les sujets.
Q - Vous allez inaugurer le COPP avec votre homologue M. Benaïssa, que peut apporter ce Conseil de plus à la coopération entre la France et le Maroc ?
R - Comme vous le savez, notre coopération avec le Maroc est exceptionnellement riche et dense. Elle concerne des domaines extrêmement variés. Les deux Premiers ministres ont d'ailleurs signé le 25 juillet 2003 une nouvelle convention de coopération culturelle, scientifique et technique prévoyant la création d'un Conseil d'orientation et de Pilotage du Partenariat (COPP). Mais cette coopération se caractérisait par une multitude de comités mixtes techniques et risquait la dispersion ou l'immobilisme. L'objectif du COPP est de rationaliser et de moderniser le partenariat franco-marocain, en jouant le rôle de "pilote" permettant de définir les programmes concrets de notre coopération bilatérale pour la rendre toujours plus efficace dans le cadre des orientations fixées par les chefs d'État et les Premiers ministres. A cette fin, le COPP synthétise les activités des comités sectoriels thématiques, réduits à cinq : enseignement scolaire, université et recherche ; justice, modernisation du secteur public ; développement humain durable ; appui institutionnel aux opérateurs économiques, aux administrations financières, à l'emploi et à la formation professionnelle ; échanges culturels, jeunesse et sport, et audiovisuel.
Nous rendrons ainsi le partenariat franco-marocain plus concret, plus à l'écoute des attentes de la société marocaine. Je suis très conscient de l'enjeu politique central de notre coopération qui est de contribuer ensemble à assurer le bon développement du Maroc et à surmonter ses défis économiques et sociaux afin d'enraciner le processus de démocratisation en cours.
Q - Après l'élargissement de l'Europe, comment la France peut maintenir la priorité qu'elle veut accorder à la Méditerranée ? Et dans ce contexte, est-ce que le statut avancé que le Maroc souhaite obtenir auprès de l'Union européenne sera rapidement accordé ?
R - L'Europe élargie doit maintenir, et même renforcer, la priorité attachée aux pays de la rive Sud de la Méditerranée, c'est la conviction profonde de la France. Dans ce contexte, et concernant le Maroc, plusieurs pistes peuvent être développées par nos deux pays. La demande de "statut avancé" du Maroc dans ses relations avec l'Union européenne s'incarnera largement dans le plan d'action dans le cadre de la nouvelle politique européenne de voisinage actuellement en cours de discussion entre Rabat et Bruxelles : nous voulons lui donner un contenu global et ambitieux dans la perspective historique d'une véritable association renforcée et nous souhaitons qu'il soit conclu de manière prioritaire. Ce serait un signal très fort de soutien de l'Europe envers le Maroc dans les circonstances actuelles. Le processus de Barcelone doit également être approfondi et diversifié. La proposition française de "partenariat renforcé" avec le Maghreb a été adoptée et elle doit maintenant être mise en oeuvre sur des projets économiques communs au Maroc, à l'Algérie et à la Tunisie. Enfin, j'ai la conviction que les méthodes partenariales que nous utilisons au sein de l'Union européenne pour les fonds structurels pourraient être mises au service du développement de régions pilotes du Maghreb. Je pense par exemple aux régions du Nord du Maroc. Nous y réfléchissons.
Q - Après les attentats de Casablanca et Madrid, où en est la coopération anti-terroriste entre les deux pays ?
R - Permettez-moi d'abord de rappeler l'entière solidarité de la France avec le Maroc, durement frappé par le terrorisme le 16 mai 2003. Après les attentats de Casablanca, la France avait immédiatement réagi en dépêchant sur place, à la demande des autorités de votre pays, des spécialistes en matière de police technique et scientifique, dans les heures qui ont suivi ce drame. Depuis lors, notre coopération opérationnelle - déjà active - et judiciaire n'a fait que se renforcer. Face au défi du terrorisme international, nous devons continuer dans cette voie et toujours mieux faire. Le cadre de cette coopération, défini par l'accord de coopération bilatérale en matière de sécurité signé dès le 30 mai 2000, est en vigueur depuis le 29 avril 2001. Il porte notamment sur la coopération opérationnelle et technique en matière de terrorisme. Nous travaillons aussi de manière très étroite et prometteuse avec le Maroc en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. La qualité de nos relations, faites de confiance et de proximité, constitue un atout précieux dans ce domaine comme dans d'autres.
Q - Est-ce que la France entend agir et comment pour relancer l'intégration maghrébine et la recherche d'une solution politique à la question du Sahara ?
R - La France est convaincue qu'une solution politique réaliste et durable doit être trouvée entre les parties, dans le cadre des Nations unies et sous l'égide de M. James Baker, envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies, sans que rien ne leur soit imposé. C'est pourquoi nous nous réjouissons de la résolution 1541, adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité le 29 avril dernier et prorogeant le mandat de la MINURSO de six mois : ce délai doit être mis à profit pour poursuivre les discussions. Vous connaissez la position de la France : nous pensons que la solution d'une large autonomie du territoire doit être étudiée d'une manière imaginative et constructive par tous. Un rapprochement entre Alger et Rabat est nécessaire, à nos yeux, pour régler ce conflit qui entrave l'intégration du Maghreb et donc l'avenir des peuples de la région dans leurs relations avec l'Europe. La France continuera à plaider pour le dialogue et l'audace, dans l'intérêt de tous. Par ailleurs, nous intervenons avec détermination, en particulier au niveau européen, pour la libération immédiate et totale des prisonniers de guerre marocains détenus par le Front Polisario, sans oublier les autres questions humanitaires.
Q - Une résolution sur l'Irak est en cours de discussion aux Nations unies. Quelle en sera l'ampleur sur le transfert de souveraineté qui devrait intervenir à la date du 30 juin ? Et est-ce que les révélations sur les tortures pratiquées par les forces de coalition vont affecter ce processus ?
R - La France a clairement fait connaître ce qu'elle attend de l'échéance du 30 juin :
- Une restauration de la souveraineté irakienne réelle, et perçue comme telle par les Irakiens. Ceci implique notamment que les autorités irakiennes aient l'entière maîtrise des compétences économiques, en particulier le contrôle des ressources naturelles, judiciaires et policières et qu'elles disposent d'une capacité de décision, en matière sécuritaire, sur les activités et les initiatives de la force multinationale.
- L'ouverture de perspectives politiques claires. Il s'agit d'abord d'établir un lien clair entre les élections irakiennes de janvier 2005 et la durée du mandat de la force multinationale ; il s'agit aussi de faire en sorte que ces élections constituent une nouvelle rupture, et de prévoir la fin du processus de transition. Les Irakiens ont besoin d'un horizon politique clair, qui leur rende l'espoir.
Nous allons nous attacher à ce que la résolution en cours de discussion reflète ces préoccupations. Le texte qui nous a été présenté comporte des points positifs et d'autres sur lesquels les échanges méritent d'être poursuivis. Nous abordons ces discussions dans un esprit constructif et avec le souci de nous concerter avec tous nos partenaires, notamment européens.
S'agissant des sévices infligés à des prisonniers irakiens, ils témoignent d'une attitude déshonorante et indigne de la part de ceux qui les ont perpétrés. La France a condamné ces actes inadmissibles qui violent clairement les Conventions de Genève et qui ont provoqué une très grande émotion en Irak même, dans les pays arabes et dans le monde entier. Il est clair que le droit international continuera à s'imposer aux forces étrangères présentes en Irak après le 30 juin.
Ainsi que l'a indiqué le CICR, les responsables de tels actes doivent être traduits en justice. Je note que les autorités américaines s'emploient à faire toute la lumière sur ces agissements et à en établir les responsabilités.
Q - L'escalade de la violence par l'armée israélienne continue à Gaza. Est-ce que l'Europe peut jouer un rôle concret pour la relance de la Feuille de route ?
R - Les pays de l'Union européenne siégeant actuellement au Conseil de sécurité ont voté ensemble, le 19 mai dernier, la résolution 1544 qui condamne les exactions commises au cours des derniers jours et les opérations israéliennes menées dans la bande de Gaza, notamment les pertes civiles et les destructions de maisons. En tant que premier partenaire commercial d'Israël et premier donateur à l'Autorité palestinienne, l'Union européenne a un rôle particulier à jouer au Proche-Orient et notamment au sein du Quartet. L'Union européenne est attachée à la sécurité d'Israël comme à la création d'un État palestinien viable. Elle demeure mobilisée au service d'une paix négociée, juste et durable fondée sur le droit international. La Feuille de route reste le meilleur moyen d'y parvenir. Tous nos efforts doivent tendre vers l'application de ce plan de sortie de crise, que l'Union européenne a contribué à concevoir. L'Union a estimé que le plan de désengagement unilatéral de M. Sharon pouvait être un pas positif si plusieurs conditions étaient bien respectées. Il faut en effet que le retrait israélien s'inscrive dans le cadre de la Feuille de route, et constitue une étape dans un règlement du conflit fondé sur l'existence de deux États. Ce retrait ne doit pas davantage entraîner de déplacements des colonies de peuplement vers la Cisjordanie : il faut enfin qu'il s'effectue en concertation avec l'Autorité palestinienne.
Je veux ici réaffirmer que la France est prête à prendre toute sa part dans cet effort collectif. Plus que jamais, il faut redoubler d'efforts pour que la paix et la justice s'imposent enfin au Proche-Orient.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2004)
(Déclaration de Michel Barnier devant le Conseil d'orientation et de pilotage du partenariat franco-marocain, à Rabat le 31 mai 2004) :
Merci Monsieur le Ministre.
Vous parliez de binôme tout à l'heure en saluant les tandems qui ont travaillé main dans la main, Marocains et Français ; je suis très impressionné par le fait que c'est davantage qu'un binôme qui se trouve à cette tribune, puisqu'il y a quatre membres du gouvernement marocain et un seul membre du gouvernement français. Je vais essayer de faire face, avec toute mon énergie et mon enthousiasme, et naturellement vous dire, Monsieur le Ministre, Madame la Sénatrice, Monsieur le Député, Messieurs les Ambassadeurs et les Directeurs généraux, Messieurs les Présidents des comités sectoriels et thématiques, Mesdames et Messieurs, chers amis, à quel point j'ai été touché, Monsieur le Ministre, par l'accueil très chaleureux que vous m'avez réservé depuis hier, non seulement en mon nom, mais aussi au nom de toute ma délégation. Je pense en particulier à Madame la Sénatrice Brisepierre et Monsieur le Député Poniatowski qui m'ont fait l'amitié de m'accompagner pour consolider encore les liens affectifs, comme vous l'avez dit, mais aussi politiques entre nos deux pays, ainsi qu'à toute l'équipe du Quai d'Orsay qui m'entoure.
C'est une circonstance à la fois faite de tradition et de novation dans laquelle nous nous retrouvons à l'instant, dans cette très belle salle de votre ministère. Tout à l'heure je regardais cette salle en me disant que j'aimerais bien en avoir une comme celle-ci au Quai d'Orsay. C'est un lieu de travail exceptionnel. Pour marquer cette tradition qui est très ancienne entre ministres marocains et français, nous nous rencontrons souvent, nous réinventons sans cesse cet héritage de notre histoire commune et de notre amitié comme l'a dit Jacques Chirac en octobre dernier, en célébrant "cette amitié intangible" et je le cite : "entre nos deux pays, rien ne sera banal, rien ne sera circonstanciel. Jamais".
Tradition, mais aussi novation ou innovation. C'est naturellement pour moi l'occasion de le souligner puisque c'est ma première visite officielle comme ministre des Affaires étrangères au Maroc, mais aussi au Maghreb et dans le monde arabe. Et encore une fois, je l'ai dit en arrivant hier, je pense qu'il était naturel que ce soit ici que se déroule cette première visite.
Je pense aussi qu'on peut parler de novation pour la relation franco-marocaine dans la manière de travailler à partir de maintenant. Et c'est pourquoi cette installation du Conseil d'Orientation et de Pilotage du Partenariat est un moment important que nous lançons au niveau des ministres et de toutes nos équipes parce qu'il s'agit d'une étape majeure dans le développement de notre relation. Cette instance que vous constituez, que nous constituons, doit en effet synthétiser, orienter les grandes priorités de notre coopération et les traduire au-delà des mots, au-delà des voeux, au-delà des intentions, dans des programmes opérationnels. Il faudra donc, j'aime bien dire cela et surtout le faire, attacher autant d'importance à l'effet de suivi qu'à l'effet d'annonce. Telle est la principale novation de la convention de coopération signée par le Premier ministre Driss Jettou et Jean-Pierre Raffarin en juillet dernier. Le rendez-vous d'aujourd'hui est donc un moment important pour la France, pour le Maroc, dans ce processus de rénovation de notre coopération. Je pense aussi pouvoir rappeler après vous, Monsieur le Ministre, que nous mettons en oeuvre le souhait de Sa Majesté le Roi Mohammed VI lorsqu'il est venu pour sa visite d'État à Paris en mars 2000.
La France souhaite le succès des réformes dans lesquelles, sous l'impulsion de Sa Majesté, votre gouvernement et le Maroc tout entier se sont engagés. Nous soutenons, de tout coeur, solidairement, amicalement, cet effort. Nous entendons bien, selon le voeu de votre gouvernement être, et j'aime bien ce mot, les "accompagnateurs" fidèles, efficaces, de ce mouvement. D'abord parce que le Maroc constitue pour nous un partenaire privilégié dans cette région du monde. Votre engagement dans le partenariat euro-méditerranéen est également le nôtre. Mais ensuite, parce que nous sommes liés à votre pays de mille manières, par l'amitié avant tout, mais aussi par des liens économiques, des flux d'investissement et un courant d'échanges humains tout à fait exceptionnels.
Ensemble, nous sommes attachés à rénover le cadre et les instruments de cette coopération. De telle sorte que sans perdre sa force, ni son âme, cette coopération vit aussi avec son temps qui est un temps aujourd'hui différent de ce qu'il était hier, comme le monde ou la société qui nous entoure est différente. La tenue même de ce Conseil d'orientation et de pilotage illustre les évolutions accomplies et qui touchent les procédures et l'élargissement de ce travail à de nouveaux acteurs. Nous allons soutenir des projets plus concentrés. Vous avez, dans votre allocution, parlé de "point d'impact" tout à l'heure dans le partenariat et le développement de votre pays. Nous allons soutenir un partenariat qui mobilisera tous ceux et toutes celles qui croient en un Maroc de mieux en mieux associé à l'espace européen.
Et ainsi sur la base des travaux tout à fait concrets, constructifs, remarquables, menés la semaine dernière par les comités sectoriels thématiques - et je voudrais en cet instant remercier les présidents, les membres de ces comités que vous êtes et d'autres encore qui ne sont peut-être pas là - le Conseil d'orientation et de pilotage de ce partenariat doit procéder à une sorte de mise en perspective opérationnelle, je l'ai déjà dit, et politique. Les Premiers ministres, je l'ai rappelé, en avaient fixé les orientations en juillet 2003 : modernisation de l'économie, proximité sociale, mobilisation de tous les acteurs de ce partenariat. Ces orientations répondent aux priorités du Maroc. Et notre souhait le plus cher est que cette coopération opérationnelle, je le dis une troisième fois, ciblée, vous permettent de réussir votre ambitieux et nécessaire programme de réformes.
J'observe, Messieurs les Ministres, que les axes de notre coopération, tels qu'ils ont été traités par les Comités sectoriels et thématiques, correspondent bien aux priorités de votre pays, à vos priorités, dans cet effort de modernisation : réforme du système éducatif ; gouvernance et décentralisation ; développement durable et réduction des inégalités ; développement et modernisation du secteur privé ; et naturellement les échanges culturels, qui sont au coeur de notre relation.
Dans chacun de ces domaines, quelques thèmes de portée concrète s'imposent par leur caractère transversal et leur capacité à accentuer ou à accélérer les transformations sociales, à associer aussi, et de manière plus citoyenne, la population au mouvement de réformes. J'ai noté :
- la décentralisation et l'accompagnement de la réforme du code de la famille et du code du travail ;
- la politique de la ville, qui est un sujet qui m'intéresse beaucoup et personnellement depuis longtemps comme thème fédérateur des principaux aspects de la politique de proximité dont vous avez fait une priorité ;
- la formation professionnelle continue des hommes, des femmes, des jeunes, à travers notamment les transferts d'ingénierie, formation dont les effets sont décisifs pour transformer l'économie, y compris dans le monde rural ;
- les échanges culturels franco-marocains, au service aujourd'hui d'une politique marocaine décentralisée de la culture, vers les régions, au plus près possible des citoyens.
Dans les perspectives tracées par le Comité de pilotage, je n'oublie pas le co-développement et la coopération tripartite avec l'Afrique. Hier soir, nous parlions avec le ministre de l'Agriculture de cette initiative originale et que je suivrai également en matière agricole entre le Sénégal, le Maroc et la France. Le co-développement est un message fort adressé aux communautés expatriées que vous avez citées - et vous avez parlé d'élites à juste titre, Monsieur le Ministre, tout à l'heure - pour qu'elles gardent un lien chaleureux et généreux envers leur pays d'origine. Cette coopération tripartite en Afrique nous associe entre pays amis, au nom d'une solidarité commune.
Vous savez, j'ai eu l'honneur de présider dans une autre époque, pendant 17 ans, une collectivité territoriale française, avec beaucoup de neige, comme il y en a aussi dans votre pays, ici ou là. Donc, je ne veux pas oublier de mentionner un chapitre sur lequel vous avez travaillé et qui m'intéresse aussi : celui de la coopération décentralisée. Mme Brisepierre comme M. Poniatowski peuvent témoigner en tant que parlementaires, de la vivacité, de l'attention que les collectivités locales françaises portent à cette coopération. Je me suis enquis de la multitude de ces coopérations : Strasbourg et Fès, Marseille et Marrakech, Bordeaux et Casablanca, Nîmes et Meknès ; mais aussi des départements comme la Seine Saint-Denis avec la région de l'Oriental ou la région Provence-Alpes-Côte d'Azur avec la région de Tanger. Je ne cite que quelques exemples parmi beaucoup d'autres.
Je crois, Mesdames et Messieurs, beaucoup à cette coopération décentralisée démultipliant, relayant, décentralisant la volonté politique des États qui coopèrent entre eux, et peut-être de manière encore plus proche et plus suivie. Et donc je soutiendrai, à la tête du Quai d'Orsay, cette coopération, naturellement, et d'abord vers et avec le Maroc.
Concentration des efforts, choix des projets qui sont au coeur des transformations actuelles, mobilisation large des acteurs y compris au-delà de nos frontières, voilà les principes que nous souhaitons affirmer aujourd'hui.
Et, si vous le permettez, voyons plus loin encore, et replaçons ce partenariat entre le Maroc et la France dans un cadre et dans une perspective qui sont ceux de nos régions : l'Europe et la rive Sud de la Méditerranée, le Maghreb, et dans le cadre euro-méditerranéen qui nous a réunis assez souvent depuis les deux mois passés où je me trouve à la tête de la diplomatie française - aussi bien Monsieur le ministre Benaïssa à Dublin l'autre jour que Tayeb El Fassi-Fihri à Bruxelles, nous nous sommes retrouvés plusieurs fois. J'ai pu voir et mesurer votre détermination, à prendre votre part activement, de manière déterminée et convaincante en tant que ministres marocains, l'un et l'autre, à ce dialogue euro-méditerranéen. C'est le cadre naturel de notre vision pour l'avenir. Notre travail commun, notre proximité politique s'inscrivent en effet dans cette solidarité plus vaste entre les deux rives. La coopération franco-marocaine doit être un exemple pour cette solidarité en devenir un modèle. Et c'est là tout le sens de ce partenariat de référence, expression que je fais mienne et qui caractérise si bien la relation franco-marocaine.
Les critiques, quelques fois justifiées : lenteur, complexité, bureaucratie, formulées à l'encontre du processus euro-méditerranéen et que nous devons prendre en compte pour le corriger, n'enlèvent rien à sa nécessité et à sa pertinence. Dans un contexte difficile pour toute la région, et parfois quand nous écoutons l'actualité, tragique, dans un moment où l'avenir est moins certain, où certaines forces, certains groupes cherchent à provoquer ce fameux "choc des civilisations", la démarche initiée à Barcelone il y a presque dix ans prend un relief et trouve une nécessité nouvelle. Nous l'avons dit l'un et l'autre, Monsieur le Ministre, l'autre jour à Dublin, à l'ensemble de nos collègues des deux rives, à cet ensemble de 35 pays, différents, mais qui ont tant de choses à faire ensemble, fidèles à leur héritage, soucieux de préserver leur identité, mais de travailler ensemble : c'est notre espoir commun. A travers lui, nous construisons, nous voulons construire une zone de solidarité, de stabilité, d'échange et de prospérité.
Telle est bien la visée de cette nouvelle politique de voisinage de l'Union européenne à laquelle j'ai travaillé jusqu'il y a encore deux mois avec mon collègue Chris Patten, politique de voisinage de l'Union européenne qui se décide et que la Commission européenne a proposée, et à laquelle la France souhaite que le Maroc, parce qu'il est parmi les plus qualifiés, soit partie prenante en toute priorité. Le plan d'action avec le Maroc, que nous voulons ambitieux, que nous voulons global, devra refléter nos engagements contractuels politiques, économiques et sociaux au titre de cette nouvelle politique de voisinage. Les objectifs de cette politique convergent totalement avec la demande faite par votre pays d'un ''statut avancé'' dans ses relations avec l'Union. Et nous continuerons de soutenir cette idée, cet objectif, cette exigence d'un statut avancé pour votre pays.
Au-delà des projets dans lesquels nous sommes ensemble engagés sur dons MEDA ou sur crédits de la Banque européenne d'investissements, les jumelages institutionnels proposés par la Commission pour atteindre les objectifs de cet accord d'association pourront, je le crois, constituer un cadre utile. Nos administrations y sont prêtes dans des domaines aussi divers et aussi sensibles que la gestion de l'eau ou la protection des consommateurs, et les réunions qui viennent d'avoir lieu à Rabat sur ce thème ont été positives.
De telles coopérations ont naturellement vocation à se développer à l'échelle du Maghreb. C'est cette idée que nous avons voulu promouvoir au service de la construction maghrébine, si nécessaire, en faisant adopter à Naples le concept de coopérations régionales renforcées. Le potentiel de projets communs réalisables est réel, dans l'énergie et les transports par exemple ; la Banque européenne d'investissements et la Commission sont prêtes à mobiliser des moyens, de même que les États membres, comme nous le faisons nous-mêmes pour le projet d'interconnexion électrique. Et je me souviens d'ailleurs d'une conversation sur ce sujet et de l'énergie, si je puis dire, qu'a mise pour ces projets d'interconnexion en termes d'énergie mon ancienne collègue, Mme Loyola de Palacio. La France aidera ses partenaires du Maghreb dans la poursuite de cet objectif.
Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs, notre coopération est particulière, elle est singulière, parce qu'elle est sans tabou dans l'innovation, sans réserve - je veux le dire - dans la confiance ; et je peux aussi le dire sans malentendu dans les choix. Cette coopération avait sans doute un défaut, celui d'être en quelque sorte en deçà de notre ambition politique commune. Peut-être était-ce le confort de l'habitude ?
Voilà qu'elle est refondée, rénovée, pour mobiliser de manière plus volontaire et plus efficace nos ressources, pour soutenir votre développement et le processus de réforme, dont Sa Majesté le Roi Mohamed VI a encore réaffirmé avec conviction et avec beaucoup de force la nécessité au récent Sommet arabe de Tunis, pour accompagner avec détermination cette association à l'espace européen à laquelle nous tenons autant que vous.
Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs, cette coopération sera désormais conforme à nos liens privilégiés et à cette place très particulière du Maroc, au carrefour de mondes que vous avez vocation à relier. J'ai cité le président de la République Jacques Chirac au début de mon propos. Il évoquait dans son discours de Tanger en octobre dernier "cette lumière de l'Afrique qui éclaire l'Europe" captée par Matisse dans cette ville. Encore une fois je vous dis toute ma joie de me trouver non seulement, Mesdames et Messieurs, Messieurs les Ministres, entre partenaires, mais aussi et d'abord entre amis.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2004)
(Entretien de Michel Barnier avec la télévision marocaine, à Rabat le 31 mai 2004) :
Q - Mesdames, Messieurs, bonsoir, merci de nous rejoindre. J'ai le plaisir ce soir de recevoir le ministre français des Affaires étrangères M. Barnier.
Ce fut une journée chargée, vous avez rencontré plusieurs personnalités marocaines et ce qui vous a occupé durant ces quarante huit heures, c'est en particulier la concrétisation du comité de pilotage et du partenariat d'exception entre le Maroc et la France. C'est une expression que vous appréciez beaucoup, on peut dire aujourd'hui que la France peut se permettre ce type d'initiatives bilatérales avec un pays comme le Maroc.
R - Non seulement, la France peut se le permettre mais elle doit le faire, compte tenu de ce lien très singulier, très particulier lié à l'histoire, à la culture, à la géographie, à l'économie entre nos deux pays. Pourquoi ce partenariat est-il important ? Parce qu'il veut dire partage, échange. Il y a 800.000 Marocains qui vivent en France, 30.000 Français qui vivent au Maroc. D'abord, au niveau des hommes et des femmes, ce partenariat est exceptionnel.
Tout au long de cette journée, j'ai eu plusieurs moments forts, et pas seulement la signature de cette nouvelle méthode pour rénover, pour relancer, pour faire vivre ce partenariat avec notre époque, qui est tout à fait différente d'il y a vingt ou trente ans ; il faut vivre avec son temps.
J'ai été très honoré d'être reçu par Sa Majesté le Roi Mohamed VI à Agadir, lors d'un entretien extrêmement approfondi avec lui sur ce partenariat, mais aussi sur les grands enjeux et les grandes crises qui nous entourent.
J'ai eu également un entretien très chaleureux avec le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, le ministre délégué aux Affaires étrangères et beaucoup de membres du gouvernement. Cette première visite que je faisais comme ministre des Affaires étrangères de la France, j'ai voulu la faire naturellement au Maroc : c'est ma première visite au Maroc, c'est ma première visite dans le monde arabe, c'est ma première visite au Maghreb et je voulais la faire ici.
J'en ai été très heureux, et j'emporte un sentiment de très grande fraternité, voilà, si je voulais dire un seul mot : une très grande fraternité entre nos deux pays.
Q - (Sur les conséquences de l'élargissement sur la politique européenne en faveur du Maroc)
R - L'Europe s'est élargie depuis le 1er mai, cette réunification avec l'adhésion de dix pays est effective et c'est un formidable changement de dimension et en même temps, le même projet européen qui continue. Le message que je suis venu apporter aux Marocains qui nous écoutent et aux dirigeants qui m'ont reçu, c'est le message de Jacques Chirac pour vous dire : "n'ayez pas peur de cette Europe qui se réunifie ou qui s'élargit", car c'est même plutôt une chance, y compris pour les productions marocaines, pour le savoir-faire marocain, que d'avoir à sa porte, à sa portée, un marché unique encore plus large et plus dynamique qu'il ne l'est aujourd'hui. Naturellement, il faut faire attention. Il faut donc que, dans cette Union européenne, un certain nombre de pays, la France, l'Espagne, l'Italie, le Portugal, qui ont un intérêt de proximité avec tous les pays du Sud, et notamment de la rive sud de la Méditerranée, portent un certain message d'équilibre.
Voilà pourquoi, l'autre jour en Irlande, nous avons rencontré tous les ministres des Affaires étrangères de la rive sud et devant les vingt-cinq ministres de l'Union, j'ai plaidé pour revivifier, pour relancer ce que l'on appelle le processus de Barcelone. Cela fait presque dix ans que nous avons engagé ce partenariat entre les deux rives, je pense qu'il est temps, au moment même où l'Europe s'élargit à l'Est, de le relancer ensemble avec de l'argent - il y en a -, avec un dialogue politique et dans un esprit de respect mutuel, d'écoute réciproque, de construction.
Q - (Sur l'accord commercial entre le Maroc et les États-Unis)
R - C'est la décision d'un pays souverain comme le Maroc de multiplier ses investissements, ses échanges avec d'autres pays, et donc, c'est sa liberté. Je n'ai pas à commenter cet accord commercial avec les États-Unis. J'observe simplement que 65 % des échanges du Maroc sont faits avec l'Union européenne et que, bien avant cet accord avec les États-Unis, il y a eu un accord d'association entre l'Union européenne et le Maroc pour organiser ces échanges, pour les diversifier, pour les multiplier. Je pense que cette direction-là est naturelle, c'est légitime de vouloir étendre ses échanges et ses investissements avec d'autres puissances, d'autres pays, parce que c'est le progrès et le développement du Maroc qui sont en cause. Je trouve donc cela légitime, mais naturellement, ces échanges doivent se multiplier de manière prioritaire avec l'Union européenne.
Q - (Sur le Sahara occidental)
R - Naturellement, la position de la France n'a pas changé, elle ne changera pas et vous connaissez notre position. Je crois que c'est l'intérêt de tout le monde que se fasse cette intégration de la région du Maghreb, vraiment ; pour la sécurité, pour la stabilité, pour le progrès, il faut donc sortir de la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui et c'est l'objet du travail qui se fait dans le cadre des Nations unies. Moi, je pense que les deux pays souverains que sont l'Algérie et le Maroc, qui sont deux pays amis de la France, ont des raisons de dialoguer ensemble, et lorsqu'ils le voudront, de trouver le bon mot et le chemin de ce dialogue, et bien sûr, d'avoir aussi ce dialogue dans le cadre des Nations unies, avec M. Baker.
Donc, la position de la France n'a pas changé : je pense que nous sortirons de cette situation sans imposer quoi que soit à aucune des parties, c'est très clair. Là aussi, je redis la position de la France, nous en sortirons dans le cadre des Nations unies, et par le dialogue entre le Maroc et l'Algérie.
Q - Concernant l'Irak, comment voyez-vous l'évolution de la situation et comment la France gère-t-elle ce conflit en France, avec la peur du terrorisme ?
R - La France regarde devant elle, et elle voudrait que tout le monde fasse de même. Nous ne cherchons pas à donner des leçons par rapport à ce qui s'est passé depuis un an en Irak, chacun sait quelles ont été les analyses que le président de la République française a faites, regardons devant nous ! Nous essayons d'être utiles pour sortir de cette tragédie, nous n'en sortirons que par la voie politique et, la première étape, c'est que, dans quelques jours, peut-être demain, on va proposer un gouvernement à partir des propositions de M. Brahimi. Déjà le Premier ministre a été proposé et nommé. Ce gouvernement doit être accepté par les différentes forces politiques irakiennes et par les différentes communautés, c'est la première clef, l'acceptabilité de ce nouveau gouvernement, de ce nouvel exécutif, par les Irakiens eux-mêmes.
La seconde clef, c'est que ce gouvernement irakien soit réellement souverain pour être respecté à l'intérieur. Et pour être respecté à l'extérieur, il faut qu'il soit souverain et il faut que les forces qui occupent l'Irak aujourd'hui - et cette situation doit bien cesser un jour, le plus tôt possible -, acceptent, sincèrement, clairement, la souveraineté du nouveau gouvernement irakien pour, qu'ensuite, ce gouvernement soit capable de gérer les affaires de l'Irak, toutes les affaires de l'Irak, y compris les ressources naturelles, l'économie, la justice, qu'il ait autorité sur les forces militaires irakiennes et qu'il puisse sérieusement préparer l'échéance politique du mois de janvier 2005, avec les élections.
Q - Quel est votre sentiment sur les conséquences de ces conflits qui affectent le Moyen-Orient ?
R - Nous sommes très préoccupés de toutes les conséquences directes ou indirectes de ces conflits, de cette tragédie, la source de beaucoup de ces problèmes d'instabilité. Au milieu de cette instabilité, se trouve naturellement le conflit israélo-palestinien dont il faut également sortir par la politique et en discutant, en respectant les Palestiniens. Et puis, il y a la tragédie irakienne dont j'ai parlé. Bien sûr, il y a des conséquences sérieuses, multiples, diverses qui se propagent un peu dans toutes les sociétés.
Voilà pourquoi la France continue de dire, avec le Maroc et avec d'autres pays, qu'il faut en revenir au cadre des Nations unies, à des options politiques et à la négociation.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2004)
J'aurai l'occasion, tout au long de la journée de demain, d'évoquer dans le détail les dossiers de travail et de coopération qui sont très nombreux dans tous les domaines. Vous me permettrez simplement, au moment où je foule pour la première fois, comme ministre des Affaires étrangères de la France, le sol du Maroc, de dire à quel point je suis heureux de ce premier déplacement. C'est ma première visite officielle au Maroc mais aussi dans le Maghreb et dans le monde arabe. Et c'est assez naturel que ce soit ici que j'accomplisse cette première visite, même si je dois rappeler que je suis déjà venu au Maroc comme ministre des Affaires européennes, il y a quelques années, pour de très grands projets et des questions de coopération entre le Maroc et l'Union européenne. Je suis très sincèrement heureux de cette première occasion, d'abord parce que nous avons beaucoup de choses à faire et naturellement aussi, beaucoup de raisons de prolonger et de mettre en oeuvre les décisions qui ont été prises en octobre dernier par Sa Majesté le Roi Mohamed VI et par le président de la République, Jacques Chirac.
Nous allons donc développer, mettre en oeuvre ces orientations et c'est pourquoi nous suivons aussi, à Paris, en France avec beaucoup d'attention et de solidarité l'oeuvre de modernisation, de réformes qui est engagée par le gouvernement de M. Jettou, sous l'impulsion du Roi.
Je pense que cette oeuvre de coopération, de modernisation et de réformes, ici au Maroc, peut s'appuyer et va s'appuyer sur la relance de notre coopération bilatérale, c'est aussi pourquoi je suis ici pour animer le comité de pilotage qui a beaucoup travaillé.
Je voudrais ajouter aussi que cette oeuvre de modernisation et de réformes doit pouvoir s'appuyer, à l'avenir, aussi et beaucoup, sur la relance du dialogue euro-méditerranéen.
Nous étions avec le ministre Benaïssa, il y a quelques jours en Irlande et nous avons, l'un et l'autre, dit que cette coopération, ce partenariat euroméditerranéen devait être relancé. En tout cas, moi, comme ministre français des Affaires étrangères, mais aussi comme ancien commissaire européen, j'ai beaucoup de raisons de vouloir, avec d'autres, relancer ce dialogue et la coopération des deux rives de la Méditerranée.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2004)
(Entretien de Michel Barnier avec l'agence de presse marocaine "Maghreb arabe presse", à Rabat le 30 mai 2004) :
Q - Monsieur le Ministre, quels sont les objectifs de votre première visite officielle au Maroc en tant que chef de la diplomatie française ?
R - Je souhaite, à l'occasion de ma première visite dans la région depuis ma prise de fonction, réaffirmer en priorité l'attachement de la France au partenariat qui unit nos deux pays, qui est à la fois unique et exemplaire. Je veux aussi vous dire mon attachement personnel à cette relation forte de respect, d'amitié et de solidarité. Cette visite s'inscrit dans la lignée de la visite d'État du président de la République d'octobre 2003. Elle intervient aussi entre deux rencontres franco-marocaines des chefs de gouvernement. La cinquième rencontre s'était tenue au Maroc en juillet 2003 et la prochaine devrait intervenir début juillet en France. Nos relations politiques sont confiantes et privilégiées : j'aurai à coeur de conforter et d'approfondir ce dialogue politique sur tous les sujets.
Q - Vous allez inaugurer le COPP avec votre homologue M. Benaïssa, que peut apporter ce Conseil de plus à la coopération entre la France et le Maroc ?
R - Comme vous le savez, notre coopération avec le Maroc est exceptionnellement riche et dense. Elle concerne des domaines extrêmement variés. Les deux Premiers ministres ont d'ailleurs signé le 25 juillet 2003 une nouvelle convention de coopération culturelle, scientifique et technique prévoyant la création d'un Conseil d'orientation et de Pilotage du Partenariat (COPP). Mais cette coopération se caractérisait par une multitude de comités mixtes techniques et risquait la dispersion ou l'immobilisme. L'objectif du COPP est de rationaliser et de moderniser le partenariat franco-marocain, en jouant le rôle de "pilote" permettant de définir les programmes concrets de notre coopération bilatérale pour la rendre toujours plus efficace dans le cadre des orientations fixées par les chefs d'État et les Premiers ministres. A cette fin, le COPP synthétise les activités des comités sectoriels thématiques, réduits à cinq : enseignement scolaire, université et recherche ; justice, modernisation du secteur public ; développement humain durable ; appui institutionnel aux opérateurs économiques, aux administrations financières, à l'emploi et à la formation professionnelle ; échanges culturels, jeunesse et sport, et audiovisuel.
Nous rendrons ainsi le partenariat franco-marocain plus concret, plus à l'écoute des attentes de la société marocaine. Je suis très conscient de l'enjeu politique central de notre coopération qui est de contribuer ensemble à assurer le bon développement du Maroc et à surmonter ses défis économiques et sociaux afin d'enraciner le processus de démocratisation en cours.
Q - Après l'élargissement de l'Europe, comment la France peut maintenir la priorité qu'elle veut accorder à la Méditerranée ? Et dans ce contexte, est-ce que le statut avancé que le Maroc souhaite obtenir auprès de l'Union européenne sera rapidement accordé ?
R - L'Europe élargie doit maintenir, et même renforcer, la priorité attachée aux pays de la rive Sud de la Méditerranée, c'est la conviction profonde de la France. Dans ce contexte, et concernant le Maroc, plusieurs pistes peuvent être développées par nos deux pays. La demande de "statut avancé" du Maroc dans ses relations avec l'Union européenne s'incarnera largement dans le plan d'action dans le cadre de la nouvelle politique européenne de voisinage actuellement en cours de discussion entre Rabat et Bruxelles : nous voulons lui donner un contenu global et ambitieux dans la perspective historique d'une véritable association renforcée et nous souhaitons qu'il soit conclu de manière prioritaire. Ce serait un signal très fort de soutien de l'Europe envers le Maroc dans les circonstances actuelles. Le processus de Barcelone doit également être approfondi et diversifié. La proposition française de "partenariat renforcé" avec le Maghreb a été adoptée et elle doit maintenant être mise en oeuvre sur des projets économiques communs au Maroc, à l'Algérie et à la Tunisie. Enfin, j'ai la conviction que les méthodes partenariales que nous utilisons au sein de l'Union européenne pour les fonds structurels pourraient être mises au service du développement de régions pilotes du Maghreb. Je pense par exemple aux régions du Nord du Maroc. Nous y réfléchissons.
Q - Après les attentats de Casablanca et Madrid, où en est la coopération anti-terroriste entre les deux pays ?
R - Permettez-moi d'abord de rappeler l'entière solidarité de la France avec le Maroc, durement frappé par le terrorisme le 16 mai 2003. Après les attentats de Casablanca, la France avait immédiatement réagi en dépêchant sur place, à la demande des autorités de votre pays, des spécialistes en matière de police technique et scientifique, dans les heures qui ont suivi ce drame. Depuis lors, notre coopération opérationnelle - déjà active - et judiciaire n'a fait que se renforcer. Face au défi du terrorisme international, nous devons continuer dans cette voie et toujours mieux faire. Le cadre de cette coopération, défini par l'accord de coopération bilatérale en matière de sécurité signé dès le 30 mai 2000, est en vigueur depuis le 29 avril 2001. Il porte notamment sur la coopération opérationnelle et technique en matière de terrorisme. Nous travaillons aussi de manière très étroite et prometteuse avec le Maroc en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. La qualité de nos relations, faites de confiance et de proximité, constitue un atout précieux dans ce domaine comme dans d'autres.
Q - Est-ce que la France entend agir et comment pour relancer l'intégration maghrébine et la recherche d'une solution politique à la question du Sahara ?
R - La France est convaincue qu'une solution politique réaliste et durable doit être trouvée entre les parties, dans le cadre des Nations unies et sous l'égide de M. James Baker, envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies, sans que rien ne leur soit imposé. C'est pourquoi nous nous réjouissons de la résolution 1541, adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité le 29 avril dernier et prorogeant le mandat de la MINURSO de six mois : ce délai doit être mis à profit pour poursuivre les discussions. Vous connaissez la position de la France : nous pensons que la solution d'une large autonomie du territoire doit être étudiée d'une manière imaginative et constructive par tous. Un rapprochement entre Alger et Rabat est nécessaire, à nos yeux, pour régler ce conflit qui entrave l'intégration du Maghreb et donc l'avenir des peuples de la région dans leurs relations avec l'Europe. La France continuera à plaider pour le dialogue et l'audace, dans l'intérêt de tous. Par ailleurs, nous intervenons avec détermination, en particulier au niveau européen, pour la libération immédiate et totale des prisonniers de guerre marocains détenus par le Front Polisario, sans oublier les autres questions humanitaires.
Q - Une résolution sur l'Irak est en cours de discussion aux Nations unies. Quelle en sera l'ampleur sur le transfert de souveraineté qui devrait intervenir à la date du 30 juin ? Et est-ce que les révélations sur les tortures pratiquées par les forces de coalition vont affecter ce processus ?
R - La France a clairement fait connaître ce qu'elle attend de l'échéance du 30 juin :
- Une restauration de la souveraineté irakienne réelle, et perçue comme telle par les Irakiens. Ceci implique notamment que les autorités irakiennes aient l'entière maîtrise des compétences économiques, en particulier le contrôle des ressources naturelles, judiciaires et policières et qu'elles disposent d'une capacité de décision, en matière sécuritaire, sur les activités et les initiatives de la force multinationale.
- L'ouverture de perspectives politiques claires. Il s'agit d'abord d'établir un lien clair entre les élections irakiennes de janvier 2005 et la durée du mandat de la force multinationale ; il s'agit aussi de faire en sorte que ces élections constituent une nouvelle rupture, et de prévoir la fin du processus de transition. Les Irakiens ont besoin d'un horizon politique clair, qui leur rende l'espoir.
Nous allons nous attacher à ce que la résolution en cours de discussion reflète ces préoccupations. Le texte qui nous a été présenté comporte des points positifs et d'autres sur lesquels les échanges méritent d'être poursuivis. Nous abordons ces discussions dans un esprit constructif et avec le souci de nous concerter avec tous nos partenaires, notamment européens.
S'agissant des sévices infligés à des prisonniers irakiens, ils témoignent d'une attitude déshonorante et indigne de la part de ceux qui les ont perpétrés. La France a condamné ces actes inadmissibles qui violent clairement les Conventions de Genève et qui ont provoqué une très grande émotion en Irak même, dans les pays arabes et dans le monde entier. Il est clair que le droit international continuera à s'imposer aux forces étrangères présentes en Irak après le 30 juin.
Ainsi que l'a indiqué le CICR, les responsables de tels actes doivent être traduits en justice. Je note que les autorités américaines s'emploient à faire toute la lumière sur ces agissements et à en établir les responsabilités.
Q - L'escalade de la violence par l'armée israélienne continue à Gaza. Est-ce que l'Europe peut jouer un rôle concret pour la relance de la Feuille de route ?
R - Les pays de l'Union européenne siégeant actuellement au Conseil de sécurité ont voté ensemble, le 19 mai dernier, la résolution 1544 qui condamne les exactions commises au cours des derniers jours et les opérations israéliennes menées dans la bande de Gaza, notamment les pertes civiles et les destructions de maisons. En tant que premier partenaire commercial d'Israël et premier donateur à l'Autorité palestinienne, l'Union européenne a un rôle particulier à jouer au Proche-Orient et notamment au sein du Quartet. L'Union européenne est attachée à la sécurité d'Israël comme à la création d'un État palestinien viable. Elle demeure mobilisée au service d'une paix négociée, juste et durable fondée sur le droit international. La Feuille de route reste le meilleur moyen d'y parvenir. Tous nos efforts doivent tendre vers l'application de ce plan de sortie de crise, que l'Union européenne a contribué à concevoir. L'Union a estimé que le plan de désengagement unilatéral de M. Sharon pouvait être un pas positif si plusieurs conditions étaient bien respectées. Il faut en effet que le retrait israélien s'inscrive dans le cadre de la Feuille de route, et constitue une étape dans un règlement du conflit fondé sur l'existence de deux États. Ce retrait ne doit pas davantage entraîner de déplacements des colonies de peuplement vers la Cisjordanie : il faut enfin qu'il s'effectue en concertation avec l'Autorité palestinienne.
Je veux ici réaffirmer que la France est prête à prendre toute sa part dans cet effort collectif. Plus que jamais, il faut redoubler d'efforts pour que la paix et la justice s'imposent enfin au Proche-Orient.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2004)
(Déclaration de Michel Barnier devant le Conseil d'orientation et de pilotage du partenariat franco-marocain, à Rabat le 31 mai 2004) :
Merci Monsieur le Ministre.
Vous parliez de binôme tout à l'heure en saluant les tandems qui ont travaillé main dans la main, Marocains et Français ; je suis très impressionné par le fait que c'est davantage qu'un binôme qui se trouve à cette tribune, puisqu'il y a quatre membres du gouvernement marocain et un seul membre du gouvernement français. Je vais essayer de faire face, avec toute mon énergie et mon enthousiasme, et naturellement vous dire, Monsieur le Ministre, Madame la Sénatrice, Monsieur le Député, Messieurs les Ambassadeurs et les Directeurs généraux, Messieurs les Présidents des comités sectoriels et thématiques, Mesdames et Messieurs, chers amis, à quel point j'ai été touché, Monsieur le Ministre, par l'accueil très chaleureux que vous m'avez réservé depuis hier, non seulement en mon nom, mais aussi au nom de toute ma délégation. Je pense en particulier à Madame la Sénatrice Brisepierre et Monsieur le Député Poniatowski qui m'ont fait l'amitié de m'accompagner pour consolider encore les liens affectifs, comme vous l'avez dit, mais aussi politiques entre nos deux pays, ainsi qu'à toute l'équipe du Quai d'Orsay qui m'entoure.
C'est une circonstance à la fois faite de tradition et de novation dans laquelle nous nous retrouvons à l'instant, dans cette très belle salle de votre ministère. Tout à l'heure je regardais cette salle en me disant que j'aimerais bien en avoir une comme celle-ci au Quai d'Orsay. C'est un lieu de travail exceptionnel. Pour marquer cette tradition qui est très ancienne entre ministres marocains et français, nous nous rencontrons souvent, nous réinventons sans cesse cet héritage de notre histoire commune et de notre amitié comme l'a dit Jacques Chirac en octobre dernier, en célébrant "cette amitié intangible" et je le cite : "entre nos deux pays, rien ne sera banal, rien ne sera circonstanciel. Jamais".
Tradition, mais aussi novation ou innovation. C'est naturellement pour moi l'occasion de le souligner puisque c'est ma première visite officielle comme ministre des Affaires étrangères au Maroc, mais aussi au Maghreb et dans le monde arabe. Et encore une fois, je l'ai dit en arrivant hier, je pense qu'il était naturel que ce soit ici que se déroule cette première visite.
Je pense aussi qu'on peut parler de novation pour la relation franco-marocaine dans la manière de travailler à partir de maintenant. Et c'est pourquoi cette installation du Conseil d'Orientation et de Pilotage du Partenariat est un moment important que nous lançons au niveau des ministres et de toutes nos équipes parce qu'il s'agit d'une étape majeure dans le développement de notre relation. Cette instance que vous constituez, que nous constituons, doit en effet synthétiser, orienter les grandes priorités de notre coopération et les traduire au-delà des mots, au-delà des voeux, au-delà des intentions, dans des programmes opérationnels. Il faudra donc, j'aime bien dire cela et surtout le faire, attacher autant d'importance à l'effet de suivi qu'à l'effet d'annonce. Telle est la principale novation de la convention de coopération signée par le Premier ministre Driss Jettou et Jean-Pierre Raffarin en juillet dernier. Le rendez-vous d'aujourd'hui est donc un moment important pour la France, pour le Maroc, dans ce processus de rénovation de notre coopération. Je pense aussi pouvoir rappeler après vous, Monsieur le Ministre, que nous mettons en oeuvre le souhait de Sa Majesté le Roi Mohammed VI lorsqu'il est venu pour sa visite d'État à Paris en mars 2000.
La France souhaite le succès des réformes dans lesquelles, sous l'impulsion de Sa Majesté, votre gouvernement et le Maroc tout entier se sont engagés. Nous soutenons, de tout coeur, solidairement, amicalement, cet effort. Nous entendons bien, selon le voeu de votre gouvernement être, et j'aime bien ce mot, les "accompagnateurs" fidèles, efficaces, de ce mouvement. D'abord parce que le Maroc constitue pour nous un partenaire privilégié dans cette région du monde. Votre engagement dans le partenariat euro-méditerranéen est également le nôtre. Mais ensuite, parce que nous sommes liés à votre pays de mille manières, par l'amitié avant tout, mais aussi par des liens économiques, des flux d'investissement et un courant d'échanges humains tout à fait exceptionnels.
Ensemble, nous sommes attachés à rénover le cadre et les instruments de cette coopération. De telle sorte que sans perdre sa force, ni son âme, cette coopération vit aussi avec son temps qui est un temps aujourd'hui différent de ce qu'il était hier, comme le monde ou la société qui nous entoure est différente. La tenue même de ce Conseil d'orientation et de pilotage illustre les évolutions accomplies et qui touchent les procédures et l'élargissement de ce travail à de nouveaux acteurs. Nous allons soutenir des projets plus concentrés. Vous avez, dans votre allocution, parlé de "point d'impact" tout à l'heure dans le partenariat et le développement de votre pays. Nous allons soutenir un partenariat qui mobilisera tous ceux et toutes celles qui croient en un Maroc de mieux en mieux associé à l'espace européen.
Et ainsi sur la base des travaux tout à fait concrets, constructifs, remarquables, menés la semaine dernière par les comités sectoriels thématiques - et je voudrais en cet instant remercier les présidents, les membres de ces comités que vous êtes et d'autres encore qui ne sont peut-être pas là - le Conseil d'orientation et de pilotage de ce partenariat doit procéder à une sorte de mise en perspective opérationnelle, je l'ai déjà dit, et politique. Les Premiers ministres, je l'ai rappelé, en avaient fixé les orientations en juillet 2003 : modernisation de l'économie, proximité sociale, mobilisation de tous les acteurs de ce partenariat. Ces orientations répondent aux priorités du Maroc. Et notre souhait le plus cher est que cette coopération opérationnelle, je le dis une troisième fois, ciblée, vous permettent de réussir votre ambitieux et nécessaire programme de réformes.
J'observe, Messieurs les Ministres, que les axes de notre coopération, tels qu'ils ont été traités par les Comités sectoriels et thématiques, correspondent bien aux priorités de votre pays, à vos priorités, dans cet effort de modernisation : réforme du système éducatif ; gouvernance et décentralisation ; développement durable et réduction des inégalités ; développement et modernisation du secteur privé ; et naturellement les échanges culturels, qui sont au coeur de notre relation.
Dans chacun de ces domaines, quelques thèmes de portée concrète s'imposent par leur caractère transversal et leur capacité à accentuer ou à accélérer les transformations sociales, à associer aussi, et de manière plus citoyenne, la population au mouvement de réformes. J'ai noté :
- la décentralisation et l'accompagnement de la réforme du code de la famille et du code du travail ;
- la politique de la ville, qui est un sujet qui m'intéresse beaucoup et personnellement depuis longtemps comme thème fédérateur des principaux aspects de la politique de proximité dont vous avez fait une priorité ;
- la formation professionnelle continue des hommes, des femmes, des jeunes, à travers notamment les transferts d'ingénierie, formation dont les effets sont décisifs pour transformer l'économie, y compris dans le monde rural ;
- les échanges culturels franco-marocains, au service aujourd'hui d'une politique marocaine décentralisée de la culture, vers les régions, au plus près possible des citoyens.
Dans les perspectives tracées par le Comité de pilotage, je n'oublie pas le co-développement et la coopération tripartite avec l'Afrique. Hier soir, nous parlions avec le ministre de l'Agriculture de cette initiative originale et que je suivrai également en matière agricole entre le Sénégal, le Maroc et la France. Le co-développement est un message fort adressé aux communautés expatriées que vous avez citées - et vous avez parlé d'élites à juste titre, Monsieur le Ministre, tout à l'heure - pour qu'elles gardent un lien chaleureux et généreux envers leur pays d'origine. Cette coopération tripartite en Afrique nous associe entre pays amis, au nom d'une solidarité commune.
Vous savez, j'ai eu l'honneur de présider dans une autre époque, pendant 17 ans, une collectivité territoriale française, avec beaucoup de neige, comme il y en a aussi dans votre pays, ici ou là. Donc, je ne veux pas oublier de mentionner un chapitre sur lequel vous avez travaillé et qui m'intéresse aussi : celui de la coopération décentralisée. Mme Brisepierre comme M. Poniatowski peuvent témoigner en tant que parlementaires, de la vivacité, de l'attention que les collectivités locales françaises portent à cette coopération. Je me suis enquis de la multitude de ces coopérations : Strasbourg et Fès, Marseille et Marrakech, Bordeaux et Casablanca, Nîmes et Meknès ; mais aussi des départements comme la Seine Saint-Denis avec la région de l'Oriental ou la région Provence-Alpes-Côte d'Azur avec la région de Tanger. Je ne cite que quelques exemples parmi beaucoup d'autres.
Je crois, Mesdames et Messieurs, beaucoup à cette coopération décentralisée démultipliant, relayant, décentralisant la volonté politique des États qui coopèrent entre eux, et peut-être de manière encore plus proche et plus suivie. Et donc je soutiendrai, à la tête du Quai d'Orsay, cette coopération, naturellement, et d'abord vers et avec le Maroc.
Concentration des efforts, choix des projets qui sont au coeur des transformations actuelles, mobilisation large des acteurs y compris au-delà de nos frontières, voilà les principes que nous souhaitons affirmer aujourd'hui.
Et, si vous le permettez, voyons plus loin encore, et replaçons ce partenariat entre le Maroc et la France dans un cadre et dans une perspective qui sont ceux de nos régions : l'Europe et la rive Sud de la Méditerranée, le Maghreb, et dans le cadre euro-méditerranéen qui nous a réunis assez souvent depuis les deux mois passés où je me trouve à la tête de la diplomatie française - aussi bien Monsieur le ministre Benaïssa à Dublin l'autre jour que Tayeb El Fassi-Fihri à Bruxelles, nous nous sommes retrouvés plusieurs fois. J'ai pu voir et mesurer votre détermination, à prendre votre part activement, de manière déterminée et convaincante en tant que ministres marocains, l'un et l'autre, à ce dialogue euro-méditerranéen. C'est le cadre naturel de notre vision pour l'avenir. Notre travail commun, notre proximité politique s'inscrivent en effet dans cette solidarité plus vaste entre les deux rives. La coopération franco-marocaine doit être un exemple pour cette solidarité en devenir un modèle. Et c'est là tout le sens de ce partenariat de référence, expression que je fais mienne et qui caractérise si bien la relation franco-marocaine.
Les critiques, quelques fois justifiées : lenteur, complexité, bureaucratie, formulées à l'encontre du processus euro-méditerranéen et que nous devons prendre en compte pour le corriger, n'enlèvent rien à sa nécessité et à sa pertinence. Dans un contexte difficile pour toute la région, et parfois quand nous écoutons l'actualité, tragique, dans un moment où l'avenir est moins certain, où certaines forces, certains groupes cherchent à provoquer ce fameux "choc des civilisations", la démarche initiée à Barcelone il y a presque dix ans prend un relief et trouve une nécessité nouvelle. Nous l'avons dit l'un et l'autre, Monsieur le Ministre, l'autre jour à Dublin, à l'ensemble de nos collègues des deux rives, à cet ensemble de 35 pays, différents, mais qui ont tant de choses à faire ensemble, fidèles à leur héritage, soucieux de préserver leur identité, mais de travailler ensemble : c'est notre espoir commun. A travers lui, nous construisons, nous voulons construire une zone de solidarité, de stabilité, d'échange et de prospérité.
Telle est bien la visée de cette nouvelle politique de voisinage de l'Union européenne à laquelle j'ai travaillé jusqu'il y a encore deux mois avec mon collègue Chris Patten, politique de voisinage de l'Union européenne qui se décide et que la Commission européenne a proposée, et à laquelle la France souhaite que le Maroc, parce qu'il est parmi les plus qualifiés, soit partie prenante en toute priorité. Le plan d'action avec le Maroc, que nous voulons ambitieux, que nous voulons global, devra refléter nos engagements contractuels politiques, économiques et sociaux au titre de cette nouvelle politique de voisinage. Les objectifs de cette politique convergent totalement avec la demande faite par votre pays d'un ''statut avancé'' dans ses relations avec l'Union. Et nous continuerons de soutenir cette idée, cet objectif, cette exigence d'un statut avancé pour votre pays.
Au-delà des projets dans lesquels nous sommes ensemble engagés sur dons MEDA ou sur crédits de la Banque européenne d'investissements, les jumelages institutionnels proposés par la Commission pour atteindre les objectifs de cet accord d'association pourront, je le crois, constituer un cadre utile. Nos administrations y sont prêtes dans des domaines aussi divers et aussi sensibles que la gestion de l'eau ou la protection des consommateurs, et les réunions qui viennent d'avoir lieu à Rabat sur ce thème ont été positives.
De telles coopérations ont naturellement vocation à se développer à l'échelle du Maghreb. C'est cette idée que nous avons voulu promouvoir au service de la construction maghrébine, si nécessaire, en faisant adopter à Naples le concept de coopérations régionales renforcées. Le potentiel de projets communs réalisables est réel, dans l'énergie et les transports par exemple ; la Banque européenne d'investissements et la Commission sont prêtes à mobiliser des moyens, de même que les États membres, comme nous le faisons nous-mêmes pour le projet d'interconnexion électrique. Et je me souviens d'ailleurs d'une conversation sur ce sujet et de l'énergie, si je puis dire, qu'a mise pour ces projets d'interconnexion en termes d'énergie mon ancienne collègue, Mme Loyola de Palacio. La France aidera ses partenaires du Maghreb dans la poursuite de cet objectif.
Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs, notre coopération est particulière, elle est singulière, parce qu'elle est sans tabou dans l'innovation, sans réserve - je veux le dire - dans la confiance ; et je peux aussi le dire sans malentendu dans les choix. Cette coopération avait sans doute un défaut, celui d'être en quelque sorte en deçà de notre ambition politique commune. Peut-être était-ce le confort de l'habitude ?
Voilà qu'elle est refondée, rénovée, pour mobiliser de manière plus volontaire et plus efficace nos ressources, pour soutenir votre développement et le processus de réforme, dont Sa Majesté le Roi Mohamed VI a encore réaffirmé avec conviction et avec beaucoup de force la nécessité au récent Sommet arabe de Tunis, pour accompagner avec détermination cette association à l'espace européen à laquelle nous tenons autant que vous.
Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs, cette coopération sera désormais conforme à nos liens privilégiés et à cette place très particulière du Maroc, au carrefour de mondes que vous avez vocation à relier. J'ai cité le président de la République Jacques Chirac au début de mon propos. Il évoquait dans son discours de Tanger en octobre dernier "cette lumière de l'Afrique qui éclaire l'Europe" captée par Matisse dans cette ville. Encore une fois je vous dis toute ma joie de me trouver non seulement, Mesdames et Messieurs, Messieurs les Ministres, entre partenaires, mais aussi et d'abord entre amis.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2004)
(Entretien de Michel Barnier avec la télévision marocaine, à Rabat le 31 mai 2004) :
Q - Mesdames, Messieurs, bonsoir, merci de nous rejoindre. J'ai le plaisir ce soir de recevoir le ministre français des Affaires étrangères M. Barnier.
Ce fut une journée chargée, vous avez rencontré plusieurs personnalités marocaines et ce qui vous a occupé durant ces quarante huit heures, c'est en particulier la concrétisation du comité de pilotage et du partenariat d'exception entre le Maroc et la France. C'est une expression que vous appréciez beaucoup, on peut dire aujourd'hui que la France peut se permettre ce type d'initiatives bilatérales avec un pays comme le Maroc.
R - Non seulement, la France peut se le permettre mais elle doit le faire, compte tenu de ce lien très singulier, très particulier lié à l'histoire, à la culture, à la géographie, à l'économie entre nos deux pays. Pourquoi ce partenariat est-il important ? Parce qu'il veut dire partage, échange. Il y a 800.000 Marocains qui vivent en France, 30.000 Français qui vivent au Maroc. D'abord, au niveau des hommes et des femmes, ce partenariat est exceptionnel.
Tout au long de cette journée, j'ai eu plusieurs moments forts, et pas seulement la signature de cette nouvelle méthode pour rénover, pour relancer, pour faire vivre ce partenariat avec notre époque, qui est tout à fait différente d'il y a vingt ou trente ans ; il faut vivre avec son temps.
J'ai été très honoré d'être reçu par Sa Majesté le Roi Mohamed VI à Agadir, lors d'un entretien extrêmement approfondi avec lui sur ce partenariat, mais aussi sur les grands enjeux et les grandes crises qui nous entourent.
J'ai eu également un entretien très chaleureux avec le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, le ministre délégué aux Affaires étrangères et beaucoup de membres du gouvernement. Cette première visite que je faisais comme ministre des Affaires étrangères de la France, j'ai voulu la faire naturellement au Maroc : c'est ma première visite au Maroc, c'est ma première visite dans le monde arabe, c'est ma première visite au Maghreb et je voulais la faire ici.
J'en ai été très heureux, et j'emporte un sentiment de très grande fraternité, voilà, si je voulais dire un seul mot : une très grande fraternité entre nos deux pays.
Q - (Sur les conséquences de l'élargissement sur la politique européenne en faveur du Maroc)
R - L'Europe s'est élargie depuis le 1er mai, cette réunification avec l'adhésion de dix pays est effective et c'est un formidable changement de dimension et en même temps, le même projet européen qui continue. Le message que je suis venu apporter aux Marocains qui nous écoutent et aux dirigeants qui m'ont reçu, c'est le message de Jacques Chirac pour vous dire : "n'ayez pas peur de cette Europe qui se réunifie ou qui s'élargit", car c'est même plutôt une chance, y compris pour les productions marocaines, pour le savoir-faire marocain, que d'avoir à sa porte, à sa portée, un marché unique encore plus large et plus dynamique qu'il ne l'est aujourd'hui. Naturellement, il faut faire attention. Il faut donc que, dans cette Union européenne, un certain nombre de pays, la France, l'Espagne, l'Italie, le Portugal, qui ont un intérêt de proximité avec tous les pays du Sud, et notamment de la rive sud de la Méditerranée, portent un certain message d'équilibre.
Voilà pourquoi, l'autre jour en Irlande, nous avons rencontré tous les ministres des Affaires étrangères de la rive sud et devant les vingt-cinq ministres de l'Union, j'ai plaidé pour revivifier, pour relancer ce que l'on appelle le processus de Barcelone. Cela fait presque dix ans que nous avons engagé ce partenariat entre les deux rives, je pense qu'il est temps, au moment même où l'Europe s'élargit à l'Est, de le relancer ensemble avec de l'argent - il y en a -, avec un dialogue politique et dans un esprit de respect mutuel, d'écoute réciproque, de construction.
Q - (Sur l'accord commercial entre le Maroc et les États-Unis)
R - C'est la décision d'un pays souverain comme le Maroc de multiplier ses investissements, ses échanges avec d'autres pays, et donc, c'est sa liberté. Je n'ai pas à commenter cet accord commercial avec les États-Unis. J'observe simplement que 65 % des échanges du Maroc sont faits avec l'Union européenne et que, bien avant cet accord avec les États-Unis, il y a eu un accord d'association entre l'Union européenne et le Maroc pour organiser ces échanges, pour les diversifier, pour les multiplier. Je pense que cette direction-là est naturelle, c'est légitime de vouloir étendre ses échanges et ses investissements avec d'autres puissances, d'autres pays, parce que c'est le progrès et le développement du Maroc qui sont en cause. Je trouve donc cela légitime, mais naturellement, ces échanges doivent se multiplier de manière prioritaire avec l'Union européenne.
Q - (Sur le Sahara occidental)
R - Naturellement, la position de la France n'a pas changé, elle ne changera pas et vous connaissez notre position. Je crois que c'est l'intérêt de tout le monde que se fasse cette intégration de la région du Maghreb, vraiment ; pour la sécurité, pour la stabilité, pour le progrès, il faut donc sortir de la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui et c'est l'objet du travail qui se fait dans le cadre des Nations unies. Moi, je pense que les deux pays souverains que sont l'Algérie et le Maroc, qui sont deux pays amis de la France, ont des raisons de dialoguer ensemble, et lorsqu'ils le voudront, de trouver le bon mot et le chemin de ce dialogue, et bien sûr, d'avoir aussi ce dialogue dans le cadre des Nations unies, avec M. Baker.
Donc, la position de la France n'a pas changé : je pense que nous sortirons de cette situation sans imposer quoi que soit à aucune des parties, c'est très clair. Là aussi, je redis la position de la France, nous en sortirons dans le cadre des Nations unies, et par le dialogue entre le Maroc et l'Algérie.
Q - Concernant l'Irak, comment voyez-vous l'évolution de la situation et comment la France gère-t-elle ce conflit en France, avec la peur du terrorisme ?
R - La France regarde devant elle, et elle voudrait que tout le monde fasse de même. Nous ne cherchons pas à donner des leçons par rapport à ce qui s'est passé depuis un an en Irak, chacun sait quelles ont été les analyses que le président de la République française a faites, regardons devant nous ! Nous essayons d'être utiles pour sortir de cette tragédie, nous n'en sortirons que par la voie politique et, la première étape, c'est que, dans quelques jours, peut-être demain, on va proposer un gouvernement à partir des propositions de M. Brahimi. Déjà le Premier ministre a été proposé et nommé. Ce gouvernement doit être accepté par les différentes forces politiques irakiennes et par les différentes communautés, c'est la première clef, l'acceptabilité de ce nouveau gouvernement, de ce nouvel exécutif, par les Irakiens eux-mêmes.
La seconde clef, c'est que ce gouvernement irakien soit réellement souverain pour être respecté à l'intérieur. Et pour être respecté à l'extérieur, il faut qu'il soit souverain et il faut que les forces qui occupent l'Irak aujourd'hui - et cette situation doit bien cesser un jour, le plus tôt possible -, acceptent, sincèrement, clairement, la souveraineté du nouveau gouvernement irakien pour, qu'ensuite, ce gouvernement soit capable de gérer les affaires de l'Irak, toutes les affaires de l'Irak, y compris les ressources naturelles, l'économie, la justice, qu'il ait autorité sur les forces militaires irakiennes et qu'il puisse sérieusement préparer l'échéance politique du mois de janvier 2005, avec les élections.
Q - Quel est votre sentiment sur les conséquences de ces conflits qui affectent le Moyen-Orient ?
R - Nous sommes très préoccupés de toutes les conséquences directes ou indirectes de ces conflits, de cette tragédie, la source de beaucoup de ces problèmes d'instabilité. Au milieu de cette instabilité, se trouve naturellement le conflit israélo-palestinien dont il faut également sortir par la politique et en discutant, en respectant les Palestiniens. Et puis, il y a la tragédie irakienne dont j'ai parlé. Bien sûr, il y a des conséquences sérieuses, multiples, diverses qui se propagent un peu dans toutes les sociétés.
Voilà pourquoi la France continue de dire, avec le Maroc et avec d'autres pays, qu'il faut en revenir au cadre des Nations unies, à des options politiques et à la négociation.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2004)