Déclaration de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur la politique gouvernementale et les préocupations des Français et plus particulièrement l'emploi, la hausse du coût de la vie, la dégradation des services publics, l'affaiblissement de la protection sociale, la fiscalite injuste, la décentralisation, Lorient le 1er octobre 2004.

Prononcé le 1er octobre 2004

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Circonstance : Journées parlementaires du PS à Lorient le 1er octobre 2004

Texte intégral

Chers Collègues, Chers Camarades,
Je veux saluer Norbert METAIRIE pour l'accueil qu'il nous a réservé à Lorient, ville à laquelle tant de souvenirs m'attachent, et dont Jean-Yves LE DRIAN fut longtemps le témoin avant qu'il ne devienne le Président de Région le mieux élu de France Et la compétition était rude (à gauche). Il a atteint un résultat historique.
Je veux aussi saluer Claude ESTIER qui part sans nous quitter, car il reste parmi nous, militant exemplaire d'un Parti socialiste qu'il a créé à Epinay et qu'il n'a cessé de servir inlassablement.
Jean-Pierre BEL lui succède à la tête d'un groupe renforcé encore par le dernier scrutin ; il contribuera sûrement au rajeunissement de l'institution, mais ne nous exonèrera pas de son indispensable réforme. Comment admettre que, dans une démocratie, une assemblée ne puisse jamais connaître l'alternance et que la droite y soit pour toujours majoritaire en vertu d'un mode de scrutin conçu dans cette seule finalité ? Ce changement nécessaire du Sénat s'inscrira dans le projet plus vaste d'une réforme de nos institutions. Nous en reprenons ici l'engagement.
Je remercie Bernard POIGNANT, nouveau Président de la délégation socialiste française au Parlement européen, de nous avoir ramené à une actualité européenne qui ne se résume pas au seul Traité constitutionnel et qui appellera une articulation plus grande entre Parlement national et Parlement européen. Les ordres du jour sont maintenant souvent les mêmes. Ils peuvent même parfois se confondre.
Enfin, je fais confiance à Jean-Marc pour mobiliser l'ensemble de notre groupe de l'Assemblée nationale autour des sujets -et ils seront nombreux- de l'actuelle session, au-delà des réponses différentes que nous pouvons apporter à telle ou telle question.
Nous sommes, en effet, tous conscients de nos responsabilités.
Nos journées parlementaires se tiennent au lendemain de quatre scrutins victorieux. Nous avons, en quelques mois, gagné successivement les Régionales, les Cantonales, les Européennes, les Sénatoriales.
Si la droite refuse obstinément d'en mesurer les conséquences, nous devons, nous, en tirer toutes les leçons utiles pour nos choix présents et futurs. Il n'y a pas que les échecs qui méritent une analyse, mais aussi les victoires. Nous n'avons pas été les bénéficiaires passifs du rejet de la droite ou le passage obligé du mécontentement populaire. Il aurait pris d'autres formes, se reporter ailleurs ou se réfugier dans l'abstention ou le fatalisme.
Nous avons construit nos succès autour d'une stratégie fondée sur :
L'unité, sans laquelle il n'y a pas de rassemblement possible de la gauche ;
La crédibilité, sans laquelle aucun projet ne peut emporter durablement l'adhésion ;
L'identité, sans laquelle les électeurs ne peuvent trouver leurs repères et leurs références. Et l'on sait, d'expérience, ce qu'il peut en coûter.
Bref, nous avons su démontrer notre utilité. Il nous revient de prolonger cette relation dans une période qui, au moins jusqu'en 2007, sera sans rendez-vous électoral majeur.
C'est un risque. Un risque de démobilisation civique. La droite peut jouer du découragement et de l'abattement pour passer en force sur certains sujets au risque de la provocation. Elle l'a d'ailleurs fait sur l'assurance maladie ou sur la décentralisation ; elle pourrait être tentée de le faire, par exemple sur le service minimum. Je mets d'ailleurs en garde le gouvernement contre toute législation sur le droit de grève dans le secteur public. Ce serait l'assurance d'un conflit long et imprévisible, et qui mettrait les Français dans une situation impossible. Car au fond, c'est de la remise en cause du droit de grève dont il est question. Le risque, c'est aussi de voir la gauche retrouver ses vieux démons. Celui de la culture protestataire ou de la surenchère. Les extrêmes peuvent prospérer en silence et souterrainement pour resurgir le jour venu.
Voilà pourquoi notre vigilance et notre esprit de responsabilité ne doivent pas être pris en défaut.
Nos journées parlementaires sont tournées autour des préoccupations des Français. Elles sont nombreuses en cette rentrée :
1/- Et d'abord, celle de l'emploi :
Malgré la reprise de la croissance, le taux de chômage atteint 10 % de la population active avec une nouvelle hausse de 0,5 % en août, l'économie française a détruit depuis 18 mois davantage d'emplois qu'elle n'en a créés ; le nombre de Rmistes a augmenté de 10 %, et le chômage de longue durée s'est aggravé avec la diminution des emplois aidés (dont les échecs du RMA et du CIVIS sont une illustration pitoyable) : à peine mille pour le premier, quelques dizaines pour le second. Nous avons une croissance sans emploi dont le seul effet est, pour le moment, la progression des bénéfices et des gains de productivité.
À cet échec d'une politique économique s'ajoute une offensive patronale qui accroît encore l'inquiétude. L'acharnement contre les 35 heures, la campagne systématique menée sur le coût du travail, ont autorisé un véritable chantage à l'emploi qui conduit -dans certaines entreprises- à demander aux salariés eux-mêmes de renoncer à leurs droits considérés comme autant d'avantages indus ou de contraintes exorbitantes. Pour garder son emploi, il faut désormais consentir soi-même à en alléger le prix ou le fardeau.
La peur légitime des délocalisations devient le prétexte à de nouvelles surenchères. Les délocalisations sont un fait, même s'il n'est pas nouveau et s'il ne se réduit pas à quelques indicateurs statistiques. Un fait qui n'est pas européen, mais mondial ; un fait qui touche des industries, mais aussi désormais des services. Un fait qui concerne toutes les zones, mais atteint d'abord les territoires les plus fragiles. Un fait qui n'explique pas à lui seul le chômage, ou alors comment comprendre qu'il soit plus faible ailleurs que chez nous. Un fait qui s'ajoute à la désindustrialisation, mais ne se confond pas avec elle. Aux mutations sectorielles - comme l'économie en a toujours connues - s'ajoute désormais la mobilité des capitaux et du travail, facilitée par les technologies de l'information.
Mais, en grossissant délibérément la menace, en pointant la cause sur les seuls éléments sociaux ou fiscaux, en donnant mauvaise conscience aux salariés, le gouvernement tente d'exonérer sa responsabilité et de faire oublier son inertie ou ses choix, car la lutte contre les délocalisations ne passe pas par l'alignement fiscal ou social. C'est une politique de formation, d'innovation, de Recherche Par cette ambiance d'instabilité et de précarité et par la vacuité de ses réponses, le gouvernement crée ainsi les conditions d'une détérioration de la confiance, d'un doute sur l'avenir et altère la poursuite de la croissance.
2/- La hausse du coût de la vie est un autre facteur d'inquiétude :
Il y a d'abord la hausse du prix des carburants : 10 centimes d'euros au cours du dernier trimestre, et sa répercussion sur les ménages (essence, chauffage), comme sur les entreprises (l'industrie et les transports sont particulièrement touchés). Le gouvernement a pris la très grave responsabilité non seulement de laisser l'industrie pétrolière multiplier ses profits, mais il a pris lui-même sa rente au passage (1,5 milliards d'euros en 2004). Avec un baril à 50 dollars le baril, c'est un nouveau contexte macro-économique qui se fait jour, loin des prévisions de la loi de finances (36 dollars le baril, 1,7 % d'inflation, 2,5 % de croissance).
Pour des raisons d'équité fiscale, mais aussi de préservation du pouvoir d'achat des ménages, les socialistes demandent donc le rétablissement de la TIPP flottante. Le gouvernement s'y refuse. Il faut donc en faire -au cours de la discussion budgétaire- un sujet de mobilisation dans l'opinion publique et au Parlement.
Mais, le retour de l'inflation ne s'arrête pas aux facteurs internationaux. Il est le reflet de profonds déséquilibres intérieurs. Celui du marché immobilier, à travers la hausse des loyers ; celui de la distribution, avec les marges des grandes surfaces ; celui des banques, à travers les commissions et pénalités qui sont devenues une part significative de leurs profits. Le gouvernement, comme souvent, a répondu par des artifices : un accord avec les grandes surfaces payé cash par des autorisations de créations ou d'extensions, mais qui se sont traduites par de vastes opérations commerciales sans baisse réelle des prix ; des annonces ronflantes sur le contrôle des marges (surtout cet été au cours de la tournée des plages du Ministre de l'économie), mais sans la moindre traduction effective. Raffarin, Sarkozy, c'est le gouvernement des mots celui qui ne tient pas parole.
Je réitère la demande formulée au nom du groupe par Jean-Mars AYRAULT et Henri EMMANUELLI d'une commission d'enquête sur la distribution, et plus largement sur la transparence, des marges.
3/- L'inquiétude, c'est aussi la dégradation des services publics :
La suppression de moitié des bureaux de poste -malgré les formules utilisées pour en masquer l'impact, la privatisation d'EDF prévue pour 2005 -malgré les engagements pris, la suppression de 5 000 postes d'enseignants -malgré la promesse d'une loi d'orientation Mais, c'est précisément l'orientation qui est mauvaise !
4/- L'inquiétude, c'est enfin l'affaiblissement de la protection sociale :
Aussi bien pour l'accès aux prestations à travers une médecine à plusieurs vitesses, que le plafonnement des pensions de reversions qui n'est pas un décret préparé par un fonctionnaire anonyme qui se serait trompé, mais l'application de la loi elle-même votée en 2003 par la majorité UMP-UDF; l'inquiétude, c'est aussi l'ampleur des déficits (Sécurité Sociale comme UNEDIC) qui prépare de nouveaux ajustements à la baisse des droits et des prestations. Il faut suspendre la loi et non retirer le décret.
Le pouvoir est aujourd'hui incapable de répondre au malaise qu'il a lui-même créé.
Le Chef de l'Etat est absent, comme détaché de l'état du pays. Il fait le " partageux " à New York avec le Président Lula en promettant des impôts mondiaux et le " silencieux " à Paris sur les cadeaux fiscaux que son gouvernement distribue à ses clientèles. L'irresponsabilité finit par créer l'indifférence ; l'indifférence aux problèmes du pays ; l'indifférence au mouvement d'opinion, aux élections, à l'impopularité.
Celle de son Premier ministre est à son comble et son autorité au plancher. Son seul objectif n'est plus de gouverner mais de durer. Il prend son élection au Sénat comme un message des Français. Que n'a-t-il pris le risque de se soumettre directement à leur jugement. Chacun l'aura compris : Jean-Pierre Raffarin est en sursis.
L'année dernière, il annonçait un agenda pour 2006 ; cette année, il présente un contrat pour 2005. Il aura donc du mal à terminer 2004.
Sa présence à Matignon n'atteint pas seulement le moral des siens -ce qui ne serait pas si grave- mais celui du pays. Ce qui a d'autres conséquences.
Nicolas Sarkozy, loin de renforcer son camp, en marque la fêlure. L'UMP créée pour le Président en place est désormais au service de son rival. Et la majorité ne sait plus si elle doit être fidèle au passé ou s'abandonner à ce qu'elle devine être son avenir. C'est le présent qui s'en trouve de toute façon sacrifié.
Dans l'attente, le verrouillage s'organise : nominations à tous les emplois de l'Etat et le contrôle des directions de toutes les entreprises publiques, le reclassement honorifique des recalés du suffrage universel au Conseil Economique et Social, le contrôle des Parquets. Et plus grave encore, le pluralisme de la presse est menacé par le poids exorbitant pris par certains groupes dont l'un vit non seulement des commandes de l'Etat, mais a pour président un tout nouveau sénateur UMP dont la désignation s'est faite sous la pression de l'Etat pour services rendus ou à rendre.
Dans ce contexte fait d'inquiétudes des Français et de faiblesse du pouvoir, notre responsabilité est donc immense :
Nous représentons ici la force parlementaire de l'opposition. C'est une fonction éminente dans une démocratie. Il nous revient d'exprimer bien plus que l'exaspération des Français, ou leur refus, mais surtout leurs attentes et leurs demandes : empêcher autant qu'il sera possible l'inacceptable, proposer autant que nécessaire le possible.
Trois sujets majeurs doivent nous mobiliser :
1/- Le Budget :
Celui qui a été préparé par Nicolas SARKOZY et qui sera exécuté par un autre (c'est le 3ème ministre en un an) est marqué du sceau de l'injustice et de l'imprévoyance.
a) Injustice : dès lors que des cadeaux sont prévus pour quelques-uns et des impôts en plus pour tous. Franchise d'impôts pour 20 % des successions, déductions fiscales pour 5 % des ménages pour les emplois à domicile, hausse de la CSG sur tous les revenus dès le 1er janvier. Et que dire de la volonté de porter atteinte à l'impôt sur les grandes fortunes.
b) Imprévoyance : quand les budgets de l'emploi, de l'aménagement du territoire, de l'écologie, de la jeunesse et de la cohésion sociale sont à la baisse, quand la Recherche est faussement dotée par des ressources extra budgétaires et que sa progression réelle ne comble pas les réductions de crédits cumulées de 2003 et de 2004 ; quand la diminution des déficits publics est obtenue par un tour de passe-passe, lié au versement d'une soulte d'EDF-GDF vers le régime de retraite, ce qui renvoie sur les générations futures le financement des retraites.
Double conséquence : la consommation sera pénalisée et la charge de l'investissement sera supportée par les collectivités locales, à tout le moins aux plus riches d'entre elles.
Nous faisons donc cinq propositions :
- La majoration des aides au logement et de l'allocation de rentrée scolaire
- La mise à niveau du budget de la Recherche qui doit atteindre 1 milliard d'euros par an, promis pour relancer la recherche dans notre pays.
- La ré-affectation des 5 000 emplois supprimés dans l'Education nationale, dans les ZEP et les quartiers difficiles
- La suppression de toutes les niches fiscales créées depuis 2002 et toutes les baisses d'impôts pour les plus favorisés.
- Et, bien sûr, le rétablissement de la TIPP flottante
Nos propositions ne sont pas virtuelles. À côté de nous, en Europe, un gouvernement vient de présenter son premier budget : une augmentation de 25 % de la Recherche, de 8 % de l'Education, de 10 % des grandes infrastructures et de 32 % des crédits en faveur du logement, sans remettre en cause le niveau des déficits. C'est le gouvernement socialiste espagnol de Zapatero ; c'est un budget d'avenir. Ce pourrait être aussi le nôtre.
2/- L'Emploi
Le gouvernement a abandonné toute politique volontariste. Ayant fait le choix d'une politique fondée sur le seul allègement des cotisations sociales sans contrepartie, il est obligé de constater -aujourd'hui- que cela ne marche pas et que cela coûte cher (17 milliards d'euros). Il redécouvre donc, avec le plan BORLOO, le thème de la fracture sociale (10 ans après la découverte du concept) et le traitement social du chômage. Celui-la même qu'il s'est acharné à tailler méthodiquement en pièces depuis 2002.
Quant au plan anti-délocalisation de Nicolas SARKOZY, derrière une forme ronflante, c'est le fond de tiroir des propositions de Bercy qui a été raclé : le développement des pôles de compétitivité pour 30 millions d'euros -cela paiera à peine les plaquettes de présentation ; la baisse de la Taxe professionnelle (1 000 euros par an et par salarié) ou la promesse de crédit d'impôt paraissent dérisoire si le motif de la délocalisation est fondé sur l'écart de fiscalité et inutile si l'on sait -comme le confirme le Conseil des impôts- que la fiscalité n'est qu'un facteur marginal des choix d'implantations des entreprises par rapport à la qualité des infrastructures, à la formation de la main d'uvre ou à la conquête de nouveaux marchés. Nicolas SARKOZY a fini par en faire l'aveu avec cette formule pleine de lucidité : " si cela marche tant mieux ; si cela ne marche pas tant pis. Cela n'aura pas coûté beaucoup ". Avec un tel pari, encore heureux qu'il n'y ait pas investi davantage.
Face au risque d'une croissance émoussée et pauvre en emploi, nous proposons une politique offensive, comparable à celle que nous avions mise en place de 1997 à 2002 et qui avait permis à l'économie française de créer 2 millions d'emplois :
- Soutien à la consommation par le doublement de la Prime Pour l'Emploi (PPE)
- Contrat de formation professionnelle pour les jeunes de moins de 25 ans débouchant sur un diplôme qualifiant
- Changement du mode de calcul des cotisations sociales : prise en compte de la valeur ajoutée et d'un bonus-malus lié à l'effort d'emploi des jeunes et des seniors.
- Création d'un contrat d'insertion unique, au lieu des 7 contrats aidés du plan Borloo, sur une durée de trois ans ; lié à un parcours de formation, il serait concentré sur le seul secteur non marchand et financé au moins à 50 % par l'Etat.
- Quant au renforcement de notre appareil productif, il passe par l'augmentation significative des crédits d'impôt pour l'innovation et la Recherche et l'action conjointe de l'Etat et des Régions (sur la formation, les aides à l'emploi et à l'investissement) pour ré-industrialiser des sites prioritaires. Mais cette coopération entre les collectivités locales et l'Etat est aux antipodes de la conception de la décentralisation voulue par le gouvernement.
3/- La décentralisation
Elle est aujourd'hui une défausse, une revanche, voire une punition.
La défausse, c'est celle qui consiste à transférer sur le local ce que l'Etat ne peut ou ne veut plus assumer : le social, les infrastructures et même la présence des services publics.
La revanche, c'est de priver les collectivités locales des ressources nécessaires pour faire face à ces nouvelles missions et de leur confier la responsabilité d'impôts (notamment TIPP) dont elles n'auront ni la maîtrise des taux ni celle de leur assiette.
La punition, c'est celle des électeurs en provoquant une hausse de la fiscalité locale, sorte d'impôt Raffarin, mais dont les présidents de Région devront prendre l'initiative.
Les rapports entre l'Etat et les collectivités sont à l'image des relations entre le gouvernement et les Français. La confiance s'est perdue. Et, il en ressort une perte considérable d'efficacité de l'action publique.
Nous demandons donc à l'Etat un triple engagement :
Audit de tous les transferts de compétences et des ressources correspondantes. Cette évaluation doit précéder toute charge nouvelle. Ainsi, pour les personnels TOS, les Conseils généraux et régionaux ne conventionneront que s'ils ont cette garantie ;
Pacte de croissance des ressources des collectivités locales qui doivent être toutes assurées d'une progression minimale et la péréquation entre collectivités ne peut s'opérer au détriment des dotations forfaitaires, comme l'envisage le gouvernement ;
Respect des contrats de plan et des contrats de ville. Les montants comme les calendriers doivent être sanctuarisés sinon l'Etat fera ses ajustements budgétaires au détriment de ses engagements envers les collectivités locales.
C'est à ces conditions qu'un partenariat est possible. Et nous y sommes prêts sur une grande cause nationale : le logement. Le plan Borloo fixe un objectif de 100 000 logements sociaux par an (50 000 seront atteints au mieux cette année et à peine plus l'année prochaine. Mettons au défi le gouvernement. Proposons un contrat entre Etat, organismes constructeurs et collectivités), avec une action commune sur le foncier, les crédits publics, le financement des organismes, la mixité sociale.
Nous sommes disponibles. Car la question du logement et de l'habitat est devenue une préoccupation majeure sur notre territoire. Des jeunes ne peuvent plus se loger ; des familles ne trouvent plus un logement social ; des ménages -même aisés- ne peuvent plus accéder à la propriété. Cette priorité doit être d'ailleurs largement prise en compte par notre projet.
Notre projet constitue, en effet, la prochaine étape de notre reconquête. Je le conçois à la fois comme l'affirmation d'une ambition collective et l'instrument, le moteur même de la confiance qui doit se porter sur nous ; Pas seulement pour gagner, le moment venu, mais pour gouverner durablement le pays.
En termes de méthode, le projet doit être organisé comme une campagne électorale. Elle durera 500 jours. Elle impliquera les élus -sans lesquels il n'y a pas de dynamique possible, la commission du projet permet ce lien entre le Parti et les groupes parlementaires. Elle associera nos adhérents par leur vote. Elle sera un exemple de démocratie participative à travers un dialogue avec les Français et les forces vives.
Sur le contenu, notre projet ne peut se réduire à un retour, à une suite d'abrogations des lois votées par la droite, à la clôture d'une parenthèse, comme si les problèmes étaient restés les mêmes qu'en 2002 et nos solutions aussi. C'est une perspective longue qu'il faut ouvrir c'est la société que nous voulons dans les 10 ans qui viennent qu'il faut bâtir. Ce sont les défis d'aujourd'hui qu'il faut relever :
L'égalité : face à la montée des peurs, à la fragmentation sociale, à l'éclatement des solidarités, la cohésion suppose plus que des mesures d'urgence, aussi nécessaires soient elles. Elle exige l'ouverture de voies nouvelles vers l'accomplissement personnel, l'égalité des droits, des chances, des territoires, dans l'accès aux services, à la santé
La citoyenneté : la dislocation du lien civique, la montée du communautarisme, l'individualisme sont le produit du libéralisme. Il peut donc s'en accommoder. Pas les socialistes pour qui la République et la démocratie sont plus qu'un cadre ou une règle, mais les fondements de notre projet : la réforme des institutions est essentielle comme la démocratie sociale et territoriale. C'est même une condition de notre réussite.
La maîtrise de notre destin : La gauche, ce n'est pas simplement plus de solidarité et de droits. C'est une volonté de dominer l'immédiateté du marché et sa prétention à gouverner l'ensemble des rapports humains. C'est pourquoi, notre démarche est fondée sur la préparation de l'avenir : Education, Recherche, Ecologie, Culture, infrastructures. C'est ce qui justifie le rôle de l'Etat et des acteurs publics. C'est ce qui légitime le service public et les principes de son organisation. C'est là que nous pouvons agir collectivement et montrer que le marché ne décide pas de tout.
Mais, maîtriser notre destin, c'est fixer notre rapport au monde, à l'Europe et à la Nation. La mondialisation, avec ses déséquilibres, ses désordres mais aussi avec ses nouveaux acteurs, appelle des formes de régulation à grande échelle. Et la France doit en porter les principes moins par des incantations que par des initiatives concrètes. Elle n'y parviendra pas seule. Elle doit nouer des alliances en Europe - c'est l'évidence- mais aussi avec les puissances émergentes (Asie, Amérique latine, Afrique). Là aussi, des compromis doivent être noués. Sinon, nous n'aurons bientôt que des adversaires et des concurrents.
Mais, nous devons aussi être clairs sur ce qui relève de notre propre responsabilité nationale et sur la réalité de nos marges de manoeuvre. Ne faisons pas comme si les contraintes n'existaient pas ou si des protections ou des verrous pouvaient être posés devant chaque menace. Le prétendre nous coûterait cher dès notre retour au pouvoir. Mais, ne faisons pas comme si nous ne pouvions plus décider de rien : l'Education, l'emploi, la protection sociale, la configuration de nos territoires, la redistribution des richesses, fiscalité, l'équilibre des pouvoirs. Bref, la façon de vivre ensemble dépend d'abord de nous. Et occulter cette capacité d'agir coûterait cher à la politique et à la gauche.
C'est à partir de cette double exigence de volonté et de crédibilité que s'introduit notre rapport à l'Europe. L'Europe est notre bien commun, nous l'investissons légitimement de ce rôle de maîtrise de la mondialisation. Et c'est notre demande d'une Europe puissance. L'Europe, nous la mettons en cause lorsqu'elle se confond avec le marché et perd son message politique. Et l'Europe à 25 porte cette ambiguïté. Elle est un continent enfin uni, mais elle n'est pas encore la force qui nous serait tant utile pour peser sur le destin du monde.
Nous savons bien qu'il faudra revenir à une avant-garde. Mais, elle ne sera possible que si les 25 ont un cadre institutionnel. Le pire service que nous pouvons rendre à l'Europe, c'est d'en faire le bouc émissaire de nos propres insuffisances, de nos erreurs ou de notre manque de courage à affronter nos propres réalités. Le meilleur service que nous pouvons offrir à l'Europe, c'est de débattre de son avenir.
C'est ce que nous avons fait hier. Je veux saluer la qualité des arguments, sans doute contradictoires, qui ont été échangés. Cela n'a sans doute pas fait bouger les lignes, mais donner à réfléchir. Et je veux ici non pas reprendre ma position -elle est connue- mais définir l'approche qui doit être la nôtre collectivement.
Le débat qui nous anime est nécessaire. En effet, le Parti socialiste a une position à prendre sur le Traité constitutionnel. Elle doit être arrêtée avant la révision de la Constitution, révision préalable à la ratification du Traité, dont la phase parlementaire va s'ouvrir en mars prochain.
Nul n'aurait compris que l'on attende le référendum de 2005 pour se prononcer sur un texte qui sera officiellement signé dans à peine un mois. D'où d'ailleurs des appréciations divergentes en notre sein.
Le débat que nous ouvrons est conforme à notre conception de la démocratie. D'abord, parce que nous respectons un engagement de Congrès ; mais ce n'est pas l'essentiel. Ensuite, parce que nous demandons, en responsabilité et en conscience, à nos adhérents de se prononcer plutôt que de trancher cette question à quelques voix dans un Conseil national ou de laisser notre Parti se séparer au moment du référendum, comme le RPR au moment de Maastricht. Certains, à droite, font mine de s'en étonner. Mais, le plus étonnant est que nous soyons la seule formation politique à le faire en France, alors que nous savons que le débat traverse l'ensemble des grands partis.
Notre débat sur le Traité constitutionnel est décisif. Il ne s'agit pas en effet de régler un point de doctrine ou un aspect de notre projet, puisque chacun sait la position que le PS -première force politique du pays- adoptera déterminera largement le vote des Français sur le référendum.
C'est dire l'importance de notre rôle, mais aussi l'exemplarité des conditions de notre débat. Comme Premier secrétaire, je dois y veiller particulièrement. Respect des textes, le Traité sera adressé à tous les adhérents dans les prochains jours. Respect de la procédure, nous la fixerons lors de notre Conseil national du 9 octobre, avec un calendrier permettant la confrontation des arguments. Respect des positions, dès lors que les socialistes sont européens et s'interrogent sur la voie la meilleure pour atteindre leur idéal. Respect de la décision qui sera prise par le Parti socialiste et qui nous engagera tous.
CONCLUSION
LES SOCIALISTES dans leur histoire tantôt chaotique tantôt brillante, ont toujours eu à gérer leur diversité. Chaque fois qu'elle s'est déployée sans limites et sans règle, elle nous a submergés. Mais, chaque fois qu'elle s'est mise au service de l'unité, elle a été une chance pour le Parti socialiste.
L'unité, c'est notre bien le plus précieux, c'est notre Talisman commun, c'est notre devoir à tous. Et le mien encore davantage.
Les Français ont, aujourd'hui, besoin de nous. Aussi important soit notre débat européen, et il l'est, ils attendent des socialistes un soutien, des réponses, un espoir.
C'est maintenant que nous préparons le rendez-vous majeur de 2007. Il ne sera pas le produit d'une circonstance ou le couronnement heureux d'une désignation, et même d'un rejet, mais le fruit d'un travail collectif. Nous avons franchi des étapes importantes. D'autres sont devant nous. Les haies ne sont pas moins hautes : saurons-nous être une opposition utile aux Français ? Bâtirons-nous un projet audacieux et crédible ? Parviendrons-nous à faire de nos débats une chance et non un risque ? Arriverons-nous à rassembler la gauche, puis à convaincre ?
De toutes ces réponses dépend notre succès. Mais, j'ai confiance car je sais que nous sommes tous conscients des enjeux et que nos électeurs nous demandent d'abord d'être là, ensemble, pour être prêts, le moment venu, à servir notre pays et notre idéal commun.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 4 octobre 2004)