Texte intégral
Q - Je dirais qu'on attendait la Constitution et ce sera la TVA, c'est à peu près cela. On a appris, de manière un peu fortuite, que Bruxelles refusait l'abaissement du taux de TVA de la restauration de 19,5 à 5 %, ce qui a provoqué un véritable émoi, hier. Après le Premier ministre, c'est le ministre des Finances qui a demandé l'inscription du problème à l'ordre du jour en marge du Conseil européen. L'Italie, qui préside le Conseil européen, a dit "non, non, il n'en est pas question". Vous, vous parlez "d'approfondissement". Peut-on vraiment faire le "forcing" ?
R - Ce n'est pas Bruxelles, au sens de la Commission de Bruxelles, ce sont les Etats qui ont le dossier en main et qui ont donc la solution. Vous savez qu'en matière fiscale, encore aujourd'hui, les Quinze ont à décider à l'unanimité. Il faut donc convaincre l'ensemble de nos partenaires. Nous avons jusqu'ici obtenu l'accord de la Commission qui propose elle-même aux Etats cette baisse de TVA...
Q - Elle l'a proposée celle-là ?
R - Elle l'a proposée. La Commission adhère totalement à la thèse française. Mais les négociations se poursuivent avec les Etats et nous pensons bien que, progressivement, nous parviendrons à lever l'obstacle. En tous les cas, il nous reste, à nous Français, à continuer à faire campagne.
Q - Mais quand vous dites "progressivement", c'est quand même un peu curieux quand on connaît la nature des relations franco-allemandes que, sur ce point précis, elles achoppent.
R - Non. Il y a des dossiers ponctuels ou catégoriels, sur lesquels nous n'avons pas exactement les mêmes positions. Vous citez le cas de la TVA. Il y a aussi celui des brevets. Le brevet est très important, pour valoriser la recherche en Europe. Or, nous n'avons pas non plus exactement la même position sur ce dossier particulier.
Q - Ca sensibilise moins de monde même si c'est très important...
R - C'est vrai.
Q - Le président de la République et le chancelier Schroeder se voient à peu près une fois par mois. Malgré cela, on n'arrive pas à aplanir les différends, ou ce différend précis qui est important quand même ?
R - C'est un sujet très précis. Les Allemands craignent la contagion, c'est-à-dire d'avoir à baisser, chez eux, pour leurs restaurateurs, le taux de TVA, et d'avoir ainsi moins de rentrées fiscales. Ils ont calculé que, pour 2005, ils avaient besoin de ces rentrées fiscales. Nous sommes donc en négociation. Mais c'est ça l'Europe.
Q - Et nous, on n'en a pas besoin ? Parce qu'il y a aussi ceux qui disent : ça arrange bien le gouvernement français, parce que cela fait des rentrées fiscales en plus.
R - Non, cela ne nous arrange pas. D'abord, comme l'a montré la baisse du taux de TVA dans le secteur du bâtiment, nous pensons que cette baisse du taux de TVA nous permettra de créer de l'emploi. Nous avons créé 40 000 emplois dans le secteur du bâtiment, grâce aux dérogations que nous avons obtenues et qui sont prorogées pour les deux années à venir. Nous pensons pouvoir faire de même dans le domaine de la restauration. Ensuite, la restauration est, pour nous, purement et simplement identitaire. C'est un secteur que nous voulons valoriser. Et la gastronomie française et sa promotion valent bien de faire les efforts que nous voulons consentir.
Q - Il faut en convaincre les Allemands.
R - Il faut en convaincre les Allemands et d'autres partenaires.
Q - Quels sont les arguments qui vont peser pour l'emporter finalement, parce que c'est urgent maintenant ?
R - Les arguments qui vont l'emporter, c'est que, nous avons fait des calculs, et que nous pensons que cela va créer de l'emploi. Nous avons par ailleurs obtenu, de façon tout à fait inédite, l'engagement formel de l'ensemble de la profession de la restauration de faire un effort sur les prix, pour répercuter sur le consommateur cette baisse fiscale. La profession s'engage également à s'orienter vers un système de formation des jeunes qui serait beaucoup plus perfectionné qu'aujourd'hui.
Q - Comment allez-vous obtenir l'inscription de ce projet à l'ordre du jour de Bruxelles ? Est-ce possible finalement ou n'est-ce pas de la gesticulation ?
R - Cela n'est pas de la gesticulation, parce que nous sommes des gens sérieux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la Commission, finalement, s'est ralliée à la thèse de la France. Nous continuons à négocier, mais c'est cela Bruxelles.
Q - On en parlera vraiment ce week-end à Bruxelles ?
R - Le Premier ministre et le ministre des Finances ont déjà mis le sujet sur la table. Je dois dire que nous sommes d'autant plus à l'aise que nous avons proposé que toutes les décisions européennes en matière fiscale soient prises, à l'avenir, non plus à l'unanimité, comme c'est le cas aujourd'hui et ce qui est source de blocage, mais à la majorité qualifiée. C'est un bon exemple, qui va dans le sens...
Q - Le grand sujet qui était à l'ordre du jour de Bruxelles, c'est l'adoption du projet de Constitution préparé par la Convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing, mais qui a déjà été bien modifié par la Conférence intergouvernementale.
R - Dans l'ensemble, nous pensons aujourd'hui que l'équilibre est maintenu. Ce que nous voulons éviter à tout prix, c'est que cette Constitution, qui doit permettre à l'Europe de faire un pas en avant, soit l'occasion d'un recul. Or, nous ne voulons pas, notamment dans les domaines qui vont faire l'objet de décisions à la majorité au lieu de l'unanimité, de recul. C'est un point fort de la position française. Pour le reste, nous souhaitons évidemment que le plein succès de la CIG succède au plein succès de la Convention.
Q - Qui ne le souhaiterait pas ! Mais il y a quand même de gros points de blocage : le nombre de commissaires, cela ça peut peut-être se régler, mais la pondération des voix, qui est un sujet difficile, là, il y a de vrais blocages de la part de l'Espagne et de la Pologne.
R - Pour l'instant, les Etats campent sur leur position, c'est vrai. Mais c'est la règle du genre avant la fin de négociations. Attendons de voir la teneur des débats à Bruxelles, à partir de demain et après demain. Ce qui est sûr, c'est qu'aucun Etat ne peut prendre la responsabilité d'un échec. Nous avons suscité des attentes dans la population. Je parcours la France pour parler de la future Constitution et de l'élargissement de l'Europe, et je peux vous assurer que, notamment les jeunes attendent de savoir à quelle sauce l'Europe va pouvoir être "accommodée". Ils attendent cette Constitution.
Q - Donc, quand on dit : mieux vaut pas de Constitution plutôt qu'un mauvais compromis, ce sont des phrases ?
R - Ce ne sont pas des phrases, c'est une indication de l'engagement de la France pour que l'Europe à 25 fonctionne. Nous voulons éviter les blocages. Vous avez vu, à travers l'exemple de la TVA restauration, que ces blocages ne sont pas une hypothèse d'école. Si à chaque fois qu'il y a à prendre des décisions ensemble, nous sommes bloqués, nous ne pouvons pas avancer, parce qu'un système de majorité ne serait pas suffisamment opérationnel, à terme, c'est l'idée européenne qui s'en trouvera minée. Et cela nous ne le voulons pas.
Q - Justement, il y a ceux qui parlent d'implosion de l'Europe et puis il y a aussi les gens qui disent : "finalement, il y a déjà une solution de rechange qui est prête", on ferait une grande Europe, un peu vague, et puis, au centre de tout cela, un noyau dur composé de pays fondateurs, et peut-être de l'Angleterre qui s'y ajouterait.
R - Il ne s'agit pas, au moment où nous unifions le continent, de réduire l'Europe comme une peau de chagrin, que ce soit dans le champ de ses compétences, ou du point de vue des pays faisant partie de cette grande famille. Il ne faut pas oublier que le président de la République a été l'un des premiers à vouloir cet élargissement ample, à vouloir accueillir sans tarder, les pays qui étaient auparavant séparés de nous par le mur de Berlin. C'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui. Il s'agit de définir les conditions dans lesquelles nous allons accueillir ces nouveaux partenaires, dans une famille élargie, et une famille qui doit s'entendre.
Q - Que dites-vous aux pêcheurs qui bloquent les ports aujourd'hui, parce que, justement, contre la décision européenne ?
R - Je leur dis que nous les soutenons. Nous ne pouvons pas accepter un plan de réduction de la ressource de la pêche qui mette en péril une activité essentielle. Cette activité qui a pour partie un caractère artisanal, nous devons la soutenir en modernisant les bateaux et en permettant aux marins-pêcheurs de faire leur métier convenablement.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 décembre 2003)
R - Ce n'est pas Bruxelles, au sens de la Commission de Bruxelles, ce sont les Etats qui ont le dossier en main et qui ont donc la solution. Vous savez qu'en matière fiscale, encore aujourd'hui, les Quinze ont à décider à l'unanimité. Il faut donc convaincre l'ensemble de nos partenaires. Nous avons jusqu'ici obtenu l'accord de la Commission qui propose elle-même aux Etats cette baisse de TVA...
Q - Elle l'a proposée celle-là ?
R - Elle l'a proposée. La Commission adhère totalement à la thèse française. Mais les négociations se poursuivent avec les Etats et nous pensons bien que, progressivement, nous parviendrons à lever l'obstacle. En tous les cas, il nous reste, à nous Français, à continuer à faire campagne.
Q - Mais quand vous dites "progressivement", c'est quand même un peu curieux quand on connaît la nature des relations franco-allemandes que, sur ce point précis, elles achoppent.
R - Non. Il y a des dossiers ponctuels ou catégoriels, sur lesquels nous n'avons pas exactement les mêmes positions. Vous citez le cas de la TVA. Il y a aussi celui des brevets. Le brevet est très important, pour valoriser la recherche en Europe. Or, nous n'avons pas non plus exactement la même position sur ce dossier particulier.
Q - Ca sensibilise moins de monde même si c'est très important...
R - C'est vrai.
Q - Le président de la République et le chancelier Schroeder se voient à peu près une fois par mois. Malgré cela, on n'arrive pas à aplanir les différends, ou ce différend précis qui est important quand même ?
R - C'est un sujet très précis. Les Allemands craignent la contagion, c'est-à-dire d'avoir à baisser, chez eux, pour leurs restaurateurs, le taux de TVA, et d'avoir ainsi moins de rentrées fiscales. Ils ont calculé que, pour 2005, ils avaient besoin de ces rentrées fiscales. Nous sommes donc en négociation. Mais c'est ça l'Europe.
Q - Et nous, on n'en a pas besoin ? Parce qu'il y a aussi ceux qui disent : ça arrange bien le gouvernement français, parce que cela fait des rentrées fiscales en plus.
R - Non, cela ne nous arrange pas. D'abord, comme l'a montré la baisse du taux de TVA dans le secteur du bâtiment, nous pensons que cette baisse du taux de TVA nous permettra de créer de l'emploi. Nous avons créé 40 000 emplois dans le secteur du bâtiment, grâce aux dérogations que nous avons obtenues et qui sont prorogées pour les deux années à venir. Nous pensons pouvoir faire de même dans le domaine de la restauration. Ensuite, la restauration est, pour nous, purement et simplement identitaire. C'est un secteur que nous voulons valoriser. Et la gastronomie française et sa promotion valent bien de faire les efforts que nous voulons consentir.
Q - Il faut en convaincre les Allemands.
R - Il faut en convaincre les Allemands et d'autres partenaires.
Q - Quels sont les arguments qui vont peser pour l'emporter finalement, parce que c'est urgent maintenant ?
R - Les arguments qui vont l'emporter, c'est que, nous avons fait des calculs, et que nous pensons que cela va créer de l'emploi. Nous avons par ailleurs obtenu, de façon tout à fait inédite, l'engagement formel de l'ensemble de la profession de la restauration de faire un effort sur les prix, pour répercuter sur le consommateur cette baisse fiscale. La profession s'engage également à s'orienter vers un système de formation des jeunes qui serait beaucoup plus perfectionné qu'aujourd'hui.
Q - Comment allez-vous obtenir l'inscription de ce projet à l'ordre du jour de Bruxelles ? Est-ce possible finalement ou n'est-ce pas de la gesticulation ?
R - Cela n'est pas de la gesticulation, parce que nous sommes des gens sérieux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la Commission, finalement, s'est ralliée à la thèse de la France. Nous continuons à négocier, mais c'est cela Bruxelles.
Q - On en parlera vraiment ce week-end à Bruxelles ?
R - Le Premier ministre et le ministre des Finances ont déjà mis le sujet sur la table. Je dois dire que nous sommes d'autant plus à l'aise que nous avons proposé que toutes les décisions européennes en matière fiscale soient prises, à l'avenir, non plus à l'unanimité, comme c'est le cas aujourd'hui et ce qui est source de blocage, mais à la majorité qualifiée. C'est un bon exemple, qui va dans le sens...
Q - Le grand sujet qui était à l'ordre du jour de Bruxelles, c'est l'adoption du projet de Constitution préparé par la Convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing, mais qui a déjà été bien modifié par la Conférence intergouvernementale.
R - Dans l'ensemble, nous pensons aujourd'hui que l'équilibre est maintenu. Ce que nous voulons éviter à tout prix, c'est que cette Constitution, qui doit permettre à l'Europe de faire un pas en avant, soit l'occasion d'un recul. Or, nous ne voulons pas, notamment dans les domaines qui vont faire l'objet de décisions à la majorité au lieu de l'unanimité, de recul. C'est un point fort de la position française. Pour le reste, nous souhaitons évidemment que le plein succès de la CIG succède au plein succès de la Convention.
Q - Qui ne le souhaiterait pas ! Mais il y a quand même de gros points de blocage : le nombre de commissaires, cela ça peut peut-être se régler, mais la pondération des voix, qui est un sujet difficile, là, il y a de vrais blocages de la part de l'Espagne et de la Pologne.
R - Pour l'instant, les Etats campent sur leur position, c'est vrai. Mais c'est la règle du genre avant la fin de négociations. Attendons de voir la teneur des débats à Bruxelles, à partir de demain et après demain. Ce qui est sûr, c'est qu'aucun Etat ne peut prendre la responsabilité d'un échec. Nous avons suscité des attentes dans la population. Je parcours la France pour parler de la future Constitution et de l'élargissement de l'Europe, et je peux vous assurer que, notamment les jeunes attendent de savoir à quelle sauce l'Europe va pouvoir être "accommodée". Ils attendent cette Constitution.
Q - Donc, quand on dit : mieux vaut pas de Constitution plutôt qu'un mauvais compromis, ce sont des phrases ?
R - Ce ne sont pas des phrases, c'est une indication de l'engagement de la France pour que l'Europe à 25 fonctionne. Nous voulons éviter les blocages. Vous avez vu, à travers l'exemple de la TVA restauration, que ces blocages ne sont pas une hypothèse d'école. Si à chaque fois qu'il y a à prendre des décisions ensemble, nous sommes bloqués, nous ne pouvons pas avancer, parce qu'un système de majorité ne serait pas suffisamment opérationnel, à terme, c'est l'idée européenne qui s'en trouvera minée. Et cela nous ne le voulons pas.
Q - Justement, il y a ceux qui parlent d'implosion de l'Europe et puis il y a aussi les gens qui disent : "finalement, il y a déjà une solution de rechange qui est prête", on ferait une grande Europe, un peu vague, et puis, au centre de tout cela, un noyau dur composé de pays fondateurs, et peut-être de l'Angleterre qui s'y ajouterait.
R - Il ne s'agit pas, au moment où nous unifions le continent, de réduire l'Europe comme une peau de chagrin, que ce soit dans le champ de ses compétences, ou du point de vue des pays faisant partie de cette grande famille. Il ne faut pas oublier que le président de la République a été l'un des premiers à vouloir cet élargissement ample, à vouloir accueillir sans tarder, les pays qui étaient auparavant séparés de nous par le mur de Berlin. C'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui. Il s'agit de définir les conditions dans lesquelles nous allons accueillir ces nouveaux partenaires, dans une famille élargie, et une famille qui doit s'entendre.
Q - Que dites-vous aux pêcheurs qui bloquent les ports aujourd'hui, parce que, justement, contre la décision européenne ?
R - Je leur dis que nous les soutenons. Nous ne pouvons pas accepter un plan de réduction de la ressource de la pêche qui mette en péril une activité essentielle. Cette activité qui a pour partie un caractère artisanal, nous devons la soutenir en modernisant les bateaux et en permettant aux marins-pêcheurs de faire leur métier convenablement.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 décembre 2003)