Texte intégral
Le Monde : Plus de vingt mille personnes ont manifesté, samedi 16 octobre, dans les rues de Papeete, pour réclamer la dissolution de l'Assemblée de Polynésie. Qu'est-ce que cela vous a inspiré ?
Brigitte Girardin : Mon premier sentiment, c'est que la Polynésie, c'est bien la France. Ce droit fondamental qu'est la liberté de manifester y est assuré. Ma deuxième réaction a été un sentiment de soulagement : au moment de la dislocation des cortèges, il s'est avéré que les mesures de précaution qui avaient été prises par l'Etat ont été utiles, et par ailleurs, chacun a su faire preuve d'un sens aigu de ses responsabilités. Il n'y a eu ni débordements, ni provocations.
Le Monde : N'avez-vous pas aussi observé que cette manifestation révélait un rejet du système de pouvoir incarné par Gaston Flosse ?
Brigitte Girardin : Je n'ignore pas la demande actuelle d'une dissolution de l'Assemblée de Polynésie, mais le rôle de l'Etat est de veiller à la stricte application de la loi. Le statut d'autonomie de la Polynésie prévoit qu'une telle dissolution intervient en cas de blocage des institutions ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ; il ne prévoit pas qu'après le vote d'une motion de censure l'assemblée doit être dissoute.
Le Monde : Le gouvernement est-il impartial lorsqu'il sollicite, par la voix de son représentant sur place, une vice-présidente de l'Assemblée proche de M. Flosse, pour contourner une décision du président indépendantiste de cette même assemblée, alors que chacun sait bien que celui-ci , Antony Géros, n'est nullement empêché ?
Brigitte Girardin : Ce n'est pas le président, mais l'Assemblée elle-même, qui décide de son ordre du jour. D'autre part, la date du 25 octobre, choisie par M. Géros, pour élire le nouveau président de la Polynésie, dépasse le délai prévu par la loi. Pour corriger ces deux violations du statut, le haut commissaire n'a eu besoin d'aucune instruction de ma part. M. Mathieu nommé en Polynésie sous le gouvernement de M. Jospin, exerce le contrôle de légalité à la perfection et applique le statut à la lettre. A quelque niveau que ce soit, il n'y a aucune ingérence de l'Etat. Respectueux du statut d'autonomie de la Polynésie, celui-ci observe une attitude de totale neutralité et il ne fait qu'appliquer le droit.
Le Monde : Lors des élections du 23 mai, Oscar Temaru a pu bâtir une coalition majoritaire alors que son prédécesseur, M. Flosse recueillait un peu moins de 46 % des voix. N'est t-il pas fondé à dire qu' " on vole au peuple sa victoire " ?
Brigitte Girardin : La vérité est que la majorité s'est jouée à un siège. Mais quand M. Temaru, qui a obtenu 37 % des voix, fait alliance avec un ancien élu de la majorité sortante, on parle de " majorité plurielle ". Et quand M. Flosse fait alliance avec des déçus de M. Temaru, on dit que c'est du débauchage
Le Monde : Il n'y a pas de débauchage, il n'y a pas de corruption en Polynésie ?
Brigitte Girardin : S'il y a de la corruption, que la justice soit saisie !
Le Monde : La justice est un peu lente en Polynésie. Il a même fallu une année pour apprendre que M. Flosse avait été mis en examen pour " détournement de fonds publics " et " prise illégale d'intérêts " ?
Brigitte Girardin : On peut porter tous les jugements que l'on veut sur la rapidité ou sur les lenteurs de la justice. Elle est indépendante en Polynésie comme ailleurs.
Le Monde : Un ministre de l'outre-mer, quel qu'il soit, sait à peu près ce qui ce passe là-bas. Alors, l'emploi de 600 personnes relevant du cabinet du président et celui de 500 autres au titre de la sécurité vous paraissent-ils relever d'une bonne gestion ?
Brigitte Girardin : Et que faites-vous du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ? La Polynésie est un territoire qui dispose d'une large autonomie. Elle assume la gestion de son personnel. Le problème est de savoir si les gens travaillent. M. Flosse a déjà donné des éléments de réponse. Mais, encore une fois, si l'on considère qu'il y a des emplois fictifs, s'il y a des faits avérés condamnables, qu'on saisisse la justice plutôt que de propager des rumeurs dans la presse ! En tout cas, sachez qu'à 20.000 kilomètres de distance, je ne suis pas en train de monter des coups ou de manipuler qui que ce soit.
S'agissant de l'exercice de la démocratie locale en Polynésie, le gouvernement n'y participe ni de près, ni de loin.
Le Monde : La relation d'amitié entre le Président de la République et M. Flosse ne pèse donc en rien, selon vous, dans cette affaire ?
Brigitte Girardin : Ce genre d'insinuation est tout à fait déplacé. Le président de la République laisse bien évidemment le processus démocratique se dérouler normalement en Polynésie.
Le Monde : Ne craignez vous pas que la tension, perceptible, entre Paris et Papeete n'aboutisse finalement à menacer la paix civile ?
Brigitte Girardin : Ceux qui menacent le plus la paix civile sont ceux qui se placent en dehors de la loi. J'en appelle à la responsabilité de chacun. Personne ne doit jeter de l'huile sur le feu.
Propos recueillis par Jean-Louis Saux
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 25 octobre 2004)
Brigitte Girardin : Mon premier sentiment, c'est que la Polynésie, c'est bien la France. Ce droit fondamental qu'est la liberté de manifester y est assuré. Ma deuxième réaction a été un sentiment de soulagement : au moment de la dislocation des cortèges, il s'est avéré que les mesures de précaution qui avaient été prises par l'Etat ont été utiles, et par ailleurs, chacun a su faire preuve d'un sens aigu de ses responsabilités. Il n'y a eu ni débordements, ni provocations.
Le Monde : N'avez-vous pas aussi observé que cette manifestation révélait un rejet du système de pouvoir incarné par Gaston Flosse ?
Brigitte Girardin : Je n'ignore pas la demande actuelle d'une dissolution de l'Assemblée de Polynésie, mais le rôle de l'Etat est de veiller à la stricte application de la loi. Le statut d'autonomie de la Polynésie prévoit qu'une telle dissolution intervient en cas de blocage des institutions ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ; il ne prévoit pas qu'après le vote d'une motion de censure l'assemblée doit être dissoute.
Le Monde : Le gouvernement est-il impartial lorsqu'il sollicite, par la voix de son représentant sur place, une vice-présidente de l'Assemblée proche de M. Flosse, pour contourner une décision du président indépendantiste de cette même assemblée, alors que chacun sait bien que celui-ci , Antony Géros, n'est nullement empêché ?
Brigitte Girardin : Ce n'est pas le président, mais l'Assemblée elle-même, qui décide de son ordre du jour. D'autre part, la date du 25 octobre, choisie par M. Géros, pour élire le nouveau président de la Polynésie, dépasse le délai prévu par la loi. Pour corriger ces deux violations du statut, le haut commissaire n'a eu besoin d'aucune instruction de ma part. M. Mathieu nommé en Polynésie sous le gouvernement de M. Jospin, exerce le contrôle de légalité à la perfection et applique le statut à la lettre. A quelque niveau que ce soit, il n'y a aucune ingérence de l'Etat. Respectueux du statut d'autonomie de la Polynésie, celui-ci observe une attitude de totale neutralité et il ne fait qu'appliquer le droit.
Le Monde : Lors des élections du 23 mai, Oscar Temaru a pu bâtir une coalition majoritaire alors que son prédécesseur, M. Flosse recueillait un peu moins de 46 % des voix. N'est t-il pas fondé à dire qu' " on vole au peuple sa victoire " ?
Brigitte Girardin : La vérité est que la majorité s'est jouée à un siège. Mais quand M. Temaru, qui a obtenu 37 % des voix, fait alliance avec un ancien élu de la majorité sortante, on parle de " majorité plurielle ". Et quand M. Flosse fait alliance avec des déçus de M. Temaru, on dit que c'est du débauchage
Le Monde : Il n'y a pas de débauchage, il n'y a pas de corruption en Polynésie ?
Brigitte Girardin : S'il y a de la corruption, que la justice soit saisie !
Le Monde : La justice est un peu lente en Polynésie. Il a même fallu une année pour apprendre que M. Flosse avait été mis en examen pour " détournement de fonds publics " et " prise illégale d'intérêts " ?
Brigitte Girardin : On peut porter tous les jugements que l'on veut sur la rapidité ou sur les lenteurs de la justice. Elle est indépendante en Polynésie comme ailleurs.
Le Monde : Un ministre de l'outre-mer, quel qu'il soit, sait à peu près ce qui ce passe là-bas. Alors, l'emploi de 600 personnes relevant du cabinet du président et celui de 500 autres au titre de la sécurité vous paraissent-ils relever d'une bonne gestion ?
Brigitte Girardin : Et que faites-vous du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ? La Polynésie est un territoire qui dispose d'une large autonomie. Elle assume la gestion de son personnel. Le problème est de savoir si les gens travaillent. M. Flosse a déjà donné des éléments de réponse. Mais, encore une fois, si l'on considère qu'il y a des emplois fictifs, s'il y a des faits avérés condamnables, qu'on saisisse la justice plutôt que de propager des rumeurs dans la presse ! En tout cas, sachez qu'à 20.000 kilomètres de distance, je ne suis pas en train de monter des coups ou de manipuler qui que ce soit.
S'agissant de l'exercice de la démocratie locale en Polynésie, le gouvernement n'y participe ni de près, ni de loin.
Le Monde : La relation d'amitié entre le Président de la République et M. Flosse ne pèse donc en rien, selon vous, dans cette affaire ?
Brigitte Girardin : Ce genre d'insinuation est tout à fait déplacé. Le président de la République laisse bien évidemment le processus démocratique se dérouler normalement en Polynésie.
Le Monde : Ne craignez vous pas que la tension, perceptible, entre Paris et Papeete n'aboutisse finalement à menacer la paix civile ?
Brigitte Girardin : Ceux qui menacent le plus la paix civile sont ceux qui se placent en dehors de la loi. J'en appelle à la responsabilité de chacun. Personne ne doit jeter de l'huile sur le feu.
Propos recueillis par Jean-Louis Saux
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 25 octobre 2004)