Déclaration de Mme Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF, sur la nécessaire synergie des associations, syndicats et partis pour construire une alternative de gauche au libéralisme, à La Courneuve le 11 septembre 2004.

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Circonstance : Réception des associations lors de la "Fête de l'Humanité" 2004, à La courneuve (Seine-saint-Denis) le 11 septembre 2004.

Texte intégral

Je suis très heureuse de vous accueillir, ici, au nom du Parti Communiste Français, au cur de ce lieu d'échanges formidable qu'est la Fête de l'Humanité. Ce d'autant que nous fêtons cette année les cent ans de l'Humanité. Il ne vous étonnera pas que ce journal me soit précieux, et je crois qu'il l'est à beaucoup d'hommes et des femmes engagés, il l'est à notre démocratie.
Depuis plusieurs années, pendant la Fête de l'Humanité, nous avons à cur que ce moment de rencontre entre nous existe, signe de tous les possibles à bâtir ensemble, avec nos différences. Les possibles, il y en a, quelle que soit l'ampleur de l'offensive libérale dans notre pays et dans le monde. Plus. La gravité de la situation révèle et impose l'audace de bâtir l'avenir complètement différemment, sur des bases radicalement nouvelles. En ces temps difficiles, avec vous, je crois que le renoncement et la désespérance n'ont pas gagné la partie, que le capitalisme, avec ses ravages innombrables, n'est pas la fin de l'histoire. Je suis convaincue qu'il est possible, d'ouvrir un chemin pour un monde plus juste et plus beau à faire ensemble ; qu'il est possible d'entamer une aventure nouvelle à gauche pour vraiment changer la société et changer la vie. Le Parti communiste est engagé avec toute son énergie dans cette bataille pour ouvrir une alternative. Cela ne se fera pas sans notre peuple. Cela ne se fera pas sans les hommes et les femmes engagés, comme vous, sur les chantiers du monde, cela ne se fera pas sans les organisations progressistes.
En réfléchissant à ces quelques mots, les images qui me sont venues sont celles de l'actualité de notre monde : les otages (et permettez-moi ici, d'évoquer la mobilisation toujours nécessaire pour obtenir la libération de Christian Chesnot et Georges Malbruno, de leur chauffeur Mohammed Al Jundi, de Simona Perry et Simona Torreta et de tous ceux qui sont aujourd'hui victimes d'odieux chantages), les attentats, la guerre... En ce jour du 11 septembre, nous sommes nombreux à penser que ce monde, pourtant plein de potentialités, loin de travailler au " plus jamais ça ", s'enfonce dans la violence, croise la barbarie. Oui, ce monde devient fou. Mais il ne devient pas fou par hasard, il devient fou à cause de choix politiques, en Tchétchénie, en Irak, en Israël et en Palestine, à Bruxelles, à l'OMC. Le monde devient fou parce qu'un système économique, le capitalisme, le fait marcher à l'envers. Comment ne pas se sentir mal à la vue de ces images du monde, comment ne pas être révoltés !
Et comment ne pas éprouver de malaise à regarder ce qui se passe dans notre propre pays. Je vais vous épargner, ici, la litanie détaillée des coups, des affronts infligés par le gouvernement aux hommes et aux femmes de notre pays. Mais, celles et ceux que je rencontre tiennent au quotidien la liste à jour. Il s'agit d'une offensive globale. Dans ce cadre, le gouvernement agit tous azimuts. Après les retraites, cet été a vu la casse de l'assurance-maladie, la décentralisation libérale, la privatisation d'EDF et la cession des acquis de France Telecom. Cette semaine, c'est la remise en cause du droit de grève qui est à l'ordre du jour. Et déjà l'entreprise de destruction s'atèle à d'autres chantiers comme les 35 heures, le CDI. Ainsi, à cette heure, ce qui caractérise le plus cette période, c'est l'attaque en règle contre les salariés, qui sont, dois-je le rappeler, l'immense majorité des hommes et des femmes de ce pays. Je n'oublie pas comment, par son attitude, le gouvernement encourage les entreprises dans la voie d'un odieux chantage, qui vise à précariser, à exploiter, à faire pression sur les salaires, à profiter plus encore du travail pour alimenter toujours plus les portefeuilles épais du capital. Tout cela démontre tragiquement, s'il en était besoin que la société perd de vue sa raison d'être lorsque la loi de l'argent domine. Ce sentiment-là, mêlé à la résignatuion comme à l'envie de faire bouger les choses est sans doute dans les esprits à l'heure des recommencements de la rentrée.
Alors, oui, il faut rêver d'un monde où la fraternité, le partage et la solidarité tissent partout leur toile. Un monde où l'on peut manger à sa faim les aliments essentiels à la vie. Un monde où chacun, chacune est acteur de sa vie et de l'humanité toute entière. Un monde où la paix se fraye un chemin. Ces mots sont-ils de vaines espérances d'hier auxquelles nous devrions renoncer devant l'adversité ? Ces mots valent-ils le coup de mener les combats nécessaires demain ? Ou bien faut-il baisser les bras, s'atteler à rechercher le moindre mal ? Non, ces mots valent pour aujourd'hui et pour demain. Si l'espoir habite les hommes et les femmes des cités, des entreprises, alors quelle force nous aurons, ensemble, pour les mettre en actes. C'est ce combat que les communistes veulent contribuer à mener, et en cette rentrée, je peux vous dire qu'il y a de l'envie et de l'énergie chez eux.
recréer l'espoir, cela veut dire : ne pas en rabattre sur l'objectif. Mais cela veut dire aussi : ne pas se draper dans notre vertu. Nous pensons qu'il est possible de transformer la société, et nous savons que cela ne peut se faire que dans un processus de ruptures avec l'ordre existant. Il s'agit de faire reculer le gouvernement partout. Et, en même temps, de rassembler les graines qui pousseront demain sans entraves, de mettre en débat les idées pour des réformes alternatives. Il faut opposer une litanie des résistances et une litanie des projets alternatifs à cette litanie des mauvais coups, dont je parlais tout à l'heure.
La Résistance. Le mot est à l'honneur en ces temps de commémoration. Ces jours de Libération d'il y a soixante ans, je n'oublie pas qu'ils ne furent possibles que par le fait du peuple, qui prit son destin en mains. Et c'est la même raison qui permit de bâtir le socle solide de droits et de solidarités qui sont aujourd'hui déchiquetées par l'offensive libérale. La colonne vertébrale de notre action, aujourd'hui, est de permettre de nouveau à notre peuple de prendre en mains son avenir et de façonner la société au burin de ses aspirations. Nous voulons que les projets qui marqueront demain soient édifiés sur la place publique, à ciel ouvert, dans les luttes, dans la vie. C'est ce que je veux dire quand je parle d'une gauche populaire et citoyenne : une gauche qui porte l'audace de projets transformateurs, une gauche qui puise sa force dans de grandes dynamiques populaires. Il est nécessaire pour changer les rapports de force, révolutionner la gauche, transformer la société, que toutes les énergies progressistes fassent irruption, d'une manière ou d'une autre sur le terrain politique.
Les principes qui, dans notre histoire, ont régi les rapports entre la politique et le mouvement syndical et associatif, n'ont eu de cesse d'être réinterrogés. Il y a là une véritable problématique, et je ne suis pas loin de penser que si nous en trouvons la clef, les horizons ne manqueront pas de s'éclaircir.
Le mouvement syndical, dont je veux saluer ici les représentants, les militants, effectue une lutte titanesque pour le respect des salariés de ce pays, en général et en particulier. Je sais aussi la force de la réflexion collective des organisations syndicales sur les grands chantiers sociaux, comme sociétaux. Leur connaissance des contradictions, des pratiques, des besoins en fait des acteurs démocratiques majeurs.
Le mouvement associatif, ses bénévoles, ses militants, dans la diversité de leurs champs d'intervention, depuis l'éducation populaire et l'action caritative jusqu'à la défense des consommateurs, en passant par le commerce équitable, l'organisation des parents d'élèves, ou encore la lutte contre le racisme, constitue lui aussi, une somme inégalée d'engagements capables d'intervenir avec force pour changer le quotidien et penser l'avenir.
Le mouvement altermondialiste a réussi à porter le projecteur sur les structures opaques de la mondialisation capitaliste et à créer des espaces de débat par-delà les frontières qui ont changé la donne.
Les organisations politiques, quant à elles, investissent le débat public et les institutions pour effectuer des choix d'orientations dans le cadre démocratique. Parmi elles, le parti communiste se donne un objectif singulier, celui qu'à tous les niveaux prévalent des choix solidaires et justes, antilibéraux et anticapitalistes. Il le fait avec le souci de permettre à chacune et chacun de prendre sa place dans cette société, avec le souci d'une fraternité véritable.
En brossant ce tableau imparfait, je vois revenir les questions dont je parlais voici un instant : quel rapport entre ces organisations, entre mouvement social et politique. Pour moi, je le dis clairement, l'instrumentalisation, quelque forme qu'elle prenne, la volonté de disposer de courroies de transmission sont des options politiques irrespectueuses, antidémocratiques et qui conduisent à l'échec. L'anarcho-syndicalisme serait-il pour autant la solution ? Je ne le pense pas. Ce sont là les termes qui ont marqué notre histoire. J'aurais envie, aujourd'hui, de poser la question un peu autrement : comment pouvons-nous travailler, dans le respect de nos différences, et de nos responsabilités propres, pour atteindre des objectifs qui nous sont communs - au concret dans chaque domaine et qui concourent à la libération et l'émancipation humaine - et ainsi donner corps à une alternative ? Comment nos relations, notre action, notre pluralité peuvent-elles être pleinement fécondes ? Tout d'abord, il me semble nécessaire favoriser le débat public pour que les idées, les propositions, les positionnements se confrontent entre tous les acteurs. Ensuite, les hommes et les femmes que nous sommes ne se découpent pas en tranches : nos engagements sont pluriels, et je voudrais dire ici, que l'action politique a besoin d'hommes et de femmes militants, responsables, porteurs de combats dans la société, elle a besoin que les dynamismes de la société l'envahissent. Enfin, il y a besoin de mieux travailler d'organisation à organisation, comme de façon multilatérale. Le parti communiste a des propositions, les autres forces politiques, associatives et syndicales aussi. Nous avons un besoin vital d'échange et de confrontation pour que de ces propositions se dégage un projet correspondant aux attentes des hommes et des femmes et aux défis de notre temps. Ce que nous voulons, c'est bâtir une alternative, et sans cet apport, que serait-elle ? Le débat de fond qui agite notre société, la question du libéralisme, posée y compris à gauche, nécessitent, dans l'intérêt des combats de chacun, que les questions ne se posent pas en vase clos, que les débats comme les luttes puissent être décloisonnées. La décision politique, sa mise en uvre, ne peuvent se passer d'une intervention sociale et populaire.
Sans synergies, sans dynamiques populaires, le changement serait une chimère parce que le rassemblement majoritaire ne serait pas au rendez-vous. C'est pourquoi notre parti pris politique est de chercher à bâtir un projet de transformation sociale antilibéral, s'opposant aux logiques capitalistes, et de forger dans le peuple une gauche capable de le mettre en uvre. C'est pour cela que nous voulons un débat de fond à gauche, un débat populaire et citoyen. Rappelons-nous les lendemains du 21 avril, la déception, la colère, les reproches, et l'arrogance de la droite. Cela nous appelle à faire autrement. Le parti communiste a engagé ses forces depuis de longs mois dans un tel processus démocratique. C'est donc dans cet esprit que nous allons prendre l'initiative de tenir un peu partout dans notre pays des forums-programme, pour faire lever les propositions, pour confronter les solutions, pour aller de l'avant ensemble.
Les mois qui viennent seront cruciaux pour l'avenir. Là se décidera la possibilité de bâtir cette alternative de gauche. Là se décidera la possibilité de rebâtir une perspective de progrès humain, après ces cinq années sombres.
Je vous ai dit notre détermination à porter l'audace d'un futur vraiment différent, tirant les leçons des expériences passées, qui n'ont pas répondu aux attentes et aux rêves de notre peuple. Cette détermination, n'est pas une promesse pour demain, elle est une réalité qui vaut dès à présent.
La droite, dont la politique est une constante agression contre notre peuple ne changera pas de direction en changeant d'homme, nous le savons. Le feuilleton ridicule que l'on nous a servi durant tout l'été sur le choix cornélien que Sarkozy s'imposait à lui-même était-il de nature à relever le niveau du débat ? Il ne vous étonnera pas que j'en doute. Mais ce qui m'a le plus étonné, je dois dire, que c'est la façon dont certains réfléchissaient très sérieusement pour trouver de quelle manière le contrecarrer. Ce n'est pourtant pas sorcier. Sarkozy, c'est la droite autoritaire et liberticide, c'est la droite atlantiste, c'est la droite libérale, en un mot, c'est la droite arrogante. C'est la droite que nous combattons, et nous allons le faire tous azimuts.
Nous lançons une pétition nationale pour que l'Etat prenne ses responsabilités et augmente le pouvoir d'achat de ceux qui en ont besoin et qui y ont droit : 300 euros, financés par une taxe sur les produits financiers, c'est largement possible. Nous sommes en train de bâtir des initiatives sur le plan européen, et je serais heureuse que nous puissions y travailler ensemble, pour lutter contre les délocalisations. Le 16 septembre prochain, dans quelques jours, nous tiendrons une journée d'action nationale contre ces mêmes délocalisations. Nous allons multiplier nos initiatives pour la sécurité de l'emploi et de la formation, la défense des services publics et de l'assurance-maladie. Enfin, nous allons nous battre de toute notre énergie, contre cette Constitution européenne ultralibérale et antidémocratique. Cette Constitution dont beaucoup de monde a évité de parler lors des dernières élections. Cette Constitution qui grave dans le marbre un principe économique profondément injuste et dangereux, le libéralisme, qui organise la concurrence entre les salariés, qui fait passer le principe de libre échange avant le respect des droits humains Pour dire " oui " à une Europe des peuples, nous disons " non " à cette Constitution. Nous voulons un nouveau traité pour une autre Europe. Nous ne lâcherons pas cette bataille et nous savons que la victoire est à portée de main. Elle est à portée de main, si toute la gauche se rassemble - depuis des mois, je lance cet appel-, pour pouvoir, en France et en Europe se donner les moyens d'une politique progressiste. La gauche doit dire " non " franchement à la Constitution Giscard. Si les choses bougent en ce sens, tant mieux !
Chers amis, engagement, associatif, syndical politique, il y a dans ce pays, une multitude d'hommes et de femmes qui sont debout, capables de travailler le monde en profondeur pour le changer. Face à l'offensive libérale globale, les possibles sont là. Je veux vous assurer d'une chose : le parti communiste est disponible avec ses idées, ses militantes et ses militants, avec son envie. Avec Robert Guédiguian dans son dernier film, j'ai envie de répondre à la question " On arrête ou on continue ? " : " on continue ! ".
Source http://www. Pcf.fr, le septembre 14 septembre 2004)