Texte intégral
Q- F. Laborde-. Ce week-end, on a assisté à la commémoration du 6 Juin, du Débarquement des alliés, avec beaucoup d'émotion et beaucoup de cérémonies. Est-ce que ce type de commémoration est de nature à relancer un peu le sentiment européen, à huit jours d'un scrutin, dont on a assez peu parlé, il faut dire ?
R - "C'était un moment d'histoire, c'était un moment très fort, de très puissante émotion. Pour moi, les images nous envoyaient deux idées, deux élans : d'abord, le patriotisme est un formidable gisement de générosité - le patriotisme des GI's, des résistants du Vercors, du commando Kieffer, etc. C'est une première leçon, dans un pays où, hélas, on ne cultive plus beaucoup le patriotisme. La deuxième leçon, c'est que ce qui fait la paix, c'est le respect mutuel entre les nations. Quand elles ne se respectent plus, quand vous avez à l'ouest, pendant la guerre, la souveraineté bafouée par les nazis, vous avez la guerre, parce que vous avez l'agression. Et quand vous avez à l'est la souveraineté limitée, vous avez la guerre, parce que vous avez l'occupation. Et donc, la seule manière de construire l'Europe aujourd'hui, c'est de la construire en respectant les peuples, les nations et leurs identités et leur souveraineté."
Q- Ce 60ème anniversaire a suscité un grand intérêt, y compris chez les jeunes. De votre point de vue, c'est cette idée du dépassement de soi [...] ?
R - "Je crois que l'on a bien vu hier qu'il y a deux manières de construire l'Europe : il y a l'Europe de l'échange, du voyage, du dépaysement, de la découverte [...], les échanges interuniversitaires, l'apprentissage des langues, etc. Ce que l'on découvre chez l'autre, c'est évidemment la différence. Il ne faut pas la gommer cette différence, il ne faut pas chercher à faire une Europe aseptisée, l'Europe de la Commission de Bruxelles, qui voudrait mutiler nos libertés pour faire une Europe uniformisatrice."
Q- Dans cette Europe qui est en train de se construire, vous vous positionnez du côté des souverainistes ?
R - "Il faut bien préciser qu'être "souverainiste", cela veut dire "souveraineté nationale", "souveraineté populaire", ce que les gens ne comprennent pas forcément."
Q- Oui, ce n'est pas la liste des royalistes ! Ce qui vous énerve, c'est que l'Europe se fasse en cachette, qu'au fond, les opinions publiques, qu'elles soient françaises ou non, ne soient pas informées ? Ou que l'on se dirige sans le dire vers une Europe fédérale ?
R - "Les deux ! La future Constitution européenne vise à faire de l'Europe un Etat avec un seul peuple, avec un article important : la loi européenne sera désormais supérieure à toute loi nationale..."
Q- C'était déjà le cas avant !
R - "Non, parce qu'avant, il n'y avait pas la Constitution. Il y avait la Constitution de notre pays, de la France qui était supérieure, quoi qu'il arrive, à toute loi. Maintenant - c'est ça le grand bouleversement -, vous aurez une politique extérieure unique, c'est-à-dire la fin du siège de membre permanent de la France au Conseil de sécurité. Cela veut dire que la France disparaît, non pas en tant qu'identité sur la carte géographique, mais en tant que nation souveraine. C'est très important, c'est concret : cela veut dire que l'on nous impose, par exemple, les OGM, eh bien on nous imposera n'importe quoi, et ce seront les commissaires de Bruxelles qui nous l'imposeront."
Q- Une parenthèse : on a beaucoup discuté de la question de savoir si dans le préambule de la Constitution, il fallait faire référence aux valeurs morales et religieuses de l'Europe. Pensez-vous que la référence aux valeurs religieuses suffit ou faudrait-il faire référence aux valeurs chrétiennes ? Ce fut un débat agité...
R - "Ce qui s'est passé, c'est que monsieur Erdogan, le Premier ministre de la Turquie, a demandé au président de la République française de ne pas mettre la référence aux racines, au patrimoine historique de l'Europe pour ne pas gêner l'éventuelle entrée de la Turquie. C'est ce qui me choque. Personnellement, je suis contre cette Constitution européenne, je ne réclame donc rien dans le préambule. Mais je dis qu'il est symptomatique que l'on construise une Europe sans géographie, sans histoire et sans racines."
Q- La monnaie unique existe, on fait avec. Comment ne pas aller de l'avant pour construire une Europe, quand on a déjà une monnaie et que l'on a déjà abandonné un des instruments majeurs de la souveraineté nationale, puisque l'on a renoncé qui au franc, qui au deutsch mark, etc. ?
R - "Oui, mais c'est toujours la même histoire. C'est-à-dire, en fait, que l'on a aujourd'hui l'Euroland, qui est en panne de croissance, en panne d'emplois, avec une hausse des prix ; ce n'est pas vraiment une réussite. On nous dit que c'est normal que cela ne marche pas, c'est parce qu'il faut aller plus loin ! Un gouvernement économique - c'est cela dont vous parlez -, cela veut dire un gouvernement économique européen, quel va être son premier geste, son premier acte ? C'est ce que demande le PS : un impôt européen, parce qu'un socialiste, c'est quelqu'un qui quand il se réveille le matin, se lève de bon pied s'il a inventé dans la nuit un impôt. Donc, là, ils veulent un impôt européen supplémentaire."
Q- Jospin a quand même baissé les impôts, quand ils étaient au pouvoir !
R - "La France a, hélas, les prélèvements les plus élevés du monde. Et quand je regardais ce week-end, ce qui se passe en Allemagne - en pensant à monsieur Schröder et à sa visite en France - où ils viennent de relever la durée du travail à 42 heures dans les administrations, je pense que maintenir les 35 heures dans une Europe élargie à des pays où on travaille 50 heures, c'est pousser à la fuite des capitaux, des sièges sociaux et du travail en général."
Q- On comprend bien que vous voulez défendre la nation dans l'Europe, mais est-ce que vous pouvez avoir des propositions concrètes pour l'Europe ? On voit que les jeunes, via les programmes Erasmus, font des études dans tous les pays, c'est réservé un peu aux bacs plus 5 ; ne pourrait-on pas imaginer des programmes qui s'adressent aux gamins dans les écoles, à ceux qui veulent aller faire de l'apprentissage en Allemagne, pour qu'il y ait effectivement un brassage ? Est-ce que c'est une idée qui peut séduire le souverainiste que vous êtes ?
R - "Les Polonais, les Tchèques, les Lituaniens, etc., il faut faire découvrir leurs richesses. Pour les jeunes français, dans une France qui a tendance à se désintégrer, la première chose à faire, c'est de leur donner une éducation civique, une éducation nationale, c'est-à-dire leur apprendre d'où l'on vient, ce que veut dire le mot "France". Parce qu'avant d'aller découvrir ce qu'est l'histoire de la Pologne, il faut d'abord qu'ils connaissent leur histoire. Ce serait déjà est un premier progrès. Je veux changer d'Europe pour protéger les Français. Qu'est ce que cela veut dire ? Cela veut dire faire l'Europe dont vous parlez, l'Europe d'Ariane et l'Europe d'Airbus, l'Europe de la coopération entre les Etats. Dans l'harmonie, mais en respectant les Etats. Protéger les Français, cela veut dire protéger nos emplois contre les délocalisations et le libre-échangisme de la Commission de Bruxelles, qui est le cheval de Troie de la mondialisation sauvage. Protéger notre sécurité : faire entrer la Turquie, c'est une folie ! Or, c'est le 1er octobre prochain que la Commission de Bruxelles fera connaître sa recommandation. Et protéger notre souveraineté, cela veut dire protéger nos libertés. Aujourd'hui, on a une Europe qui nous empêche de baisser la TVA sur les restaurateurs, qui nous impose des OGM dans nos assiettes, qui démantèle la PAC et qui fait tout sans nous ! Il ne faut pas que l'Europe continue à se faire contre les peuples, sinon les gens se détourneront de l'idée européenne."
Q- Une toute dernière question - encore que le mariage homosexuel existe dans d'autres pays d'Europe - : vous avez protesté contre le mariage célébré par N. Mamère ce week-end ; il a été suspendu. Est-ce que vous estimez que maintenant il doit être révoqué de ses fonctions de maire ?
R- "Oui, parce que suspendu, c'est une petite parenthèse. Il a failli à sa mission, parce qu'un maire est officier d'état civil, et que sa mission est de faire respecter et appliquer les lois. Donc, il faut absolument qu'il y ait un exemple, sinon, que dire à nos jeunes, dans les banlieues ? Respectez la paix civile, respecter l'ordre, respecter la loi ? Ils vont nous dirent : "Attendez, il y a le maire de Bègles qui, lui, piétine la loi et enfreint le code civil". Il faut donc une sanction, la révocation, pour qu'il soit inéligible et pour qu'il y ait un exemple. Sinon, on ne pourra plus gouverner."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 juin 2004)
R - "C'était un moment d'histoire, c'était un moment très fort, de très puissante émotion. Pour moi, les images nous envoyaient deux idées, deux élans : d'abord, le patriotisme est un formidable gisement de générosité - le patriotisme des GI's, des résistants du Vercors, du commando Kieffer, etc. C'est une première leçon, dans un pays où, hélas, on ne cultive plus beaucoup le patriotisme. La deuxième leçon, c'est que ce qui fait la paix, c'est le respect mutuel entre les nations. Quand elles ne se respectent plus, quand vous avez à l'ouest, pendant la guerre, la souveraineté bafouée par les nazis, vous avez la guerre, parce que vous avez l'agression. Et quand vous avez à l'est la souveraineté limitée, vous avez la guerre, parce que vous avez l'occupation. Et donc, la seule manière de construire l'Europe aujourd'hui, c'est de la construire en respectant les peuples, les nations et leurs identités et leur souveraineté."
Q- Ce 60ème anniversaire a suscité un grand intérêt, y compris chez les jeunes. De votre point de vue, c'est cette idée du dépassement de soi [...] ?
R - "Je crois que l'on a bien vu hier qu'il y a deux manières de construire l'Europe : il y a l'Europe de l'échange, du voyage, du dépaysement, de la découverte [...], les échanges interuniversitaires, l'apprentissage des langues, etc. Ce que l'on découvre chez l'autre, c'est évidemment la différence. Il ne faut pas la gommer cette différence, il ne faut pas chercher à faire une Europe aseptisée, l'Europe de la Commission de Bruxelles, qui voudrait mutiler nos libertés pour faire une Europe uniformisatrice."
Q- Dans cette Europe qui est en train de se construire, vous vous positionnez du côté des souverainistes ?
R - "Il faut bien préciser qu'être "souverainiste", cela veut dire "souveraineté nationale", "souveraineté populaire", ce que les gens ne comprennent pas forcément."
Q- Oui, ce n'est pas la liste des royalistes ! Ce qui vous énerve, c'est que l'Europe se fasse en cachette, qu'au fond, les opinions publiques, qu'elles soient françaises ou non, ne soient pas informées ? Ou que l'on se dirige sans le dire vers une Europe fédérale ?
R - "Les deux ! La future Constitution européenne vise à faire de l'Europe un Etat avec un seul peuple, avec un article important : la loi européenne sera désormais supérieure à toute loi nationale..."
Q- C'était déjà le cas avant !
R - "Non, parce qu'avant, il n'y avait pas la Constitution. Il y avait la Constitution de notre pays, de la France qui était supérieure, quoi qu'il arrive, à toute loi. Maintenant - c'est ça le grand bouleversement -, vous aurez une politique extérieure unique, c'est-à-dire la fin du siège de membre permanent de la France au Conseil de sécurité. Cela veut dire que la France disparaît, non pas en tant qu'identité sur la carte géographique, mais en tant que nation souveraine. C'est très important, c'est concret : cela veut dire que l'on nous impose, par exemple, les OGM, eh bien on nous imposera n'importe quoi, et ce seront les commissaires de Bruxelles qui nous l'imposeront."
Q- Une parenthèse : on a beaucoup discuté de la question de savoir si dans le préambule de la Constitution, il fallait faire référence aux valeurs morales et religieuses de l'Europe. Pensez-vous que la référence aux valeurs religieuses suffit ou faudrait-il faire référence aux valeurs chrétiennes ? Ce fut un débat agité...
R - "Ce qui s'est passé, c'est que monsieur Erdogan, le Premier ministre de la Turquie, a demandé au président de la République française de ne pas mettre la référence aux racines, au patrimoine historique de l'Europe pour ne pas gêner l'éventuelle entrée de la Turquie. C'est ce qui me choque. Personnellement, je suis contre cette Constitution européenne, je ne réclame donc rien dans le préambule. Mais je dis qu'il est symptomatique que l'on construise une Europe sans géographie, sans histoire et sans racines."
Q- La monnaie unique existe, on fait avec. Comment ne pas aller de l'avant pour construire une Europe, quand on a déjà une monnaie et que l'on a déjà abandonné un des instruments majeurs de la souveraineté nationale, puisque l'on a renoncé qui au franc, qui au deutsch mark, etc. ?
R - "Oui, mais c'est toujours la même histoire. C'est-à-dire, en fait, que l'on a aujourd'hui l'Euroland, qui est en panne de croissance, en panne d'emplois, avec une hausse des prix ; ce n'est pas vraiment une réussite. On nous dit que c'est normal que cela ne marche pas, c'est parce qu'il faut aller plus loin ! Un gouvernement économique - c'est cela dont vous parlez -, cela veut dire un gouvernement économique européen, quel va être son premier geste, son premier acte ? C'est ce que demande le PS : un impôt européen, parce qu'un socialiste, c'est quelqu'un qui quand il se réveille le matin, se lève de bon pied s'il a inventé dans la nuit un impôt. Donc, là, ils veulent un impôt européen supplémentaire."
Q- Jospin a quand même baissé les impôts, quand ils étaient au pouvoir !
R - "La France a, hélas, les prélèvements les plus élevés du monde. Et quand je regardais ce week-end, ce qui se passe en Allemagne - en pensant à monsieur Schröder et à sa visite en France - où ils viennent de relever la durée du travail à 42 heures dans les administrations, je pense que maintenir les 35 heures dans une Europe élargie à des pays où on travaille 50 heures, c'est pousser à la fuite des capitaux, des sièges sociaux et du travail en général."
Q- On comprend bien que vous voulez défendre la nation dans l'Europe, mais est-ce que vous pouvez avoir des propositions concrètes pour l'Europe ? On voit que les jeunes, via les programmes Erasmus, font des études dans tous les pays, c'est réservé un peu aux bacs plus 5 ; ne pourrait-on pas imaginer des programmes qui s'adressent aux gamins dans les écoles, à ceux qui veulent aller faire de l'apprentissage en Allemagne, pour qu'il y ait effectivement un brassage ? Est-ce que c'est une idée qui peut séduire le souverainiste que vous êtes ?
R - "Les Polonais, les Tchèques, les Lituaniens, etc., il faut faire découvrir leurs richesses. Pour les jeunes français, dans une France qui a tendance à se désintégrer, la première chose à faire, c'est de leur donner une éducation civique, une éducation nationale, c'est-à-dire leur apprendre d'où l'on vient, ce que veut dire le mot "France". Parce qu'avant d'aller découvrir ce qu'est l'histoire de la Pologne, il faut d'abord qu'ils connaissent leur histoire. Ce serait déjà est un premier progrès. Je veux changer d'Europe pour protéger les Français. Qu'est ce que cela veut dire ? Cela veut dire faire l'Europe dont vous parlez, l'Europe d'Ariane et l'Europe d'Airbus, l'Europe de la coopération entre les Etats. Dans l'harmonie, mais en respectant les Etats. Protéger les Français, cela veut dire protéger nos emplois contre les délocalisations et le libre-échangisme de la Commission de Bruxelles, qui est le cheval de Troie de la mondialisation sauvage. Protéger notre sécurité : faire entrer la Turquie, c'est une folie ! Or, c'est le 1er octobre prochain que la Commission de Bruxelles fera connaître sa recommandation. Et protéger notre souveraineté, cela veut dire protéger nos libertés. Aujourd'hui, on a une Europe qui nous empêche de baisser la TVA sur les restaurateurs, qui nous impose des OGM dans nos assiettes, qui démantèle la PAC et qui fait tout sans nous ! Il ne faut pas que l'Europe continue à se faire contre les peuples, sinon les gens se détourneront de l'idée européenne."
Q- Une toute dernière question - encore que le mariage homosexuel existe dans d'autres pays d'Europe - : vous avez protesté contre le mariage célébré par N. Mamère ce week-end ; il a été suspendu. Est-ce que vous estimez que maintenant il doit être révoqué de ses fonctions de maire ?
R- "Oui, parce que suspendu, c'est une petite parenthèse. Il a failli à sa mission, parce qu'un maire est officier d'état civil, et que sa mission est de faire respecter et appliquer les lois. Donc, il faut absolument qu'il y ait un exemple, sinon, que dire à nos jeunes, dans les banlieues ? Respectez la paix civile, respecter l'ordre, respecter la loi ? Ils vont nous dirent : "Attendez, il y a le maire de Bègles qui, lui, piétine la loi et enfreint le code civil". Il faut donc une sanction, la révocation, pour qu'il soit inéligible et pour qu'il y ait un exemple. Sinon, on ne pourra plus gouverner."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 juin 2004)