Texte intégral
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
On l'a souvent répété : la mise en place de la loi organique du 1er août 2001 constitue une révolution. Elle l'est pour le ministère de l'économie et des finances, mais elle l'est également pour tous les autres ministères.
Connaissant l'implication du ministère des affaires étrangères dans la mise en uvre de cette réforme fondatrice, je me réjouis donc vivement que ce thème puisse être abordé à l'occasion de cette traditionnelle réunion des chefs de postes diplomatiques et des principaux cadres du Quai d'Orsay.
D'autant que des craintes ont pu s'exprimer, ici ou là, récemment et que vous me donnez ainsi l'occasion de vous rassurer, et de vous préciser certains points, que je ne voudrais pas laisser incompris ou mal interprétés. La réforme que nous avons à mettre en uvre doit se faire dans la transparence la plus totale et dans un climat de parfaite confiance. Nos échanges y contribueront ; j'en suis heureux.
Dans la quasi-totalité des pays de l'OCDE, la réforme budgétaire est la traduction la plus concrète de la mise en uvre d'une gestion publique où efficience et pragmatisme régissent les rapports entre l'État, les citoyens et les agents de l'administration. Cette efficience, ce pragmatisme : c'est précisément ce vers quoi, en France, nous avons la ferme volonté de tendre.
Pierre angulaire de la réforme, la nouvelle architecture du budget de l'État structure les politiques publiques sur trois niveaux : les missions, les programmes et les actions.
S'agissant du ministère des affaires étrangères, cette architecture, adoptée il y a quelques mois en tenant le plus grand compte des observations du Parlement, permet, comme vous le savez, de distinguer deux missions.
La première est consacrée à l'action extérieure de l'Etat avec un programme diplomatique, un programme culturel et scientifique et un programme consacré aux mesures en faveur des Français à l'étranger et des étrangers en France.
La seconde mission, qui répond à une priorité forte du Président de la République, est consacrée à l'aide publique au développement : elle est interministérielle, le Minéfi se joignant à la mission avec un programme géré par la direction du Trésor.
J'ajoute à cela qu'un certain nombre d'autres ministères ont clairement identifié les crédits qu'ils consacrent à l'action internationale : c'est le cas notamment des missions touchant au développement économique, à l'enseignement scolaire, à la culture, à l'écologie, ou encore à l'équipement.
Enfin, il a été décidé que le ministère des affaires étrangères coordonnerait, dans le cadre de ce que nos techniciens appellent des " documents de politiques transversales ", les objectifs de l'ensemble des ministères, aussi bien dans le domaine de l'action extérieure qu'en matière d'aide politique au développement.
Les conditions sont donc réunies pour donner au Ministre, au Département et à vous-mêmes, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, tous les outils permettant un pilotage efficace de l'action de la France en Europe et dans le monde.
La nouvelle gestion publique que nous voulons insuffler au cur de l'Etat est un processus de longue haleine. Le 1er janvier 2006 n'est assurément pas le " grand soir " de l'administration, mais c'est une étape décisive et irréversible.
En adoptant une démarche de performance, à l'image de ce que font les entreprises privées, l'État français se modernise concrètement et irrévocablement.
Qu'est-ce que la performance pour l'action publique ?
C'est à la fois le symbole et l'aboutissement de la réforme budgétaire. Elle suppose l'émergence d'une nouvelle culture : celle du résultat.
L'orientation de la gestion de l'Etat vers les résultats, concrètement, pour chaque programme, c'est ce que nous avons appelé la démarche " stratégies, objectifs, indicateurs ". Au niveau national, ce sont les responsables de programme qui en auront la charge et qui devront la mettre en pratique. Ils s'engageront sur les objectifs et devront rendre compte, ensuite, des résultats de leur gestion.
Je tiens à saluer, ici, Stanislas Lefebvre de Laboulaye, Claude Blanchemaison et François Barry Delongchamps. Ils ont une lourde mais exaltante mission à réussir. Je sais que nous pouvons compter sur eux pour savoir décider, organiser, déléguer et rendre compte de leur action.
Au sein de chaque programme seront constitués des sous-ensembles répondant à la même logique : les budgets opérationnels de programmes (BOP). Et c'est là, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, que votre rôle va être déterminant.
Vous disposerez d'une liberté considérable dans l'utilisation des moyens qui vous seront alloués. Elle vous permettra d'arbitrer entre fonctionnement, intervention, investissement au gré de vos priorités. En contrepartie, vous aurez, bien plus encore que par le passé, une obligation de résultats.
Comme cela a été clairement expliqué dans le " guide méthodologique sur la démarche de performance " que nous avons établi, en juin dernier, avec le Parlement et la Cour des comptes (document très pédagogique dont je vous recommande vivement la lecture), les stratégies à moyen terme, les objectifs annuels et les indicateurs chiffrés devront être relayés au niveau de chaque ambassade. Ils devront certainement être complétés par des objectifs et indicateurs intermédiaires, définis dans le cadre d'un dialogue de gestion avec votre administration centrale.
Chacun, à son niveau, jusqu'aux agents, porte désormais clairement la responsabilité de la réussite de la réforme et, plus encore, le témoignage des changements profonds qu'elle appelle dans la gestion et l'organisation de l'administration.
Les expérimentations et les préfigurations qui se multiplient dans tous les ministères enrichissent, chaque jour, la nécessaire réflexion sur la mise en pratique de la nouvelle gestion publique.
La globalisation des crédits et la fongibilité asymétrique, la définition des objectifs stratégiques et opérationnels et l'élaboration des indicateurs sont autant de chantiers sur lesquels la mutualisation des pratiques s'avère particulièrement utile.
Le ministère des affaires étrangères participe à ce mouvement d'expérimentation avec application et méthode. C'est un choix qui lui permet de valider la mise en uvre de la réforme en fonction de ses spécificités : une ambassade ne ressemble pas à une autre, la gestion d'un consulat doit tenir compte de ses particularités.
Cinq expérimentations ont commencé depuis le 1er janvier 2004 et six nouvelles vont être lancées l'année prochaine. Onze expérimentations pour 163 pays, c'est peu quantitativement, mais je sais pouvoir compter sur la capacité de mutualisation et de partage des pratiques et des compétences pour que chaque ambassade, chaque consulat et chaque service dispose des éléments nécessaires et suffisants pour réussir sa réforme budgétaire et comptable.
Je profite de l'évocation de ces expérimentations pour souligner l'engagement précieux de Dominique de Villepin et de Michel Barnier dans ce chantier. Je tiens à les en remercier et à les féliciter.
Je sais leur enthousiasme et leur implication pour la réussite cette réforme. Je mesure ce que nous leur devons.
Ainsi, en quelques mois, nous avons pu mettre fin à une idée reçue selon laquelle la diplomatie ne se prêterait pas à la mesure de la performance. Certes, les choses y sont moins aisées que dans d'autres domaines plus facilement quantifiables (la direction générale des impôts mesure ainsi depuis plusieurs années ses performances à partir d'indicateurs chiffrés). Mais, pour autant, les premiers " projets annuels de performance " que le Quai d'Orsay va présenter au Parlement dès cet automne, à l'issue d'un long travail technique avec la direction de la réforme budgétaire, sont parmi les plus aboutis.
Je ne prendrai qu'un seul exemple : l'un des objectifs proposés pour le programme " action de la France dans l'Europe et dans le monde " est de " construire l'Europe " ; l'indicateur qui lui est associé est très concret : il s'agit de mesurer les initiatives françaises dans l'Union européenne, à l'OSCE ou au Conseil de l'Europe qui sont reprises par nos partenaires. On ne s'est ainsi pas contenté de mesurer une activité (" nombre d'initiatives prises "), on examine aussi ses effets : il faut, pour être performant, que ces initiatives soient " reprises par nos partenaires ".
Mais, je vous rassure, il nous faudra cheminer sans dogmatisme : ce n'est qu'en testant les indicateurs, à la pratique, qu'on évitera les effets pervers d'une performance de façade.
Permettez-moi d'achever mon propos en insistant sur les prochains grands rendez-vous qui nous attendent.
Le premier, le 22 septembre prochain, sera l'occasion de présenter le projet de loi de finances pour 2005, à titre indicatif, selon les règles de la nouvelle constitution financière, en missions, programmes et actions.
Avec un an d'avance, nous avons également décidé de présenter dès cette année au Parlement, outre les crédits, le volet " performance ", avec les stratégies, objectifs et indicateurs. Et de consulter le Parlement sur cet aspect des choses.
Au cours de l'automne, nous finaliserons les modalités de mise en uvre des expérimentations sur les budgets opérationnels de programme, afin de pouvoir en désigner les responsables en janvier 2005 et déployer les expérimentations de préfiguration dans l'ensemble des administrations. En 2005, nul ne doit ignorer la réforme budgétaire s'il veut être prêt en 2006 !
Entre préfigurations et expérimentations, la réforme budgétaire se donne les moyens d'être une réussite. Réussite collective, fruit d'une volonté conjointe et d'un désir de clarification des politiques publiques, le budget de l'Etat n'est plus l'apanage d'une élite, il est rendu aux citoyens, à ses représentants et aux fonctionnaires.
Cette réforme apporte ainsi transparence et lisibilité aux actions de l'Etat, performance et culture de résultat à l'ensemble des services de l'administration.
Soyez assurés que le ministre d'Etat et moi-même sommes déterminés à accompagner l'ensemble des ministères, pour réussir cette révolution majeure dans l'histoire de la gestion publique.
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je compte sur votre investissement personnel et sur votre capacité à redoubler d'ardeur pour faire en sorte que ce changement culturel et structurel soit une réussite. Dans chaque ambassade, dans chaque consulat, je sais que je peux trouver des agents et des chefs de poste qui relèvent avec nous ce défi.
Je vous remercie.
(Source http://www.moderfie.finances.gouv.fr, le 22 septembre 2004)