Extraits d'une interview de M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, à BFM le 18 décembre 2003, sur les Français de l'étranger et les relations franco-irakiennes, notamment la perspective d'une annulation de la dette irakienne et la place des entreprises françaises dans la reconstruction de l'Irak.

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Texte intégral

Q - Les Français de l'étranger, on les connaît mal. Vous les avez indirectement en charge et vous faites, à leur propos, une communication aujourd'hui en Conseil des ministres. Pourquoi ?
R - Cela représente à peu près 2 millions de personnes à travers le monde. Ce sont quelque part nos ambassadeurs, puisqu'ils véhiculent notre culture, notre savoir-faire, notre technologie et notre langue. A partir de ce moment-là, il est indispensable de pouvoir s'en occuper. Ces deux millions de personnes ont des problèmes majeurs, de sécurité physique - par rapport aux attentats, aux drames dont on est victime à travers le monde -, de sécurité et de protection sociale, parce qu'ils ont besoin d'une couverture sociale et il est indispensable que la France aide ses compatriotes à l'étranger. Il y a tout le volet de l'enseignement, avec nos lycées. C'est la promotion de la francophonie, c'est la promotion des filières d'excellence dans ces pays à travers le monde qui fabriquent des dirigeants et qui, bien entendu, protègent nos enfants.
Q - Est-ce qu'il en faut ou est-ce qu'il n'en faut pas, des Français de l'étranger ? Parce qu'on se plaint beaucoup de les voir partir à Londres, en Californie. Vous, vous êtes pour ou contre les Français de l'étranger et le fait qu'ils prospèrent en nombre ? Il paraît qu'il y a plus de Français à Londres qu'à Nantes !
R - Je suis tout à fait pour. Mais vous avez plusieurs catégories de Français de l'étranger. D'une part, ceux qui sont en Europe et ceux qui sont dans le reste du monde. Et dans le reste du monde, ceux qui sont dans une culture nord-américaine ne sont pas les mêmes que ceux qui sont en Asie, qui n'ont rien avoir avec ceux qui sont sur le continent africain. Et dans les catégories des Français de l'étranger, vous avez d'un côté les fonctionnaires, avec les militaires, les enseignants, les membres des ambassades ou des consulats ; d'autre part, tous ceux qui sont des "expats", qui travaillent soit dans les grosses boîtes, soit à titre privé, qui représentent les deux-tiers des personnes qui véhiculent notre langue dans le monde.
Q - Mais ne faudrait-il pas commencer à leur faciliter la vie sur des choses très concrètes ? Par exemple, j'ai souvent entendu les consuls déplorer que les Français ne s'inscrivent pas et, en même temps, à Londres et à Bruxelles, il paraît que pour obtenir un passeport, c'est une galère formidable.
R - C'est la raison pour laquelle nous facilitons la tâche avec la cyber-administration. Nous sommes à la période d'Internet, nous sommes à la période de faciliter les choses avec les nouvelles technologies.
Q - Mais enfin, le passeport, il ne peut pas arriver par Internet !
R - Oui, mais on peut remplir les papiers sans se déplacer,
Q - On pourra ...
R - ... Ce qui évitera déjà au moins deux ou trois déplacements. Il y a quand même une facilité du fonctionnement de l'administration, qui se doit d'être mise en place par l'Etat, pour ces Français qui se sentent parfois loin de leur pays. Et il faut bien que leur pays leur montre qu'il pense à eux.
Q - Quand vous dites que Villepin fait tout et que vous, vous faites le reste, cela fait quand même pas mal, le reste ? Vous vous baladez pas mal autour du monde. Qu'est-ce que vous faites, concrètement ?
R - J'ai quand même participé à côté de lui à des Conseils de sécurité, des assemblées générales des Nations unies, je l'aide à traverser une période un peu compliquée sur le plan diplomatique international, puisque nous avons eu bien sûr la crise en Irak, mais aussi le Proche-Orient, tous les problèmes en Afrique. Aux Nations unies, chaque pays, c'est une voix. Et il est donc important de les voir. Sachez une chose : il n'y avait pas de secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères depuis près de douze ans, nous avons le deuxième réseau diplomatique à travers le monde et le ministre ne peut pas être le mardi aux questions d'actualité, le mercredi en Conseil des ministres, un jeudi sur deux au Sénat, aller à l'ONU, aller à Bruxelles et, en plus, aller rendre visite aux chefs d'Etat, qui ont besoin de la France, qui veulent parler à la France. C'est donc mon rôle pendant cette période.
Q - L'actualité étrangère, c'est évidemment l'arrestation de Saddam Hussein. George Bush a déclaré hier, sur ABC, que l'ex-président irakien méritait la peine de mort. Qu'est-ce que vous avez comme avis sur ce sujet ?
R - Déjà, personnellement, je suis contre la peine de mort, donc ce problème-là est réglé. (...) Il faut qu'il y ait un tribunal équitable.
Q - Un tribunal irakien ou un tribunal international ?
R - Je pense qu'il doit être jugé en Irak et que les membres du tribunal se doivent de n'être en aucun cas contestés, de façon à ce que le jugement soit équitable et non contestable. C'est essentiel.
Q - J. Baker cherche à obtenir un accord avec les créanciers de l'Irak pour annuler ou en tout cas réduire la dette irakienne. On imagine que Paris ne sera pas d'accord sans que certaines conditions soient remplies. Est-ce que vous pensez que les entreprises françaises, dans le cadre de cette négociation, pourraient finalement être autorisées à postuler pour les contrats de reconstruction en Irak ?
R - Les entreprises françaises doivent travailler en Irak. Il y a un débat aujourd'hui sur la dette de l'Irak par rapport à la France. Tout ceci fait partie de la reconstruction de ce pays, nécessaire pour sa paix, pour son intégrité territoriale et pour la paix régionale. Cette partie du monde est tout à fait instable. Il faut donc qu'on le fasse dans le cadre des Nations unies, pour redonner la souveraineté aux Irakiens le plus vite possible. Et, bien entendu, dans cette démarche de reconstruction, la France se doit d'avoir sa place et bien sûr ses entreprises et leur savoir-faire.
(...)
Q - Un mot sur la Coupe de l'America : Marseille l'a perdue, mais on dit que vous pourriez décrocher l'entraînement de l'un des deux "Défi Français" ?
R - Oui, on a, c'est vrai, ceci qu'on peut organiser. On a deux "Défis" qui proposent aujourd'hui de venir s'installer à Marseille. C'est une rade absolument extraordinaire, qui est équilibrée...
Q - Cela ne vous a pas empêché de perdre...
R - On avait un certain nombre d'atouts, mais il nous manquait, je pense, un peu d'argent. (...).
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 décembre 2003)