Texte intégral
MICHEL GROSSIORD
Bonsoir, bonsoir. Nous sommes donc, en direct du Salon de l'Agriculture, pour accueillir ce soir, lors de ce FACE A LA PRESSE, le président de la FNSEA. Monsieur Jean-Michel LEMETAYER, bonsoir.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Bonsoir.
MICHEL GROSSIORD
Alors, je vous vois ici heureux avec le sourire. Je crois que vous aimez vous ressourcer chaque fin de semaine, dans votre élevage de vaches laitières en Bretagne. Alors ici évidemment, nous avons tout près de très beaux spécimens.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
On a les plus beaux spécimens du pays. Ce Salon est l'occasion de montrer tout le travail des éleveurs, leur savoir-faire, et notamment en matière évidemment de génétique. Et quelles que soient les races, que ce soit les races à viande, les races laitières, on a ici ce que l'on peut trouver de plus beau, lorsque l'on parcourt nos routes de France, et qu'on quitte les autoroutes, et qu'on veut bien aller à la rencontre des paysans.
MICHEL GROSSIORD
Alors, vous êtes ici, donc, un homme heureux, mais pourtant, c'est plutôt la soupe à la grimace, pour les agriculteurs français, qui sont confrontés à de nombreuses crises. Nous allons les évoquer au cours de cette émission, et puis il faut dire que votre syndicat est empêtré dans des affaires de financement opaques. Nous allons en parler également et vous nous direz en quoi votre syndicat est menacé aujourd'hui. Alors plusieurs journalistes bien sûr, sur ce plateau, pour vous interroger au cours de cette émission. Jean DARRIULAT, d'abord, du PARISIEN, notre journal partenaire pour " Face à la Presse ", Jean LE DOUAR de OUEST-FRANCE, et Marie-Jeanne HUSSET de 60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS. C'est la directrice de la rédaction de cette publication qui publie un sondage fort intéressant, vous l'avez regardé, le jugement des Français sur les agriculteurs. On a envie de dire nos agriculteurs car il y a évidemment ce lien affectif. Dites-nous d'abord, vous, dont la fonction est de protester, de revendiquer souvent, dites-nous d'abord ce qui marche bien aujourd'hui, dans l'agriculture française ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Dieu merci, certaines filières vont mieux. D'ailleurs, il n'y a pas si longtemps, sur ce même salon, on avait les plus grandes craintes pour le secteur de la viande, la viande bovine, et c'est vrai que c'est un plaisir d'avoir retrouvé la confiance de nos consommateurs, la confiance des Français à l'égard de la qualité de la viande bovine. Je crois qu'elle ne s'est pas démentie sur ce salon. On a certains secteurs, je pense que le secteur des labels, les appellations d'origine, tout ça se porte plutôt bien, mais c'est vrai qu'on a aussi par ailleurs, beaucoup de points d'interrogation sur la filière laitière, même si le cours du porc va un peu mieux, on est loin d'être sorti de la mauvaise situation financière des éleveurs, et on se pose aussi des questions, quant à l'avenir de notre secteur viticole, une partie, on va dire, du secteur viticole.
MICHEL GROSSIORD
Alors, vous voyez, bien sûr, défiler ici depuis le week-end dernier, beaucoup d'hommes politiques, à commencer par le président de la République. J'ai lu ça, et là, que vous étiez peut-être moins fréquentable que les années précédentes. Vous l'avez constaté ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je ne m'arrêterai pas sur les commentaires qui sont faits. J'ai fait un choix très simple, c'est de recevoir sur le stand de la FNSEA, l'ensemble des responsables, en commençant bien évidemment par le chef de l'Etat qui nous fait le plaisir chaque année, de venir à la rencontre de la ferme France, comme je l'ai fait aujourd'hui pour le Premier ministre, de les recevoir sur le stand de la FNSEA, en se posant un petit peu. Et le chef de l'Etat, l'a fait assez longuement. Le Premier ministre, aujourd'hui, une vingtaine de minutes. On peut mieux discuter des sujets de notre agriculture à la fois conjoncturelle, ou à moyen et long terme. Je ne suis pas l'organisateur du Salon, donc je crois que chacun dans son rôle, chacun dans ses responsabilités, et moi je suis dans le mien.
MICHEL GROSSIORD
Et diriez-vous, que ce qui marche toujours bien pour l'agriculture française, c'est le soutien des pouvoirs publics ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Ce dont on a besoin pour avancer, parce que l'objectif est d'avancer, ce dont on a besoin, on a besoin du soutien évidemment du gouvernement et des actions que peut mettre en uvre le gouvernement, même si tout le monde le sait, nous dépendons aussi beaucoup de Bruxelles ou de Genève, c'est-à-dire l'Organisation Mondiale du Commerce, mais je voudrais ajouter qu'au delà du gouvernement, on a peut-être encore plus besoin du soutien de l'opinion publique, des consommateurs, et c'est en cela que ce Salon est très important. Si je suis heureux, c'est justement par cette relation que nous permet de mettre en oeuvre ce Salon. Il y a les crises, elles ne sont pas gommées, parce qu'il y a le Salon, mais en revanche, ce salon nous permet ce lien indispensable avec le consommateur, je dirais plus précisément avec le citoyen. On a besoin d'être compris, on a besoin d'être compris dans l'évolution de notre agriculture. J'ai conscience que si on a des problèmes, à certains moments, c'est par incompréhension et ce salon est l'occasion de s'en expliquer.
MICHEL GROSSIORD
Alors vous réclamez le soutien des consommateurs. Marie-Jeanne HUSSET, vous avez voulu savoir quel était le sentiment des consommateurs français. Alors c'est un soutien, c'est vrai, mais vigilant.
MARIE-JEANNE HUSSET
Absolument. Disons qu'on a voulu essayer d'estimer les nouvelles attentes des consommateurs, envers les agriculteurs, et je dirais que les résultats du sondage, que nous venons donc de mener nous a nous-mêmes étonnés. Je vais sortir juste quelques chiffres. La première chose qui nous a étonnés parce que c'était, les chiffres sont différents de ceux qu'avait donné un sondage précédent, que nous avions fait, une grande enquête que nous avions faite en 2001, c'est quand on interroge les consommateurs sur ce qui pour eux arrive en première position dans ce qu'ils attendent de la qualité alimentaire. Pour la première fois, je dirais, ils mettent la sécurité alimentaire comme premier critère avec 27 % des personnes interrogées devant le goût. C'était exactement le contraire, il y a trois ans, et le goût arrivait en première position avec 40 % des suffrages, qui le plaçaient en première position et, il y a trois ans, nous étions encore dans des crises sur les listérioses, etc, que nous ne connaissons pas aujourd'hui. Le deuxième chiffre qui nous a évidemment étonné c'est extrêmement important, c'est que pour 63 % des personnes interrogées, 63 % des personnes interrogées pensent qu'on mange plutôt plus mal qu'auparavant et, enfin, le troisième chiffre, il y en a beaucoup dans ce sondage, mais je vous donne juste pour commencer, pour 89 % des personnes interrogées la protection de l'environnement est extrêmement importante.
MICHEL GROSSIORD
Alors là, on arrive tout de suite aux questions d'actualité. La protection de l'environnement, on en a beaucoup parlé ces dernières semaines, à propos du Régent et du Gaucho, ces pesticides...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je peux réagir au sondage ?
MICHEL GROSSIORD
Oui, bien sûr. J'allais vous faire réagir moi sur la question de la sécurité alimentaire...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Oui, mais simplement sur les trois volets. Moi, le premier ne me surprend pas, celui de la sécurité de l'alimentation dans l'assiette, dans son assiette, le consommateur, je trouve cela normal. Je crois qu'il est normal que le consommateur souhaite avoir une alimentation totalement sécurisée.
MICHEL GROSSIORD
C'est la moindre des choses.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Même si on sait que le risque zéro n'existe pas. C'est la moindre des choses et c'est vrai que nous avons tous été interpellés finalement par, les consommateurs bien sûr, nous aussi, par les crises sanitaires que nous avons vécues, et donc on a un devoir et je comprends cette exigence. Le deuxième me surprend plus. Dire qu'on mange plus mal me surprend. J'aimerais que les consommateurs fassent les bons choix, finalement, dans ce qu'ils achètent, parce que quand même, en France, on a une alimentation de qualité. On est le pays qui a le plus de produits identifiés, sous signe de qualité. Vous le savez. Et donc, en revanche, ce deuxième aspect me surprend. Le troisième, ne l'est pas. Je crois qu'associer à son alimentation le souci du respect de l'environnement me paraît normal.
MARIE-JEANNE HUSSET
Mais vous savez bien qu'un sondage, c'est une perception, ça ne reflète pas forcément la réalité.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Bien sûr.
MARIE-JEANNE HUSSET
Cela dit que les consommateurs pensent et surtout les plus jeunes, parce que dans ce sondage, on voit que ce sont les plus jeunes qui pensent qu'on mange plutôt plus mal, qu'auparavant, ça traduit quand même un phénomène important.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Oui, mais alors là, ça appellerait à ce qu'on discute assez longtemps, des habitudes alimentaires des plus jeunes.
MICHEL GROSSIORD
Alors, est-ce que vous êtes étonné, je vous pose la question, puisqu'on en parle, de voir au centre du Salon, quand on arrive ici, la première chose qu'on voit c'est l'immense stand de McDONALD ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Ecoutez, on vient de parler des plus jeunes.
MICHEL GROSSIORD
Qu'est-ce que vous en pensez vous, Jean-Michel LEMETAYER ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non, mais sur ce salon, je ne suis pas choqué que tous ceux qui ont envie d'être en contact avec le consommateur soient présents. Donc McDONALD a été beaucoup décrié. Malgré le fait qu'il ait été décrié, je crois qu'il y a beaucoup de gens à passer dans la restauration McDONALD, les jeunes en particulier, et j'ajoute parce que c'est une réalité, ils écoulent de la viande française. Donc après tout, ils ont aussi leur place ici.
MICHEL GROSSIORD
Pour vous, ce n'est pas synonyme de " mal-bouffe " ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je ne le crois pas. En tous cas, ce serait aux jeunes à le dire. Ce serait à ceux qui fréquentent ces restaurants de dire si c'est mal-bouffe ou pas mal-bouffe. Je pense que ce n'est pas le sujet.
MICHEL GROSSIORD
Alors, Jean DARRIULAT du PARISIEN.
JEAN DARRIULAT, LE PARISIEN
Oui, donc, vous avez parlé de la sécurité alimentaire et aussi de la sécurité de l'environnement. Il y a actuellement, une affaire qui intéresse grandement les agriculteurs et, en particulier les céréaliers, qui est celui de l'interdiction du Régent, qui est un insecticide enrobant les semences, et cette interdiction, d'ailleurs, ne sera valable qu'à partir de l'année prochaine puisque cette année, ils pourront encore planter du Régent...
MICHEL GROSSIORD
Ils pourront écouler les stocks, effectivement.
JEAN DARRIULAT
Enfin Voilà, donc première question : est-ce que vous trouvez cela normal, c'est-à-dire qu'à partir du moment où un juge d'instruction a mis en examen le patron de BAYER, c'est-à-dire le groupe agrochimique qui fabrique cet insecticide, on continue à écouler les stocks, malgré tout, alors que cet insecticide, je le rappelle, est suspect de provoquer l'extermination des abeilles, actuellement sur notre territoire.
MICHEL GROSSIORD
Alors, première question...
JEAN DARRIULAT
Oui, il y en aura une autre.
MICHEL GROSSIORD
Il y en aura une seconde, j'ai compris. Est-ce que vous trouvez cela normal ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises, sur le sujet. Dans cette affaire, j'aimerais bien qu'on ne mette pas les agriculteurs au banc des accusés. J'ai dit que la décision qui avait été prise, était trop tardive. Pourquoi elle est trop tardive ? Trop tardive parce que nous achetons nos semences, et ce ne sont pas que les grands céréaliers, c'est même l'agriculteur qui cultive deux hectares de tournesol est concerné par l'achat de ces semences.
MICHEL GROSSIORD
Même le jardinier du dimanche !
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Même le jardinier du dimanche...
MICHEL GROSSIORD
Qui fait un grand usage des insecticides.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Exactement. Je crois que c'est bon de rétablir toute cette vérité. Et, donc, nous, nous achetons nos approvisionnements, nos fournitures pour le printemps, en fin d'année. Et, dans cette affaire-là, moi je suis prêt à toute la discipline qui s'impose, pour que tout le monde s'y retrouve, que ce soit...
MICHEL GROSSIORD
Oui, mais là, la question est précise : est-ce qu'il faut ou non, écouler les stocks dangereux, potentiellement dangereux ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Oui, je crois que c'est plus compliqué que cela, parce qu'il y a suffisamment d'études contradictoires. Mais ça, moi, je ne suis pas un scientifique. Et j'espère que le ministre a pris ses décisions en connaissance de cause ; il l'a fait, paraît-il, au regard d'un nouveau rapport et au regard du principe de précaution. Je suis pour le principe de précaution. Je dis simplement que, moi je suis prêt à retourner mes semences, si j'en avais, ce n'est pas le cas, je ne suis pas semeur de tournesol, mais je crois que dans le maïs que je sème, ce n'est pas le cas non plus Mais je suis prêt à retourner mes semences si, retournant mes semences, on m'en donne d'autres pour que je puisse cultiver. Donc je crois que ce qui est important, c'est le principe de précaution et dans cette affaire-là, moi ce qui m'intéresse c'est, en tant qu'agriculteur, c'est de pouvoir faire confiance à mes fournisseurs et, en même temps, d'avoir la certitude que je sécurise, en aval, les consommateurs. C'est dans cette position que je veux me situer en tant qu'agriculteur.
MICHEL GROSSIORD
Ce principe de précaution vaut bien sûr pour les abeilles...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Et la décision ne m'appartient pas. Vous comprenez bien que, vous le savez, la décision n'appartient pas à l'agriculteur dans cette affaire. L'agriculteur je crois qu'il est discipliné, il est prêt à appliquer l'attitude que prendra le gouvernement.
MICHEL GROSSIORD
Monsieur LEMETAYER, bien sûr, vous parlez du principe de précaution mais il vaut aussi, pour les agriculteurs qui sont directement concernés car ces pesticides sont aussi dangereux pour l'homme, vous le savez. Et ils peuvent entraîner des maladies graves ; on a lu des témoignages terribles d'agriculteurs qui avaient attrapé des cancers, ou des maladies non encore identifiées à cause, semble-t-il, de ces pesticides qu'ils utilisent dans les champs.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Il faut élargir, oui tout à fait vous avez raison d'élargir. Le problème est que, demain, on ne va pas faire l'abstraction de tous les phytosanitaires. Arrêtons là aussi, de faire de la démagogie. Je pense que, y compris celui qui fait son jardin le dimanche, il sait très bien qu'il faut s'occuper des plantes, seulement il faut s'en occuper avec, effectivement, le principe de précaution. Et dans cette affaire, sur le plan de la sécurité des agriculteurs, il faut qu'ils prennent toutes les précautions, quant à l'usage de produits qui ont un niveau de toxicité, et ce n'est pas seulement d'ailleurs les phytos, ça vaut aussi pour d'autres aspects. C'est tout le travail des campagnes de prévention que mènent nos caisses de mutualité sociale agricole. C'est très important ; faire de la prévention pour que nos agriculteurs prennent toutes les précautions lorsqu'ils les utilisent. Je pense à mon père, quand je parle de cela, je pense à mon père. Quand je vois comment il utilisait au tout début, les phytosanitaires, le pulvérisateur, qu'il n'avait pas ce petit bidon pour se rincer les mains, etc etc, ne prenait pas de masque, pas de gants, Dieu merci, qu'il n'y a pas eu tous les pépins, qu'il y aurait pu y avoir et qu'aujourd'hui justement, grâce aux campagnes de prévention, grâce aux meilleurs équipements que l'on met à disposition des agriculteurs, toutes les précautions puissent être prises pour qu'utilisant des produits dont on a besoin pour la santé des plantes, il y ait le moins de risques possibles, sachant que là aussi, on ne sera pas au risque zéro.
MICHEL GROSSIORD
Alors, Jean DARRIULAT voulait prolonger sa question.
JEAN DARRIULAT
Oui. Il y a une pression des agrochimistes et cette pression, elle joue, y compris dans vos organisations interprofessionnelles. Il y en a une que vous avez mise en place, je parle de la FNSEA, d'ailleurs, dont la présidente est une ancienne cadre, des jeunes agriculteurs de la FNSEA, qui s'appelle FARRE, le Forum de l'Agriculture Raisonnée Respectueuse de l'Environnement. Donc il y a dans cet organisme, qui regroupe énormément de gens, de scientifiques, etc... il y a les agrochimistes et en particulier, donc, l'organisation qui les réunit qui est l'UIPP, l'Union des Industries de Protection des Plantes et, dans cette UIPP, il y a quand même trois clients en ce moment, qui font parler beaucoup d'eux, c'est-à-dire BAYER, BASF et MONSANTO pour les OGM. Donc, est-ce que vous trouvez normal, que cette UIPP qui, d'ailleurs, est un des gros financiers de FARRE, donc FARRE, cet organisme qui doit promouvoir une agriculture durable et raisonnée, vous trouvez normal que les agrochimistes aient une telle importance, dans cette organisation interprofessionnelle ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
J'aimerais que Jean DARRIULAT, dans ses questions, ne soit pas accusateur.
MICHEL GROSSIORD
Quand même, là il nous apprend des choses. Est-ce que vous êtes...
JEAN DARRIULAT
Il y a des voisinages, qui sont gênants en ce moment. D'ailleurs, sur le stand de FARRE, il n'est plus fait mention du tout de la présence de l'UIPP, vous voyez...
MICHEL GROSSIORD
On découvre des choses, Monsieur LEMETAYER. Est-ce que...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Jean DARRIULAT, si nous voulons... attendez, je vais répondre. Si nous voulons que notre agriculture progresse, il faut le faire de façon non soumise, mais avec des partenaires et des partenaires en amont comme en aval. Et je crois que la présence des agrochimistes, représentés par l'UIPP, au sein de FARRE, n'est pas là pour soumettre leur diktat aux réflexions... non, mais attendez...
JEAN DARRIULAT
Ils sont vice-président, trésorier de l'organisation, ils ont quand même un certain poids.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non, mais vous permettez..
MICHEL GROSSIORD
Le président de la FNSEA vous répond. Alors dites-nous
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Moi, je vous laisse être accusateur, laissez-moi m'en expliquer, si vous le permettez. Je voudrais dire que nous devons travailler avec des partenaires, et je dis la même chose si je devais parler tout à l'heure de la distribution, la grande distribution, on en parlera peut-être. Si je dis cela c'est que, parce que si nous voulons développer le concept de l'agriculture raisonnée, ce n'est pas pour faire, les agriculteurs, consommer plus de produits chimiques, c'est, au contraire, pour les faire les consommer à bon escient et en respectant, au contraire, le mode d'emploi. Et qui mieux que ceux qui ont fabriqué le produit, pour expliquer son mode d'emploi ! A nous de prendre la distance qu'il faut avec les travaux de recherche, qui existent par ailleurs, pour faire à notre niveau à nous, les bons choix. Mais, nous ne sommes pas des soumis à l'agrochimie. Et je le dis avec force ; je le dis avec force, ni la FNSEA bien évidemment mais pas même une structure dans laquelle nous sommes, et effectivement présidée par une des membres du conseil d'administration de la FNSEA, Christiane LAMBERT, je crois qu'elle conduit les travaux de FARRE, qui est un outil de communication sur l'agriculture raisonnée, en toute liberté des partenaires agrochimistes.
MICHEL GROSSIORD
D'un mot, donc, vous n'estimez pas du tout être sous la tutelle des industries agrochimistes, celles qui soulèvent toutes ces polémiques aujourd'hui, avec leurs produits ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je crois que le métier d'agriculteur est un métier d'homme responsable. Et d'ailleurs, de toutes façons, il vaut mieux parce que c'est nous qui payons, de toutes façons, la facture des mauvais choix que nous pourrions faire sur notre exploitation. Et si on veut ajouter le fait que nous avons été, j'allais dire, presque suffisamment échaudés, par les crises récentes en matière de sécurité alimentaire, je pense que tout agriculteur et les organisations - et celle que je représente - prend toutes les précautions pour ne pas être assimilée à l'activité ou volonté commerciale de tel ou tel partenaire. Nous sommes là pour travailler en partenariat. Point. Je crois qu'il n'y a pas autre chose à dire.
MICHEL GROSSIORD
Oui mais ça veut dire, effectivement, qu'il faut prendre un engagement solennel devant l'opinion.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Mais je crois que je le prends, c'est indispensable, mais le pire serait une agriculture qui ne travaillerait pas en partenariat. Et quand sur les OGM, parce qu'on ne pourra pas parler de tous les sujets, j'ai pris position pour défendre la recherche et particulièrement la recherche chez nous, qui est publique, qui est celle de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique, c'est justement pour cultiver notre indépendance. Si nous voulons être indépendants des firmes multinationales agrochimistes, nous devons soutenir notamment la recherche publique. Et, je le dis, je le redis une nouvelle fois, avec force, je soutiens les travaux de recherche et notamment notre recherche publique. C'est le meilleur garant de notre indépendance en terme d'avenir même de pratiques agricoles.
MICHEL GROSSIORD
Alors, dans le sondage de 60 MILLIONS de CONSOMMATEURS, la question est posée bien sûr : " Est-ce que vous accepteriez que l'on utilise les OGM ? " et là, la réponse est massivement " non, à 80 %. " Marie-Jeanne HUSSET, une question.
MARIE-JEANNE HUSSET
Oui, " que l'on cultive ", même, la question est encore plus précise : 80 %. La question, très courte : est-ce que vous êtes d'accord pour que le principe pollueur/payeur, s'applique aux agriculteurs ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Nous avons toujours défendu plutôt le principe du non-pollueur/non-payeur, parce que c'est vrai... Mais même si, aujourd'hui...
MARIE-JEANNE HUSSET
Ca veut dire quoi ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Ca veut dire que celui qui ne pollue pas, qui met tout en oeuvre sur son exploitation, pour respecter les bonnes pratiques agricoles que l'on peut décliner soit en bonnes pratiques agronomiques, soit en bonnes pratiques en élevage, ne se voit pas sanctionné par des taxes. Alors, c'est plus compliqué que cela, parce que c'est vrai qu'il y a des réflexions en cours sur la politique de l'eau, par exemple, et qu'il faudra réfléchir à la participation globale de l'agriculture à la politique de l'eau. Nous ne sommes pas des opposants à ne pas participer, à cette politique de la qualité de l'eau mais nous voulons faire en sorte que les bonnes pratiques soient encouragées. Donc ce n'est pas aussi simple que le principe pollueur/payeur qui reviendrait, si je simplifie, à payer une taxe et finalement, un droit à polluer. Et je n'ai pas envie de payer une taxe pour finalement me donner un droit à polluer, je n'ai pas envie de polluer.
MARIE-JEANNE HUSSET
Comme ça, que l'industrie a quand même été contrainte à moins polluer, c'est par application du principe pollueur/payeur qui s'applique à tous les pollueurs, avec l'exception des agriculteurs.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Mais, je n'ai pas dit qu'il ne fallait pas sanctionner ceux qui polluent. J'ai simplement dit, qu'on ne pouvait pas traiter de manière globale et horizontale, sans distinguer ceux qui font des efforts de bonnes pratiques et ceux qui n'en feraient pas. Et c'est un véritable enjeu pour nous, pour demain.
MICHEL GROSSIORD
Alors, une question de Jean DARRIULAT, et ensuite ce sera Jean LE DOUAR qui posera la question.
JEAN DARRIULAT
On change de sujet. La FNSEA actuellement est montrée du doigt par la justice, déjà puisque son ancien président, votre prédécesseur est inculpé, enfin mis en examen, pardon, mis en examen. Ce n'est pas là-dessus que je voulais vous poser une question. En revanche...
MICHEL GROSSIORD
On en parlera quand même.
JEAN DARRIULAT
Attendez, on va en parler mais simplement...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je peux me permettre une remarque, Jean DARRIULAT ?
JEAN DARRIULAT
Oui, bien sûr.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
On se connaît suffisamment. La FNSEA n'est pas montrée du doigt, par la justice. La justice instruit un dossier. C'est d'autres qui montrent du doigt la FNSEA, mais pas la justice. Et moi je laisse
JEAN DARRIULAT
Oui, vos concurrents.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Oui, quelquefois même la presse. Mais moi, je laisse la justice instruire le dossier.
MICHEL GROSSIORD
Mais qu'est-ce que vous avez appris, vous, justement dans l'instruction en cours ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Rien, rien pour l'instant.
MICHEL GROSSIORD
Vous n'avez rien appris
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je n'ai pas accès Attendez, la FNSEA et le président de la FNSEA, n'a pas accès au dossier. J'ai lu, comme d'autres, un certain nombre d'informations, dans la presse. J'ai constaté qu'il n'y avait rien de nouveau qui n'avait été publié, il y a plus de 4 ans par le rapport de la Cour des Comptes. Je dis simplement maintenant, que la justice doit faire son travail, elle doit instruire le dossier. Je souhaite personnellement que toute la lumière soit faite dans cette affaire et que, s'il y a eu des irrégularités dans la gestion des fonds d'UNIGRAINS, la justice le dira. D'ici là, laissez faire et laissons faire la justice.
MICHEL GROSSIORD
Mais, selon vous justement, la justice doit quand même regarder d'un peu plus près ces liens financiers étroits entre votre syndicat et les pouvoirs publics ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Mais moi, je suis pour la transparence et d'ailleurs...
MICHEL GROSSIORD
Et il est légitime que la justice effectivement, regarde les choses d'un peu plus près.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non, mais attendez, la Cour des Comptes avait relaté un certain nombre de points pensant elle-même, que peut-être ce n'était pas dans l'objet d'UNIGRAINS tel ou tel type de financement. Partant de ce rapport de la Cour des Comptes, un syndicat concurrent a décidé de porter plainte contre X. Partant de là, il y a une instruction. Laissons faire l'instruction. Ce que je dois ajouter, c'est que tous les financements dont il est question, ont été faits en toute transparence, avec les ministres de tutelle, je dis bien " les " ministres de tutelle, puisque participent à la gestion des fonds, UNIGRAINS, le ministère et les représentants du ministre de l'Agriculture et les représentants du ministre du Budget. Donc la justice dira si, face à cette transparence de gestion, l'objet a été respecté, ou n'était pas respecté. Je crois que c'est la seule question à laquelle il faut répondre. Tout le reste, n'est que plaisir de la part de certains d'attaquer la FNSEA, d'essayer de la déstabiliser
MICHEL GROSSIORD
Qui sont vos ennemis ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je n'en sais rien.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
En tout cas, ce que je puis dire, et je m'appuie en cela sur le rassemblement de lundi dernier, en ce début de Salon, où nous avons rassemblé 5.000 dirigeants agricoles de nos départements...
MICHEL GROSSIORD
Non, non, nous, on ne cherche pas à démontrer la force, ça ne sert à rien, montrer simplement. Je suis sûr que, dans les campagnes, et notamment quand on vit des crises comme actuellement, les paysans sont plus prêts à se rassembler qu'à se diviser, et ceux qui plaideraient la division, à mon avis, en seront un jour pour leurs frais.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Alors, les ennemis, quand même, il faut être un petit peu plus explicite, ce sont les syndicats qui veulent un peu leur part de représentativité, peut-être, tout simplement ?
MICHEL GROSSIORD
Dans cette affaire, précisément, c'est l'affaire d'un syndicat qui considère qu'il y a utilisation malveillante des fonds... enfin, je n'en sais rien si on dit " malveillante ", c'est l'instruction qui le dira. C'est effectivement un syndicat concurrent.
JEAN DARRIULAT
Effectivement, l'instruction est en cours.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Mais si je peux me permettre une réflexion de syndicalisme, je ne suis pas sûr que la majorité des paysans français soient très attentifs et apportent leur soutien à un syndicat qui, pour exister, passe beaucoup de son temps à, j'allais dire, attaquer son syndicat concurrent, même si celui-ci est majoritaire.
MICHEL GROSSIORD
Est-ce que vous envisagez un jour de rencontrer, pour faire la paix - je ne sais pas, la paix des braves - les autres représentants des autres syndicats, la Confédération paysanne ? Il faut la citer...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Mais dans cette affaire-là, la Confédération paysanne a fait un commentaire très bref, et ça s'est arrêté là. Donc je crois que J'entends peu la Confédération Paysanne sur le sujet. Je suis prêt à faire la paix, mais vous comprenez bien que quand les syndicats concurrents passent leur temps, pour avoir un peu d'existence, à attaquer la FNSEA, c'est quand même dur de faire la paix. Ceci étant, moi, je suis quelqu'un de très ouvert, et ce qui m'intéresse, c'est comment nous allons défendre au mieux les agriculteurs, dans les mois et années qui viennent, face aux difficultés qui sont les nôtres, conjoncturelles, et face aux nécessaires adaptations de notre agriculture à la nouvelle politique européenne, face au nouveau contexte international. Je crois que c'est vraiment ça qui intéresse les agriculteurs sur le terrain, pas nos querelles de chapelle qui n'en sont pas, parisiennes.
MICHEL GROSSIORD
Alors, le terme de la question de Jean DARRIULAT qu'il n'a pas eu le temps de poser tout à l'heure et qui va un peu préciser les choses sur le paysage syndical agricole, Jean.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Excusez-moi, Jean DARRIULAT.
JEAN DARRIULAT
Oui, Je pense en effet que, sans parler du fond de l'instruction qui est en cours, il n'empêche qu'il reste un point important et qui vous est reproché d'ailleurs dans cette affaire, c'est le manque, d'abord de clarté sur le fonctionnement et le financement de la FNSEA, de ses différentes manifestations en l'occurrence, mais surtout, je pense, le manque de pluralisme, c'est-à-dire qu'en fait, pour parler de ces organismes interprofessionnels... ramassent donc par les taxes parafiscales, ramassaient de l'argent public, de l'argent qui appartient à tous les agriculteurs. Or par le jeu de votre majorité qui d'ailleurs s'effrite, quand même, d'année en année, d'année en année...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
On verra, Jean DARRIULAT, en 2007.
JEAN DARRIULAT
Oui, vous avez perdu 6 % depuis la dernière élection et vous en êtes à 53 %. Normalement, la prochaine fois, vous passez en dessous de la barre des 50 %.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Pourquoi ?
JEAN DARRIULAT
Je fais une observation.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Elle est gratuite.
JEAN DARRIULAT
D'où la nécessité de mobiliser toutes les énergies et en particulier celles des autres syndicats, et c'est là où je crois que la démocratie française ne peut plus, aujourd'hui, accepter un syndicat qui est majoritaire et qui refuse l'entrée, dans les différentes organisations interprofessionnelles, des autres syndicats. Il y a une monopolisation des décisions, finalement, pour suivre votre politique dans l'intérêt de votre organisation, les autres en sont exclus, y compris dans les nouveaux organismes qui ont été créés après cette affaire ; parce que vous avez dit ça date de 4 ans, c'est terminé. Oui, sauf qu'on a créé de nouveaux organismes pour le porc ou pour les céréales, et qu'on reprend exactement le même schéma, c'est-à-dire qu'on exclut de la même manière les autres syndicats.
MICHEL GROSSIORD
Alors, c'est le jugement de Jean DARRIULAT qui fait suite donc à sa prévision électorale pour la prochaine consultation. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Tout d'abord, je ne sais pas si nos résultats s'effritent, peut-être quelque peu, mais je connais beaucoup de candidats qui, dans trois semaines, moins de trois semaines, quinze jours, qui, s'ils pouvaient faire 53, 54 %, parce que c'est plutôt près de 54, s'ils pouvaient faire 54 % dans 15 jours au premier tour seraient ravis, et respecteraient le pluralisme, comme personnellement je le respecte. Je le respecte parce que ce pluralisme, il existe. Il existe dans la représentation auprès des pouvoirs publics parce que le pluralisme doit pouvoir se respecter lorsqu'il s'agit de représentation auprès de l'ensemble des pouvoirs publics ; et je crois que quand il y a réunion, débat, dans les offices agricoles, lorsqu'il y a réunion au ministère de l'Agriculture ou dans d'autres ministères... je pense d'un seul coup aussi à cette réunion préparatoire au rendez-vous de Cancun chez le ministre du Commerce extérieur, tout le monde est évidemment présent. Il faudrait faire attention à ne pas faire l'amalgame entre cela et le fonctionnement de structures de statut privé. On débattra de l'avenir, peut-être, de ces structures...
JEAN DARRIULAT
Vous parlez des organisations interprofessionnelles.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Interprofessionnelles, parce que UNIGRAINS n'est pas une organisation interprofessionnelle à l'origine. C'est une structure financière. Je ne voudrais pas qu'on mélange...
JEAN DARRIULAT
Mais ces organisations utilisent de l'argent public...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
J'en arrive...
JEAN DARRIULAT
... utilisent l'argent de l'ensemble des agriculteurs, par ce qui a remplacé...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Attendez...
JEAN DARRIULAT
Non mais il faut être précis -... utilisent par ce qu'on appelle des Contributions volontaires obligataires. D'ailleurs, sans, voyez, c'est...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Jean DARRIULAT, vous allez m'obliger, je le regrette pour ceux qui nous regardent, d'expliquer quelque chose qui doit être aux antipodes de la compréhension, mais faisons-le...
MICHEL GROSSIORD
Non, non on ne va pas entrer dans... Répondez...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non mais je suis obligé parce que les taxes parafiscales tout le monde comprend...
JEAN DARRIULAT
Non, les agriculteurs qui sont autour de nous savent très bien ce que sont ces Contributions volontaires obligatoires...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Mais je vais expliquer...
MICHEL GROSSIORD
Laissons répondre le président de la FNSEA.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Vous me permettez d'expliquer ?
JEAN DARRIULAT
Oui, oui.
MICHEL GROSSIORD
Brièvement, si possible, parce que c'est complexe.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je ne peux pas laisser de telles attaques sans dire la vérité.
MICHEL GROSSIORD
Alors, dites la vérité, rien que la vérité.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Les taxes parafiscales sont effectivement un impôt. Elles le sont devenues encore un peu plus grâce... enfin, du fait d'un vote, des deux assemblées, l'Assemblée nationale et le Sénat, à l'unanimité, considérant que c'était effectivement assimilable à un impôt, et donc géré, enfin faisant partie du budget de l'Etat. Ce qui n'est pas le cas du tout des Cotisations volontaires obligatoires. Les cotisations sont d'abord volontaires...
JEAN DARRIULAT
Mais obligatoires.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non non, mais je vais expliquer. Est-ce que je peux expliquer ?
MICHEL GROSSIORD
Oui, vous pouvez expliquer. Allez-y.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Elles sont d'abord volontaires ; elles sont volontaires parce qu'elles sont le fait d'un accord entre différentes familles pour dire... pour conduire telle action, telle action notamment de promotion, et je ne sais pas à qui viendrait à l'idée de remettre en cause par exemple tout ce qu'on a fait dans le secteur laitier, tout ce qu'on a fait ces dernières années dans le secteur viande grâce justement à ces Cotisations volontaires obligatoires pour retrouver la confiance de nos consommateurs ; et donc ça, c'est un accord entre des familles qui disent : nous allons, pour financer toutes ces campagnes indispensables à la promotion de nos produits, mettre une cotisation. Et elle devient obligatoire par une demande de ces familles, rassemblées dans une interprofession, demandant au gouvernement ce que nous appelons " l'extension ", et donc de faire en sorte qu'elles s'appliquent à tous. Ca, ce n'est pas un impôt. C'est bien une cotisation volontaire, voulue par une organisation de statut privé, rendue obligatoire à tous par une décision du gouvernement, et je ne vois pas en quoi il y aurait de problème sur ce sujet.
MICHEL GROSSIORD
Voilà. Je pense que c'est un petit peu plus clair pour ceux qui auront suivi...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je l'espère.
MICHEL GROSSIORD
votre explication. Question suivante, peut-être qu'on va parler justement des consommateurs pour changer. Je vois, Monsieur LEMETAYER, que vous avez engagé une campagne au cours de ce salon contre certaines pratiques des grandes surfaces, enfin c'est un combat qui revient souvent dans votre bouche...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Il est permanent.
MICHEL GROSSIORD
... et notre très estimé confrère, Jean DARRIULAT, en parlait encore dans son journal ce matin, c'est votre combat, qu'il partage, peut-être, parce que vous le dites très bien là, contre les marges arrière des grandes surfaces qui sont d'ailleurs, cette année, assez peu représentées cette année sur le Salon, il y a uniquement la maison CARREFOUR. Expliquez un peu aux consommateurs le sens de votre combat.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
La situation est assez complexe.
MICHEL GROSSIORD
Là encore, il va falloir encore être simple.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Oui, très Elle est très complexe. Il faut expliquer. En fait, tout ce dossier est le débat des marges, et c'est vrai que nous constatons, année après année, que les marges s'accroissent de plus en plus chez la grande distribution et qu'il en reste de moins en moins pour les entreprises fournisseurs et, de ce fait-là, de moins en moins encore pour les agriculteurs. Et ce que nous avions aussi constaté, c'est l'absence de transparence dans les pratiques commerciales, et c'est ce qui nous avait amenés à manifester assez fort, même plus que cela, il y a à peine un an et demi, fin d'année 2002 ; et aujourd'hui, les faits nous donnent raison. Les faits nous donnent raison ; la preuve : le secrétaire d'Etat au Commerce et à la concurrence, Renaud DUTREIL, vient d'annoncer d'ailleurs sur ce salon qu'il y avait eu 400 condamnations à l'égard de grandes surfaces démontrant que, par-là même, dans leurs pratiques, il y avait eu des abus, et ce sont ces abus que nous voulons condamner. D'abord, nous voulons la transparence des pratiques commerciales, et nous voulons aussi rééquilibrer les marges entre chaque maillon. Et ce combat des marges arrière, nous l'avons mené parce que ce qui est absolument incontrôlables, ce sont effectivement ces marges arrière. Et ce que je regrette, c'est que, malgré l'engagement qui avait été pris entre les entreprises agroalimentaires et les enseignes de la grande distribution, de stabiliser les marges arrière en 2003, nous faisons le constat qu'elles ont continué de croître de plus de 1 %. Imaginons ce que veut dire 1 % de marge ! Je connais beaucoup d'entreprises qui voudraient faire un point de marge de plus à la fin de l'année. Donc le combat que nous menons est juste, d'autant plus juste que, en me tournant vers...
MICHEL GROSSIORD
Marie-Jeanne HUSSET, oui.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Marie-Jeanne HUSSET, nous savons que rien de tout cela ne profite au consommateur.
MARIE-JEANNE HUSSET
C'est ce que j'allais dire.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Voilà.
MARIE-JEANNE HUSSET
Et justement, j'ai une question parce que ce système-là des marges arrière que nous, nous dénonçons depuis de nombreuses années parce qu'il se fait effectivement aux dépens des consommateurs, c'est quand même un effet pervers de la loi GALLAND, laquelle loi GALLAND avait quand même été instituée, justement, à la demande des producteurs, pour préserver les petits producteurs de la grande distribution. Donc comment vous expliquez, finalement, cette déviance, en fait ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Il y avait aussi le souci de casser ce que nous appelions la " revente à perte ", parce qu'une autre façon de déstabiliser les marchés, c'est de vendre en dessous du prix d'achat. Donc, effectivement, toute réglementation peut avoir ses aspects pervers, et c'est vrai que la difficulté qu'il y a actuellement dans le commerce, on va dire, globalement, mais revenons sur ce qui nous intéresse nous, les produits agricoles et agroalimentaires, c'est qu'on a à la fois un commerce avec des multinationales, qui elles-mêmes peuvent imposer sans doute leur politique de prix, y compris le prix à la consommation en faisant le lien avec leur campagne de publicité, et le commerce avec les petites et moyennes entreprises qui, elles, en permanence, sont soumises à la pression, et nous, dans le domaine agricole et agroalimentaire, nous sommes plutôt dans le domaine des petites et moyennes entreprises ; et c'est là que nous subissons une pression sans merci dont ne bénéficie pas effectivement le consommateur. Et quand Michel-Edouard LECLERC - je n'ai pas trop envie de parler de Michel-Edouard LECLERC...
MICHEL GROSSIORD
J'allais pourtant vous poser la question parce que c'est un Breton, peut-être que vous êtes plus conciliant, je ne sais pas, mais...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non pas du tout...
MICHEL GROSSIORD
Il mène une campagne contre la loi GALLAND et il vise à faire encore baisser les prix, forcément au détriment des producteurs, non ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Il l'a un peu expliqué. Il mène une campagne à l'égard des multinationales, mais je l'entends peu à l'égard des PME. Et j'ai envie de lui dire s'il mettait un peu moins de pression, avec ses autres collègues de la distribution, sur les petites et moyennes entreprises, peut-être les choses seraient un peu plus équilibrées entre celles-ci et les multinationales.
MICHEL GROSSIORD
Alors, Jean LE DOUAR de OUEST FRANCE est avec nous également. On aimerait vous entendre...
JEAN LE DOUAR
Oui, par rapport à tout ce qui vient d'être dit, Jean-Michel LEMETAYER, moi je me pose une question sur la stratégie de la FNSEA. Parce qu'on vous entend parler beaucoup de partenariat, et je m'interroge sur la possibilité d'un partenariat réel, et à arme égale, avec, d'un côté, des grandes firmes agrochimiques, et de l'autre côté, des grands distributeurs. Et on constate que chaque fois que l'agriculture est accusée de quelque chose, en fait, ce dont elle est accusée au final ne relève pas de sa responsabilité, de son ressort, mais souvent de ce qu'elle a été conduite à faire sous la pression de l'agrochimie d'un côté ou de la grande distribution de l'autre. Alors, la question que je voulais vous poser concernant la stratégie de la FNSEA, c'est de savoir si le partenariat est jouable, s'il ne va pas vous conduire à être encore plus pieds et poings liés, à perdre encore plus de pouvoir par rapport à l'aval et à l'amont, et si, au contraire, ce qui pourrait être mieux compris peut-être du grand public, des consommateurs, des citoyens, ce ne serait pas de redonner plus d'autonomie aux agriculteurs tant à l'égard des firmes d'aval (sic)... pardon, de la grande distribution d'aval que des firmes d'amont ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Sans aucun doute, mais le premier partenariat que nous devons avoir, il est avec nos entreprises de proximité. Je m'explique. Entre les agrochimistes, qui sont en amont de nos fournisseurs, et la grande distribution qui est très en aval de nos entreprises auxquelles nous livrons nos produits, les premiers partenariats qu'il nous faut faire, c'est avec, effectivement, nos entreprises, alors coopératives, mais aussi privées. Et je plaide, et vous le savez, Jean LE DOUAR, pour des filières mieux organisées, pour une profession mieux structurée, pour que, justement, nous ne soyons pas dépendants de notre amont le plus éloigné et pas plus dépendant de notre aval, c'est-à-dire de la grande distribution. Mais pour cela, il faut qu'une partie des marges reste dans ce maillon production-transformation, et même l'agrofourniture, pour que nous puissions nous-mêmes avoir la capacité d'innover, de faire de la recherche. C'est pour ça que j'insistais autant, tout à l'heure, sur la recherche ; c'est que si on concentre tous les moyens, si les seuls qui font les marges sont les agrochimistes d'un côté ou les grandes surfaces de l'autre, toute la capacité d'innovation est abandonnée à ceux-ci ou à ceux-là. Et je plaide donc pour que notre profession se structure, s'organise mieux pour que justement nous ayons nous-mêmes les moyens de cette recherche et de cette capacité d'innover. Je me félicite malgré tout que beaucoup d'entreprises ont cette capacité d'innovation pour être le moins dépendant possible du marché dont elles dépendent elles-mêmes.
MICHEL GROSSIORD
Comment vous réagissez aux nouvelles difficultés que font les Américains pour importer certains produits, particulièrement le foie gras ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Ca aurait tendance à me faire sourire. Mais c'est grave parce que c'est vraiment du protectionnisme à l'état pur. Ces champions du libéralisme qui, à chaque fois qu'ils peuvent, prennent des mesures plutôt d'ordre sanitaire qui sont en fait plutôt des mesures de protection de leur marché, quand on s'approvisionne sur un marché français qui est sans doute un des marchés qui apporte le plus de garanties en matière de sécurité alimentaire, on est choqué de telles positions des Américains, quand eux-mêmes voudraient nous vendre des produits aux hormones ou des produits OGM.
JEAN LE DOUAR
Je reviens sur ma question, quand même, parce qu'il y a quand même des pratiques agronomiques que les agriculteurs peuvent mettre en oeuvre et qui vont dans le sens d'une plus grande autonomie à l'égard de l'amont, et notamment de l'agrochimie, ok, d'un côté. Et de l'autre, on voit bien que, compte tenu de la baisse constante des prix des produits agricoles, il y a énormément d'agriculteurs qui cherchent des voies de sortie par le biais de la vente directe, sauf qu'ils font des démarches individuelles, des démarches de rupture, et que ça ne résout pas le problème pour l'ensemble.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Et on ne vivra pas que de niche.
JEAN LE DOUAR
Voilà, c'est ça.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
On ne vivra pas que de niche.
JEAN LE DOUAR
Alors, est-ce que, d'un côté sur l'agronomie, et de l'autre sur la vente, sur la commercialisation, vous n'avez pas quelque chose à faire et des voies stratégiques à trouver ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non, mais on a d'un côté Peut-être je n'ai pas été suffisamment clair dans ma réponse. On a d'un côté les filières, et ça revient à la question des interprofessions que soulevait Jean DARRIULAT tout à l'heure, en amont... Et je n'ai pas été... Il aurait fallu que je précise cela... Nous avons tous les moyens que nous mettons dans le développement agricole. L'argent qui est mis dans les instituts techniques pour assurer leur propre indépendance, qui est l'argent des producteurs, est là justement pour assurer une recherche appliquée qui essaye de nous rendre indépendants des agrochimistes. Donc il faut mener ce travail dans nos instituts techniques, dans nos chambres d'agriculture pour qu'on évolue dans nos pratiques agricoles. Je crois que... on a déjà ces moyens entre les mains, peut-être utilisons les mieux, mais ces moyens existent. En tous cas, ce qu'il faut, c'est disposer des moyens de notre indépendance. Et quelquefois, les agriculteurs peuvent se poser la question, dire : mais je paie encore une cotisation pour le développement agricole, je paie encore une cotisation pour ça... Mais c'est la condition, se financer nous-mêmes nos travaux de recherche appliquée, se financer nous-mêmes l'organisation des filières, c'est cultiver notre indépendance, et c'est ce que je plaide.
MICHEL GROSSIORD
Alors, une question de Jean DARRIULAT.
JEAN DARRIULAT
Oui précisément, vous êtes encore quand même extrêmement dépendants de l'amont et de l'aval, et en amont
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Attendez, on le sera toujours.
JEAN DARRIULAT
en amont, vous êtes partenaires, dans ces organismes interprofessionnels, dans ces deux filières, vous êtes encore partenaire de l'agrochimie, mais on a vraiment l'impression que c'est comme si on voulait mettre dans un même bocal, dans un même poulailler, si vous voulez, le renard et les poules. Et d'ailleurs, je dirais...
MICHEL GROSSIORD
On ne va pas refaire peut-être le débat de tout à l'heure.
JEAN DARRIULAT
Non, je dirais la même chose pour la grande distribution. Et je reviens donc à cette idée-là : le problème c'est, depuis quand, par exemple, enseigne-t-on dans les écoles de l'agriculture, qui sont très nombreuses et effectivement très techniciennes, par exemple tous les procédés d'agriculture biologique, d'agriculture raisonnée, c'est-à-dire non-intensive, et précisément, tout l'enseignement, aujourd'hui, est encore assez productiviste, pour résumer...
MICHEL GROSSIORD
Est-ce que c'est votre sentiment, Monsieur LEMETAYER ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non, je crois que ce qu'il faut plutôt enseigner, c'est la diversité des produits et des productions qu'apprécie le consommateur. Parce que n'opposons pas les produits conventionnels aux produits bios, aux Appellations d'origine et aux produits label. Disons clairement - et d'ailleurs, le consommateur le perçoit comme ça - qu'ils sont complémentaires selon les souhaits des consommateurs. Notre agriculture doit fournir des produits de qualité et sécurisés dans toute sa gamme, du premier prix jusqu'au produit bio, et ce que l'on doit enseigner dans nos lycées agricoles, dans nos lycées professionnels, c'est cela, c'est justement ne pas enseigner l'opposition de tel système de production par rapport à un autre, c'est que, au contraire, la richesse, notamment en France, de notre agriculture, c'est sa diversité, et j'espère aussi que nous saurons garder cette diversité.
MICHEL GROSSIORD
Monsieur LEMETAYER, est-ce que vous avez parfois le sentiment d'être plongé dans une situation injuste ? Vous avez pris la présidence de la FNSEA, et tout de suite, on a loué vos qualités d'ouverture, de dialogue, et vous voilà - donc je le disais en commençant cette émission - confronté à des crises multiples, et notamment des difficultés internes avec ces affaires de financement. Alors, est-ce que vous vous dites que, vraiment, ce n'est pas de chance ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Ecoutez, j'assume. On m'a confié une responsabilité il y a bientôt trois ans. C'est vrai que je n'avais pas forcément imaginé tous ces dossiers...
MICHEL GROSSIORD
Qui allaient vous tomber dessus.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
qui allaient arriver là, au fil du temps. Des crises, j'avais bien imaginé qu'il y en ait quelques-unes, mais je crois que nous avons une mission, à la FNSEA, et dans les organisations professionnelles globalement, les autres syndicats aussi d'ailleurs, c'est de faire en sorte que notre agriculture puisse passer le cap de ces ruptures que nous vivons actuellement, et je conçois ma mission comme cela. Et donc, la FNSEA, c'est beaucoup d'adhérents sur l'ensemble du territoire, avec un maillage extrêmement fort, et ce n'est pas seul le président qui fera quelque chose, c'est parce qu'il sera relayé par, justement, tous nos responsables locaux pour faire progresser notre agriculture que nous réussirons, pas autre chose. Donc, finalement, j'assume, et vous savez, c'est le lot de tous les responsables.
MICHEL GROSSIORD
Vous assumez, vous ne vous dites pas chaque matin : qu'est-ce qui va me tomber sur la tête ? Vous arrivez à imaginer l'agriculture que l'on aura en France dans dix ans, quinze ans ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non, je sais que, chaque matin, il n'y aura pas forcément les dossiers que j'ai prévus dans la journée, mais je crois que quand on est militant, quand on est responsable - ça vaut pour tous, pas seulement à la FNSEA - on doit faire face aux situations telles qu'elles se présentent.
MICHEL GROSSIORD
Et ici sur le Salon, vous recevez beaucoup de signes d'encouragement de vos pairs ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Oui, ça c'est ce qui est réconfortant, c'est que je n'ai pas entendu de critique à l'égard de la FNSEA sur ce salon. J'ai reçu énormément d'encouragement, et ça, ça me donne du punch.
MICHEL GROSSIORD
Merci beaucoup, Jean-Michel LEMETAYER, d'avoir répondu à nos questions, à certaines très pointues et que vous avez pu juger agressives, mais je crois que vous vous êtes défendu. Ecoutez, bonne fin de Salon, et puis on se retrouve la semaine prochaine, bien sûr, pour un autre " Face à la Presse ".
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Merci, merci beaucoup.
(source http://www.fnsea.fr, le 18 mars 2004)
Bonsoir, bonsoir. Nous sommes donc, en direct du Salon de l'Agriculture, pour accueillir ce soir, lors de ce FACE A LA PRESSE, le président de la FNSEA. Monsieur Jean-Michel LEMETAYER, bonsoir.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Bonsoir.
MICHEL GROSSIORD
Alors, je vous vois ici heureux avec le sourire. Je crois que vous aimez vous ressourcer chaque fin de semaine, dans votre élevage de vaches laitières en Bretagne. Alors ici évidemment, nous avons tout près de très beaux spécimens.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
On a les plus beaux spécimens du pays. Ce Salon est l'occasion de montrer tout le travail des éleveurs, leur savoir-faire, et notamment en matière évidemment de génétique. Et quelles que soient les races, que ce soit les races à viande, les races laitières, on a ici ce que l'on peut trouver de plus beau, lorsque l'on parcourt nos routes de France, et qu'on quitte les autoroutes, et qu'on veut bien aller à la rencontre des paysans.
MICHEL GROSSIORD
Alors, vous êtes ici, donc, un homme heureux, mais pourtant, c'est plutôt la soupe à la grimace, pour les agriculteurs français, qui sont confrontés à de nombreuses crises. Nous allons les évoquer au cours de cette émission, et puis il faut dire que votre syndicat est empêtré dans des affaires de financement opaques. Nous allons en parler également et vous nous direz en quoi votre syndicat est menacé aujourd'hui. Alors plusieurs journalistes bien sûr, sur ce plateau, pour vous interroger au cours de cette émission. Jean DARRIULAT, d'abord, du PARISIEN, notre journal partenaire pour " Face à la Presse ", Jean LE DOUAR de OUEST-FRANCE, et Marie-Jeanne HUSSET de 60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS. C'est la directrice de la rédaction de cette publication qui publie un sondage fort intéressant, vous l'avez regardé, le jugement des Français sur les agriculteurs. On a envie de dire nos agriculteurs car il y a évidemment ce lien affectif. Dites-nous d'abord, vous, dont la fonction est de protester, de revendiquer souvent, dites-nous d'abord ce qui marche bien aujourd'hui, dans l'agriculture française ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Dieu merci, certaines filières vont mieux. D'ailleurs, il n'y a pas si longtemps, sur ce même salon, on avait les plus grandes craintes pour le secteur de la viande, la viande bovine, et c'est vrai que c'est un plaisir d'avoir retrouvé la confiance de nos consommateurs, la confiance des Français à l'égard de la qualité de la viande bovine. Je crois qu'elle ne s'est pas démentie sur ce salon. On a certains secteurs, je pense que le secteur des labels, les appellations d'origine, tout ça se porte plutôt bien, mais c'est vrai qu'on a aussi par ailleurs, beaucoup de points d'interrogation sur la filière laitière, même si le cours du porc va un peu mieux, on est loin d'être sorti de la mauvaise situation financière des éleveurs, et on se pose aussi des questions, quant à l'avenir de notre secteur viticole, une partie, on va dire, du secteur viticole.
MICHEL GROSSIORD
Alors, vous voyez, bien sûr, défiler ici depuis le week-end dernier, beaucoup d'hommes politiques, à commencer par le président de la République. J'ai lu ça, et là, que vous étiez peut-être moins fréquentable que les années précédentes. Vous l'avez constaté ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je ne m'arrêterai pas sur les commentaires qui sont faits. J'ai fait un choix très simple, c'est de recevoir sur le stand de la FNSEA, l'ensemble des responsables, en commençant bien évidemment par le chef de l'Etat qui nous fait le plaisir chaque année, de venir à la rencontre de la ferme France, comme je l'ai fait aujourd'hui pour le Premier ministre, de les recevoir sur le stand de la FNSEA, en se posant un petit peu. Et le chef de l'Etat, l'a fait assez longuement. Le Premier ministre, aujourd'hui, une vingtaine de minutes. On peut mieux discuter des sujets de notre agriculture à la fois conjoncturelle, ou à moyen et long terme. Je ne suis pas l'organisateur du Salon, donc je crois que chacun dans son rôle, chacun dans ses responsabilités, et moi je suis dans le mien.
MICHEL GROSSIORD
Et diriez-vous, que ce qui marche toujours bien pour l'agriculture française, c'est le soutien des pouvoirs publics ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Ce dont on a besoin pour avancer, parce que l'objectif est d'avancer, ce dont on a besoin, on a besoin du soutien évidemment du gouvernement et des actions que peut mettre en uvre le gouvernement, même si tout le monde le sait, nous dépendons aussi beaucoup de Bruxelles ou de Genève, c'est-à-dire l'Organisation Mondiale du Commerce, mais je voudrais ajouter qu'au delà du gouvernement, on a peut-être encore plus besoin du soutien de l'opinion publique, des consommateurs, et c'est en cela que ce Salon est très important. Si je suis heureux, c'est justement par cette relation que nous permet de mettre en oeuvre ce Salon. Il y a les crises, elles ne sont pas gommées, parce qu'il y a le Salon, mais en revanche, ce salon nous permet ce lien indispensable avec le consommateur, je dirais plus précisément avec le citoyen. On a besoin d'être compris, on a besoin d'être compris dans l'évolution de notre agriculture. J'ai conscience que si on a des problèmes, à certains moments, c'est par incompréhension et ce salon est l'occasion de s'en expliquer.
MICHEL GROSSIORD
Alors vous réclamez le soutien des consommateurs. Marie-Jeanne HUSSET, vous avez voulu savoir quel était le sentiment des consommateurs français. Alors c'est un soutien, c'est vrai, mais vigilant.
MARIE-JEANNE HUSSET
Absolument. Disons qu'on a voulu essayer d'estimer les nouvelles attentes des consommateurs, envers les agriculteurs, et je dirais que les résultats du sondage, que nous venons donc de mener nous a nous-mêmes étonnés. Je vais sortir juste quelques chiffres. La première chose qui nous a étonnés parce que c'était, les chiffres sont différents de ceux qu'avait donné un sondage précédent, que nous avions fait, une grande enquête que nous avions faite en 2001, c'est quand on interroge les consommateurs sur ce qui pour eux arrive en première position dans ce qu'ils attendent de la qualité alimentaire. Pour la première fois, je dirais, ils mettent la sécurité alimentaire comme premier critère avec 27 % des personnes interrogées devant le goût. C'était exactement le contraire, il y a trois ans, et le goût arrivait en première position avec 40 % des suffrages, qui le plaçaient en première position et, il y a trois ans, nous étions encore dans des crises sur les listérioses, etc, que nous ne connaissons pas aujourd'hui. Le deuxième chiffre qui nous a évidemment étonné c'est extrêmement important, c'est que pour 63 % des personnes interrogées, 63 % des personnes interrogées pensent qu'on mange plutôt plus mal qu'auparavant et, enfin, le troisième chiffre, il y en a beaucoup dans ce sondage, mais je vous donne juste pour commencer, pour 89 % des personnes interrogées la protection de l'environnement est extrêmement importante.
MICHEL GROSSIORD
Alors là, on arrive tout de suite aux questions d'actualité. La protection de l'environnement, on en a beaucoup parlé ces dernières semaines, à propos du Régent et du Gaucho, ces pesticides...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je peux réagir au sondage ?
MICHEL GROSSIORD
Oui, bien sûr. J'allais vous faire réagir moi sur la question de la sécurité alimentaire...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Oui, mais simplement sur les trois volets. Moi, le premier ne me surprend pas, celui de la sécurité de l'alimentation dans l'assiette, dans son assiette, le consommateur, je trouve cela normal. Je crois qu'il est normal que le consommateur souhaite avoir une alimentation totalement sécurisée.
MICHEL GROSSIORD
C'est la moindre des choses.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Même si on sait que le risque zéro n'existe pas. C'est la moindre des choses et c'est vrai que nous avons tous été interpellés finalement par, les consommateurs bien sûr, nous aussi, par les crises sanitaires que nous avons vécues, et donc on a un devoir et je comprends cette exigence. Le deuxième me surprend plus. Dire qu'on mange plus mal me surprend. J'aimerais que les consommateurs fassent les bons choix, finalement, dans ce qu'ils achètent, parce que quand même, en France, on a une alimentation de qualité. On est le pays qui a le plus de produits identifiés, sous signe de qualité. Vous le savez. Et donc, en revanche, ce deuxième aspect me surprend. Le troisième, ne l'est pas. Je crois qu'associer à son alimentation le souci du respect de l'environnement me paraît normal.
MARIE-JEANNE HUSSET
Mais vous savez bien qu'un sondage, c'est une perception, ça ne reflète pas forcément la réalité.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Bien sûr.
MARIE-JEANNE HUSSET
Cela dit que les consommateurs pensent et surtout les plus jeunes, parce que dans ce sondage, on voit que ce sont les plus jeunes qui pensent qu'on mange plutôt plus mal, qu'auparavant, ça traduit quand même un phénomène important.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Oui, mais alors là, ça appellerait à ce qu'on discute assez longtemps, des habitudes alimentaires des plus jeunes.
MICHEL GROSSIORD
Alors, est-ce que vous êtes étonné, je vous pose la question, puisqu'on en parle, de voir au centre du Salon, quand on arrive ici, la première chose qu'on voit c'est l'immense stand de McDONALD ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Ecoutez, on vient de parler des plus jeunes.
MICHEL GROSSIORD
Qu'est-ce que vous en pensez vous, Jean-Michel LEMETAYER ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non, mais sur ce salon, je ne suis pas choqué que tous ceux qui ont envie d'être en contact avec le consommateur soient présents. Donc McDONALD a été beaucoup décrié. Malgré le fait qu'il ait été décrié, je crois qu'il y a beaucoup de gens à passer dans la restauration McDONALD, les jeunes en particulier, et j'ajoute parce que c'est une réalité, ils écoulent de la viande française. Donc après tout, ils ont aussi leur place ici.
MICHEL GROSSIORD
Pour vous, ce n'est pas synonyme de " mal-bouffe " ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je ne le crois pas. En tous cas, ce serait aux jeunes à le dire. Ce serait à ceux qui fréquentent ces restaurants de dire si c'est mal-bouffe ou pas mal-bouffe. Je pense que ce n'est pas le sujet.
MICHEL GROSSIORD
Alors, Jean DARRIULAT du PARISIEN.
JEAN DARRIULAT, LE PARISIEN
Oui, donc, vous avez parlé de la sécurité alimentaire et aussi de la sécurité de l'environnement. Il y a actuellement, une affaire qui intéresse grandement les agriculteurs et, en particulier les céréaliers, qui est celui de l'interdiction du Régent, qui est un insecticide enrobant les semences, et cette interdiction, d'ailleurs, ne sera valable qu'à partir de l'année prochaine puisque cette année, ils pourront encore planter du Régent...
MICHEL GROSSIORD
Ils pourront écouler les stocks, effectivement.
JEAN DARRIULAT
Enfin Voilà, donc première question : est-ce que vous trouvez cela normal, c'est-à-dire qu'à partir du moment où un juge d'instruction a mis en examen le patron de BAYER, c'est-à-dire le groupe agrochimique qui fabrique cet insecticide, on continue à écouler les stocks, malgré tout, alors que cet insecticide, je le rappelle, est suspect de provoquer l'extermination des abeilles, actuellement sur notre territoire.
MICHEL GROSSIORD
Alors, première question...
JEAN DARRIULAT
Oui, il y en aura une autre.
MICHEL GROSSIORD
Il y en aura une seconde, j'ai compris. Est-ce que vous trouvez cela normal ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises, sur le sujet. Dans cette affaire, j'aimerais bien qu'on ne mette pas les agriculteurs au banc des accusés. J'ai dit que la décision qui avait été prise, était trop tardive. Pourquoi elle est trop tardive ? Trop tardive parce que nous achetons nos semences, et ce ne sont pas que les grands céréaliers, c'est même l'agriculteur qui cultive deux hectares de tournesol est concerné par l'achat de ces semences.
MICHEL GROSSIORD
Même le jardinier du dimanche !
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Même le jardinier du dimanche...
MICHEL GROSSIORD
Qui fait un grand usage des insecticides.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Exactement. Je crois que c'est bon de rétablir toute cette vérité. Et, donc, nous, nous achetons nos approvisionnements, nos fournitures pour le printemps, en fin d'année. Et, dans cette affaire-là, moi je suis prêt à toute la discipline qui s'impose, pour que tout le monde s'y retrouve, que ce soit...
MICHEL GROSSIORD
Oui, mais là, la question est précise : est-ce qu'il faut ou non, écouler les stocks dangereux, potentiellement dangereux ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Oui, je crois que c'est plus compliqué que cela, parce qu'il y a suffisamment d'études contradictoires. Mais ça, moi, je ne suis pas un scientifique. Et j'espère que le ministre a pris ses décisions en connaissance de cause ; il l'a fait, paraît-il, au regard d'un nouveau rapport et au regard du principe de précaution. Je suis pour le principe de précaution. Je dis simplement que, moi je suis prêt à retourner mes semences, si j'en avais, ce n'est pas le cas, je ne suis pas semeur de tournesol, mais je crois que dans le maïs que je sème, ce n'est pas le cas non plus Mais je suis prêt à retourner mes semences si, retournant mes semences, on m'en donne d'autres pour que je puisse cultiver. Donc je crois que ce qui est important, c'est le principe de précaution et dans cette affaire-là, moi ce qui m'intéresse c'est, en tant qu'agriculteur, c'est de pouvoir faire confiance à mes fournisseurs et, en même temps, d'avoir la certitude que je sécurise, en aval, les consommateurs. C'est dans cette position que je veux me situer en tant qu'agriculteur.
MICHEL GROSSIORD
Ce principe de précaution vaut bien sûr pour les abeilles...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Et la décision ne m'appartient pas. Vous comprenez bien que, vous le savez, la décision n'appartient pas à l'agriculteur dans cette affaire. L'agriculteur je crois qu'il est discipliné, il est prêt à appliquer l'attitude que prendra le gouvernement.
MICHEL GROSSIORD
Monsieur LEMETAYER, bien sûr, vous parlez du principe de précaution mais il vaut aussi, pour les agriculteurs qui sont directement concernés car ces pesticides sont aussi dangereux pour l'homme, vous le savez. Et ils peuvent entraîner des maladies graves ; on a lu des témoignages terribles d'agriculteurs qui avaient attrapé des cancers, ou des maladies non encore identifiées à cause, semble-t-il, de ces pesticides qu'ils utilisent dans les champs.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Il faut élargir, oui tout à fait vous avez raison d'élargir. Le problème est que, demain, on ne va pas faire l'abstraction de tous les phytosanitaires. Arrêtons là aussi, de faire de la démagogie. Je pense que, y compris celui qui fait son jardin le dimanche, il sait très bien qu'il faut s'occuper des plantes, seulement il faut s'en occuper avec, effectivement, le principe de précaution. Et dans cette affaire, sur le plan de la sécurité des agriculteurs, il faut qu'ils prennent toutes les précautions, quant à l'usage de produits qui ont un niveau de toxicité, et ce n'est pas seulement d'ailleurs les phytos, ça vaut aussi pour d'autres aspects. C'est tout le travail des campagnes de prévention que mènent nos caisses de mutualité sociale agricole. C'est très important ; faire de la prévention pour que nos agriculteurs prennent toutes les précautions lorsqu'ils les utilisent. Je pense à mon père, quand je parle de cela, je pense à mon père. Quand je vois comment il utilisait au tout début, les phytosanitaires, le pulvérisateur, qu'il n'avait pas ce petit bidon pour se rincer les mains, etc etc, ne prenait pas de masque, pas de gants, Dieu merci, qu'il n'y a pas eu tous les pépins, qu'il y aurait pu y avoir et qu'aujourd'hui justement, grâce aux campagnes de prévention, grâce aux meilleurs équipements que l'on met à disposition des agriculteurs, toutes les précautions puissent être prises pour qu'utilisant des produits dont on a besoin pour la santé des plantes, il y ait le moins de risques possibles, sachant que là aussi, on ne sera pas au risque zéro.
MICHEL GROSSIORD
Alors, Jean DARRIULAT voulait prolonger sa question.
JEAN DARRIULAT
Oui. Il y a une pression des agrochimistes et cette pression, elle joue, y compris dans vos organisations interprofessionnelles. Il y en a une que vous avez mise en place, je parle de la FNSEA, d'ailleurs, dont la présidente est une ancienne cadre, des jeunes agriculteurs de la FNSEA, qui s'appelle FARRE, le Forum de l'Agriculture Raisonnée Respectueuse de l'Environnement. Donc il y a dans cet organisme, qui regroupe énormément de gens, de scientifiques, etc... il y a les agrochimistes et en particulier, donc, l'organisation qui les réunit qui est l'UIPP, l'Union des Industries de Protection des Plantes et, dans cette UIPP, il y a quand même trois clients en ce moment, qui font parler beaucoup d'eux, c'est-à-dire BAYER, BASF et MONSANTO pour les OGM. Donc, est-ce que vous trouvez normal, que cette UIPP qui, d'ailleurs, est un des gros financiers de FARRE, donc FARRE, cet organisme qui doit promouvoir une agriculture durable et raisonnée, vous trouvez normal que les agrochimistes aient une telle importance, dans cette organisation interprofessionnelle ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
J'aimerais que Jean DARRIULAT, dans ses questions, ne soit pas accusateur.
MICHEL GROSSIORD
Quand même, là il nous apprend des choses. Est-ce que vous êtes...
JEAN DARRIULAT
Il y a des voisinages, qui sont gênants en ce moment. D'ailleurs, sur le stand de FARRE, il n'est plus fait mention du tout de la présence de l'UIPP, vous voyez...
MICHEL GROSSIORD
On découvre des choses, Monsieur LEMETAYER. Est-ce que...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Jean DARRIULAT, si nous voulons... attendez, je vais répondre. Si nous voulons que notre agriculture progresse, il faut le faire de façon non soumise, mais avec des partenaires et des partenaires en amont comme en aval. Et je crois que la présence des agrochimistes, représentés par l'UIPP, au sein de FARRE, n'est pas là pour soumettre leur diktat aux réflexions... non, mais attendez...
JEAN DARRIULAT
Ils sont vice-président, trésorier de l'organisation, ils ont quand même un certain poids.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non, mais vous permettez..
MICHEL GROSSIORD
Le président de la FNSEA vous répond. Alors dites-nous
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Moi, je vous laisse être accusateur, laissez-moi m'en expliquer, si vous le permettez. Je voudrais dire que nous devons travailler avec des partenaires, et je dis la même chose si je devais parler tout à l'heure de la distribution, la grande distribution, on en parlera peut-être. Si je dis cela c'est que, parce que si nous voulons développer le concept de l'agriculture raisonnée, ce n'est pas pour faire, les agriculteurs, consommer plus de produits chimiques, c'est, au contraire, pour les faire les consommer à bon escient et en respectant, au contraire, le mode d'emploi. Et qui mieux que ceux qui ont fabriqué le produit, pour expliquer son mode d'emploi ! A nous de prendre la distance qu'il faut avec les travaux de recherche, qui existent par ailleurs, pour faire à notre niveau à nous, les bons choix. Mais, nous ne sommes pas des soumis à l'agrochimie. Et je le dis avec force ; je le dis avec force, ni la FNSEA bien évidemment mais pas même une structure dans laquelle nous sommes, et effectivement présidée par une des membres du conseil d'administration de la FNSEA, Christiane LAMBERT, je crois qu'elle conduit les travaux de FARRE, qui est un outil de communication sur l'agriculture raisonnée, en toute liberté des partenaires agrochimistes.
MICHEL GROSSIORD
D'un mot, donc, vous n'estimez pas du tout être sous la tutelle des industries agrochimistes, celles qui soulèvent toutes ces polémiques aujourd'hui, avec leurs produits ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je crois que le métier d'agriculteur est un métier d'homme responsable. Et d'ailleurs, de toutes façons, il vaut mieux parce que c'est nous qui payons, de toutes façons, la facture des mauvais choix que nous pourrions faire sur notre exploitation. Et si on veut ajouter le fait que nous avons été, j'allais dire, presque suffisamment échaudés, par les crises récentes en matière de sécurité alimentaire, je pense que tout agriculteur et les organisations - et celle que je représente - prend toutes les précautions pour ne pas être assimilée à l'activité ou volonté commerciale de tel ou tel partenaire. Nous sommes là pour travailler en partenariat. Point. Je crois qu'il n'y a pas autre chose à dire.
MICHEL GROSSIORD
Oui mais ça veut dire, effectivement, qu'il faut prendre un engagement solennel devant l'opinion.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Mais je crois que je le prends, c'est indispensable, mais le pire serait une agriculture qui ne travaillerait pas en partenariat. Et quand sur les OGM, parce qu'on ne pourra pas parler de tous les sujets, j'ai pris position pour défendre la recherche et particulièrement la recherche chez nous, qui est publique, qui est celle de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique, c'est justement pour cultiver notre indépendance. Si nous voulons être indépendants des firmes multinationales agrochimistes, nous devons soutenir notamment la recherche publique. Et, je le dis, je le redis une nouvelle fois, avec force, je soutiens les travaux de recherche et notamment notre recherche publique. C'est le meilleur garant de notre indépendance en terme d'avenir même de pratiques agricoles.
MICHEL GROSSIORD
Alors, dans le sondage de 60 MILLIONS de CONSOMMATEURS, la question est posée bien sûr : " Est-ce que vous accepteriez que l'on utilise les OGM ? " et là, la réponse est massivement " non, à 80 %. " Marie-Jeanne HUSSET, une question.
MARIE-JEANNE HUSSET
Oui, " que l'on cultive ", même, la question est encore plus précise : 80 %. La question, très courte : est-ce que vous êtes d'accord pour que le principe pollueur/payeur, s'applique aux agriculteurs ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Nous avons toujours défendu plutôt le principe du non-pollueur/non-payeur, parce que c'est vrai... Mais même si, aujourd'hui...
MARIE-JEANNE HUSSET
Ca veut dire quoi ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Ca veut dire que celui qui ne pollue pas, qui met tout en oeuvre sur son exploitation, pour respecter les bonnes pratiques agricoles que l'on peut décliner soit en bonnes pratiques agronomiques, soit en bonnes pratiques en élevage, ne se voit pas sanctionné par des taxes. Alors, c'est plus compliqué que cela, parce que c'est vrai qu'il y a des réflexions en cours sur la politique de l'eau, par exemple, et qu'il faudra réfléchir à la participation globale de l'agriculture à la politique de l'eau. Nous ne sommes pas des opposants à ne pas participer, à cette politique de la qualité de l'eau mais nous voulons faire en sorte que les bonnes pratiques soient encouragées. Donc ce n'est pas aussi simple que le principe pollueur/payeur qui reviendrait, si je simplifie, à payer une taxe et finalement, un droit à polluer. Et je n'ai pas envie de payer une taxe pour finalement me donner un droit à polluer, je n'ai pas envie de polluer.
MARIE-JEANNE HUSSET
Comme ça, que l'industrie a quand même été contrainte à moins polluer, c'est par application du principe pollueur/payeur qui s'applique à tous les pollueurs, avec l'exception des agriculteurs.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Mais, je n'ai pas dit qu'il ne fallait pas sanctionner ceux qui polluent. J'ai simplement dit, qu'on ne pouvait pas traiter de manière globale et horizontale, sans distinguer ceux qui font des efforts de bonnes pratiques et ceux qui n'en feraient pas. Et c'est un véritable enjeu pour nous, pour demain.
MICHEL GROSSIORD
Alors, une question de Jean DARRIULAT, et ensuite ce sera Jean LE DOUAR qui posera la question.
JEAN DARRIULAT
On change de sujet. La FNSEA actuellement est montrée du doigt par la justice, déjà puisque son ancien président, votre prédécesseur est inculpé, enfin mis en examen, pardon, mis en examen. Ce n'est pas là-dessus que je voulais vous poser une question. En revanche...
MICHEL GROSSIORD
On en parlera quand même.
JEAN DARRIULAT
Attendez, on va en parler mais simplement...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je peux me permettre une remarque, Jean DARRIULAT ?
JEAN DARRIULAT
Oui, bien sûr.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
On se connaît suffisamment. La FNSEA n'est pas montrée du doigt, par la justice. La justice instruit un dossier. C'est d'autres qui montrent du doigt la FNSEA, mais pas la justice. Et moi je laisse
JEAN DARRIULAT
Oui, vos concurrents.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Oui, quelquefois même la presse. Mais moi, je laisse la justice instruire le dossier.
MICHEL GROSSIORD
Mais qu'est-ce que vous avez appris, vous, justement dans l'instruction en cours ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Rien, rien pour l'instant.
MICHEL GROSSIORD
Vous n'avez rien appris
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je n'ai pas accès Attendez, la FNSEA et le président de la FNSEA, n'a pas accès au dossier. J'ai lu, comme d'autres, un certain nombre d'informations, dans la presse. J'ai constaté qu'il n'y avait rien de nouveau qui n'avait été publié, il y a plus de 4 ans par le rapport de la Cour des Comptes. Je dis simplement maintenant, que la justice doit faire son travail, elle doit instruire le dossier. Je souhaite personnellement que toute la lumière soit faite dans cette affaire et que, s'il y a eu des irrégularités dans la gestion des fonds d'UNIGRAINS, la justice le dira. D'ici là, laissez faire et laissons faire la justice.
MICHEL GROSSIORD
Mais, selon vous justement, la justice doit quand même regarder d'un peu plus près ces liens financiers étroits entre votre syndicat et les pouvoirs publics ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Mais moi, je suis pour la transparence et d'ailleurs...
MICHEL GROSSIORD
Et il est légitime que la justice effectivement, regarde les choses d'un peu plus près.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non, mais attendez, la Cour des Comptes avait relaté un certain nombre de points pensant elle-même, que peut-être ce n'était pas dans l'objet d'UNIGRAINS tel ou tel type de financement. Partant de ce rapport de la Cour des Comptes, un syndicat concurrent a décidé de porter plainte contre X. Partant de là, il y a une instruction. Laissons faire l'instruction. Ce que je dois ajouter, c'est que tous les financements dont il est question, ont été faits en toute transparence, avec les ministres de tutelle, je dis bien " les " ministres de tutelle, puisque participent à la gestion des fonds, UNIGRAINS, le ministère et les représentants du ministre de l'Agriculture et les représentants du ministre du Budget. Donc la justice dira si, face à cette transparence de gestion, l'objet a été respecté, ou n'était pas respecté. Je crois que c'est la seule question à laquelle il faut répondre. Tout le reste, n'est que plaisir de la part de certains d'attaquer la FNSEA, d'essayer de la déstabiliser
MICHEL GROSSIORD
Qui sont vos ennemis ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je n'en sais rien.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
En tout cas, ce que je puis dire, et je m'appuie en cela sur le rassemblement de lundi dernier, en ce début de Salon, où nous avons rassemblé 5.000 dirigeants agricoles de nos départements...
MICHEL GROSSIORD
Non, non, nous, on ne cherche pas à démontrer la force, ça ne sert à rien, montrer simplement. Je suis sûr que, dans les campagnes, et notamment quand on vit des crises comme actuellement, les paysans sont plus prêts à se rassembler qu'à se diviser, et ceux qui plaideraient la division, à mon avis, en seront un jour pour leurs frais.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Alors, les ennemis, quand même, il faut être un petit peu plus explicite, ce sont les syndicats qui veulent un peu leur part de représentativité, peut-être, tout simplement ?
MICHEL GROSSIORD
Dans cette affaire, précisément, c'est l'affaire d'un syndicat qui considère qu'il y a utilisation malveillante des fonds... enfin, je n'en sais rien si on dit " malveillante ", c'est l'instruction qui le dira. C'est effectivement un syndicat concurrent.
JEAN DARRIULAT
Effectivement, l'instruction est en cours.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Mais si je peux me permettre une réflexion de syndicalisme, je ne suis pas sûr que la majorité des paysans français soient très attentifs et apportent leur soutien à un syndicat qui, pour exister, passe beaucoup de son temps à, j'allais dire, attaquer son syndicat concurrent, même si celui-ci est majoritaire.
MICHEL GROSSIORD
Est-ce que vous envisagez un jour de rencontrer, pour faire la paix - je ne sais pas, la paix des braves - les autres représentants des autres syndicats, la Confédération paysanne ? Il faut la citer...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Mais dans cette affaire-là, la Confédération paysanne a fait un commentaire très bref, et ça s'est arrêté là. Donc je crois que J'entends peu la Confédération Paysanne sur le sujet. Je suis prêt à faire la paix, mais vous comprenez bien que quand les syndicats concurrents passent leur temps, pour avoir un peu d'existence, à attaquer la FNSEA, c'est quand même dur de faire la paix. Ceci étant, moi, je suis quelqu'un de très ouvert, et ce qui m'intéresse, c'est comment nous allons défendre au mieux les agriculteurs, dans les mois et années qui viennent, face aux difficultés qui sont les nôtres, conjoncturelles, et face aux nécessaires adaptations de notre agriculture à la nouvelle politique européenne, face au nouveau contexte international. Je crois que c'est vraiment ça qui intéresse les agriculteurs sur le terrain, pas nos querelles de chapelle qui n'en sont pas, parisiennes.
MICHEL GROSSIORD
Alors, le terme de la question de Jean DARRIULAT qu'il n'a pas eu le temps de poser tout à l'heure et qui va un peu préciser les choses sur le paysage syndical agricole, Jean.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Excusez-moi, Jean DARRIULAT.
JEAN DARRIULAT
Oui, Je pense en effet que, sans parler du fond de l'instruction qui est en cours, il n'empêche qu'il reste un point important et qui vous est reproché d'ailleurs dans cette affaire, c'est le manque, d'abord de clarté sur le fonctionnement et le financement de la FNSEA, de ses différentes manifestations en l'occurrence, mais surtout, je pense, le manque de pluralisme, c'est-à-dire qu'en fait, pour parler de ces organismes interprofessionnels... ramassent donc par les taxes parafiscales, ramassaient de l'argent public, de l'argent qui appartient à tous les agriculteurs. Or par le jeu de votre majorité qui d'ailleurs s'effrite, quand même, d'année en année, d'année en année...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
On verra, Jean DARRIULAT, en 2007.
JEAN DARRIULAT
Oui, vous avez perdu 6 % depuis la dernière élection et vous en êtes à 53 %. Normalement, la prochaine fois, vous passez en dessous de la barre des 50 %.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Pourquoi ?
JEAN DARRIULAT
Je fais une observation.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Elle est gratuite.
JEAN DARRIULAT
D'où la nécessité de mobiliser toutes les énergies et en particulier celles des autres syndicats, et c'est là où je crois que la démocratie française ne peut plus, aujourd'hui, accepter un syndicat qui est majoritaire et qui refuse l'entrée, dans les différentes organisations interprofessionnelles, des autres syndicats. Il y a une monopolisation des décisions, finalement, pour suivre votre politique dans l'intérêt de votre organisation, les autres en sont exclus, y compris dans les nouveaux organismes qui ont été créés après cette affaire ; parce que vous avez dit ça date de 4 ans, c'est terminé. Oui, sauf qu'on a créé de nouveaux organismes pour le porc ou pour les céréales, et qu'on reprend exactement le même schéma, c'est-à-dire qu'on exclut de la même manière les autres syndicats.
MICHEL GROSSIORD
Alors, c'est le jugement de Jean DARRIULAT qui fait suite donc à sa prévision électorale pour la prochaine consultation. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Tout d'abord, je ne sais pas si nos résultats s'effritent, peut-être quelque peu, mais je connais beaucoup de candidats qui, dans trois semaines, moins de trois semaines, quinze jours, qui, s'ils pouvaient faire 53, 54 %, parce que c'est plutôt près de 54, s'ils pouvaient faire 54 % dans 15 jours au premier tour seraient ravis, et respecteraient le pluralisme, comme personnellement je le respecte. Je le respecte parce que ce pluralisme, il existe. Il existe dans la représentation auprès des pouvoirs publics parce que le pluralisme doit pouvoir se respecter lorsqu'il s'agit de représentation auprès de l'ensemble des pouvoirs publics ; et je crois que quand il y a réunion, débat, dans les offices agricoles, lorsqu'il y a réunion au ministère de l'Agriculture ou dans d'autres ministères... je pense d'un seul coup aussi à cette réunion préparatoire au rendez-vous de Cancun chez le ministre du Commerce extérieur, tout le monde est évidemment présent. Il faudrait faire attention à ne pas faire l'amalgame entre cela et le fonctionnement de structures de statut privé. On débattra de l'avenir, peut-être, de ces structures...
JEAN DARRIULAT
Vous parlez des organisations interprofessionnelles.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Interprofessionnelles, parce que UNIGRAINS n'est pas une organisation interprofessionnelle à l'origine. C'est une structure financière. Je ne voudrais pas qu'on mélange...
JEAN DARRIULAT
Mais ces organisations utilisent de l'argent public...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
J'en arrive...
JEAN DARRIULAT
... utilisent l'argent de l'ensemble des agriculteurs, par ce qui a remplacé...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Attendez...
JEAN DARRIULAT
Non mais il faut être précis -... utilisent par ce qu'on appelle des Contributions volontaires obligataires. D'ailleurs, sans, voyez, c'est...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Jean DARRIULAT, vous allez m'obliger, je le regrette pour ceux qui nous regardent, d'expliquer quelque chose qui doit être aux antipodes de la compréhension, mais faisons-le...
MICHEL GROSSIORD
Non, non on ne va pas entrer dans... Répondez...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non mais je suis obligé parce que les taxes parafiscales tout le monde comprend...
JEAN DARRIULAT
Non, les agriculteurs qui sont autour de nous savent très bien ce que sont ces Contributions volontaires obligatoires...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Mais je vais expliquer...
MICHEL GROSSIORD
Laissons répondre le président de la FNSEA.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Vous me permettez d'expliquer ?
JEAN DARRIULAT
Oui, oui.
MICHEL GROSSIORD
Brièvement, si possible, parce que c'est complexe.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je ne peux pas laisser de telles attaques sans dire la vérité.
MICHEL GROSSIORD
Alors, dites la vérité, rien que la vérité.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Les taxes parafiscales sont effectivement un impôt. Elles le sont devenues encore un peu plus grâce... enfin, du fait d'un vote, des deux assemblées, l'Assemblée nationale et le Sénat, à l'unanimité, considérant que c'était effectivement assimilable à un impôt, et donc géré, enfin faisant partie du budget de l'Etat. Ce qui n'est pas le cas du tout des Cotisations volontaires obligatoires. Les cotisations sont d'abord volontaires...
JEAN DARRIULAT
Mais obligatoires.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non non, mais je vais expliquer. Est-ce que je peux expliquer ?
MICHEL GROSSIORD
Oui, vous pouvez expliquer. Allez-y.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Elles sont d'abord volontaires ; elles sont volontaires parce qu'elles sont le fait d'un accord entre différentes familles pour dire... pour conduire telle action, telle action notamment de promotion, et je ne sais pas à qui viendrait à l'idée de remettre en cause par exemple tout ce qu'on a fait dans le secteur laitier, tout ce qu'on a fait ces dernières années dans le secteur viande grâce justement à ces Cotisations volontaires obligatoires pour retrouver la confiance de nos consommateurs ; et donc ça, c'est un accord entre des familles qui disent : nous allons, pour financer toutes ces campagnes indispensables à la promotion de nos produits, mettre une cotisation. Et elle devient obligatoire par une demande de ces familles, rassemblées dans une interprofession, demandant au gouvernement ce que nous appelons " l'extension ", et donc de faire en sorte qu'elles s'appliquent à tous. Ca, ce n'est pas un impôt. C'est bien une cotisation volontaire, voulue par une organisation de statut privé, rendue obligatoire à tous par une décision du gouvernement, et je ne vois pas en quoi il y aurait de problème sur ce sujet.
MICHEL GROSSIORD
Voilà. Je pense que c'est un petit peu plus clair pour ceux qui auront suivi...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Je l'espère.
MICHEL GROSSIORD
votre explication. Question suivante, peut-être qu'on va parler justement des consommateurs pour changer. Je vois, Monsieur LEMETAYER, que vous avez engagé une campagne au cours de ce salon contre certaines pratiques des grandes surfaces, enfin c'est un combat qui revient souvent dans votre bouche...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Il est permanent.
MICHEL GROSSIORD
... et notre très estimé confrère, Jean DARRIULAT, en parlait encore dans son journal ce matin, c'est votre combat, qu'il partage, peut-être, parce que vous le dites très bien là, contre les marges arrière des grandes surfaces qui sont d'ailleurs, cette année, assez peu représentées cette année sur le Salon, il y a uniquement la maison CARREFOUR. Expliquez un peu aux consommateurs le sens de votre combat.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
La situation est assez complexe.
MICHEL GROSSIORD
Là encore, il va falloir encore être simple.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Oui, très Elle est très complexe. Il faut expliquer. En fait, tout ce dossier est le débat des marges, et c'est vrai que nous constatons, année après année, que les marges s'accroissent de plus en plus chez la grande distribution et qu'il en reste de moins en moins pour les entreprises fournisseurs et, de ce fait-là, de moins en moins encore pour les agriculteurs. Et ce que nous avions aussi constaté, c'est l'absence de transparence dans les pratiques commerciales, et c'est ce qui nous avait amenés à manifester assez fort, même plus que cela, il y a à peine un an et demi, fin d'année 2002 ; et aujourd'hui, les faits nous donnent raison. Les faits nous donnent raison ; la preuve : le secrétaire d'Etat au Commerce et à la concurrence, Renaud DUTREIL, vient d'annoncer d'ailleurs sur ce salon qu'il y avait eu 400 condamnations à l'égard de grandes surfaces démontrant que, par-là même, dans leurs pratiques, il y avait eu des abus, et ce sont ces abus que nous voulons condamner. D'abord, nous voulons la transparence des pratiques commerciales, et nous voulons aussi rééquilibrer les marges entre chaque maillon. Et ce combat des marges arrière, nous l'avons mené parce que ce qui est absolument incontrôlables, ce sont effectivement ces marges arrière. Et ce que je regrette, c'est que, malgré l'engagement qui avait été pris entre les entreprises agroalimentaires et les enseignes de la grande distribution, de stabiliser les marges arrière en 2003, nous faisons le constat qu'elles ont continué de croître de plus de 1 %. Imaginons ce que veut dire 1 % de marge ! Je connais beaucoup d'entreprises qui voudraient faire un point de marge de plus à la fin de l'année. Donc le combat que nous menons est juste, d'autant plus juste que, en me tournant vers...
MICHEL GROSSIORD
Marie-Jeanne HUSSET, oui.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Marie-Jeanne HUSSET, nous savons que rien de tout cela ne profite au consommateur.
MARIE-JEANNE HUSSET
C'est ce que j'allais dire.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Voilà.
MARIE-JEANNE HUSSET
Et justement, j'ai une question parce que ce système-là des marges arrière que nous, nous dénonçons depuis de nombreuses années parce qu'il se fait effectivement aux dépens des consommateurs, c'est quand même un effet pervers de la loi GALLAND, laquelle loi GALLAND avait quand même été instituée, justement, à la demande des producteurs, pour préserver les petits producteurs de la grande distribution. Donc comment vous expliquez, finalement, cette déviance, en fait ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Il y avait aussi le souci de casser ce que nous appelions la " revente à perte ", parce qu'une autre façon de déstabiliser les marchés, c'est de vendre en dessous du prix d'achat. Donc, effectivement, toute réglementation peut avoir ses aspects pervers, et c'est vrai que la difficulté qu'il y a actuellement dans le commerce, on va dire, globalement, mais revenons sur ce qui nous intéresse nous, les produits agricoles et agroalimentaires, c'est qu'on a à la fois un commerce avec des multinationales, qui elles-mêmes peuvent imposer sans doute leur politique de prix, y compris le prix à la consommation en faisant le lien avec leur campagne de publicité, et le commerce avec les petites et moyennes entreprises qui, elles, en permanence, sont soumises à la pression, et nous, dans le domaine agricole et agroalimentaire, nous sommes plutôt dans le domaine des petites et moyennes entreprises ; et c'est là que nous subissons une pression sans merci dont ne bénéficie pas effectivement le consommateur. Et quand Michel-Edouard LECLERC - je n'ai pas trop envie de parler de Michel-Edouard LECLERC...
MICHEL GROSSIORD
J'allais pourtant vous poser la question parce que c'est un Breton, peut-être que vous êtes plus conciliant, je ne sais pas, mais...
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non pas du tout...
MICHEL GROSSIORD
Il mène une campagne contre la loi GALLAND et il vise à faire encore baisser les prix, forcément au détriment des producteurs, non ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Il l'a un peu expliqué. Il mène une campagne à l'égard des multinationales, mais je l'entends peu à l'égard des PME. Et j'ai envie de lui dire s'il mettait un peu moins de pression, avec ses autres collègues de la distribution, sur les petites et moyennes entreprises, peut-être les choses seraient un peu plus équilibrées entre celles-ci et les multinationales.
MICHEL GROSSIORD
Alors, Jean LE DOUAR de OUEST FRANCE est avec nous également. On aimerait vous entendre...
JEAN LE DOUAR
Oui, par rapport à tout ce qui vient d'être dit, Jean-Michel LEMETAYER, moi je me pose une question sur la stratégie de la FNSEA. Parce qu'on vous entend parler beaucoup de partenariat, et je m'interroge sur la possibilité d'un partenariat réel, et à arme égale, avec, d'un côté, des grandes firmes agrochimiques, et de l'autre côté, des grands distributeurs. Et on constate que chaque fois que l'agriculture est accusée de quelque chose, en fait, ce dont elle est accusée au final ne relève pas de sa responsabilité, de son ressort, mais souvent de ce qu'elle a été conduite à faire sous la pression de l'agrochimie d'un côté ou de la grande distribution de l'autre. Alors, la question que je voulais vous poser concernant la stratégie de la FNSEA, c'est de savoir si le partenariat est jouable, s'il ne va pas vous conduire à être encore plus pieds et poings liés, à perdre encore plus de pouvoir par rapport à l'aval et à l'amont, et si, au contraire, ce qui pourrait être mieux compris peut-être du grand public, des consommateurs, des citoyens, ce ne serait pas de redonner plus d'autonomie aux agriculteurs tant à l'égard des firmes d'aval (sic)... pardon, de la grande distribution d'aval que des firmes d'amont ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Sans aucun doute, mais le premier partenariat que nous devons avoir, il est avec nos entreprises de proximité. Je m'explique. Entre les agrochimistes, qui sont en amont de nos fournisseurs, et la grande distribution qui est très en aval de nos entreprises auxquelles nous livrons nos produits, les premiers partenariats qu'il nous faut faire, c'est avec, effectivement, nos entreprises, alors coopératives, mais aussi privées. Et je plaide, et vous le savez, Jean LE DOUAR, pour des filières mieux organisées, pour une profession mieux structurée, pour que, justement, nous ne soyons pas dépendants de notre amont le plus éloigné et pas plus dépendant de notre aval, c'est-à-dire de la grande distribution. Mais pour cela, il faut qu'une partie des marges reste dans ce maillon production-transformation, et même l'agrofourniture, pour que nous puissions nous-mêmes avoir la capacité d'innover, de faire de la recherche. C'est pour ça que j'insistais autant, tout à l'heure, sur la recherche ; c'est que si on concentre tous les moyens, si les seuls qui font les marges sont les agrochimistes d'un côté ou les grandes surfaces de l'autre, toute la capacité d'innovation est abandonnée à ceux-ci ou à ceux-là. Et je plaide donc pour que notre profession se structure, s'organise mieux pour que justement nous ayons nous-mêmes les moyens de cette recherche et de cette capacité d'innover. Je me félicite malgré tout que beaucoup d'entreprises ont cette capacité d'innovation pour être le moins dépendant possible du marché dont elles dépendent elles-mêmes.
MICHEL GROSSIORD
Comment vous réagissez aux nouvelles difficultés que font les Américains pour importer certains produits, particulièrement le foie gras ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Ca aurait tendance à me faire sourire. Mais c'est grave parce que c'est vraiment du protectionnisme à l'état pur. Ces champions du libéralisme qui, à chaque fois qu'ils peuvent, prennent des mesures plutôt d'ordre sanitaire qui sont en fait plutôt des mesures de protection de leur marché, quand on s'approvisionne sur un marché français qui est sans doute un des marchés qui apporte le plus de garanties en matière de sécurité alimentaire, on est choqué de telles positions des Américains, quand eux-mêmes voudraient nous vendre des produits aux hormones ou des produits OGM.
JEAN LE DOUAR
Je reviens sur ma question, quand même, parce qu'il y a quand même des pratiques agronomiques que les agriculteurs peuvent mettre en oeuvre et qui vont dans le sens d'une plus grande autonomie à l'égard de l'amont, et notamment de l'agrochimie, ok, d'un côté. Et de l'autre, on voit bien que, compte tenu de la baisse constante des prix des produits agricoles, il y a énormément d'agriculteurs qui cherchent des voies de sortie par le biais de la vente directe, sauf qu'ils font des démarches individuelles, des démarches de rupture, et que ça ne résout pas le problème pour l'ensemble.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Et on ne vivra pas que de niche.
JEAN LE DOUAR
Voilà, c'est ça.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
On ne vivra pas que de niche.
JEAN LE DOUAR
Alors, est-ce que, d'un côté sur l'agronomie, et de l'autre sur la vente, sur la commercialisation, vous n'avez pas quelque chose à faire et des voies stratégiques à trouver ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non, mais on a d'un côté Peut-être je n'ai pas été suffisamment clair dans ma réponse. On a d'un côté les filières, et ça revient à la question des interprofessions que soulevait Jean DARRIULAT tout à l'heure, en amont... Et je n'ai pas été... Il aurait fallu que je précise cela... Nous avons tous les moyens que nous mettons dans le développement agricole. L'argent qui est mis dans les instituts techniques pour assurer leur propre indépendance, qui est l'argent des producteurs, est là justement pour assurer une recherche appliquée qui essaye de nous rendre indépendants des agrochimistes. Donc il faut mener ce travail dans nos instituts techniques, dans nos chambres d'agriculture pour qu'on évolue dans nos pratiques agricoles. Je crois que... on a déjà ces moyens entre les mains, peut-être utilisons les mieux, mais ces moyens existent. En tous cas, ce qu'il faut, c'est disposer des moyens de notre indépendance. Et quelquefois, les agriculteurs peuvent se poser la question, dire : mais je paie encore une cotisation pour le développement agricole, je paie encore une cotisation pour ça... Mais c'est la condition, se financer nous-mêmes nos travaux de recherche appliquée, se financer nous-mêmes l'organisation des filières, c'est cultiver notre indépendance, et c'est ce que je plaide.
MICHEL GROSSIORD
Alors, une question de Jean DARRIULAT.
JEAN DARRIULAT
Oui précisément, vous êtes encore quand même extrêmement dépendants de l'amont et de l'aval, et en amont
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Attendez, on le sera toujours.
JEAN DARRIULAT
en amont, vous êtes partenaires, dans ces organismes interprofessionnels, dans ces deux filières, vous êtes encore partenaire de l'agrochimie, mais on a vraiment l'impression que c'est comme si on voulait mettre dans un même bocal, dans un même poulailler, si vous voulez, le renard et les poules. Et d'ailleurs, je dirais...
MICHEL GROSSIORD
On ne va pas refaire peut-être le débat de tout à l'heure.
JEAN DARRIULAT
Non, je dirais la même chose pour la grande distribution. Et je reviens donc à cette idée-là : le problème c'est, depuis quand, par exemple, enseigne-t-on dans les écoles de l'agriculture, qui sont très nombreuses et effectivement très techniciennes, par exemple tous les procédés d'agriculture biologique, d'agriculture raisonnée, c'est-à-dire non-intensive, et précisément, tout l'enseignement, aujourd'hui, est encore assez productiviste, pour résumer...
MICHEL GROSSIORD
Est-ce que c'est votre sentiment, Monsieur LEMETAYER ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non, je crois que ce qu'il faut plutôt enseigner, c'est la diversité des produits et des productions qu'apprécie le consommateur. Parce que n'opposons pas les produits conventionnels aux produits bios, aux Appellations d'origine et aux produits label. Disons clairement - et d'ailleurs, le consommateur le perçoit comme ça - qu'ils sont complémentaires selon les souhaits des consommateurs. Notre agriculture doit fournir des produits de qualité et sécurisés dans toute sa gamme, du premier prix jusqu'au produit bio, et ce que l'on doit enseigner dans nos lycées agricoles, dans nos lycées professionnels, c'est cela, c'est justement ne pas enseigner l'opposition de tel système de production par rapport à un autre, c'est que, au contraire, la richesse, notamment en France, de notre agriculture, c'est sa diversité, et j'espère aussi que nous saurons garder cette diversité.
MICHEL GROSSIORD
Monsieur LEMETAYER, est-ce que vous avez parfois le sentiment d'être plongé dans une situation injuste ? Vous avez pris la présidence de la FNSEA, et tout de suite, on a loué vos qualités d'ouverture, de dialogue, et vous voilà - donc je le disais en commençant cette émission - confronté à des crises multiples, et notamment des difficultés internes avec ces affaires de financement. Alors, est-ce que vous vous dites que, vraiment, ce n'est pas de chance ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Ecoutez, j'assume. On m'a confié une responsabilité il y a bientôt trois ans. C'est vrai que je n'avais pas forcément imaginé tous ces dossiers...
MICHEL GROSSIORD
Qui allaient vous tomber dessus.
JEAN-MICHEL LEMETAYER
qui allaient arriver là, au fil du temps. Des crises, j'avais bien imaginé qu'il y en ait quelques-unes, mais je crois que nous avons une mission, à la FNSEA, et dans les organisations professionnelles globalement, les autres syndicats aussi d'ailleurs, c'est de faire en sorte que notre agriculture puisse passer le cap de ces ruptures que nous vivons actuellement, et je conçois ma mission comme cela. Et donc, la FNSEA, c'est beaucoup d'adhérents sur l'ensemble du territoire, avec un maillage extrêmement fort, et ce n'est pas seul le président qui fera quelque chose, c'est parce qu'il sera relayé par, justement, tous nos responsables locaux pour faire progresser notre agriculture que nous réussirons, pas autre chose. Donc, finalement, j'assume, et vous savez, c'est le lot de tous les responsables.
MICHEL GROSSIORD
Vous assumez, vous ne vous dites pas chaque matin : qu'est-ce qui va me tomber sur la tête ? Vous arrivez à imaginer l'agriculture que l'on aura en France dans dix ans, quinze ans ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Non, je sais que, chaque matin, il n'y aura pas forcément les dossiers que j'ai prévus dans la journée, mais je crois que quand on est militant, quand on est responsable - ça vaut pour tous, pas seulement à la FNSEA - on doit faire face aux situations telles qu'elles se présentent.
MICHEL GROSSIORD
Et ici sur le Salon, vous recevez beaucoup de signes d'encouragement de vos pairs ?
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Oui, ça c'est ce qui est réconfortant, c'est que je n'ai pas entendu de critique à l'égard de la FNSEA sur ce salon. J'ai reçu énormément d'encouragement, et ça, ça me donne du punch.
MICHEL GROSSIORD
Merci beaucoup, Jean-Michel LEMETAYER, d'avoir répondu à nos questions, à certaines très pointues et que vous avez pu juger agressives, mais je crois que vous vous êtes défendu. Ecoutez, bonne fin de Salon, et puis on se retrouve la semaine prochaine, bien sûr, pour un autre " Face à la Presse ".
JEAN-MICHEL LEMETAYER
Merci, merci beaucoup.
(source http://www.fnsea.fr, le 18 mars 2004)