Texte intégral
C'est la première visite en France de Mme Teresa Gouveia en qualité de chef de la diplomatie portugaise. Aussi, je voudrais lui dire et vous dire le plaisir que j'ai de la recevoir aujourd'hui. D'abord, parce que c'est une très grande joie pour moi - nous avons très vite noué des relations amicales -, et puis je crois qu'elle incarne bien ce qui est l'image de la diplomatie portugaise en Europe, c'est-à-dire à la fois une volonté d'ouverture et une volonté de proposition. Et dans la situation de l'Europe aujourd'hui, je veux saluer cet esprit positif, cet esprit porté vers la recherche de résultats et de solutions qui est celui de la diplomatie portugaise.
Cette visite se situe dans la ligne du renforcement des relations bilatérales survenu depuis un an et demi, avec plus de quinze rencontres bilatérales de niveau ministériel depuis juillet 2002. La dernière en date, c'est la visite à Lisbonne du Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, le 31 octobre dernier. Les relations bilatérales franco-portugaises reposent sur des bases particulièrement solides : 700.000 Portugais sont présents en France, c'est la première communauté étrangère dans notre pays.
Nos relations économiques sont bonnes, solides. La France est le troisième fournisseur, le troisième client, le quatrième investisseur au Portugal et le Portugal est aussi un de nos bons clients, un fournisseur et c'est le huitième excédent commercial de notre pays. Le Premier ministre était accompagné, quand il s'est rendu là-bas, d'une quinzaine de dirigeants de grandes entreprises françaises.
Notre réseau culturel, vous le savez, est important aussi au Portugal : un lycée à Lisbonne, une école à Porto, deux instituts culturels, vingt alliances françaises, 35 % de la population scolaire portugaise apprend le français. De plus, la France est le pays de l'Union où le portugais est le plus enseigné.
La France est le premier partenaire bilatéral du Portugal en matière de recherche scientifique.
Notre entretien, vous l'imaginez, a permis d'évoquer les questions bilatérales entre nos deux pays, de faire un tour d'horizon des grandes questions internationales, sur lesquelles nous avons des vues très largement convergentes. Je pense aux crises du Proche-Orient, je pense aux relations avec nos partenaires du Maghreb ; nous avons bien sûr évoqué les perspectives importantes, puisque nous avons de nombreuses rencontres les prochaines semaines concernant la Méditerranée. Nous avons évoqué aussi la situation d'un certain nombre de pays amis d'Amérique du Sud ou d'Afrique.
Nous avons confirmé, à quelques semaines de l'échéance du Conseil européen, la très grande proximité de vues qui existe entre nos deux pays sur les dossiers européens, les questions méditerranéennes, avec la réunion ministérielle "Barcelone IV", puis à Tunis pour le Sommet "5+5".
Le Portugal, vous le savez, co-parraine notre initiative de relance du Processus de Barcelone, qui va être présentée à Naples. Nous nous retrouvons, bien sûr, pour le conclave, qui se déroulera à la fin de la semaine à Naples, pour la Conférence intergouvernementale. Nos échanges ont montré que nous partageons largement la même vision à la fois exigeante et ambitieuse pour l'Europe. Même vision pour ce qui est de l'avenir de la construction européenne, même vision aussi sur les principes qui doivent inspirer le fonctionnement de l'Union, à la fois l'efficacité, la démocratie, la transparence, mais aussi le principe d'égalité des Etats auquel nous sommes particulièrement attachés. Nous sommes très largement d'accord, au sein de la Conférence, pour préserver le projet de Constitution qui a été établi par la Convention, même si nous souhaitons amender, préciser, faire évoluer un certain nombre de points. Il y a bien sûr quelques approches différentes, mais je ne doute pas que nous pourrons trouver, d'ici l'échéance de la fin de l'année, un accord satisfaisant pour tous.
J'ai remercié Teresa Gouveia pour l'appui déterminant qui a été apporté par le Portugal à la France pour accueillir à Cadarache le siège du projet international ITER de réacteur de recherche sur la fusion nucléaire. La candidature française, en effet, a été retenue à l'unanimité ce matin à Bruxelles, par les ministres européens de la Recherche.
Enfin, j'ai été très heureux de pouvoir accepter l'invitation que Teresa m'a transmise à participer, début janvier, à Lisbonne, à la Conférence des ambassadeurs portugais.
(...)
Q - Monsieur de Villepin, hier à l'Assemblée nationale, vous avez évoqué la possibilité qu'on ne réalise pas aussi rapidement que certains le souhaitent un accord sur la Constitution européenne. Je voudrais savoir si le compromis sur le Pacte de stabilité annoncé hier par le Conseil des ministres des Finances ne va pas rendre encore plus difficile un accord à la Conférence intergouvernementale, en particulier pour les petits pays.
R - Pour vous dire les choses très franchement, non, je ne crains pas cela et je crois qu'il est important qu'il n'y ait pas de malentendus sur l'accord qui s'est décidé hier. En effet, que s'est-il passé ? Quelques Etats, la France, l'Allemagne, sont confrontés à des perspectives difficiles du fait de la situation de la croissance dans leur pays, et ils souhaitent se mobiliser pour recréer les conditions qui permettront à cette croissance de revenir et de repartir, tout en respectant les engagements qu'ils ont pris et qui sont les engagements communs à l'ensemble des pays européens. Ce qui s'est exprimé hier, c'est à la fois la solidarité de la majorité des Etats européens et c'est évidemment le gage même de la vitalité de l'esprit de l'Europe, soucieux de défendre les intérêts collectifs de cette Europe. Et c'est aussi l'esprit de responsabilité de la France et de l'Allemagne, qui s'engagent à respecter, d'ici 2005, l'objectif d'une réduction des déficits en dessous des 3 %, le chiffre fixé. Vous voyez bien, il faut regarder vers l'avant, bien voir cet équilibre entre la solidarité exprimée par les Etats européens, et en même temps la volonté de responsabilité de nos Etats, de l'Allemagne et de la France. Je crois qu'à aucun moment il n'y a là de crise. Il y a bien au contraire le souci de se donner les moyens de gagner et d'avancer ensemble et chacun comprend la situation dans laquelle sont placés aujourd'hui certains de nos Etats. A aucun moment ceci ne doit être lié à d'autres échéances comme la Conférence intergouvernementale, où il s'agit de doter l'ensemble de nos Etats d'une Constitution. Il y a là clairement la marque d'un choix collectif de la part des Etats européens. Je crois, qu'au-delà des susceptibilités et des sensibilités particulières qui s'expriment, la raison doit prévaloir sur ces questions qui sont, je l'accepte volontiers, difficiles et délicates et qui peuvent entraîner des polémiques momentanées, mais qui doivent pouvoir être rapidement dépassées, dans l'intérêt même de l'ensemble des pays européens.
Q - Monsieur le Ministre, tout de même, ce qui s'est passé hier à Bruxelles a attisé - et le mot est faible - les craintes des petits pays, et d'autres pays d'ailleurs, en Europe et de la Commission européenne sur une hégémonie franco-allemande sur une sorte de directoire en Europe. Premièrement, est-ce que cela vous paraît justifié, et deuxièmement, comment entendez-vous répondre à ces craintes, qui sont réelles ?
R - Je crois qu'il faut éviter l'amalgame et les spéculations, qui ne correspondent pas à la réalité. Je vous rappelle qu'une très large majorité des Etats s'est prononcée dans le sens d'un accord, c'est-à-dire d'une suspension temporaire de la procédure de déficit excessif, mais ceci ne remet pas en cause la règle fondamentale que nous voulons appliquer ensemble. Je crois donc que sont prises en compte les situations et la conjoncture particulières, mais évitons de céder à la tentation, une fois de plus, de l'amalgame. Il y a une réalité qui s'impose à nous, il y a l'esprit de solidarité et de responsabilité qui prévalent, et je m'en félicite. Pour ce qui est de la prise en compte de ceux que vous appelez les petits Etats, vous savez, c'est une distinction que nous avons toujours refusée. En Europe, il y a des Etats, il y a l'égalité des Etats, et notre volonté, c'est d'avancer tous ensemble. C'est bien pour cela que nous nous félicitons qu'une très très large majorité de ces Etats se soit prononcée pour que cette avancée réalisée ensemble puisse continuer et que l'on trouve ponctuellement les solutions qui permettent justement à cette Europe de défendre collectivement ses intérêts, en espérant que la croissance permettra rapidement de laisser derrière nous ces difficultés.
Mme Teresa Gouveia - A propos de cette question, je voudrais confirmer ce qui a été dit par Dominique de Villepin. Nous croyons que le Pacte de stabilité est vraiment un instrument très important pour la politique économique commune, pour l'union économique qu'est l'Europe, pour la dynamique de l'ensemble de l'Union européenne. Nous avons nous-mêmes eu des problèmes de déficit au Portugal. Nous avons fait des efforts énormes pour être en concordance avec le Pacte auquel nous avons souscrit justement parce que nous croyons à l'efficacité de ce Pacte, de cet instrument de politique européenne. Nous croyons que les règles doivent être suivies par tous les Etats membres, aussi nous sommes d'accord pour dire qu'il n'y a pas de distinction entre les grands et les petits Etats. Il y a des clichés qui se perpétuent, et qui nous empêchent de voir la réalité ; on analyse très souvent la réalité avec des clichés qui parfois ne s'adaptent pas à la situation. Nous avons fait partie des pays qui n'ont pas voté pour l'application de sanctions et de la procédure de déficit excessif dans le cas de la France et de l'Allemagne parce que nous avons fait nous-mêmes l'expérience de la compréhension de la Commission européenne et de nos partenaires européens, dans la mesure où des efforts ont été faits pour être en accord avec le Pacte, ainsi que des réformes structurelles dans nos pays justement pour être en accord avec les règles auxquelles nous avons souscrit. Nous comprenons très bien, pour la France et pour l'Allemagne, qu'il y a un chemin sur lequel les deux pays se sont engagés vis à vis de tous leurs partenaires européens et je trouve que c'est important aussi pour l'Europe, comme cela a été dit, que les économies des grands pays européens puissent se développer et être un moteur pour toute l'Europe. Je dois même dire qu'au Portugal, la plupart des économistes qui ont commenté hier cette question, qui a été polémique chez nous, étaient d'accord avec cette décision.
R - Vous me permettrez, reprenant la parole à Teresa, d'abord de la remercier pour ce qu'elle vient de dire, et de dire à quel point, nous le voyons, face à ceux qui parlent de crise aujourd'hui, c'est au contraire l'esprit de l'Europe qui l'emporte à travers une triple logique : une logique de solidarité, une logique de responsabilité et une logique corollaire qui est celle de la bonne volonté. Oui, la France comme l'Allemagne souhaitent s'engager dans la voie du respect de ces règles. C'est notre volonté, mais nous voulons le faire sans remettre en cause les équilibres qui sont les nôtres, cette croissance que nous voulons soutenir. Vous voyez bien qu'il y a un équilibre à trouver entre l'exigence d'équilibre, l'exigence de cohérence par rapport aux règles qui sont fixées, mais en même temps préserver ce qui est finalement l'intérêt collectif de notre Europe, c'est à dire la dynamique de croissance, la dynamique de confiance, dont nous voulons penser qu'elle est de retour dans l'ensemble de notre Union.
Q - Il y a tout de même quelque chose qui ne va pas, on peut le dire. Est-ce qu'il faut changer le Pacte de stabilité, puisqu'on a constaté qu'il y a des problèmes et que la France et l'Allemagne n'y arrivent pas ? Et finalement, les Quinze se sont donnés des règles qu'ils ne sont pas tous capables de respecter, est-ce un bon exemple pour les pays qui arrivent ?
R - Je ne suis pas du tout d'accord avec vous, en tout cas vous me permettrez d'exprimer ce sentiment. Dans toute famille, il y a des échéances, des responsabilités et des choix. Il s'agit là bien évidemment de trouver dans un moment difficile des solutions en harmonie avec l'intérêt et la vision de l'ensemble des membres de cette famille pour prendre en compte certaines situations spécifiques. Et c'est bien au regard de tous ces paramètres que la décision a été prise, une fois de plus, avec une très large majorité des Etats, il faut le rappeler. Il n'y a donc pas de règles qu'aujourd'hui la France et l'Allemagne décident de ne pas respecter. Il est décidé, parce que les circonstances sont particulières, de prendre en compte, pour une période limitée, cette situation et à aucun moment de remettre en cause le principe même du Pacte de stabilité lui-même. Vous le voyez bien, à situation exceptionnelle réponse exceptionnelle, et nous nous félicitons que cette réponse, et c'est la marque du dynamisme de l'Europe et de l'esprit de solidarité de l'Europe, nous nous félicitons que cette réponse puisse être trouvée dans un esprit de solidarité, de responsabilité et de bonne volonté. C'est, après tout, cela l'essentiel de la confiance européenne.
Q - La France est-elle prête à soutenir la position portugaise de faire l'égalité de tous les pays, grands et petits, dans les institutions européennes ? Est-ce qu'on a évoqué la question de l'agence de sécurité maritime au Portugal ?
R - Tout à fait, nous avons longuement traité de cette question importante pour nous tous de l'égalité des Etats. C'est un principe qui est au coeur de la vie européenne et que nous souhaitons bien évidemment voir respecter par les uns et par les autres et c'est pour cela que nous refusons cette distinction, qui d'ailleurs ne correspond pas à la logique actuelle de la Conférence intergouvernementale. Vous n'avez pas, dans notre Conférence, d'un côté les soit disant grands et d'un autre côté les soit disant petits. Vous avez aujourd'hui un débat qui ne s'organise pas sur ces lignes et nous nous en félicitons. Je ne crois pas du tout que c'est comme cela que nous arriverons à développer la confiance et à développer l'esprit de communauté au sein de notre Europe. Il y a au contraire une dynamique que nous voulons enclencher.
Quant à la question sur l'agence maritime, bien évidemment, nous sommes très favorables et regardons avec beaucoup d'attention cette question des agences, dans l'esprit que je viens de vous indiquer en ce qui concerne la candidature du Portugal.
Q - La Commission de Bruxelles se réunit cet après-midi, on a entendu la colère de M. Solbes au sujet de cette décision sur le Pacte de stabilité. Quelle réaction imaginez-vous dans les heures qui viennent de la part de la Commission ?
R - Une fois de plus, je crois que l'Union européenne est une famille. Dans cette famille, il faut prendre en compte les situations, le caractère parfois exceptionnel de certaines situations et la nécessité surtout d'avancer. Quand vous pouvez avoir la conjonction de cet esprit de solidarité, de responsabilité et de bonne volonté, eh bien il faut parier sur l'avenir. Il faut parier justement sur cette volonté qui s'exprime au sein de chacun des Etats. Ce que je souhaite, c'est que la Commission comprenne à la fois la détermination et l'engagement qui est le nôtre. Ce n'est pas du tout celui de bafouer des règles qui sont les règles communes que s'est donnée l'Europe, mais au contraire de nous mettre en situation de pouvoir les respecter sans mettre en péril notre situation nationale et nos économies, ce qui bien évidemment retentirait sur les autres économies de nos partenaires européens. Donc, de ce point de vue, je voudrais souligner que nous avons un intérêt commun. Je me félicite que sur la base de cet intérêt commun, un chemin commun puisse être trouvé et je suis convaincu que la Commission aura à coeur de comprendre cette logique, parce qu'au bout du compte, c'est l'intérêt général de l'Europe.
Q - Vous avez abordé des sujets concernant le continent africain. Pour ce qui est de la Guinée Bissao, quelle est la position des autorités françaises vis-à-vis des nouvelles autorités de Bissao ? Le président par intérim, Henrique Rosa, s'est rendu dans différents pays pour demander l'aide de la communauté internationale. Est-ce que Paris va apporter son soutien aux nouvelles autorités ? Est-ce qu'on peut s'attendre à une réouverture prochaine du centre culturel français à Bissao ?
R - Nous regardons bien évidemment de très près la situation en Guinée Bissao et je peux dire que c'est un sujet que nous traitons en parfaite amitié, en parfaite solidarité avec nos amis portugais. J'ai donc écouté avec beaucoup d'attention les propos tenus par Teresa Gouveia et je peux dire que, de ce point de vue, nous partageons la même ambition pour le retour à la stabilité et à la démocratie de la Guinée Bissao et que nous souhaitons très rapidement évidemment le retour à la normale ; la France jouera dans le sens qui est aujourd'hui préconisé aussi par le Portugal, qui est un sens à la fois d'exigence et de stabilité de ce pays.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 novembre 2003)
Cette visite se situe dans la ligne du renforcement des relations bilatérales survenu depuis un an et demi, avec plus de quinze rencontres bilatérales de niveau ministériel depuis juillet 2002. La dernière en date, c'est la visite à Lisbonne du Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, le 31 octobre dernier. Les relations bilatérales franco-portugaises reposent sur des bases particulièrement solides : 700.000 Portugais sont présents en France, c'est la première communauté étrangère dans notre pays.
Nos relations économiques sont bonnes, solides. La France est le troisième fournisseur, le troisième client, le quatrième investisseur au Portugal et le Portugal est aussi un de nos bons clients, un fournisseur et c'est le huitième excédent commercial de notre pays. Le Premier ministre était accompagné, quand il s'est rendu là-bas, d'une quinzaine de dirigeants de grandes entreprises françaises.
Notre réseau culturel, vous le savez, est important aussi au Portugal : un lycée à Lisbonne, une école à Porto, deux instituts culturels, vingt alliances françaises, 35 % de la population scolaire portugaise apprend le français. De plus, la France est le pays de l'Union où le portugais est le plus enseigné.
La France est le premier partenaire bilatéral du Portugal en matière de recherche scientifique.
Notre entretien, vous l'imaginez, a permis d'évoquer les questions bilatérales entre nos deux pays, de faire un tour d'horizon des grandes questions internationales, sur lesquelles nous avons des vues très largement convergentes. Je pense aux crises du Proche-Orient, je pense aux relations avec nos partenaires du Maghreb ; nous avons bien sûr évoqué les perspectives importantes, puisque nous avons de nombreuses rencontres les prochaines semaines concernant la Méditerranée. Nous avons évoqué aussi la situation d'un certain nombre de pays amis d'Amérique du Sud ou d'Afrique.
Nous avons confirmé, à quelques semaines de l'échéance du Conseil européen, la très grande proximité de vues qui existe entre nos deux pays sur les dossiers européens, les questions méditerranéennes, avec la réunion ministérielle "Barcelone IV", puis à Tunis pour le Sommet "5+5".
Le Portugal, vous le savez, co-parraine notre initiative de relance du Processus de Barcelone, qui va être présentée à Naples. Nous nous retrouvons, bien sûr, pour le conclave, qui se déroulera à la fin de la semaine à Naples, pour la Conférence intergouvernementale. Nos échanges ont montré que nous partageons largement la même vision à la fois exigeante et ambitieuse pour l'Europe. Même vision pour ce qui est de l'avenir de la construction européenne, même vision aussi sur les principes qui doivent inspirer le fonctionnement de l'Union, à la fois l'efficacité, la démocratie, la transparence, mais aussi le principe d'égalité des Etats auquel nous sommes particulièrement attachés. Nous sommes très largement d'accord, au sein de la Conférence, pour préserver le projet de Constitution qui a été établi par la Convention, même si nous souhaitons amender, préciser, faire évoluer un certain nombre de points. Il y a bien sûr quelques approches différentes, mais je ne doute pas que nous pourrons trouver, d'ici l'échéance de la fin de l'année, un accord satisfaisant pour tous.
J'ai remercié Teresa Gouveia pour l'appui déterminant qui a été apporté par le Portugal à la France pour accueillir à Cadarache le siège du projet international ITER de réacteur de recherche sur la fusion nucléaire. La candidature française, en effet, a été retenue à l'unanimité ce matin à Bruxelles, par les ministres européens de la Recherche.
Enfin, j'ai été très heureux de pouvoir accepter l'invitation que Teresa m'a transmise à participer, début janvier, à Lisbonne, à la Conférence des ambassadeurs portugais.
(...)
Q - Monsieur de Villepin, hier à l'Assemblée nationale, vous avez évoqué la possibilité qu'on ne réalise pas aussi rapidement que certains le souhaitent un accord sur la Constitution européenne. Je voudrais savoir si le compromis sur le Pacte de stabilité annoncé hier par le Conseil des ministres des Finances ne va pas rendre encore plus difficile un accord à la Conférence intergouvernementale, en particulier pour les petits pays.
R - Pour vous dire les choses très franchement, non, je ne crains pas cela et je crois qu'il est important qu'il n'y ait pas de malentendus sur l'accord qui s'est décidé hier. En effet, que s'est-il passé ? Quelques Etats, la France, l'Allemagne, sont confrontés à des perspectives difficiles du fait de la situation de la croissance dans leur pays, et ils souhaitent se mobiliser pour recréer les conditions qui permettront à cette croissance de revenir et de repartir, tout en respectant les engagements qu'ils ont pris et qui sont les engagements communs à l'ensemble des pays européens. Ce qui s'est exprimé hier, c'est à la fois la solidarité de la majorité des Etats européens et c'est évidemment le gage même de la vitalité de l'esprit de l'Europe, soucieux de défendre les intérêts collectifs de cette Europe. Et c'est aussi l'esprit de responsabilité de la France et de l'Allemagne, qui s'engagent à respecter, d'ici 2005, l'objectif d'une réduction des déficits en dessous des 3 %, le chiffre fixé. Vous voyez bien, il faut regarder vers l'avant, bien voir cet équilibre entre la solidarité exprimée par les Etats européens, et en même temps la volonté de responsabilité de nos Etats, de l'Allemagne et de la France. Je crois qu'à aucun moment il n'y a là de crise. Il y a bien au contraire le souci de se donner les moyens de gagner et d'avancer ensemble et chacun comprend la situation dans laquelle sont placés aujourd'hui certains de nos Etats. A aucun moment ceci ne doit être lié à d'autres échéances comme la Conférence intergouvernementale, où il s'agit de doter l'ensemble de nos Etats d'une Constitution. Il y a là clairement la marque d'un choix collectif de la part des Etats européens. Je crois, qu'au-delà des susceptibilités et des sensibilités particulières qui s'expriment, la raison doit prévaloir sur ces questions qui sont, je l'accepte volontiers, difficiles et délicates et qui peuvent entraîner des polémiques momentanées, mais qui doivent pouvoir être rapidement dépassées, dans l'intérêt même de l'ensemble des pays européens.
Q - Monsieur le Ministre, tout de même, ce qui s'est passé hier à Bruxelles a attisé - et le mot est faible - les craintes des petits pays, et d'autres pays d'ailleurs, en Europe et de la Commission européenne sur une hégémonie franco-allemande sur une sorte de directoire en Europe. Premièrement, est-ce que cela vous paraît justifié, et deuxièmement, comment entendez-vous répondre à ces craintes, qui sont réelles ?
R - Je crois qu'il faut éviter l'amalgame et les spéculations, qui ne correspondent pas à la réalité. Je vous rappelle qu'une très large majorité des Etats s'est prononcée dans le sens d'un accord, c'est-à-dire d'une suspension temporaire de la procédure de déficit excessif, mais ceci ne remet pas en cause la règle fondamentale que nous voulons appliquer ensemble. Je crois donc que sont prises en compte les situations et la conjoncture particulières, mais évitons de céder à la tentation, une fois de plus, de l'amalgame. Il y a une réalité qui s'impose à nous, il y a l'esprit de solidarité et de responsabilité qui prévalent, et je m'en félicite. Pour ce qui est de la prise en compte de ceux que vous appelez les petits Etats, vous savez, c'est une distinction que nous avons toujours refusée. En Europe, il y a des Etats, il y a l'égalité des Etats, et notre volonté, c'est d'avancer tous ensemble. C'est bien pour cela que nous nous félicitons qu'une très très large majorité de ces Etats se soit prononcée pour que cette avancée réalisée ensemble puisse continuer et que l'on trouve ponctuellement les solutions qui permettent justement à cette Europe de défendre collectivement ses intérêts, en espérant que la croissance permettra rapidement de laisser derrière nous ces difficultés.
Mme Teresa Gouveia - A propos de cette question, je voudrais confirmer ce qui a été dit par Dominique de Villepin. Nous croyons que le Pacte de stabilité est vraiment un instrument très important pour la politique économique commune, pour l'union économique qu'est l'Europe, pour la dynamique de l'ensemble de l'Union européenne. Nous avons nous-mêmes eu des problèmes de déficit au Portugal. Nous avons fait des efforts énormes pour être en concordance avec le Pacte auquel nous avons souscrit justement parce que nous croyons à l'efficacité de ce Pacte, de cet instrument de politique européenne. Nous croyons que les règles doivent être suivies par tous les Etats membres, aussi nous sommes d'accord pour dire qu'il n'y a pas de distinction entre les grands et les petits Etats. Il y a des clichés qui se perpétuent, et qui nous empêchent de voir la réalité ; on analyse très souvent la réalité avec des clichés qui parfois ne s'adaptent pas à la situation. Nous avons fait partie des pays qui n'ont pas voté pour l'application de sanctions et de la procédure de déficit excessif dans le cas de la France et de l'Allemagne parce que nous avons fait nous-mêmes l'expérience de la compréhension de la Commission européenne et de nos partenaires européens, dans la mesure où des efforts ont été faits pour être en accord avec le Pacte, ainsi que des réformes structurelles dans nos pays justement pour être en accord avec les règles auxquelles nous avons souscrit. Nous comprenons très bien, pour la France et pour l'Allemagne, qu'il y a un chemin sur lequel les deux pays se sont engagés vis à vis de tous leurs partenaires européens et je trouve que c'est important aussi pour l'Europe, comme cela a été dit, que les économies des grands pays européens puissent se développer et être un moteur pour toute l'Europe. Je dois même dire qu'au Portugal, la plupart des économistes qui ont commenté hier cette question, qui a été polémique chez nous, étaient d'accord avec cette décision.
R - Vous me permettrez, reprenant la parole à Teresa, d'abord de la remercier pour ce qu'elle vient de dire, et de dire à quel point, nous le voyons, face à ceux qui parlent de crise aujourd'hui, c'est au contraire l'esprit de l'Europe qui l'emporte à travers une triple logique : une logique de solidarité, une logique de responsabilité et une logique corollaire qui est celle de la bonne volonté. Oui, la France comme l'Allemagne souhaitent s'engager dans la voie du respect de ces règles. C'est notre volonté, mais nous voulons le faire sans remettre en cause les équilibres qui sont les nôtres, cette croissance que nous voulons soutenir. Vous voyez bien qu'il y a un équilibre à trouver entre l'exigence d'équilibre, l'exigence de cohérence par rapport aux règles qui sont fixées, mais en même temps préserver ce qui est finalement l'intérêt collectif de notre Europe, c'est à dire la dynamique de croissance, la dynamique de confiance, dont nous voulons penser qu'elle est de retour dans l'ensemble de notre Union.
Q - Il y a tout de même quelque chose qui ne va pas, on peut le dire. Est-ce qu'il faut changer le Pacte de stabilité, puisqu'on a constaté qu'il y a des problèmes et que la France et l'Allemagne n'y arrivent pas ? Et finalement, les Quinze se sont donnés des règles qu'ils ne sont pas tous capables de respecter, est-ce un bon exemple pour les pays qui arrivent ?
R - Je ne suis pas du tout d'accord avec vous, en tout cas vous me permettrez d'exprimer ce sentiment. Dans toute famille, il y a des échéances, des responsabilités et des choix. Il s'agit là bien évidemment de trouver dans un moment difficile des solutions en harmonie avec l'intérêt et la vision de l'ensemble des membres de cette famille pour prendre en compte certaines situations spécifiques. Et c'est bien au regard de tous ces paramètres que la décision a été prise, une fois de plus, avec une très large majorité des Etats, il faut le rappeler. Il n'y a donc pas de règles qu'aujourd'hui la France et l'Allemagne décident de ne pas respecter. Il est décidé, parce que les circonstances sont particulières, de prendre en compte, pour une période limitée, cette situation et à aucun moment de remettre en cause le principe même du Pacte de stabilité lui-même. Vous le voyez bien, à situation exceptionnelle réponse exceptionnelle, et nous nous félicitons que cette réponse, et c'est la marque du dynamisme de l'Europe et de l'esprit de solidarité de l'Europe, nous nous félicitons que cette réponse puisse être trouvée dans un esprit de solidarité, de responsabilité et de bonne volonté. C'est, après tout, cela l'essentiel de la confiance européenne.
Q - La France est-elle prête à soutenir la position portugaise de faire l'égalité de tous les pays, grands et petits, dans les institutions européennes ? Est-ce qu'on a évoqué la question de l'agence de sécurité maritime au Portugal ?
R - Tout à fait, nous avons longuement traité de cette question importante pour nous tous de l'égalité des Etats. C'est un principe qui est au coeur de la vie européenne et que nous souhaitons bien évidemment voir respecter par les uns et par les autres et c'est pour cela que nous refusons cette distinction, qui d'ailleurs ne correspond pas à la logique actuelle de la Conférence intergouvernementale. Vous n'avez pas, dans notre Conférence, d'un côté les soit disant grands et d'un autre côté les soit disant petits. Vous avez aujourd'hui un débat qui ne s'organise pas sur ces lignes et nous nous en félicitons. Je ne crois pas du tout que c'est comme cela que nous arriverons à développer la confiance et à développer l'esprit de communauté au sein de notre Europe. Il y a au contraire une dynamique que nous voulons enclencher.
Quant à la question sur l'agence maritime, bien évidemment, nous sommes très favorables et regardons avec beaucoup d'attention cette question des agences, dans l'esprit que je viens de vous indiquer en ce qui concerne la candidature du Portugal.
Q - La Commission de Bruxelles se réunit cet après-midi, on a entendu la colère de M. Solbes au sujet de cette décision sur le Pacte de stabilité. Quelle réaction imaginez-vous dans les heures qui viennent de la part de la Commission ?
R - Une fois de plus, je crois que l'Union européenne est une famille. Dans cette famille, il faut prendre en compte les situations, le caractère parfois exceptionnel de certaines situations et la nécessité surtout d'avancer. Quand vous pouvez avoir la conjonction de cet esprit de solidarité, de responsabilité et de bonne volonté, eh bien il faut parier sur l'avenir. Il faut parier justement sur cette volonté qui s'exprime au sein de chacun des Etats. Ce que je souhaite, c'est que la Commission comprenne à la fois la détermination et l'engagement qui est le nôtre. Ce n'est pas du tout celui de bafouer des règles qui sont les règles communes que s'est donnée l'Europe, mais au contraire de nous mettre en situation de pouvoir les respecter sans mettre en péril notre situation nationale et nos économies, ce qui bien évidemment retentirait sur les autres économies de nos partenaires européens. Donc, de ce point de vue, je voudrais souligner que nous avons un intérêt commun. Je me félicite que sur la base de cet intérêt commun, un chemin commun puisse être trouvé et je suis convaincu que la Commission aura à coeur de comprendre cette logique, parce qu'au bout du compte, c'est l'intérêt général de l'Europe.
Q - Vous avez abordé des sujets concernant le continent africain. Pour ce qui est de la Guinée Bissao, quelle est la position des autorités françaises vis-à-vis des nouvelles autorités de Bissao ? Le président par intérim, Henrique Rosa, s'est rendu dans différents pays pour demander l'aide de la communauté internationale. Est-ce que Paris va apporter son soutien aux nouvelles autorités ? Est-ce qu'on peut s'attendre à une réouverture prochaine du centre culturel français à Bissao ?
R - Nous regardons bien évidemment de très près la situation en Guinée Bissao et je peux dire que c'est un sujet que nous traitons en parfaite amitié, en parfaite solidarité avec nos amis portugais. J'ai donc écouté avec beaucoup d'attention les propos tenus par Teresa Gouveia et je peux dire que, de ce point de vue, nous partageons la même ambition pour le retour à la stabilité et à la démocratie de la Guinée Bissao et que nous souhaitons très rapidement évidemment le retour à la normale ; la France jouera dans le sens qui est aujourd'hui préconisé aussi par le Portugal, qui est un sens à la fois d'exigence et de stabilité de ce pays.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 novembre 2003)