Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les élus,
Chers amis
Pour cette intervention de clôture, je voudrais tout d'abord remercier et féliciter Alain GEST et Max ROUSTAN d'avoir organiser cette rencontre.
Ils ont tous deux vécu de près, si j'ose dire "à chaud" des inondations ; ils ont raison de provoquer cette réflexion "à froid".
Ce n'est pas seulement lors qu'une catastrophe survient qu'il faut se préoccuper de prévention.
Vous avez entendu aujourd'hui les meilleurs spécialistes des inondations, de la prévention ; vous avec pu confronter le point de vue des praticiens et celui des "experts". Mon intervention de clôture sera brève.
En 2001, la Somme a connu des inondations très importantes. J'ai vu des familles désemparées, en colère, parfois justifiée. De sorte que j'ai, bien malgré moi, acquis sur ces sujets une expérience vécue.
Un an après, dans le Gard, je découvrais un spectacle de désolation. Les vies fauchées, les maisons détruites, les routes dévastées Le spectacle était à pleurer, et la réalité plus encore !
De ces expériences, je tire trois leçons.
Première leçon, qui surprendra peut-être dans un colloque sur la prévention : "On ne peut pas tout prévoir". C'est être franc vis-à-vis du public et des citoyens.
Une anecdote : six mois avant les inondations de 2001, dans la Somme, un atlas des zones inondables avait été réalisé par l'un des meilleurs bureaux d'étude existants. Je n'ai aucune raison de penser que, compte tenu des informations disponibles, le travail ait, en quoi que ce soit, été négligé.
Et pourtant, si vous comparez les zones recensées comme inondables et les zones réellement inondées six mois plus tard, il y a un décalage phénoménal !
Ceci nous impose d'être modeste face à la nature et de faire d'une grande franchise et d'une grande transparence vis-à-vis de nos concitoyens. Ne leur disons pas "La nature est maîtrisée, vous ne risquez rien". Mais, au contraire, faisons oeuvre de pédagogie et ne cachons pas les limites de notre action.
C'est du manque de transparence qu'est née l'absurde rumeur qui a laissé penser à de nombreux picards, que les inondations venaient de tel ou tel.
Deuxième leçon et qui découle directement de la première : le nécessaire développement d'une conscience du risque.
Nous pourrons prendre toutes les mesures de protection que nous voulons - et il faut les prendre ! - nous pourrons faire des PPR -et il faut les faire ! -, mettre en place des systèmes d'alerte performants, etc., si, dans la population, la conscience du risque n'est pas présent, un jour ou l'autre il y aura une nouvelle catastrophe.
Si nous voulons que cette catastrophe ne se traduise pas par des morts, il est indispensable que, dans les zones exposées, les habitants sachent que ce risque existe, sachent que faire s'il survient.
Troisième leçon : la nécessaire solidarité avec les victimes. Et la solidarité, ce n'est pas qu'une question de chiffres, qu'une question d'argent. C'est aussi, une question d'humanité.
Il faut de bonnes indemnisations, des procédures solides Il faut aussi que ces procédures ne soient pas des machines inhumaines, il est nécessaire d'y ajouter une dimension psychologique. Il faut que les gens qui ont perdu un proche ou même ceux qui n'ont, si j'ose dire, "que" perdu leur maison, voient, comprennent qu'on s'occupe d'eux et qu'on se met à leur place. La solidarité institutionnelle est indispensable, il nous faut aussi du coeur.
J'en viens à l'action du gouvernement. Je salue l'action très forte de Roselyne BACHELOT qui a retracé les grandes lignes de la loi qu'elle a portée pour le compte du gouvernement. Elle vous a présenté la réorganisation des services de prévision des crues que nous avons mise en place.
J'en resterai pour ma part, au domaine du logement et de l'urbanisme, en réaffirmant tout d'abord une chose simple : nous avons tous les outils nécessaires interdire tout développement de l'urbanisation dans les zones inondables : le Code de l'Urbanisme, les PPR qui doivent être élaborés en concertation, les procédures pénales qui doivent conduire à la démolition des constructions illégales. Tout existe ; il ne nous faut que la volonté de les utiliser.
Et cette volonté sera d'autant plus forte qu'elle sera ciblée. Nous devons faire porter notre effort sur les zones où existent des risques pour les personnes. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de consacrer des moyens exceptionnels à la lutte contre les inondations dans les secteurs soumis à orage cévenol.
Au-delà de ces outils "exceptionnels", il nous faut intégrer cette préoccupation le plus en amont possible dans notre mode de développement.
J'ai été surpris, et pour être franc et très concret, presque choqué, d'apprendre qu'il y avait dans le Gard, principalement dans les centres bourgs près de 25.000 logements vacants, dont une part importante, à n'en pas douter, pourrait être réhabilité. Et malgré cela, trop souvent, le développement urbain se fait par multiplication de lotissements qui s'étalent dans nos villes de façon anarchique !
Dans ces zones soumises à une forte pression foncière, croire que nous arriverons à empêcher la reprise de l'urbanisation uniquement par l'interdiction, c'est croire qu'une digue résiste toujours à la pression des eaux. Bref, c'est se tromper lourdement.
Nous ne parviendrons à enrayer durablement les constructions dans les zones inondables que si nous offrons des espaces de développement à l'urbanisation.
Ces espaces de développement sont parfois à nos portes, au coeur des villes et villages existants.
Il s'agit dans d'autres cas de terrains libres, peut-être plus difficiles à urbaniser, qui supposent peut-être un peu plus d'imagination Face à l'enjeu, cette imagination ne doit pas manquer. Et c'est naturellement à une échelle large, intercommunale, par exemple à travers les SCoT que ces solutions doivent être inventées.
Il s'agit également de réfléchir sur les formes urbaines. Il est possible de concevoir des constructions neuves, qui répondent aux aspirations des gens, sans rejeter une certaine densité.
Ceci me conduit naturellement au rôle essentiel, déterminant, des collectivités locales. Et vous permettrez au président d'Amiens Métropole d'en profiter pour remercier publiquement le président du Conseil général de la Somme pour son action en la matière.
Certes c'est à l'État de mettre en place les outils nécessaires. Certes c'est à l'État d'imposer aux inconscients le respect de règles de prudence.
Mais qu'il s'agisse de la conscience du risque, qui ne se conçoit que sur le terrain, qu'il s'agisse d'urbanisme, qu'il s'agisse, de plus en plus, la gestion des cours d'eau, c'est aux collectivités que revient la responsabilité de l'action.
Il est tard déjà et je ne serai pas plus long. Après avoir vécu les inondations de la Somme, après avoir rendu visite, à trois reprises, aux sinistrés du Gard, j'ai une conviction simple : le minimum que nous devons aux victimes de ces catastrophes, c'est de ne pas nous arrêter dans notre effort.
Je vous remercie.
(source http://www.equipement.gouv.fr, le 28 novembre 2003)
Mesdames, Messieurs les élus,
Chers amis
Pour cette intervention de clôture, je voudrais tout d'abord remercier et féliciter Alain GEST et Max ROUSTAN d'avoir organiser cette rencontre.
Ils ont tous deux vécu de près, si j'ose dire "à chaud" des inondations ; ils ont raison de provoquer cette réflexion "à froid".
Ce n'est pas seulement lors qu'une catastrophe survient qu'il faut se préoccuper de prévention.
Vous avez entendu aujourd'hui les meilleurs spécialistes des inondations, de la prévention ; vous avec pu confronter le point de vue des praticiens et celui des "experts". Mon intervention de clôture sera brève.
En 2001, la Somme a connu des inondations très importantes. J'ai vu des familles désemparées, en colère, parfois justifiée. De sorte que j'ai, bien malgré moi, acquis sur ces sujets une expérience vécue.
Un an après, dans le Gard, je découvrais un spectacle de désolation. Les vies fauchées, les maisons détruites, les routes dévastées Le spectacle était à pleurer, et la réalité plus encore !
De ces expériences, je tire trois leçons.
Première leçon, qui surprendra peut-être dans un colloque sur la prévention : "On ne peut pas tout prévoir". C'est être franc vis-à-vis du public et des citoyens.
Une anecdote : six mois avant les inondations de 2001, dans la Somme, un atlas des zones inondables avait été réalisé par l'un des meilleurs bureaux d'étude existants. Je n'ai aucune raison de penser que, compte tenu des informations disponibles, le travail ait, en quoi que ce soit, été négligé.
Et pourtant, si vous comparez les zones recensées comme inondables et les zones réellement inondées six mois plus tard, il y a un décalage phénoménal !
Ceci nous impose d'être modeste face à la nature et de faire d'une grande franchise et d'une grande transparence vis-à-vis de nos concitoyens. Ne leur disons pas "La nature est maîtrisée, vous ne risquez rien". Mais, au contraire, faisons oeuvre de pédagogie et ne cachons pas les limites de notre action.
C'est du manque de transparence qu'est née l'absurde rumeur qui a laissé penser à de nombreux picards, que les inondations venaient de tel ou tel.
Deuxième leçon et qui découle directement de la première : le nécessaire développement d'une conscience du risque.
Nous pourrons prendre toutes les mesures de protection que nous voulons - et il faut les prendre ! - nous pourrons faire des PPR -et il faut les faire ! -, mettre en place des systèmes d'alerte performants, etc., si, dans la population, la conscience du risque n'est pas présent, un jour ou l'autre il y aura une nouvelle catastrophe.
Si nous voulons que cette catastrophe ne se traduise pas par des morts, il est indispensable que, dans les zones exposées, les habitants sachent que ce risque existe, sachent que faire s'il survient.
Troisième leçon : la nécessaire solidarité avec les victimes. Et la solidarité, ce n'est pas qu'une question de chiffres, qu'une question d'argent. C'est aussi, une question d'humanité.
Il faut de bonnes indemnisations, des procédures solides Il faut aussi que ces procédures ne soient pas des machines inhumaines, il est nécessaire d'y ajouter une dimension psychologique. Il faut que les gens qui ont perdu un proche ou même ceux qui n'ont, si j'ose dire, "que" perdu leur maison, voient, comprennent qu'on s'occupe d'eux et qu'on se met à leur place. La solidarité institutionnelle est indispensable, il nous faut aussi du coeur.
J'en viens à l'action du gouvernement. Je salue l'action très forte de Roselyne BACHELOT qui a retracé les grandes lignes de la loi qu'elle a portée pour le compte du gouvernement. Elle vous a présenté la réorganisation des services de prévision des crues que nous avons mise en place.
J'en resterai pour ma part, au domaine du logement et de l'urbanisme, en réaffirmant tout d'abord une chose simple : nous avons tous les outils nécessaires interdire tout développement de l'urbanisation dans les zones inondables : le Code de l'Urbanisme, les PPR qui doivent être élaborés en concertation, les procédures pénales qui doivent conduire à la démolition des constructions illégales. Tout existe ; il ne nous faut que la volonté de les utiliser.
Et cette volonté sera d'autant plus forte qu'elle sera ciblée. Nous devons faire porter notre effort sur les zones où existent des risques pour les personnes. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de consacrer des moyens exceptionnels à la lutte contre les inondations dans les secteurs soumis à orage cévenol.
Au-delà de ces outils "exceptionnels", il nous faut intégrer cette préoccupation le plus en amont possible dans notre mode de développement.
J'ai été surpris, et pour être franc et très concret, presque choqué, d'apprendre qu'il y avait dans le Gard, principalement dans les centres bourgs près de 25.000 logements vacants, dont une part importante, à n'en pas douter, pourrait être réhabilité. Et malgré cela, trop souvent, le développement urbain se fait par multiplication de lotissements qui s'étalent dans nos villes de façon anarchique !
Dans ces zones soumises à une forte pression foncière, croire que nous arriverons à empêcher la reprise de l'urbanisation uniquement par l'interdiction, c'est croire qu'une digue résiste toujours à la pression des eaux. Bref, c'est se tromper lourdement.
Nous ne parviendrons à enrayer durablement les constructions dans les zones inondables que si nous offrons des espaces de développement à l'urbanisation.
Ces espaces de développement sont parfois à nos portes, au coeur des villes et villages existants.
Il s'agit dans d'autres cas de terrains libres, peut-être plus difficiles à urbaniser, qui supposent peut-être un peu plus d'imagination Face à l'enjeu, cette imagination ne doit pas manquer. Et c'est naturellement à une échelle large, intercommunale, par exemple à travers les SCoT que ces solutions doivent être inventées.
Il s'agit également de réfléchir sur les formes urbaines. Il est possible de concevoir des constructions neuves, qui répondent aux aspirations des gens, sans rejeter une certaine densité.
Ceci me conduit naturellement au rôle essentiel, déterminant, des collectivités locales. Et vous permettrez au président d'Amiens Métropole d'en profiter pour remercier publiquement le président du Conseil général de la Somme pour son action en la matière.
Certes c'est à l'État de mettre en place les outils nécessaires. Certes c'est à l'État d'imposer aux inconscients le respect de règles de prudence.
Mais qu'il s'agisse de la conscience du risque, qui ne se conçoit que sur le terrain, qu'il s'agisse d'urbanisme, qu'il s'agisse, de plus en plus, la gestion des cours d'eau, c'est aux collectivités que revient la responsabilité de l'action.
Il est tard déjà et je ne serai pas plus long. Après avoir vécu les inondations de la Somme, après avoir rendu visite, à trois reprises, aux sinistrés du Gard, j'ai une conviction simple : le minimum que nous devons aux victimes de ces catastrophes, c'est de ne pas nous arrêter dans notre effort.
Je vous remercie.
(source http://www.equipement.gouv.fr, le 28 novembre 2003)