Texte intégral
Je suis très heureuse d'être aujourd'hui à Sofia.
La France soutient la Bulgarie pour la finalisation de ses négociations d'adhésion dans les meilleures conditions. Nous ne souhaitons pas, bien évidemment, que des retards soient pris et il n'y a aucune raison qu'il en soit ainsi. D'abord je voudrais rendre hommage à l'action de Mme Kounéva, que je connais bien et qui est très appréciée dans mon pays, tant pour le rôle qu'elle joue dans le cadre de la Conférence intergouvernementale, pour l'élaboration de la Constitution européenne, que parce qu'elle contribue de façon décisive à la mise en oeuvre effective de l'acquis communautaire en Bulgarie, ce qui permet d'augurer favorablement de la prochaine adhésion de votre pays à l'Union.
Par ailleurs je tiens à adresser mes félicitations au gouvernement bulgare qui a opéré ces dernières années un assainissement économique et financier permettant d'écarter le spectre de l'hyper-inflation qui, si elle s'était prolongée, aurait été ruineuse pour le pays. Il a de plus réglé son problème de déficit budgétaire et a diminué la dette. Sans vouloir évidemment interférer dans les affaires intérieures du pays, nous constatons que le gouvernement bulgare, comme le gouvernement français, a augmenté les taxes sur le diesel. Nous pensons qu'effectivement le grand marché intérieur européen va de plus en plus justifier l'harmonisation fiscale vers laquelle certains gouvernements s'acheminent.
Il y a deux grands sujets que nous avons évoqués : les liens bilatéraux et la coopération avec la France dans le cadre de l'adhésion prochaine de la Bulgarie à l'Union.
Au plan bilatéral, un constat s'impose : certes nous avons des liens culturels, politiques et d'autre nature extrêmement étroits ainsi que des liens qui passent par la forte implantation de la francophonie en Bulgarie ; nous admirons la culture et les intellectuels bulgares et la Bulgarie est très proche dans le coeur des Français ; mais par ailleurs, il y a, du point de vue des liens économiques et de la présence des investissements français dans le pays, une faiblesse à laquelle nous souhaitons remédier.
Au plan culturel, je souhaiterais remercier le gouvernement bulgare d'avoir permis, après des années de négociations, la signature qui vient d'avoir lieu entre M. Passy et moi-même de l'accord sur la mise à disposition du bâtiment de l'Alliance française faisant disparaître le contentieux qui existait à cet égard. Nous avons une grande ambition pour ce bâtiment : nous voulons y implanter l'Institut culturel français. Par ailleurs, j'ai invité Mme Kounéva à promouvoir l'organisation de manifestations culturelles à Paris et éventuellement dans d'autres villes de France. Les Français doivent mieux connaître la Bulgarie, ses artistes, ses peintres, ses écrivains, sa musique ; nous le souhaitons ardemment, et nous avons bon espoir que cela puisse s'organiser, avant même l'adhésion de la Bulgarie.
Sur le plan économique, il faut se féliciter du doublement des échanges commerciaux, mais il reste d'énormes progrès à faire pour favoriser l'implantation en Bulgarie des PME françaises. Ces entreprises ont une expertise très pointue dans de multiples domaines et elles sont créatrices d'emplois, ce qui est très important notamment quand il s'agit de trouver du travail pour les jeunes. En ce sens je suis venue avec trois industriels, qui font partie de ma délégation : un représentant d'EADS, une grande entreprise d'aérospatiale européenne, la SAGEM, qui travaille en étroite liaison avec EADS qui est spécialisée dans les matériels de sécurité et dans la modernisation d'un certain nombre d'équipements comme des hélicoptères. Le président d'une PME spécialisée dans le traitement des déchets, urbains ou en milieu rural, qui a une forte expertise pour l'application des normes européennes d'environnement, une des grandes spécialités de Mme Kounéva, m'accompagne également. Il a déjà fondé une entreprise de droit bulgare avec la ville de Petrich, et il est disponible pour créer d'autres entreprises bulgares dans ce domaine avec d'autres villes.
Nous avons aussi centré notre entretien sur les coopérations judiciaire et administrative. La France salue les efforts très méritoires du gouvernement bulgare en vue de l'adaptation et de la modernisation de son appareil juridictionnel, car la sécurité juridique qui est induite par cette modernisation est essentielle pour favoriser les investissements des entreprises en Bulgarie. J'ai proposé une coopération sur le plan juridictionnel et judiciaire, avec éventuellement l'affectation ici de ce que l'on appelle un magistrat de liaison, comme il va en exister un en Pologne. La coopération administrative est aussi très importante. Je connais le travail accompli par Mme Kounéva pour que l'administration bulgare soit parfaitement au fait du management et du monitoring qui permettent d'offrir tous les services aux citoyens et de vérifier l'efficacité de l'action administrative, notamment au regard de l'application de l'acquis communautaire.
Enfin je voudrais évoquer l'opération "10.000 stages" qui est accessible sur le site internet www.10000stages.com. C'est une opération qui a été lancée à mon initiative par un club d'entreprises pour offrir à des jeunes des opportunités de stage dans des entreprises françaises et nous faisons appel aux jeunes Bulgares. Nous les accueillerons avec le plus grand plaisir et le ministère des Affaires étrangères facilitera leur accueil.
Nous avons bien sûr évoqué l'adhésion de la Bulgarie. L'Europe encourage la Bulgarie et la Roumanie pour une adhésion en 2007. Ce n'est pas parce que dix pays vont adhérer le 1er mai 2004 qu'il faut relâcher l'effort, d'autant que, comme l'a dit le Conseil européen, il y a un seul et unique processus d'élargissement qui inclut les douze pays et qui est irréversible aux termes mêmes des conclusions du Conseil européen.
Sur le nucléaire, je me bornerai à deux observations : la France est un grand pays d'énergie nucléaire. C'est pourquoi nous nous réjouissons que la Bulgarie soit aussi un pays de l'énergie nucléaire. Nous pensons en effet que les experts bulgares ont un rôle extrêmement important à jouer dans ce domaine puisque tous les pays européens n'ont pas ce type d'industries, que ce soit d'ailleurs à l'est ou à l'ouest de l'Europe. Par ailleurs, nous sommes extrêmement sensibilisés au problème de la sûreté nucléaire. On imagine toujours que cela n'arrive qu'aux autres et que Tchernobyl n'aura été qu'un cas unique, ce que nous espérons bien sûr. Mais aujourd'hui le choix a été fait de ne pas prendre de risques inconsidérés pour les populations. Des précautions ont été prises pour aménager les réacteurs 3 et 4 de la centrale de Kozloduy. En revanche les standards européens de sûreté nucléaire ne peuvent pas permettre d'admettre ces réacteurs, dans leur conception même, puisqu'il n'y a pas de confinement. C'est la raison pour laquelle nous sommes désireux d'avoir une forte coopération pour envisager ensemble l'avenir de l'énergie nucléaire en Bulgarie.
Pour conclure, j'adresse tous mes vux à la Bulgarie qui préside à partir du 1er janvier prochain l'OSCE, qui comme vous le savez est une organisation européenne issue des accords d'Helsinki, notamment pour la défense des Droits de l'Homme et qui regroupe 55 membres. Elle est pour nous très importante, notamment dans le cadre de la politique de l'Union européenne avec ses nouveaux voisins que sont notamment la Russie, l'Ukraine, la Moldavie, la Biélorussie.
Je vous remercie, en espérant que bientôt je pourrai dire bienvenue à la Bulgarie dans l'Union européenne.
Q - En cas de conclusions positives du rapport d'inspection de la centrale nucléaire de Kozloduy, pensez-vous qu'il soit possible pour la Bulgarie de rouvrir le chapitre Energie en vue de prolonger la durée de fonctionnement des réacteurs 3 et 4 ?
Je ne crois pas que soit envisagée la réouverture de ce chapitre pour la simple raison que la conception de ces deux réacteurs n'est pas conforme. Chacun sait qu'il faut faire un effort, qui a été fait par le gouvernement au travers de son engagement. Mais cet effort a des compensations, d'abord parce que l'on écarte le risque, qui n'est pas absent, d'un accident nucléaire. L'Europe ferait preuve d'irresponsabilité en courant ce risque. Ce n'est pas du tout dans les standards de l'Europe de faire courir un danger de cette nature à des populations entières. Et deuxièmement, il y a eu des compensations financières non négligeables de l'Europe attribuées à la Bulgarie pour opérer la fermeture de ces réacteurs, tout ceci se conjuguant bien entendu avec des coopérations avec différents pays, dont le nôtre.
Q - Pensez-vous que le Conseil européen des 12 et 13 décembre va confirmer l'objectif de la Bulgarie d'achever les négociations d'adhésion en 2004 ?
R - Je n'ai pas de boule de cristal à ma disposition donc je ne peux pas vous donner le résultat du Conseil européen. En revanche, nous appuyons la demande de la Bulgarie car nous pensons que les progrès qui ont été faits méritent d'être soulignés. Bien entendu, même si les chapitres sont fermés, de nombreux efforts restent encore à faire et je pense tout spécialement au domaine judiciaire et à la sécurité publique. Comme nous le savons tous ici, l'Europe en elle-même est une sorte de catalyseur des réformes et tous les pays sont peu ou prou obligés de s'adapter constamment aux défis de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle, au regard des progrès accomplis, nous pensons qu'il faut que les négociations puissent être finalisées dans les conditions souhaitées par la Bulgarie, sauf si des incidents de parcours ne le permettaient pas, mais nous sommes à cet égard aux côtés de la Bulgarie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 décembre 2003)