Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement, à La Chaîne Info LCI le 2 juin 2004, sur le plan gouvernemental en faveur des personnes âgées, la préparation des élections européennes et la poursuite de la décentralisation.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Anita HAUSSER : C'était le dernier week-end de la Pentecôte à rallonge, le dernier lundi de Pentecôte chômé. Vous en avez bien profité ?
Jean-François COPÉ : Je tiens à rappeler qu'il y aura pour l'avenir un choix. Ce n'est pas le lundi de Pentecôte obligatoire, c'est un jour férié en moins. Et puis, c'est l'implication du principe de cohérence quand même ! Il y a un an, il y a eu une canicule qui a frappé beaucoup les esprits et qui a conduit malheureusement aux drames que chacun sait. Quel a été le boulot qui a été le nôtre ? Il a consisté à prendre nos responsabilités : un plan très ambitieux pour financer des moyens supplémentaires pour les personnes âgées dépendantes, mais il faut trouver les moyens de financement sans augmenter les impôts, d'où l'appel à la solidarité nationale. C'est une autre manière de voir la fraternité.
Anita HAUSSER : Suggérez vous que le Gouvernement se réunisse, par exemple, le lundi de Pentecôte de l'année prochaine, symboliquement, pour marquer que lui aussi travaille ?
Jean-François COPÉ : Je n'en sais rien. Je crois que de toute façon, la particularité de notre métier, c'est qu'on travaille vraiment beaucoup, y compris les jours fériés.
Anita HAUSSER : Y compris le jours fériés... Vous êtes en campagne pour les européennes, même si vous même n'êtes pas candidat. Quand vous voyez les sondages, qui ne s'annoncent pas très bons pour l'UMP, vous dites : vivement le 14 juin ?
Jean-François COPÉ : Pas du tout. On est en campagne, avec effectivement une période où, on le voit bien, les sondages nous disent : il paraît que les Français ne s'intéressent pas trop à cette élection. Je voudrais en être complètement sûr. Je vois en tout cas assez bien maintenant le décor tel qu'il est présenté : vous avez, d'une côté, ceux qui jouent sur les peurs, comme d'habitude, sur toute les peurs les souverainistes, l'extrémisme, etc ; de l'autre, vous avez la gauche, qui dit : nous, on n'a pas trop réfléchi à la question, donc on vous demande simplement de sanctionner le Gouvernement, et puis, comme il faut que l'on ait une idée, on propose les 35 heures pour toute l'Europe ils le proposent sans rire d'ailleurs. Et puis, il y a aussi ce que nous essayons de faire, on dit aux gens : cette campagne c'est très simple, l'Europe, c'est d'abord pour protéger les Français des dangers de la mondialisation et c'est pour les préparer aux atouts de la mondialisation. C'est pour cela qu'on parle de "l'Europe de la sécurité", de "l'Europe de l'emploi", et puis des "valeurs humanistes" qui sont celles de la France, parce que la voix de la France en Europe, cela veut dire beaucoup de choses.
Anita HAUSSER : Les chefs d'Etat et de gouvernement doivent se réunir après les élections européennes c'est une petite aberration du calendrier pour décider de l'adoption ou de la non adoption de la Constitution européenne. L'UMP s'est dite favorable à un référendum sur cette Constitution, pour l'adoption de cette Constitution. C'est un de vos thèmes de campagne ?
Jean-François COPÉ : Non. Je crois que tout ce qui pouvait être dit là dessus l'a été. Le vrai sujet aujourd'hui, c'est qu'il faut que l'on appelle là aussi chacun à la cohérence. Parce qu'on ne peut pas, d'un côté, fustiger la technocratie bruxelloise, et de l'autre, s'inquiéter de voir arriver le principe d'une Constitution européenne. Une Constitution européenne, cela veut dire introduire un peu plus de démocratie et d'efficacité dans l'Europe. Il est grand temps de le faire, surtout avec l'élargissement. C'est cela le grand sujet.
Anita HAUSSER : Il faut que les peuples y adhèrent ?
Jean-François COPÉ : Bien sûr, bien sûr, bien sûr.
Anita HAUSSER : D'où la nécessité éventuelle d'un référendum ?
Jean-François COPÉ : Je vois bien votre question. Mais on a tout dit sur ce sujet.
Anita HAUSSER : Et vous ne voulez pas dire !
Jean-François COPÉ : Ce n'est pas ça. C'est le président de la République qui prend cette décision, et lui seul ! Donc, il n'est pas choquant que les partis politiques prennent une position, l'UMP l'a faite. Mais in fine, c'est le président de la République qui décide, vous le savez bien.
Anita HAUSSER : Oui, je le sais bien, vous aussi d'ailleurs. Vous redoutez la réplique du 28 mars et les conséquences éventuelles pour le gouvernement Raffarin III qui est quand même engagé dans les réformes ? Cela ne risque t il pas de vous bloquer ?
Jean-François COPÉ : Je ne fais pas campagne dans cet esprit, pour une raison simple : c'est que, comme vous le voyez, l'action gouvernementale continue et continue à grand rythme puisque depuis le 28 mars, on a ouvert largement le chantier de l'assurance maladie, qui est une réforme absolument majeure, qu'aucun gouvernement, que le gouvernement précédent de M. Jospin n'a pas voulu faire. Et puis aussi, la décentralisation, qui est un autre grand sujet, sur lequel on travaille activement. Donc le Gouvernement continue son travail, et il le fait avec détermination.
Anita HAUSSER : Les syndicats et les partis politiques de gauche invitent à manifester samedi prochain contre la réforme de l'assurance maladie. L'importance de cette manifestation va t elle influer ou influencer le Gouvernement, éventuellement faire pencher d'un côté ou de l'autre ?
Jean-François COPÉ : Les manifestations, c'est toujours important, quelle que soit leur ampleur. Je crois qu'il faut regarder les messages, comprendre ce qui se passe. En même temps, il ne faut pas se tromper d'enjeux : on ne peut pas reculer sur une réforme de cette importance, parce que les enjeux sont énormes. Il s'agit de préserver notre modèle de Sécurité sociale. Et puis, quant aux mesures que nous proposons, ce sont quand même des mesures de responsabilité. Qui peut vraiment s'opposer au principe d'une franchise de 1 euro par acte médical pour responsabiliser les uns et les autres ? Qui peut s'opposer à l'idée de dire : demain, on doit être capables de moderniser notre système de santé en faisant en sorte que chacun y participe les assurés, les patients, les acteurs qui gèrent le système ?
Anita HAUSSER : Ce sont les principes...
Jean-François COPÉ : Non, il y a toute une série de mesures pour lesquelles P. Douste Blazy a quand même bien présenté les choses. Et je crois que maintenant, il faut continuer à dialoguer. D'ailleurs, c'est à cela que le ministre de la Santé s'emploie avec beaucoup de patience. Je crois qu'il faut naturellement le faire, mais aussi, le moment venu, décider ; vous le savez, J. P. Raffarin l'a rappelé, la décision, c'est à l'été. L'année dernière, c'était la réforme des retraites ; cette année, celle de l'assurance maladie...
Anita HAUSSER : Douloureuse, la réforme des retraites...
Jean-François COPÉ : Elle a été "douloureuse", elle l'a été d'autant plus qu'elle a été retardée pendant des années et des années. L'une des grandes leçons de tout cela, au delà de tel ou tel mouvement d'impopularité du moment, c'est que le travail, il faut l'assumer, les responsabilités il faut les prendre. Et c'est tout l'enjeu et le défi de notre Gouvernement.
Anita HAUSSER : Y compris donc pour l'assurance maladie. Il y a un autre dossier qu'on a un peu oublié mais qui refait surface au Sénat cette fois, c'est la décentralisation, et le vote de la loi organique sur les ressources. C'est technique tout cela, mais en fait, quand on lit bien au travers les lignes, les sénateurs, qui sont des "sages", ont compris que, à travers cette loi, finalement le Gouvernement se débarrasse d'un certain nombre de charges sur les collectivités locales et donc ce sont des impôts locaux qui risquent d'augmenter...
Jean-François COPÉ : Pas du tout.
Anita HAUSSER : Mais si, mais si, mais si...
Jean-François COPÉ : D'ailleurs, vous dites "les sénateurs sont sages", vous avez raison. Je voudrais dire aussi que le Gouvernement est sage. Parce qu'il a compris depuis quelque temps maintenant, à force de rencontrer les Français sur le terrain, et notamment dans nos années d'opposition, qu'il y a des moments où ce qui compte pour les Français, c'est l'efficacité. Ils veulent en avoir pour leurs impôts. Cela veut dire en clair qu'il y a un certain nombre de choses qui sont beaucoup mieux faites quand c'est fait sur le terrain que quand c'est décidé depuis Paris, parce que cela met trop de temps, et que ce n'est pas toujours adapté. Et donc, la décentralisation, c'est l'idée de donner aux communes, aux départements et aux régions, des tâches qu'ils peuvent accomplir beaucoup plus efficacement que ne le fait l'Etat. Le deuxième point : nous avons fait un grand changement par rapport au passé, c'est que nous avons changé la Constitution, de telle sorte que, désormais, il n'y aura plus une seule compétence qui sera donnée aux communes ou aux départements ou aux régions, sans qu'il y ait la ressource correspondante à l'euro près, l'impôt correspondant à l'euro près.
Anita HAUSSER : C'est là où il y a l'ambiguïté monsieur Copé !
Jean-François COPÉ : Non, justement.
Anita HAUSSER : Est ce une dotation ou un transfert de ressources ?
Jean-François COPÉ : Ce sera un transfert de ressources.
Anita HAUSSER : C'est à dire que si la commune a besoin de 100 euros, elle aura 100 euros et non pas 80 ?
Jean-François COPÉ : Elle aura exactement ce que l'Etat s'engage à lui [donner]. Ce que l'Etat consomme lui même pour dépenser, ce sera transféré aux collectivités locales, à l'euro près ; la Constitution le prévoit. C'est en cela que les temps ont changé. Savez vous pourquoi les sénateurs sont inquiets ? Parce que, du temps de M. Jospin, par exemple, M. Jospin a créé une allocation pour les personnes âgées dépendantes, et cette allocation, il a dit : cette allocation, ce n'est pas l'Etat qui la paye, ce sont les départements, et je ne donne aucune ressource pour compenser. C'est cela qui a inquiété les sénateurs comme les députés. Et voilà pourquoi nous avons changé la Constitution. Mon boulot, cette semaine, en particulier au Sénat, ce sera d'en convaincre les sénateurs.
Anita HAUSSER : Vous citez M. Jospin, parce que vous redoutez son retour ?
Jean-François COPÉ : Non. En tout cas, ce qui est vrai, je crois qu'il faut arrêter de se cacher derrière son petit doigt. Je crois que M. Jospin est revenu sur la scène politique. Ce qui est, à mon avis, un élément qu'il faut maintenant intégrer de manière ordinaire. Il ne manque aucun meeting, aucun marché, aucune campagne électorale. Pour quelqu'un qui, il y a deux ans, avait fait croire aux Français qu'il arrêtait, c'est bien la démonstration qu'il n'a pas dit la vérité et que, en fait, il revient. Et puis c'est une bonne occasion pour nous aussi de faire bilan contre bilan. Puisqu'il aime bien les bilans, on va parler du sien.
Anita HAUSSER : Jospin 2007, vous y croyez ?
Jean-François COPÉ : On verra bien. Ce que je sais, en tout cas, c'est que c'est un révélateur, le retour de M. Jospin. Et pour moi, cela est très important. C'est le révélateur d'une gauche qui, depuis deux ans, a finalement échoué ; elle n'a pas réussi, tout en restant plurielle, à faire émerger un leader et à faire émerger un projet alternatif. Et c'est pour cela que Jospin revient. A eux de méditer sur ce dur retour.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 2 juin 2004)