Déclaration de M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales, sur la nécessité de reconstituer les forêts après les dégâts occasionnés par les tempêtes de décembre 1999, sur les aides de l'État et ses modalités d'intervention dans le domaine forestier, le 16 septembre 2004.

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Circonstance : Assemblée générale de la Fédération nationale des syndicats de propriétaires forestiers sylviculteurs (FNSPFS) le 16 septembre 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Président,
C'est avec grand plaisir que je me joins à vos travaux aujourd'hui. Vous le savez, Hervé GAYMARD n'a pu finalement être présent, contrairement à son intention.
Je suis heureux d'être parmi vous, car en tant que Secrétaire d'Etat à l'Agriculture, j'ai dans mes domaines d'attribution -avec l'enseignement agricole et les industries agroalimentaires- la charge des affaires rurales. Et la forêt occupe, bien entendu, une place essentielle dans ce domaine. Elle ne m'est évidemment pas inconnue. Je suis élu d'un département rural, l'Indre ; et j'ai beaucoup rencontré très souvent les acteurs du secteur, propriétaires -collectivités locales ou propriétaires privés-, services de l'Etat, entreprises.
J'ai écouté avec attention l'exposé de vos préoccupations et de vos objectifs, Mr le Président, et j'ai bien entendu le sentiment parfois d'incompréhension que vous exprimiez, votre analyse et vos propositions. Je sais que vous êtes de vrais producteurs, je sais le rôle que vous jouez dans notre économie, dans nos territoires ruraux. Je vais vous répondre sur des points qui m'apparaissent essentiels. Car je suis ici dans un esprit volontaire et constructif. Et je vous fait une proposition, c'est de veiller à ce que nous trouvions de nouvelles façons de travailler avec vous, d'avancer ensemble. Car le ministère de l'Agriculture est bien le ministère de la Forêt.
Je tiens à saluer les efforts considérables que vous menez en faveur de la forêt privée, mais aussi de la forêt française et européenne à travers votre engagement dans le Programme Européen des Forêts Certifiées, le PEFC.
J'en viens aux sujets qui nous préoccupent.
Je commencerai par les conséquences des tempêtes de décembre 1999 qui demeurent pour vous tous, et c'est compréhensible, une préoccupation majeure. La société, profondément choquée et solidaire immédiatement après cette catastrophe, a désormais tendance à oublier alors que les balafres qui défiguraient la forêt semblent se refermer. Pour autant, les propriétaires sont toujours confrontés au défi de la reconstitution et je sais qu'ils ne ménagent pas leurs efforts. Je sais également que beaucoup d'entre eux dénoncent les files d'attente avant l'engagement des dossiers de subvention et le retard dans les paiements.
En toute transparence, je tiens à souligner cinq points.
· Tout d'abord, nous devons accepter collectivement la nécessaire maîtrise de nos dépenses publiques, l'assainissement de nos finances publiques, car un Etat ne peut vivre éternellement à crédit, en empruntant pour rembourser ses dettes et non pour construire l'avenir. Les lettres de cadrage budgétaire nous imposent, comme à tous les ministères, une gestion rigoureuse de nos crédits. Concrètement, cela se traduit - pour nous et pour vous - par le gel d'une partie de la dotation initialement prévue en début d'année.
· Cependant, l'enveloppe jusqu'ici disponible, même en baisse par rapport à 2003, s'inscrit dans la continuité du plan national en faveur des forêts sinistrées : elle permet de respecter, sur la période 2000-2004, une moyenne annuelle de 91,5 M d'euros d'aide, puisqu'au 31 décembre 2003, plus de 490 M d'euros avaient déjà été engagés. Je précise que les crédits 2004 ne doivent pas être directement comparés aux crédits délégués en 2003, qui avaient été abondés d'une dotation exceptionnelle de 30 millions d'euros, votée en loi de finances rectificative pour 2002.
· Troisième point : au-delà du contexte budgétaire que nous connaissons, il parait illusoire d'avoir un guichet ouvert dans chaque département pour tous les dossiers de reconstitution. Il existera toujours un décalage entre les attentes des propriétaires, le niveau des barèmes forfaitaires et les dotations disponibles, qui impose une sélection des dossiers en fonction des priorités. L'important est que ces priorités puissent être définies et gérées localement, en concertation avec les professionnels et j'ai demandé à mes services d'être vigilants sur ce point.
· Je tiens à vous dire, et vous l'avez souligné Mr le Président, que nous sommes particulièrement conscients de l'impérieuse nécessité de reconstituer nos forêts. Nous avons cherché toutes les solutions pour amortir l'impact de cette rigueur budgétaire, car il fallait satisfaire les demandes pressantes en matière de nettoyage et de reconstitution des forêts sinistrées, sans décourager les propriétaires, sans vous décourager, quatre ans après les tempêtes. Ainsi, nos services procèdent actuellement, pour employer un jargon budgétaire, à une reprise de délégations d'autorisations de programme sur les reliquats de crédits non utilisables en région et dans les départements. Les enveloppes ainsi dégagées pourraient permettre d'engager de nouvelles opérations d'ici la fin de l'année.
· Cinquième point, et il est d'importance : je peux vous annoncer que nous venons d'obtenir le dégel de 9 millions d'euros de crédits de paiement, que nous allons immédiatement verser au CNASEA afin que les paiements en attente depuis l'été puissent être honorés. J'ai moi-même été chef d'entreprise et je sais trop bien ce que peuvent représenter des retards de paiements. Quand une subvention est accordée et que le propriétaire a réalisé les travaux, il est normal qu'il soit payé. Ce sera chose faite.
Enfin, je voudrais vous dire quelques mots de la LOLF : la loi organique relative aux lois de finances. Promulguée le 1er août 2001, elle fixe le cadre de la nouvelle constitution financière de l'État et clarifie notre gestion publique. Nous passerons des chapitres et lignes budgétaires actuels, plutôt obscurs, à un découpage des crédits en missions, programmes et actions. Le coeur de métier du ministère de l'Agriculture se retrouve ainsi dans la mission " agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ". Au sein de cette mission, qui constituera l'unité de vote au Parlement, la forêt fait l'objet de l'un des 4 programmes budgétaires distincts. Ce choix permettra de rendre très lisible la politique de l'État pour la filière forêt-bois, en termes de finalités, d'objectifs et de résultats.
Je crois que nous pouvons voir dans ce choix d'un programme " forêt " unique, un symbole et la marque de l'attachement de notre ministère à sa vocation forestière. Mais ce programme signifie également que les crédits forestiers ne seront pas échangeables, en gestion, avec d'autres crédits du ministère ; chacun sait que cette possibilité d'échange sous la pression du court terme, pouvait susciter des appétits qui se conjuguent mal avec la sérénité du long terme forestier...
Nous avons également décidé de procéder, sur l'ensemble des crédits forestiers, à une expérimentation des règles de la LOLF dès le 1er janvier 2005. Le programme forêt fera donc partie des rares programmes du gouvernement à être intégralement géré selon les règles budgétaires nouvelles dès cette date, soit 1 an avant le basculement de l'ensemble du budget de l'Etat. Cela signifiera une plus grande déconcentration, au niveau régional, de la gestion des crédits, et donc une meilleure gestion des dossiers, au plus près des priorités locales. Cela signifiera également qu'une attention particulière sera portée à l'utilisation effective de ces crédits et à l'analyse de la performance des fonds publics dépensés.
Le dossier des assurances
Cette présentation - certainement trop longue !- des crédits consacrés par l'Etat à la forêt et à la réparation des dommages des catastrophes naturelles, m'amène tout naturellement à aborder le délicat dossier des assurances.
Nous y travaillons ensemble depuis quelques temps - trop longtemps sans doute - mais vous savez que ce sujet ne dépend pas seulement du ministère chargé de la forêt.
Après les tempêtes de décembre 1999, l'Etat est intervenu pour manifester la solidarité nationale et nul doute qu'en cas de catastrophe similaire, ce qu'aucun d'entre nous ne souhaite, l'Etat interviendra encore avec un plan approprié pour compenser les conséquences d'évènements aussi exceptionnels. Pour autant, les tempêtes de 1999 ont révélé la fragilité et l'insuffisance des systèmes d'assurances en forêt.
Il est indéniable que l'offre s'est raréfiée. Le nombre d'assureurs proposant des contrats a diminué et leurs primes ont augmenté au regard des garanties offertes. Ainsi, la surface de la forêt privée française assurée contre les tempêtes est aujourd'hui encore plus faible qu'elle ne l'était avant les tempêtes de 1999.
Comme cela a été souligné lors du CIADT du 3 septembre 2003, il est de notre intérêt commun que le secteur forestier bénéficie de mécanismes permettant d'augmenter les surfaces assurées. C'est l'objectif qui a guidé nos travaux. D'ores et déjà, il apparaît qu'une transposition du régime des calamités agricoles ou l'extension du régime des catastrophes naturelles au secteur forestier n'est pas viable et ne peut être envisagée.
Vous avez proposé la création d'un produit financier spécifique à la prise en compte des aléas climatiques en forêt, dans l'esprit d'une gestion durable de la forêt, et cette proposition s'est traduite par des amendements présentés lors de la première lecture du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux au Sénat. Lors des débats, j'ai souhaité que se réunisse un groupe de travail associant des représentants des deux Assemblées, afin d'exposer les travaux déjà menés entre notre ministère et le ministère de l'Economie, et d'analyser la faisabilité d'un dispositif d'épargne de précaution. Le groupe s'est réuni la semaine dernière et nous sommes convenus de travailler avec vous sur un nouveau projet. Il pourrait être examiné en arbitrage interministériel avant la deuxième lecture du projet de loi.
Mener une réflexion sur les systèmes d'aide à la forêt
A ce stade, je voudrais vous livrer une réflexion que m'inspirent ces débats sur les montants des aides de l'Etat et ses modalités d'intervention dans le domaine forestier.
Vous avez vécu en quelques années la fin du Fonds Forestier National (FFN), l'arrivée du Programme de Développement Rural National (PDRN) et des cofinancements européens, des tempêtes inédites, une sécheresse exceptionnelle... Ce sont beaucoup de bouleversements et je comprends vos interrogations.
Tous ces changements nous invitent à mener rapidement une réflexion sur les systèmes d'aides à la forêt. Il nous faut déterminer les dispositifs les plus efficaces, quitte à les renforcer, et ne pas avoir peur d'abandonner les dispositifs les moins incitatifs, qui profitent à peu de bénéficiaires et nuisent à la lisibilité de l'ensemble.
A cet égard, plaçons-nous à l'échelon européen, où la mise en place du deuxième Règlement de Développement Rural (RDR) offre l'opportunité de concrétiser les fruits de ces réflexions. L'échéance d'application - janvier 2007 - peut sembler lointaine mais c'est au cours de l'été 2005 que ce règlement devra être adopté et c'est maintenant que nous devons travailler, avant les débats au Conseil européen, qui débuteront en novembre. Nous avons maintenant une échéance de travail. Cette étape est importante pour la forêt car elle impose de faire des choix qui vont engager l'action publique sur plusieurs années.
L'intégration de la forêt dans le Programme de Développement Rural au sein du deuxième pilier de la PAC permet de mobiliser des crédits communautaires et de reconnaître le rôle de la forêt dans l'équilibre des territoires ruraux... mais gardons à l'esprit que l'enveloppe consacrée au RDR ne sera pas extensible. N'oublions pas que l'Union européenne comporte 25 pays, avec d'énormes demandes de la part des nouveaux arrivants dans le domaine agricole. Il faudra donc cibler les actions qu'il est souhaitable d'intégrer dans le futur PDRN, celles pour lesquelles il est préférable de défendre l'intégration dans un règlement séparé (mais d'en mesurer les chances de succès et je pense en particulier aux investissements de défense contre l'incendie) et celles qui peuvent rester financées uniquement sur le budget de l'Etat.
Je n'ai pas encore de réponse tranchée à ces questions mais je souhaite que nous puissions en débattre avant de formaliser la position de la France. J'ai demandé à mes services de vous fournir les éléments nécessaires à cette réflexion et dans les toutes prochaines semaines, je vous propose que nous reprenions contact afin que vous puissiez nous faire part de vos réactions et suggestions.
Les pistes de travail
Les quelques pistes de travail que je vais vous livrer maintenant ont vocation à être versées aux débats : elles n'expriment pas une position définitive.
· Les incitations fiscales existantes m'apparaissent bien adaptées au long terme forestier et permettent d'intégrer la reconnaissance des avantages collectifs qu'apporte la gestion forestière à l'ensemble de la société. C'est dans ce sens qu'il nous faut examiner si des modifications méritent d'être apportées aux dispositifs actuels.
· Je souhaite également que l'on privilégie la simplicité. C'est un sujet qui ressemble à un vrai serpent de mer ! Je ne suis pas sûr que des dispositifs prévoyant tous les cas de figure, avec une multitude de paramètres et de gardes-fous en cascade, avec des contrôles a priori, a posteriori - et que sais-je encore - soient particulièrement efficaces et incitatifs. Vous le savez, c'est une volonté forte du Gouvernement, qui a engagé une démarche déterminée de simplification administrative : les vertus de la simplicité, dans tous les domaines, dont celui de la forêt, sont évidentes ! Mais tout le monde, professionnels et pouvoirs publics, doit se donner la main, pour effectuer ce travail de simplification.
· Je pense aussi qu'il convient de limiter les coûts indirects que supporte le propriétaire forestier. Ces coûts indirects sont nombreux et vous en avez donné quelques exemples. Ils connaissent une certaine inflation, au même rythme que l'accroissement des réglementations qui ne font pourtant que traduire des attentes croissantes de nos concitoyens.
· Vous avez insisté sur les contraintes : la multitude de zonages et la montée en puissance de prescriptions environnementales de toute nature qui, d'une part obligent le propriétaire à complexifier sa gestion forestière, d'autre part lui demandent beaucoup plus de travail pour prendre connaissance et respecter les diverses réglementations qui s'imposent à lui. L'une des solutions est celle de l'article L. 11 du Code forestier concernant les fusions de procédures. Nous restons mobilisés sur la rédaction du décret d'application, et la contribution de la forêt privée, formalisée en juillet dernier, a été très appréciée. C'est sur cette base que s'engagent les discussions avec les autres ministères : nous aurons sans aucun doute encore besoin de votre appui pour faire avancer ce dossier.
· Par ailleurs, sur la transposition de la Directive européenne dite " Plans et Programmes ", je peux vous dire que les arbitrages rendus sont conformes à vos attentes, que nous partageons.
· S'agissant de Natura 2000, je serai très bref. Vous savez que la France est sommée par la Commission européenne d'étendre le nombre et l'étendue des ZPS (Zones de protection spéciales). De nouvelles désignations devront donc prochainement intervenir. Mais au-delà de ces limites de zones, il nous faut être attentif sur les modalités de gestion.
Une circulaire est en cours de rédaction, sous le pilotage du ministère de l'Ecologie et du développement durable, relative aux " contrats Natura 2000 ". Elle concerne le financement de mesures de gestion préconisées dans les documents d'objectif des sites Natura 2000, dans le cadre de contrats entre l'Etat et les propriétaires forestiers. Je précise à cet égard que nous avons choisi, à la différence de la plupart des autres Etats-membres, de privilégier la voie de l'incitation au travers d'une démarche contractuelle.
· Parmi les coûts indirects, vous avez évoqué les dégâts de gibier. Le débat sur cet équilibre sylvo-cynégétique a été à nouveau ouvert lors de la discussion en première lecture du Projet de loi sur les Territoires Ruraux. L'Assemblée nationale et le Sénat ont écarté les dégâts sylvicoles, causés par le gibier, du champ d'intervention de l'indemnisation non contentieuse financée par les fédérations de chasseurs. En cas de surpopulation de cerfs ou de chevreuils, les propriétaires forestiers lésés auraient donc comme unique recours la mise en défens de leurs parcelles ou la protection des plants forestiers. La loi prévoit que ces dépenses de protection pourront être prises en charge : je sais que cela ne vous apparaît pas suffisant.
Le gouvernement n'envisage pas de créer un dispositif nouveau d'indemnisation des dégâts sylvicoles. Il demande aux chasseurs une réelle prise en considération des préjudices subis par les propriétaires forestiers ne tirant pas bénéfice du droit de chasse. Cela implique une meilleure participation des forestiers à la gestion cynégétique (schémas départementaux de gestion cynégétique, commissions de plans de chasse) mais aussi la reconnaissance de la responsabilité des bénéficiaires de plan de chasse en cas de non-exécution des minima.
Enfin, les caractéristiques sylvicoles des peuplements ont également une influence sur l'importance des dégâts. Les documents régionaux de gestion forestière et les orientations régionales de gestion, et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats, devront intégrer les préoccupations de la gestion cynégétique et de la gestion sylvicole. L'Observatoire national des dégâts de cervidés en forêt, placé sous la double tutelle du ministère chargé de la forêt et du ministère chargé de la chasse, doit apporter une expertise précieuse dans ce domaine.
Je ne doute pas que lors de la deuxième lecture de ce projet de loi, qui interviendra début octobre, votre fédération saura sensibiliser les élus à cette problématique et aux intérêts forestiers.
· Je n'ai pas encore évoqué, Mr le président, la principale source de financement des propriétaires : je veux parler des ventes de bois. Pouvoir vendre ses bois, et les vendre à un prix qui couvre au minimum l'ensemble des coûts avancés, est pourtant essentiel. C'est la base de la gestion durable de nos forêts. Pour atteindre cet objectif, il faut à la fois des débouchés pour le bois et des entreprises suffisamment compétitives pour approvisionner les marchés et rémunérer la matière première à un prix correct.
Vous avez raison de souligner que nous sommes actuellement dans une période délicate, avec une concurrence exacerbée. Même si le bois est paré de nombreuses vertus, en tant que matériau ou source d'énergie, même si nous l'aimons et nous l'apprécions, même si les études prospectives démontrent que la croissance, et la diminution des surfaces forestières au niveau mondial, va générer une tension sur la ressource ... force est de constater qu'aujourd'hui, en France, nos entreprises souffrent, le prix des bois stagne ou régresse, et notre ressource reste insuffisamment mobilisée.
Même si cette situation est temporaire, je ne suis pas de ceux qui y voient une raison pour ne pas agir dès maintenant. Pour autant l'action de l'Etat dans ce domaine ne peut reposer, comme pour les investissements forestiers, sur une politique de subventions directes. Dans le domaine des industries du bois, les aides directes ne sont pas compatibles avec les règles régissant la concurrence au sein de l'Union européenne.
Le gouvernement privilégie donc un accompagnement des acteurs économiques, dans leur recherche d'une amélioration de la compétitivité et d'un développement des usages du bois, tant sous forme de matériau que de source d'énergie. La compétitivité de l'industrie française reste handicapée par ces mêmes facteurs qui font la richesse et la valeur patrimoniale de la forêt française, mais freinent la mobilisation de la ressource et compliquent son accessibilité. Vous les connaissez : morcellement foncier extrême, diversité des essences et des modes sylvicoles, facteurs géographiques et conditions d'accès, conditions et coûts de transport, etc.
Alors, les pistes d'actions pour améliorer la compétitivité, collectives ou individuelles, sont nombreuses : regroupement de l'offre, évolution des modes de ventes, logistique d'approvisionnement et de transport, performance des outils industriels, développement des finitions et du séchage des sciages, classement et normalisation des produits, démarche qualité dans les entreprises, écocertification de la gestion forestière... Autant de thèmes que vous avez abordés tout à l'heure.
· Parmi ces thèmes, le transport des bois est un sujet essentiel. Vous le savez, la Loi d'Orientation Forestière a permis une augmentation des tonnages pour le transport des bois ronds. Un décret en Conseil d'État a été publié le 30 avril 2003. Il permet la circulation jusqu'à 52 t pour des ensemble de véhicules à 5 essieux, jusqu'à 57 t pour 6 essieux et jusqu'à 72 t avec plus de sept essieux, sur des itinéraires arrêtés par les autorités publiques compétentes dans le département.
La circulaire d'application vient d'être publiée par le ministère en charge des Transports. Elle arrive avec un peu de retard ... et je ne vous cache pas que nous avons dû être très vigilants - et très insistants - pour que cette circulaire n'apparaisse pas trop restrictive. Toujours est-il que désormais, tout est en ordre pour que les concertations locales associant exploitants forestiers, professionnels du bois et gestionnaires des réseaux, puissent déboucher sur la définition des itinéraires. Certains préfets de département ont d'ailleurs déjà pris des arrêtés en ce sens. Je précise enfin qu'une disposition du projet de loi sur le développement des territoires ruraux prévoit de prolonger pour une durée de trois années, soit jusqu'en 2009, le terme de validité de cette mesure. Cela permettra de mettre concrètement en place ces mesures et d'en faire un suivi pendant un laps de temps suffisant.
· Un autre sujet de préoccupation est apparu avec les perspectives d'augmentation de tarif et de fermeture de gares bois par la SNCF. Bien entendu, les discussions entre la SNCF et ses clients, de nature commerciale, se déroulent sur un plan strictement privé et il n'appartient pas au ministre chargé des forêts de s'immiscer dans ces négociations. Je dirai seulement en tant qu'élu du département de l'Indre, je connais malheureusement particulièrement bien ce problème...
Pour autant, même si le trafic par chemin de fer ne représente qu'environ 5 % du transport de bois, une dégradation des conditions de transport peut avoir des conséquences très dommageables sur l'exploitation de certains massifs forestiers, dont une partie des bois part à longue distance grâce au rail, sur l'activité et l'emploi dans les territoires ruraux, sans compter les impacts environnementaux liés à une augmentation du trafic routier.
Néanmoins, il faut aussi savoir que la situation de Fret-SNCF est fortement déficitaire depuis plusieurs années. Le retour à l'équilibre économique de ce secteur est un préalable indispensable à une politique de développement du trafic et le Gouvernement contribuera au Plan fret, élaboré pour redresser les comptes. Dans ce cadre, toutes les pistes de productivité sont étudiées par la SNCF, afin de pouvoir d'une part offrir des prestations de qualité, d'autre part revenir à une situation d'équilibre économique.
Le dialogue et les concessions seront nécessaires de part et d'autre pour trouver un équilibre satisfaisant. Des efforts particuliers doivent être fournis, en complément de ceux demandés à Fret-SNCF, relatifs à l'organisation des trafics par les donneurs d'ordre ou au maintien de certaines gares bois avec l'appui des collectivités territoriales.
· Parmi les facteurs de compétitivité, le regroupement de l'offre est également primordial. Je salue à cet égard l'action dynamique des coopératives forestières. Hervé GAYMARD aura l'occasion de le souligner la semaine prochaine lors de l'assemblée de l'Union de La Coopération Forestière Française (UCFF). Les Organismes de gestion en commun (OGEC) permettent de pallier le morcellement en rassemblant les sylviculteurs, dans le cadre d'un projet commun et d'une organisation commune de mise en vente et de travaux. Le cadre juridique de principe a été précisé dans l'article L. 248-1 du code forestier et un décret d'application en définira les modalités concrètes de fonctionnement : je peux vous dire qu'il sera publié très prochainement.
· Dans ce même objectif de regroupement de l'offre et de mobilisation de la ressource, je voudrais saluer votre action formalisée dans les Plans de Développement de Massifs (PDM) que vous avez détaillés tout à l'heure. C'est un bon exemple d'une démarche constructive, efficace, à l'initiative des propriétaires, en lien avec les entreprises utilisatrices.
En associant également les collectivités territoriales, je suis persuadé que nombre de ces PDM peuvent s'inscrire dans une démarche de type " charte forestière de territoire " et mobiliser ainsi des financements locaux, des régions et des départements. Je vous rappelle également que l'Etat donne un " coup de pouce " de + 10 % pour les aides inscrites dans une charte forestière de territoire. Je vous invite donc vivement à poursuivre l'élaboration des PDM et je me félicite que les CRPF, établissements publics, soient largement impliqués dans leur développement.
· Je voudrais enfin évoquer un sujet qui me tient à coeur, la valorisation énergétique du bois. L'avenir de notre planète, la préservation de notre environnement, de la qualité de l'air que nous respirons - en dehors même de l'épuisement à terme de nos ressources fossiles - mais aussi l'actualité récente, nous rappellent la nécessité de développer un approvisionnement en énergie et en matières premières alternatif aux énergies fossiles : la biomasse - et notamment le bois - offreunpotentielsignificatif.Jevous le redis : je suis très attentif à ce sujet.
En termes environnementaux, le bois, ressourcerenouvelable, contribue à limiter les émissions de gaz à effet de serredans l'atmosphère. L'utilisation de 1 tonne équivalent pétrole (TEP) de bois-énergie permet d'éviter une émission de 2,3 t de CO². L'économie nette annuelle provenant du bois-énergie représente d'ores et déjà de 15 millions de tonnes de CO² en France.
En termes d'emploi, notamment dans les zones rurales, la filière bois-énergie induit 20 à 30 000 emplois répartis sur l'ensemble du territoire (en moyenne, un emploi pour 2000 m³). La dynamisation de cette filière est un enjeu important, notamment en zones rurales, par sa contribution au développement local.
En termes économiques, la valorisation de 40 Mm³/an de bois pour des usages énergétique permet une économie annuelle de 10 millions de TEP (tonnes équivalent pétrole), soit une valeur de presque 3 milliards d'euros d'importations économisées.
Enfin, en termes de gestion durable des forêts, l'utilisation du bois-énergie a un effet de levier sur toute la filière forêt-bois, puisqu'il contribue à valoriser l'ensemble des produits forestiers. Sa valorisation est une source d'extension d'activités pour le secteur de l'exploitation forestière, une source de débouchés rémunérateurs pour les propriétaires forestiers ou pour les scieries par la valorisation des produits connexes.
Bien entendu, un développement significatif du bois-énergie nécessite des concertations entre les différents acteurs de la filière ; un équilibre devra notamment être trouvé entre acteurs de la filière trituration et acteurs de la filière bois-énergie, afin que les intérêts de chacun soient préservés. A cet égard, le recours à la ressource rurale et forestière est indispensable pour éviter la déstabilisation du marché des produits connexes de scieries. Cette ressource est la plus abondante, avec 1,5 à 2 millions de TEP/an " économiquement " mobilisables. Il nous faut porter nos efforts dans ce domaine et je voudrais saluer ici l'action déterminée et constructive du réseau des coopératives forestières qui ont ouvert cette voie et en ont démontré le potentiel.
Je suis persuadé que la mobilisation de la ressource bois-énergie et la structuration de l'approvisionnement, notamment en plaquettes forestières, sont deux enjeux très importants dans les cinq années à venir pour le secteur forêt-bois. Je sais compter sur la participation active de votre fédération.
Vers une interprofession structurée
L'Etat accompagne toutes ces actions qui concourent à améliorer la compétitivité de la filière, mais son environnement économique nécessite plus que jamais une structuration interprofessionnelle forte pour impulser une nouvelle dynamique. Nous nous félicitons à cet égard de la récente création de l'association France Bois Forêt qui réunit la production forestière, avec les propriétaires publics et privés, la récolte et la première transformation du bois, ainsi que la fabrication et la mise en uvre en bâtiment.
Je souhaite plein succès à cette démarche, même si on peut avoir un petit regret en constatant que certaines familles professionnelles de la deuxième transformation n'ont pas rejoint " les pionniers " que sont notamment votre Fédération, la Fédération nationale des communes forestières, l'Office national des forêts, l'Union de la coopération forestière française, la Fédération nationale du bois, la Confédération de l'artisanat et des petites et moyennes entreprises du bâtiment et la Fédération française du bâtiment.
En effet, une interprofession, c'est un renforcement du dialogue entre les différentes composantes de la filière, la nécessité de structurer des positions et des actions communes et la possibilité de développer des outils qui vous font aujourd'hui défaut.
Je tiens à préciser à nouveau, pour dissiper définitivement des inquiétudes, que la création de l'interprofession ne sonnera pas le glas de toute participation de l'Etat et que le ministère de l'Agriculture continuera à accompagner les actions qui relèvent du long terme et de l'intérêt public, tout particulièrement dans le domaine de la recherche. De même, mes services continueront à vous apporter leur appui, et particulièrement dans les opérations qui relèvent du domaine communautaire et international.
Conclusion
Monsieur le Président, mes propos, je l'espère, ont traduit mon réel intérêt et ma confiance dans les acteurs de la forêt et du bois, dans ce secteur vivant et dynamique. Nous aurons l'occasion de nous revoir. Je vous redis toute l'implication du ministère face à vos préoccupations. Nous devons faire avancer les dossiers ensemble, faisons le rapidement.
Sachez que pour Hervé GAYMARD et moi-même, la forêt et le bois ont toute leur place au sein du ministère chargé des affaires rurales. Et lorsque je parle de confiance, c'est que je crois en l'avenir de ce secteur, je crois aux perspectives favorables qui peuvent se dessiner. Et ceci même si je suis parfaitement conscient du contexte économique et budgétaire difficile dans lequel nous évoluons. Mais je vous le dis, la forêt n'est pas oubliée. Notre confiance en l'avenir et notre détermination sont réelles. Soyez-en convaincus. Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 20 septembre 2004)