Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, dans "Paris-Match" de novembre 2004, sur la majorité contestée en Polynésie après le renversement du gouvernement de M. Oscar Temaru.

Prononcé le 1er novembre 2004

Intervenant(s) : 

Circonstance : Renversement du gouvernement de Polynésie française après le vote d'une motion de censure, le 9 octobre 2004

Média : Paris Match

Texte intégral

Paris-Match : Qui a été élu président de la Polynésie ?
Brigitte Girardin : Les élections territoriales du 23 mai n'ont permis à aucun parti d'obtenir la majorité. Il manquait un siège au parti de Gaston Flosse et trois sièges à celui d'Oscar Temaru. En concluant une alliance de circonstance, les indépendantistes ont obtenu la majorité des sièges à l'assemblée et Oscar Temaru a été élu président. Quatre mois plus tard, un conseiller, qui avait d'ailleurs été ministre de Gaston Flosse il y a une dizaine d'années, a quitté le parti de Temaru pour rejoindre le camp adverse. La majorité a basculé, Gaston Flosse a déposé une motion de censure et le gouvernement Temaru a été renversé. Aujourd'hui, c'est donc Gaston Flosse qui est Président de la Polynésie française. Ce n'est pas une première dans l'histoire de cette collectivité : par le passé, Alexandre Leontieff avait renversé la majorité de Gaston Flosse et s'était maintenu au pouvoir pendant plusieurs années avec une seule voix de majorité.
Paris-Match : Pourquoi cela pose-t-il problème aujourd'hui ?
Brigitte Girardin : Parce que M. Temaru n'accepte pas d'avoir perdu le pouvoir. Les indépendantistes ont multiplié les recours, mis en cause le haut-commissaire et demandé la dissolution de l'assemblée. D'autre part, il y a visiblement une exploitation de ce dossier par le PS, qui trouve là l'occasion de masquer ses dissensions internes sur l'Europe. A travers la Polynésie, ce qui les intéresse, c'est avant tout d'attaquer le Président de la République. J'ai été profondément heurtée quand M. Lang nous a accusés d'avoir fait un " coup d'état légal ". A aucun moment, nous ne nous sommes mêlés de l'exercice normal de la démocratie locale. Quand le Parti socialiste, pour faire de " l'anti-Flosse ", soutient Oscar Temaru, un indépendantiste, cela doit susciter une réaction des républicains. Je respecte tous les élus polynésiens quelles que soient leurs convictions, mais je ne peux me positionner en faveur de l'indépendance. Je suis là pour que les collectivités d'outre-mer restent dans le giron de la République, pas pour favoriser le séparatisme, d'autant que la majorité des polynésiens ne souhaitent pas la rupture avec la France.
Paris-Match : Pensez-vous que les élus PS qui ont critiqué le retour au pouvoir de Gaston Flosse étaient de mauvaise foi ?
Brigitte Girardin : Quand ils se sont trouvés dans la même situation, ils n'ont pas procédé différemment. Ainsi quand Alexandre Leontieff est arrivé au pouvoir à la suite d'une motion de censure avec le soutien du PS, parce qu'il était opposant à Gaston Flosse, il n'a jamais été question de demander la dissolution de l'assemblée. Je rappelle qu'Alexandre Leontieff a été ensuite condamné à une peine de prison pour corruption. Ce n'est pas parce que les socialistes ont une antipathie forte envers Gaston Flosse, qu'il faut méconnaître les règles de droit les plus élémentaires afin d'obtenir son départ.
Paris-Match : Allez-vous dissoudre l'assemblée ?
Brigitte Girardin : Les conditions juridiques ne sont pas aujourd'hui réunies. On ne dissout pas une assemblée locale parce que sa majorité ne vous convient pas.
Paris-Match : Quelle est l'issue de la crise actuelle ?
Brigitte Girardin : Oscar Temaru s'est rallié au recours en annulation des élections du 23 mai dernier qu'avait déposé Gaston Flosse. C'est une première en France, qu'un candidat se joigne à son adversaire pour contester les conditions de sa propre élection ! Si le Conseil d'Etat annulait ces élections, les polynésiens seraient alors appelés à voter à nouveau, mais sur une base légale.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 15 novembre 2004)