Texte intégral
Q- Je voudrais évoquer avec vous l'actualité sociale, avec ce mouvement de grève à la SNCF, lié à l'agression dans un TER entre Toulouse et Cahors, d'une contrôleuse qui a été violée. Cela veut-il dire que le système de contrôle n'est pas bien mis en place à la SNCF ?
R- Je comprends l'émotion des cheminots depuis hier, après cet incident, ce drame : l'agression d'une contrôleuse, son viol. C'est la première fois, même si les contrôleurs vivent depuis de nombreuses années avec la peur au ventre, y compris dans des lignes qui, jusqu'à présent, étaient à l'abri de ce type de violence. Il y a donc un mouvement spontané, général, à la SNCF qui, s'il ne doit pas durer, est tout à fait compréhensible. C'est là que d'ailleurs toutes les discussions sur le service minimum perdent toute nature, perdent tout effet et toute portée : quand il y a cette réaction par rapport à l'agression, en l'occurrence d'une contrôleuse, c'est-à-dire, pour les cheminots, d'une collègue. Il faut qu'il y ait des mesures qui soient prises. Mais ce qui est désolant, c'est que le Gouvernement, la direction de la SNCF soient obligés d'attendre qu'il y ait une agression de plus, et de cette nature, pour annoncer des mesures, et donc en l'occurrence cent emplois de plus, alors que la direction de la SNCF, sous la pression du Gouvernement, en a supprimé 3.000 pour cette année.
Q- L. Gallois avait envisagé ici même, la semaine dernière, que sur certaines lignes, en effet, notamment sur le Francilien, il allait rajouter des emplois, parce qu'il y avait des problèmes de sécurité, disait-il...
R- Là, ce n'était pas dans la région parisienne, c'est dans la région Midi- Pyrénées. Mais c'est toujours cette même méthode : on attend qu'il y ait un drame, un accident, un incident, une agression, pour prendre des mesures que les personnels, qui connaissent ce qui est le fonctionnement de leur entreprise, demandent non pas seulement pour eux, mais aussi pour les usagers. Il y a là une méthode qui est détestable. On attend et c'est trop tard. Ce que je propose, c'est que sur ces questions de sécurité...
Q- Que sentent aussi bien les voyageurs d'ailleurs qu'en effet les salariés de la SNCF...
R- Bien sûr, cela peut arriver aussi - et c'est arrivé - à des voyageurs... Qu'il puisse y avoir une discussion et que l'on sache quelle est la mesure ou quelles sont les dispositions qui peuvent être les plus efficaces. Nous ne sommes pas là pour demander toujours plus. Mais que l'on soit au moins dans la meilleure protection qui soit, et des voyageurs et des salariés de la SNCF.
Q- Cela veut dire qu'il faudrait faire une sorte de table ronde, où l'on mélange à la fois syndicats, clients, usagers...
R- Oui, il faut faire une table ronde... Il y a, à l'évidence, une modernisation des modes de transport, il y a des automatisations qui existent... Mais sur les questions de sécurité, une machine ne pourra jamais protéger ni l'usager ni le personnel. Et en l'occurrence, pour le contrôle, qui est la fonction importante pour lutter contre la fraude, pour assurer la sécurité des usagers, on ne peut pas laisser un homme ou une femme seul, chacun le sait.
Q- Passons à l'élection présidentielle, même si on a encore un peu de temps... Un sondage dans Paris-Match indique que dans tous les cas de figure, la droite l'emporte contre la gauche. Mais ce qui doit quand même être pour vous une raison de satisfaction, c'est que dans tous les cas de figure, vous êtes le meilleur candidat socialiste...
R- Je prends avec beaucoup de distance ce type d'enquêtes, même si elles correspondent sans doute à un état de l'opinion à un moment. Ce qui est important, c'est que pour le moment, la gauche et la droite sont quasiment à égalité.
Q- 51 % - 49 % dans l'hypothèse d'un F. Hollande face à J. Chirac ; et puis un écart un peu plus large dans l'hypothèse de votre candidature face à N. Sarkozy...
R- Mais cela reste possible. Et aujourd'hui, alors que la gauche est dans l'opposition, alors que le Gouvernement et le pouvoir ont toute capacité pour agir et qu'il bénéficie de ce que l'on appelle "l'effet de légitimité", que la gauche et la droite soient finalement dans une incertitude doit amener et la droite à entendre les messages de l'opinion, et la gauche à faire son travail. Parce que l'élection présidentielle est dans deux ans et toutes les hypothèses, les supputations, les espoirs, les candidatures déclarées ou supposées, n'ont, à mon avis, aucune prise sur les Français aujourd'hui. Ce qu'attendent nos concitoyens, ce qu'ils attendent du Parti socialiste et de la gauche, ce sont des propositions, ce sont des alternatives, ce sont des idées. Que peut-on faire en matière de sécurité dans les transports, que peut-on faire en matière d'éducation pour donner une véritable égalité des chances, que peut-on faire en matière de logement, quand il y a aujourd'hui une crise profonde qui aboutit à ce que les loyers explosent, que peut-on faire en matière d'environnement... Pas simplement des discours : des actes.
Q- Cela veut dire que J. Lang, quand il dit qu'il est candidat à la candidature, il part trop tôt ? C'est ce que vous lui dites ?
R- C'est normal que chacun puisse dire qu'il peut être, le moment venu, le meilleur d'entre nous, c'est normal. Moi, je suis premier secrétaire du PS, je dis à tous mes amis : "travaillez, travaillez", nous verrons qui sera, le moment venu, le meilleur d'entre nous.
Q- Vous allez présenter dimanche sur le travail du PS une formule un peu originale qui s'appelle "les adhérents de projet". C'est une nouvelle catégorie, non pas de militants socialistes mais de sympathisants mais qui viendrait adhérer, travailler un peu avec vous au projet socialiste avec une cotisation de 10 euros. Cela veut-il
dire qu'il y aura un PS à deux vitesses ?
R- Quelle est l'idée ? Je l'ai exprimée : les socialistes, d'abord, doivent proposer, préparer un projet, pas simplement une suite, un catalogue de
revendications...
Q- Pas les 101 propositions de 1981 ?
R- Certaines étaient excellentes, mais on n'est pas simplement là pour agréger tous les mécontentements, on est là pour dire "voilà ce qui est possible, voilà ce qui est nécessaire, voilà ce qui doit changer". Ce projet, nous ne le ferons pas seuls, pas simplement 130 000 socialistes, même si c'est important qu'ils votent - ils l'ont montré pour la Constitution européenne -, mais il faut que les Français, ceux qui ont envie que ça change viennent nous rejoindre. C'est pour cela que je lance un appel, c'est vrai. Vous pouvez devenir adhérent, non pas du Parti socialiste en tant que tel, on sait bien qu'il y a une résistance - mais vous pouvez participer au projet des socialistes.
Q- Vous avez trouvé un slogan : ainsi passe-t-on de "la gauche plurielle" à "la gauche durable". Cela fait écho à "développement durable". C'est un mot un peu tendance, "durable" ?
R- C'est deux principes. D'abord, il faut que la gauche dure, pas simplement qu'elle vienne le temps d'une législature et qu'elle reparte et que l'on défasse tout ce qu'elle a fait, on le voit bien aujourd'hui sur les 35 heures, les emplois-jeunes ou la solidarité. Donc, il faut que la gauche puisse gouverner durablement. Deuxièmement, ce qui compte, ce n'est pas simplement de prendre des mesures qui sont immédiatement annulées par les successeurs, ce qu'il faut, c'est que l'on change durablement notre société, sur la santé, sur l'éducation, sur l'environnement que l'on fasse des choix de long terme qui permettent de changer profondément nos modes de vie, nos consommations, nos productions. C'est ce que les Français demandent. Pas simplement des discours quand la planète est en danger, quand il y a des catastrophes. Il y a un spécialiste pour cela, c'est J. Chirac : il fait des discours et ce qui compte, c'est quand même les actes et ces actes-là doivent être préparés - le projet - et doivent être traduits dans la réalité si les Français nous font confiance.
Q- La campagne pour le référendum sur la Constitution européenne ; redoutez-vous une remontée du "non" ? Parce que vous avez pris clairement position après le référendum interne au PS. On a le sentiment qu'à droite et à gauche, il y a un peu une remontée du "non" ; c'est une inquiétude ?
R- Je ne sais pas quand sera le référendum, peut-être au mois de juin, donc,
il y a le temps de l'explication. Mais pourquoi suis-je, avec les socialistes, pour le "oui" ? J'aurai pu, parce que je suis dans l'opposition, dire "non". Il ne s'agit pas de dire "oui" ou "non" à un pouvoir, ma réponse serait connue, il s'agit de dire "oui" à l'Europe qui peut-être un levier, qui ne l'est pas suffisamment, qui doit être une force politique dans le monde d'aujourd'hui. Voilà pourquoi je demanderai aux Français de venir voter - c'est très important - pour que la France prenne toute sa place dans cette Europe et je le ferai comme français, comme socialiste et comme européen.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 janvier 2005)
R- Je comprends l'émotion des cheminots depuis hier, après cet incident, ce drame : l'agression d'une contrôleuse, son viol. C'est la première fois, même si les contrôleurs vivent depuis de nombreuses années avec la peur au ventre, y compris dans des lignes qui, jusqu'à présent, étaient à l'abri de ce type de violence. Il y a donc un mouvement spontané, général, à la SNCF qui, s'il ne doit pas durer, est tout à fait compréhensible. C'est là que d'ailleurs toutes les discussions sur le service minimum perdent toute nature, perdent tout effet et toute portée : quand il y a cette réaction par rapport à l'agression, en l'occurrence d'une contrôleuse, c'est-à-dire, pour les cheminots, d'une collègue. Il faut qu'il y ait des mesures qui soient prises. Mais ce qui est désolant, c'est que le Gouvernement, la direction de la SNCF soient obligés d'attendre qu'il y ait une agression de plus, et de cette nature, pour annoncer des mesures, et donc en l'occurrence cent emplois de plus, alors que la direction de la SNCF, sous la pression du Gouvernement, en a supprimé 3.000 pour cette année.
Q- L. Gallois avait envisagé ici même, la semaine dernière, que sur certaines lignes, en effet, notamment sur le Francilien, il allait rajouter des emplois, parce qu'il y avait des problèmes de sécurité, disait-il...
R- Là, ce n'était pas dans la région parisienne, c'est dans la région Midi- Pyrénées. Mais c'est toujours cette même méthode : on attend qu'il y ait un drame, un accident, un incident, une agression, pour prendre des mesures que les personnels, qui connaissent ce qui est le fonctionnement de leur entreprise, demandent non pas seulement pour eux, mais aussi pour les usagers. Il y a là une méthode qui est détestable. On attend et c'est trop tard. Ce que je propose, c'est que sur ces questions de sécurité...
Q- Que sentent aussi bien les voyageurs d'ailleurs qu'en effet les salariés de la SNCF...
R- Bien sûr, cela peut arriver aussi - et c'est arrivé - à des voyageurs... Qu'il puisse y avoir une discussion et que l'on sache quelle est la mesure ou quelles sont les dispositions qui peuvent être les plus efficaces. Nous ne sommes pas là pour demander toujours plus. Mais que l'on soit au moins dans la meilleure protection qui soit, et des voyageurs et des salariés de la SNCF.
Q- Cela veut dire qu'il faudrait faire une sorte de table ronde, où l'on mélange à la fois syndicats, clients, usagers...
R- Oui, il faut faire une table ronde... Il y a, à l'évidence, une modernisation des modes de transport, il y a des automatisations qui existent... Mais sur les questions de sécurité, une machine ne pourra jamais protéger ni l'usager ni le personnel. Et en l'occurrence, pour le contrôle, qui est la fonction importante pour lutter contre la fraude, pour assurer la sécurité des usagers, on ne peut pas laisser un homme ou une femme seul, chacun le sait.
Q- Passons à l'élection présidentielle, même si on a encore un peu de temps... Un sondage dans Paris-Match indique que dans tous les cas de figure, la droite l'emporte contre la gauche. Mais ce qui doit quand même être pour vous une raison de satisfaction, c'est que dans tous les cas de figure, vous êtes le meilleur candidat socialiste...
R- Je prends avec beaucoup de distance ce type d'enquêtes, même si elles correspondent sans doute à un état de l'opinion à un moment. Ce qui est important, c'est que pour le moment, la gauche et la droite sont quasiment à égalité.
Q- 51 % - 49 % dans l'hypothèse d'un F. Hollande face à J. Chirac ; et puis un écart un peu plus large dans l'hypothèse de votre candidature face à N. Sarkozy...
R- Mais cela reste possible. Et aujourd'hui, alors que la gauche est dans l'opposition, alors que le Gouvernement et le pouvoir ont toute capacité pour agir et qu'il bénéficie de ce que l'on appelle "l'effet de légitimité", que la gauche et la droite soient finalement dans une incertitude doit amener et la droite à entendre les messages de l'opinion, et la gauche à faire son travail. Parce que l'élection présidentielle est dans deux ans et toutes les hypothèses, les supputations, les espoirs, les candidatures déclarées ou supposées, n'ont, à mon avis, aucune prise sur les Français aujourd'hui. Ce qu'attendent nos concitoyens, ce qu'ils attendent du Parti socialiste et de la gauche, ce sont des propositions, ce sont des alternatives, ce sont des idées. Que peut-on faire en matière de sécurité dans les transports, que peut-on faire en matière d'éducation pour donner une véritable égalité des chances, que peut-on faire en matière de logement, quand il y a aujourd'hui une crise profonde qui aboutit à ce que les loyers explosent, que peut-on faire en matière d'environnement... Pas simplement des discours : des actes.
Q- Cela veut dire que J. Lang, quand il dit qu'il est candidat à la candidature, il part trop tôt ? C'est ce que vous lui dites ?
R- C'est normal que chacun puisse dire qu'il peut être, le moment venu, le meilleur d'entre nous, c'est normal. Moi, je suis premier secrétaire du PS, je dis à tous mes amis : "travaillez, travaillez", nous verrons qui sera, le moment venu, le meilleur d'entre nous.
Q- Vous allez présenter dimanche sur le travail du PS une formule un peu originale qui s'appelle "les adhérents de projet". C'est une nouvelle catégorie, non pas de militants socialistes mais de sympathisants mais qui viendrait adhérer, travailler un peu avec vous au projet socialiste avec une cotisation de 10 euros. Cela veut-il
dire qu'il y aura un PS à deux vitesses ?
R- Quelle est l'idée ? Je l'ai exprimée : les socialistes, d'abord, doivent proposer, préparer un projet, pas simplement une suite, un catalogue de
revendications...
Q- Pas les 101 propositions de 1981 ?
R- Certaines étaient excellentes, mais on n'est pas simplement là pour agréger tous les mécontentements, on est là pour dire "voilà ce qui est possible, voilà ce qui est nécessaire, voilà ce qui doit changer". Ce projet, nous ne le ferons pas seuls, pas simplement 130 000 socialistes, même si c'est important qu'ils votent - ils l'ont montré pour la Constitution européenne -, mais il faut que les Français, ceux qui ont envie que ça change viennent nous rejoindre. C'est pour cela que je lance un appel, c'est vrai. Vous pouvez devenir adhérent, non pas du Parti socialiste en tant que tel, on sait bien qu'il y a une résistance - mais vous pouvez participer au projet des socialistes.
Q- Vous avez trouvé un slogan : ainsi passe-t-on de "la gauche plurielle" à "la gauche durable". Cela fait écho à "développement durable". C'est un mot un peu tendance, "durable" ?
R- C'est deux principes. D'abord, il faut que la gauche dure, pas simplement qu'elle vienne le temps d'une législature et qu'elle reparte et que l'on défasse tout ce qu'elle a fait, on le voit bien aujourd'hui sur les 35 heures, les emplois-jeunes ou la solidarité. Donc, il faut que la gauche puisse gouverner durablement. Deuxièmement, ce qui compte, ce n'est pas simplement de prendre des mesures qui sont immédiatement annulées par les successeurs, ce qu'il faut, c'est que l'on change durablement notre société, sur la santé, sur l'éducation, sur l'environnement que l'on fasse des choix de long terme qui permettent de changer profondément nos modes de vie, nos consommations, nos productions. C'est ce que les Français demandent. Pas simplement des discours quand la planète est en danger, quand il y a des catastrophes. Il y a un spécialiste pour cela, c'est J. Chirac : il fait des discours et ce qui compte, c'est quand même les actes et ces actes-là doivent être préparés - le projet - et doivent être traduits dans la réalité si les Français nous font confiance.
Q- La campagne pour le référendum sur la Constitution européenne ; redoutez-vous une remontée du "non" ? Parce que vous avez pris clairement position après le référendum interne au PS. On a le sentiment qu'à droite et à gauche, il y a un peu une remontée du "non" ; c'est une inquiétude ?
R- Je ne sais pas quand sera le référendum, peut-être au mois de juin, donc,
il y a le temps de l'explication. Mais pourquoi suis-je, avec les socialistes, pour le "oui" ? J'aurai pu, parce que je suis dans l'opposition, dire "non". Il ne s'agit pas de dire "oui" ou "non" à un pouvoir, ma réponse serait connue, il s'agit de dire "oui" à l'Europe qui peut-être un levier, qui ne l'est pas suffisamment, qui doit être une force politique dans le monde d'aujourd'hui. Voilà pourquoi je demanderai aux Français de venir voter - c'est très important - pour que la France prenne toute sa place dans cette Europe et je le ferai comme français, comme socialiste et comme européen.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 janvier 2005)