Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur les mesures pour rendre le réseau internet plus sûr pour tous et en particulier pour les enfants et pour poursuivre la lutte contre les contenus pouvant porter atteinte à la dignité humaine, Paris le 8 février 2005.

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Circonstance : Lancement en France de la journée européenne pour un Internet plus sûr à Paris le 8 février 2005

Texte intégral

Madame la Présidente de l'Association des Fournisseurs d'Accès,
Mesdames et messieurs,
Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue ici à Bercy pour le coup d'envoi de cette journée pour un Internet plus sûr.
Cette journée est non seulement européenne mais mondiale, puisqu'une trentaine de pays y participent, y compris hors d'Europe, de l'Australie à la Russie, en passant par Singapour ou l'Islande.
Elle représente un effort de l'ensemble des acteurs du réseau, en faveur de plus d'un Internet plus sûr pour tous et en particulier pour les enfants.
L'initiative de cette journée revient à INSAFE, le réseau européen des organisations travaillant à la sûreté d'Internet, lui-même financé par le programme communautaire pour un Internet plus sûr.
Le succès international de cet évènement démontre combien la préoccupation de sûreté des échanges sur Internet se mondialise, aussi vite que le réseau lui-même.
Internet est le miroir de notre société. Il est le réseau de tous les réseaux, réseaux de recherche scientifique, d'enseignement, de commerce électronique, ou de diffusion de contenus culturels, comme réseaux de la contrefaçon numérique, du crime organisé, du terrorisme, du racisme, de l'antisémitisme, ou de la pédophilie. Il est le vecteur d'une mondialisation qui affecte l'ensemble des activités humaines, des plus enthousiasmantes aux plus odieuses.
Bien sûr, le déploiement des réseaux à haut débit n'a pas de sens sans développement des usages. Mais le développement des usages ne sera lui même possible sans progrès dans la sûreté. Il nous faut gagner la confiance des citoyens.
Face à ces enjeux, deux types de responsabilités peuvent être recherchées. Celle de l'éditeur du contenu ou celle de l'opérateur du réseau. La difficulté essentielle est que l'éditeur du contenu est très rarement identifiable, et que l'opérateur du réseau n'a que peu de maîtrise sur les contenus diffusés.
Permettez-moi d'insister sur ce point, la surveillance a priori et exhaustive, c'est-à-dire le filtrage généralisé, est une chimère. Il n'est pas possible de placer un policier derrière chaque internaute. Permettez-moi de rappeler aussi que l'article 15 de la directive commerce électronique du 8 juin 2000 interdit aux Etats membres de l'Union européenne d'imposer aux fournisseurs d'accès et prestataires d'Internet toute obligation générale de surveillance ou de recherche active de faits relevant d'activités illicites.
De nombreuses actions concrètes peuvent en revanche être engagées afin de rendre Internet plus sûr.
La première d'entre elles, c'est une politique active de signalement. C'est le sens de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, qui prévoit que si un hébergeur a eu "la connaissance effective" du caractère illicite d'un contenu qu'il accueille, il doit agir "avec promptitude pour les retirer", sous peine de voir sa responsabilité civile et pénale engagée.
Cette politique de signalement doit mobiliser l'ensemble des acteurs de l'Internet : autorités administratives, opérateurs, et internautes eux-mêmes. Elle passe aujourd'hui par la mise en place d'un point de contact, permettant à chacun de signaler les informations en sa possession et de déclencher ainsi la coopération administrative et judiciaire.
Le site " pointdecontact.net " mis en place avec les fournisseurs d'accès Internet a déjà permis de signaler près de 1.000 contenus portant atteinte à la dignité humaine, qui ont tous fait l'objet d'une transmission à l'Office Central de Lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information du ministère de l'intérieur, d'une intervention de l'opérateur, voire de poursuites judiciaires. Je souhaite que le point de contact développe encore son activité, et que le formulaire de signalement d'abus auprès du point de contact soit présent tant sur les listes de réponses des moteurs de recherche que sur l'ensemble des pages d'accueil.
Je souhaite aussi que ce point de contact permette de traiter la question des groupes de discussion, qui présentent des risques spécifiques pour la protection de l'enfance. Alors que les communications téléphoniques demeurent onéreuses, en particulier vers les mobiles, 60 % des 12-17 ans chattent en effet tous les jours sur Internet.
Au total, ce point de contact doit devenir le guichet unique de la lutte contre les contenus portant atteinte à la dignité humaine, qu'il s'agisse de racisme, d'antisémitisme, d'incitation à la haine, ou de pédopornographie. J'en ferai la proposition lors de la prochaine conférence de la famille, dans le cadre du groupe de travail sur la protection de l'enfance sur Internet, présidé par Joël Thoraval, Président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.
Un autre type d'action consiste à proposer aux internautes le téléchargement de logiciels de contrôle, leur permettant de protéger leur terminal contre les contenus illicites. Je souhaite que le téléchargement de ces logiciels de contrôle parental soit systématiquement proposé sur les pages d'accueil des fournisseurs d'accès, et que cette action soit étendue à la lutte contre la piraterie numérique, avec des logiciels de contrôle permettant d'entraver le téléchargement massif de fichiers protégés.
Cet équilibre entre recueil des signalements, coopération administrative et judiciaire, et mise à disposition de logiciels de contrôle parental, reste à mon sens la voie à privilégier.
Internet remet en cause la frontière traditionnelle entre contenants et contenus. Les opérateurs de contenus sont liés au contenant. Et les opérateurs de contenants ne peuvent plus se désintéresser du contenu.
Je salue en particulier le travail de l'association des fournisseurs d'accès, conformément à la charte conclue ici même le 14 juin 2004. Le label " Net + sûr " qui en est issu, sera, j'en suis convaincu, une marque de confiance particulièrement recherchée par tous ceux qui souhaitent surfer sur Internet en toute liberté.
Le cahier des charges du label "Net+sûr" comporte notamment les obligations suivantes :
- proposer un outil de contrôle parental (logiciel propriétaire ou partenariat avec un éditeur de logiciel) ;
- donner accès à des informations destinées à aider à mieux protéger les enfants sur Internet et à les sensibiliser sur les risques qu'ils peuvent rencontrer en ligne ;
- donner accès facile, " en un seul clic ", à un formulaire de signalement d'abus sur tous les espaces communautaires du prestataire ;
- donner un accès facile, " en un seul clic ", à un formulaire de signalement d'abus sur les pages de listes de réponses du moteur de recherche du prestataire ;
- traiter les signalements de contenus pédo-pornographiques ou incitant à la haine raciale, soit directement, soit par l'intermédiaire du point de contact, (www.pointdecontact.net), avec toute la diligence requise.
Le logo " Net+Sûr " sera diffusé sur les portails des membres de l'AFA engagés par la Charte du 14 juin 2004. Mais je souhaite aussi que ce label se généralise progressivement à l'ensemble des fournisseurs d'accès et aux différents prestataires techniques de l'Internet.
L'expansion de l'économie numérique ne pourra se faire qu'à la condition de garantir des conditions optimales de sûreté et d'intégrité.
C'est donc un véritable plan de sûreté pour Internet que je vous propose aujourd'hui. Au-delà de la lutte contre les contenus illicites, ce plan doit permettre à la France de devenir une référence européenne et internationale en ce qui concerne :
- la signature électronique,
- les organismes de certification,
- la protection des données personnelles,
- la sécurité des paiements en ligne,
- la lutte contre le spam,
- le soutien économique aux programmes de recherche et développement dans le domaine de la sécurité des traitements d'information. Le programme OPPIDUM, financé par le Ministère délégué à l'Industrie, vient en particulier d'être relancé.
Dans toutes ces actions, je continuerai à privilégier la concertation avec les acteurs professionnels, leur responsabilisation ainsi que, chaque fois que c'est possible, le libre engagement des responsables économiques dans la résolution des nouveaux défis posés par Internet.
Comme l'illustrent abondamment aujourd'hui les résultats enregistrés par la Charte AFA en matière de lutte contre les contenus attentatoires à la dignité humaine, cette approche fondée sur le dialogue et l'engagement professionnel s'avère le meilleur gage d'efficacité de l'intervention publique sur le réseau des réseaux.
Je vous remercie de votre attention, et laisse la parole à Marie-Christine Levet, présidente de l'AFA.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 8 février 2005)