Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Finances, cher Jean Arthuis,
Monsieur le Rapporteur Général, cher Philippe Marini,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Au terme de ces débats, qui furent nourris et fructueux, je voudrais d'abord vous dire à quel point j'ai été heureux du travail que nous avons accompli ensemble ces derniers jours.
Notre prise de contact s'est faite de façon un peu atypique, puisque avec Hervé Gaymard nous vous avons rejoint au pied-levé, en pleine discussion budgétaire ! Si bien que j'ai en quelque sorte pris mes fonctions chez vous, avec vous... Mais c'était un exercice naturellement passionnant et extrêmement formateur. Je souhaite d'ailleurs vous remercier très sincèrement pour votre indulgence et pour toute l'aide que vous m'avez apportée dans cet exercice nouveau pour moi ! Ce fut en tout cas une occasion extraordinaire d'entrer de plain-pied dans le sujet, et de débuter par ce contact direct avec vous : car je ne conçois pas ma fonction autrement que nourrie d'échanges permanents et étroits avec vous.
Cette situation originale, qui me conduit à défendre un projet de loi de finances que j'assume totalement, mais que je n'ai pas préparé, m'amène naturellement à saluer le travail de mon prédécesseur Dominique Bussereau, ainsi que celui de Nicolas Sarkozy, qui ont eu la charge de préparer ce projet de loi de finances pour 2005. Un projet de loi placé sous le sceau du volontarisme.
Et ce projet de loi, désormais, il porte votre marque. Car vos travaux et vos débats ont permis des avancées très importantes. Je voudrais à ce propos saluer tout spécialement Jean Arthuis et Philippe Marini pour la qualité de leurs contributions, qui constituent des apports essentiels au texte initial.
J'ai écouté très attentivement vos contributions, tout au long de ces derniers jours (et de ces nuits aussi...). J'ai pleinement mesuré vos attentes, vos inquiétudes, vos espoirs aussi, concernant la situation de nos finances publiques. Sachez que je suis profondément conscient de cette situation. Beaucoup a déjà été fait depuis deux ans et demi, mais beaucoup reste à faire ! C'est pourquoi je veux commencer dès aujourd'hui à vous indiquer en quelques mots ma vision des choses, et la méthode que j'entends mettre en oeuvre durant l'année qui vient, pour notre budget et nos finances.
I. Quel est le constat ?
Mon ambition est simple : que nous soyons tous au clair sur le constat. Car sans ce constat partagé, nous ne pourrons ni débattre de façon sereine, ni agir efficacement pour préparer l'avenir et prendre de ce point de vue les décisions nécessaires à l'intérêt supérieur de notre pays.
Quel est ce constat ?
- La France est en état de dépendance à la dépense publique : elle vit au-dessus de ses moyens.
- La France est en état de dette : elle tire des traites sur le compte de nos enfants.
1-Nous sommes en état de dépendance à la dépense publique : le constat est bien connu.
Le poids des dépenses publiques engourdit notre économie :
-En 2003, nos dépenses publiques représentaient 54,7 points de PIB : c'est plus de la moitié de la richesse produite.
-C'est 6 points de plus que la moyenne de la zone Euro (48,4 points de PIB en 2003 pour l'UE) : comment justifier cet écart si important, alors que partageons avec les pays de la zone Euro un même modèle de société et une même exigence de service public ?
Quel est le résultat de tout cela ? C'est que le poids et l'inertie des dépenses, qui creusent notre déficit, nous obligent à maintenir des prélèvements obligatoires excessifs, qui entravent le travail et l'innovation. Cette situation-là n'est plus tenable ! D'autant que personne ne réfléchit jamais jusqu'au bout à cette question essentielle : l'euro de dépense publique supplémentaire que l'on consacre à tel ou tel secteur est-il utile ? efficace ? évalué ?
2-Le poids de la dette n'est plus supportable
Depuis 25 ans, nous nous autorisons, au nom des Français, à engager plus de dépenses que nous ne savons financer. Cet écart entre les dépenses et les recettes a un nom : il s'appelle communément le déficit. Et il s'accumule depuis un quart de siècle, accouchant d'une véritable montagne de dette : 1000 milliards d'euros !
Il faut prendre conscience de cette évolution vertigineuse. En 20 ans, la part de la dette dans la richesse nationale a presque été multipliée par 3 :
- en 1981, la dette publique s'élevait à 22 % du PIB
- en 2003, elle atteint 61,4 % du PIB !
Cette dette n'est pas une masse lointaine : elle est un fardeau qui freine notre marche en ce moment même. Le service de la dette s'établira à 39,9 Mds euros en 2005. Beaucoup savent parmi vous que ce poste est parmi les tout premiers du budget de l'Etat (le 2ème budget civil !) et consomme aujourd'hui l'équivalent de plus de 80 % des recettes d'impôt sur le revenu, contre seulement 20 % en 1981 ?
Une chose est de le savoir. Une autre est d'en tirer les conséquences. Comment oublier par exemple que les 5 années de croissance forte observées entre 1997 et 2001 se sont traduites par l'augmentation continue des dépenses... et de la dette. A une époque bénie par le dieu de l'immobilisme. Celui qui invitait à reporter à plus tard, à jamais, les réformes de structure. Celles qui exigeaient du courage politique.
Ce constat ne doit pas nous faire baisser les bras. Il nous rappelle simplement avec force combien nous devons poursuivre, sans relâche, notre effort de réduction du déficit budgétaire. C'est l'unique moyen de maîtriser sur la durée le service de la dette. Et l'unique moyen de se recréer des marges de manuvre politique.
II. Ma méthode pour 2005
Face à cette situation, l'action conduite par le Gouvernement depuis 2 années ½ a été déterminée et nous en percevons aujourd'hui les premiers fruits.
En 30 mois, le travail accompli est considérable :
- Nous avons enfin rompu avec l'immobilisme de nos prédécesseurs, en lançant les réformes de fond courageuses que personne n'avait voulu faire. En réformant nos retraites et notre système maladie, on a permis à la France de préserver son modèle de protection sociale !
- Et cela, nous l'avons fait en maîtrisant dans la durée les dépenses de l'État : pour la 3ème consécutive elles seront stabilisées en volume en 2005.
Cette politique courageuse, en dépit des vents contraires d'une croissance défaillante en 2002 et 2003, les Français peuvent aujourd'hui constater les résultats :
- une diminution sans précédent du déficit budgétaire : moins 10 Md euros de déficit en 2005, c'est la réduction de déficit la plus importante jamais réalisée d'une année sur l'autre ;
- un déficit public ramené en dessous de 3 % en 2005, permettant ainsi l'espoir de suspension par la Commission européenne de la procédure pour déficit public excessif.
Pour autant, nous devons aller encore plus loin. La situation de nos finances publiques reste, à maints égards, très fragile. Et elle impose, malgré tout ce qui a été fait depuis eux ans et demi, de passer à la vitesse supérieure. C'est ce que je compte faire, auprès d'Hervé Gaymard, en suivant trois grands principes :
1. Premier impératif : tenir la dépense publique
En 2005, comme en 2004, nous ne dépenserons pas en gestion un euro de plus que le plafond de dépenses que vous avez autorisé. C'est un enjeu absolument majeur : nous devons, vis-à-vis de tous les Français, vis-à-vis de tous les contribuables, citoyens ou entreprises, faire la démonstration de notre capacité à tenir les dépenses de l'Etat. Personne ne comprendrait que cela ne soit pas le cas. Vous pouvez compter sur ma détermination totale et absolue. C'est un point sur lequel je veux solennellement engager devant vous ma parole et mon crédit.
Et, très concrètement, cela signifie pour moi une chose : c'est que nous devrons mettre en oeuvre, de façon précoce, début 2005, une mise en réserve de crédits. La mise en réserve, c'est l'inverse du gel. Le gel, c'est ce que le Gouvernement précédent faisait en catimini chaque été, dans la panique des dérapages constatés, pour cacher ce qui se traduisait 9 fois sur 10 par des annulations de crédits opaques. La mise en réserve, c'est pour faire face aux aléas et aux besoins nouveaux qui pourraient apparaître au cours de l'année.
Naturellement le Parlement sera associé en totale transparence à cette démarche de précaution. C'est aussi cela une gestion responsable. A la différence de Lionel Jospin, qui le faisait à la sauvette pendant la trêve estivale, nous le ferons dans le calme, en associant pleinement votre commission des finances à notre démarche, histoire de conduire les finances de notre pays en bon père de famille, c'est-à-dire capable d'anticiper très en amont les aléas de la vie.
2ème principe : La dépense publique se doit d'être efficace.
Nos dépenses, elles doivent permettre le financement d'abord des priorités indiquées par le Président de la République et le Premier Ministre.
Et elles vont se faire dans un cadre tout à fait nouveau : celui de la LOLF. Et cela, c'est une véritable révolution budgétaire, qui doit beaucoup à la contribution unanime du Parlement, et qui fera l'objet d'un nouveau débat jeudi. Pourquoi est-ce une mutation radicale ? Parce qu'on va enfin passer à une logique de résultats, et non plus seulement à un logique de moyens. En s'appuyant sur quelques mots magiques :
- la responsabilité, puisque désormais les crédits seront examinés dès le premier euro, et que chaque dépense devra être justifiée au regard du service qu'elle procure et de l'efficacité qu'elle atteint
- la fongibilité des crédits : les gestionnaires publics auront plus de liberté dans l'utilisation de leurs crédits, mais en contrepartie, ils auront aussi plus de responsabilité
- l'évaluation, puisque tous les responsables publics devront s'engager sur des objectifs et rendre compte des résultats atteints
- la performance, qui devient le moteur de l'action budgétaire.
=> Autant de principes absolument révolutionnaires, qui vont enfin permettre la réforme de l'Etat que les Français attendent et nous demandent de faire depuis des décennies. Ce qu'ils réclament à tous les Gouvernements depuis des années et des années, nous allons enfin le mettre en oeuvre. Et nous allons faire en sorte que les Français en aient pour leurs impôts !
Notre procédure budgétaire, nous allons donc la moderniser en profondeur, en travaillant :
- plus tôt : je crois indispensable de travailler plus en amont avec les différents ministères, en identifiant les économies et les réformes à faire.
- de façon plus collégiale : la maîtrise des comptes doit devenir l'affaire de tous, et pas seulement le fardeau, l'obsession du Ministre du budget. Dans un pays qui a 1000 Md euros de dette, chacun doit intégrer les contraintes qui pèsent sur nos finances. Et chaque Ministère doit être porteur de la réforme de notre gestion publique. C'est un point absolument majeur dans une démocratie moderne : dans tous les pays qui ont opéré une réforme ambitieuse de ce point de vue (le Canada, la Suède, le Danemark) on applique ce principe simple : " chaque Ministre doit être son propre Ministre des Finances ".
Et là, on peut sortir de ce jeu de rôle qui consiste pour chaque Ministre à réclamer plus de crédits, et pour le Ministre du budget à expliquer que c'est impossible. Tout cela est indigne d'une démocratie moderne. Avec Hervé Gaymard, nous avons acquis la conviction, y compris dans l'exercice de nos fonctions ministérielles précédentes, que Bercy ne doit pas être une machine à dire non, mais plutôt à faciliter, à accompagner les réformes, dans une logique de modernité.
C'est vraiment dans cet esprit que je veux travailler, pour avancer plus vite. Je recevrai ainsi dès le mois prochain chacun de mes collègues du Gouvernement pour étudier très précisément avec eux, dans la foulée des stratégies ministérielles de réforme, les réformes structurelles à mettre en oeuvre en 2005 et 2006 dans leur département ministériel.
Que l'on ne s'y trompe pas : l'enjeu est de restaurer la capacité d'action de l'Etat dans un contexte où la somme des charges de la dette et des dépenses de personnels accapare plus de 55 % des dépenses de l'Etat. Nous dégagerons ainsi les marges de manoeuvre nécessaires pour financer nos priorités, alléger les impôts et charges tout en réduisant les déficits.
Je sais que tous ces chantiers de réforme de l'Etat, vous les regardez de près : comptez sur moi pour les mener à bien, avec vous. Car je sais que le Ministre du Budget, c'est celui qui tient les comptes. Mais c'est surtout celui qui rend des comptes !
- Rendre des comptes, cela signifie s'assurer que tout euro dépensé est un euro bien dépensé : c'est tout l'intérêt de la LOLF
- Rendre des comptes, c'est aussi faire l'effort de pédagogie nécessaire pour que l'ensemble des décideurs, et tous nos concitoyens, soient convaincus qu'il n'y a pas de maillon manquant entre nos engagements européens d'une part et nos finances nationales d'autre part. Car il n'y a pas d'un côté la diplomatie financière européenne - où nous serions liés par un objectif de réduction des déficits publics- et de l'autre côté un débat franco-français, préoccupé uniquement par l'augmentation du budget de tel ou tel ministère. Le cadre européen n'est pas celui de la contrainte, c'est celui de la réforme. Qui peut contester qu'en continuant à vivre au -dessus de nos moyens, on handicape notre avenir et celui de nos enfants ? Le seul chemin qui existe, c'est un chemin vertueux, même s'il nous laisse entièrement libres de fixer nos priorités : la croissance et l'emploi.
3. Dernier grand axe : notre politique fiscale.
Je veux en fixer deux grands principes aujourd'hui devant vous :
- D'abord je veux vous dire que nous allons bien sûr poursuivre les baisses d'impôts. Mais à une condition : elles seront intégralement gagées sur des économies et n'aggraveront en aucun cas le déficit de l'Etat. Elles auront toutes un point commun : accompagner les orientations et les priorités fixées par le Président de la République et le Premier Ministre. Elles seront donc d'abord ciblées sur tout ce qui favorise notamment l'emploi, le soutien du pouvoir d'achat des Français, l'attractivité du territoire. Ce sera très clairement notre feuille de route, notre ligne de conduite, parce que nous voulons aller ensemble, au service des Français, à la conquête de chaque dixième de croissance avec les dents !
- Deuxièmement, je veux restaurer la loi de finances comme le lieu où se conçoit notre politique fiscale. Cessons de disperser des mesures fiscales dans tous les projets de loi. Nous avons besoin de lisibilité, de clarté : c'est absolument décisif pour la cohérence de notre politique fiscale. Je crois qu'en la matière votre commission des finances a un rôle tout spécial à jouer au moment de la loi de finances : comme gardienne des grands équilibres budgétaires, et comme gardienne de la cohérence de notre code général des impôts. Vous pourrez compter sur moi pour que ces règles de bonne conduite soient mises en oeuvre lors du débat fiscal au Parlement.
Et je crois que dans la droite ligne de la LOLF, nous aurons tout un travail à mener sur la dépense fiscale. Cette dépense fiscale, elle est évaluée à 50 Mds, soit 3 % du PIB. Et elle est composée 400 dispositions fiscales dérogatoires souvent anciennes et aux objectifs très divers (emploi, développement économique, environnement, etc...). Moi je crois que ces dépenses devront faire l'objet d'un examen attentif afin de savoir, comme cela sera le cas pour les crédits budgétaires, si elles sont utiles et efficaces. C'est un des chantiers qu'il faudra ouvrir dès 2006.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le texte que le Gouvernement vous propose de voter s'inscrit résolument dans la droite ligne de l'action engagée depuis deux ans et demi :
- une action axée sur l'emploi et la croissance
- dans le cadre d'une maîtrise stricte de nos finances publiques.
Il tient compte également de vos apports, de vos contributions, et des priorités que vous avez souhaité privilégier. A travers ce premier travail commun, nous avons entamé un dialogue que je souhaite ardemment poursuivre. Soyez, à cet égard, assurés de ma totale disponibilité à votre égard. Je souhaite être un interlocuteur particulièrement attentif à vos demandes, et à vos recommandations. C'est dans cet esprit que je veux avec vous inscrire mon action, notamment dans la préparation du PLF 2006 qui va commencer dès le 2 janvier, et non comme avant à la fin du printemps, et pour l'exécution du PLF 2005, au service des valeurs qui nous rassemblent :
- le courage
- l'efficacité publique
- la fidélité aux valeurs de la République.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 20 décembre 2004)
Monsieur le Président de la Commission des Finances, cher Jean Arthuis,
Monsieur le Rapporteur Général, cher Philippe Marini,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Au terme de ces débats, qui furent nourris et fructueux, je voudrais d'abord vous dire à quel point j'ai été heureux du travail que nous avons accompli ensemble ces derniers jours.
Notre prise de contact s'est faite de façon un peu atypique, puisque avec Hervé Gaymard nous vous avons rejoint au pied-levé, en pleine discussion budgétaire ! Si bien que j'ai en quelque sorte pris mes fonctions chez vous, avec vous... Mais c'était un exercice naturellement passionnant et extrêmement formateur. Je souhaite d'ailleurs vous remercier très sincèrement pour votre indulgence et pour toute l'aide que vous m'avez apportée dans cet exercice nouveau pour moi ! Ce fut en tout cas une occasion extraordinaire d'entrer de plain-pied dans le sujet, et de débuter par ce contact direct avec vous : car je ne conçois pas ma fonction autrement que nourrie d'échanges permanents et étroits avec vous.
Cette situation originale, qui me conduit à défendre un projet de loi de finances que j'assume totalement, mais que je n'ai pas préparé, m'amène naturellement à saluer le travail de mon prédécesseur Dominique Bussereau, ainsi que celui de Nicolas Sarkozy, qui ont eu la charge de préparer ce projet de loi de finances pour 2005. Un projet de loi placé sous le sceau du volontarisme.
Et ce projet de loi, désormais, il porte votre marque. Car vos travaux et vos débats ont permis des avancées très importantes. Je voudrais à ce propos saluer tout spécialement Jean Arthuis et Philippe Marini pour la qualité de leurs contributions, qui constituent des apports essentiels au texte initial.
J'ai écouté très attentivement vos contributions, tout au long de ces derniers jours (et de ces nuits aussi...). J'ai pleinement mesuré vos attentes, vos inquiétudes, vos espoirs aussi, concernant la situation de nos finances publiques. Sachez que je suis profondément conscient de cette situation. Beaucoup a déjà été fait depuis deux ans et demi, mais beaucoup reste à faire ! C'est pourquoi je veux commencer dès aujourd'hui à vous indiquer en quelques mots ma vision des choses, et la méthode que j'entends mettre en oeuvre durant l'année qui vient, pour notre budget et nos finances.
I. Quel est le constat ?
Mon ambition est simple : que nous soyons tous au clair sur le constat. Car sans ce constat partagé, nous ne pourrons ni débattre de façon sereine, ni agir efficacement pour préparer l'avenir et prendre de ce point de vue les décisions nécessaires à l'intérêt supérieur de notre pays.
Quel est ce constat ?
- La France est en état de dépendance à la dépense publique : elle vit au-dessus de ses moyens.
- La France est en état de dette : elle tire des traites sur le compte de nos enfants.
1-Nous sommes en état de dépendance à la dépense publique : le constat est bien connu.
Le poids des dépenses publiques engourdit notre économie :
-En 2003, nos dépenses publiques représentaient 54,7 points de PIB : c'est plus de la moitié de la richesse produite.
-C'est 6 points de plus que la moyenne de la zone Euro (48,4 points de PIB en 2003 pour l'UE) : comment justifier cet écart si important, alors que partageons avec les pays de la zone Euro un même modèle de société et une même exigence de service public ?
Quel est le résultat de tout cela ? C'est que le poids et l'inertie des dépenses, qui creusent notre déficit, nous obligent à maintenir des prélèvements obligatoires excessifs, qui entravent le travail et l'innovation. Cette situation-là n'est plus tenable ! D'autant que personne ne réfléchit jamais jusqu'au bout à cette question essentielle : l'euro de dépense publique supplémentaire que l'on consacre à tel ou tel secteur est-il utile ? efficace ? évalué ?
2-Le poids de la dette n'est plus supportable
Depuis 25 ans, nous nous autorisons, au nom des Français, à engager plus de dépenses que nous ne savons financer. Cet écart entre les dépenses et les recettes a un nom : il s'appelle communément le déficit. Et il s'accumule depuis un quart de siècle, accouchant d'une véritable montagne de dette : 1000 milliards d'euros !
Il faut prendre conscience de cette évolution vertigineuse. En 20 ans, la part de la dette dans la richesse nationale a presque été multipliée par 3 :
- en 1981, la dette publique s'élevait à 22 % du PIB
- en 2003, elle atteint 61,4 % du PIB !
Cette dette n'est pas une masse lointaine : elle est un fardeau qui freine notre marche en ce moment même. Le service de la dette s'établira à 39,9 Mds euros en 2005. Beaucoup savent parmi vous que ce poste est parmi les tout premiers du budget de l'Etat (le 2ème budget civil !) et consomme aujourd'hui l'équivalent de plus de 80 % des recettes d'impôt sur le revenu, contre seulement 20 % en 1981 ?
Une chose est de le savoir. Une autre est d'en tirer les conséquences. Comment oublier par exemple que les 5 années de croissance forte observées entre 1997 et 2001 se sont traduites par l'augmentation continue des dépenses... et de la dette. A une époque bénie par le dieu de l'immobilisme. Celui qui invitait à reporter à plus tard, à jamais, les réformes de structure. Celles qui exigeaient du courage politique.
Ce constat ne doit pas nous faire baisser les bras. Il nous rappelle simplement avec force combien nous devons poursuivre, sans relâche, notre effort de réduction du déficit budgétaire. C'est l'unique moyen de maîtriser sur la durée le service de la dette. Et l'unique moyen de se recréer des marges de manuvre politique.
II. Ma méthode pour 2005
Face à cette situation, l'action conduite par le Gouvernement depuis 2 années ½ a été déterminée et nous en percevons aujourd'hui les premiers fruits.
En 30 mois, le travail accompli est considérable :
- Nous avons enfin rompu avec l'immobilisme de nos prédécesseurs, en lançant les réformes de fond courageuses que personne n'avait voulu faire. En réformant nos retraites et notre système maladie, on a permis à la France de préserver son modèle de protection sociale !
- Et cela, nous l'avons fait en maîtrisant dans la durée les dépenses de l'État : pour la 3ème consécutive elles seront stabilisées en volume en 2005.
Cette politique courageuse, en dépit des vents contraires d'une croissance défaillante en 2002 et 2003, les Français peuvent aujourd'hui constater les résultats :
- une diminution sans précédent du déficit budgétaire : moins 10 Md euros de déficit en 2005, c'est la réduction de déficit la plus importante jamais réalisée d'une année sur l'autre ;
- un déficit public ramené en dessous de 3 % en 2005, permettant ainsi l'espoir de suspension par la Commission européenne de la procédure pour déficit public excessif.
Pour autant, nous devons aller encore plus loin. La situation de nos finances publiques reste, à maints égards, très fragile. Et elle impose, malgré tout ce qui a été fait depuis eux ans et demi, de passer à la vitesse supérieure. C'est ce que je compte faire, auprès d'Hervé Gaymard, en suivant trois grands principes :
1. Premier impératif : tenir la dépense publique
En 2005, comme en 2004, nous ne dépenserons pas en gestion un euro de plus que le plafond de dépenses que vous avez autorisé. C'est un enjeu absolument majeur : nous devons, vis-à-vis de tous les Français, vis-à-vis de tous les contribuables, citoyens ou entreprises, faire la démonstration de notre capacité à tenir les dépenses de l'Etat. Personne ne comprendrait que cela ne soit pas le cas. Vous pouvez compter sur ma détermination totale et absolue. C'est un point sur lequel je veux solennellement engager devant vous ma parole et mon crédit.
Et, très concrètement, cela signifie pour moi une chose : c'est que nous devrons mettre en oeuvre, de façon précoce, début 2005, une mise en réserve de crédits. La mise en réserve, c'est l'inverse du gel. Le gel, c'est ce que le Gouvernement précédent faisait en catimini chaque été, dans la panique des dérapages constatés, pour cacher ce qui se traduisait 9 fois sur 10 par des annulations de crédits opaques. La mise en réserve, c'est pour faire face aux aléas et aux besoins nouveaux qui pourraient apparaître au cours de l'année.
Naturellement le Parlement sera associé en totale transparence à cette démarche de précaution. C'est aussi cela une gestion responsable. A la différence de Lionel Jospin, qui le faisait à la sauvette pendant la trêve estivale, nous le ferons dans le calme, en associant pleinement votre commission des finances à notre démarche, histoire de conduire les finances de notre pays en bon père de famille, c'est-à-dire capable d'anticiper très en amont les aléas de la vie.
2ème principe : La dépense publique se doit d'être efficace.
Nos dépenses, elles doivent permettre le financement d'abord des priorités indiquées par le Président de la République et le Premier Ministre.
Et elles vont se faire dans un cadre tout à fait nouveau : celui de la LOLF. Et cela, c'est une véritable révolution budgétaire, qui doit beaucoup à la contribution unanime du Parlement, et qui fera l'objet d'un nouveau débat jeudi. Pourquoi est-ce une mutation radicale ? Parce qu'on va enfin passer à une logique de résultats, et non plus seulement à un logique de moyens. En s'appuyant sur quelques mots magiques :
- la responsabilité, puisque désormais les crédits seront examinés dès le premier euro, et que chaque dépense devra être justifiée au regard du service qu'elle procure et de l'efficacité qu'elle atteint
- la fongibilité des crédits : les gestionnaires publics auront plus de liberté dans l'utilisation de leurs crédits, mais en contrepartie, ils auront aussi plus de responsabilité
- l'évaluation, puisque tous les responsables publics devront s'engager sur des objectifs et rendre compte des résultats atteints
- la performance, qui devient le moteur de l'action budgétaire.
=> Autant de principes absolument révolutionnaires, qui vont enfin permettre la réforme de l'Etat que les Français attendent et nous demandent de faire depuis des décennies. Ce qu'ils réclament à tous les Gouvernements depuis des années et des années, nous allons enfin le mettre en oeuvre. Et nous allons faire en sorte que les Français en aient pour leurs impôts !
Notre procédure budgétaire, nous allons donc la moderniser en profondeur, en travaillant :
- plus tôt : je crois indispensable de travailler plus en amont avec les différents ministères, en identifiant les économies et les réformes à faire.
- de façon plus collégiale : la maîtrise des comptes doit devenir l'affaire de tous, et pas seulement le fardeau, l'obsession du Ministre du budget. Dans un pays qui a 1000 Md euros de dette, chacun doit intégrer les contraintes qui pèsent sur nos finances. Et chaque Ministère doit être porteur de la réforme de notre gestion publique. C'est un point absolument majeur dans une démocratie moderne : dans tous les pays qui ont opéré une réforme ambitieuse de ce point de vue (le Canada, la Suède, le Danemark) on applique ce principe simple : " chaque Ministre doit être son propre Ministre des Finances ".
Et là, on peut sortir de ce jeu de rôle qui consiste pour chaque Ministre à réclamer plus de crédits, et pour le Ministre du budget à expliquer que c'est impossible. Tout cela est indigne d'une démocratie moderne. Avec Hervé Gaymard, nous avons acquis la conviction, y compris dans l'exercice de nos fonctions ministérielles précédentes, que Bercy ne doit pas être une machine à dire non, mais plutôt à faciliter, à accompagner les réformes, dans une logique de modernité.
C'est vraiment dans cet esprit que je veux travailler, pour avancer plus vite. Je recevrai ainsi dès le mois prochain chacun de mes collègues du Gouvernement pour étudier très précisément avec eux, dans la foulée des stratégies ministérielles de réforme, les réformes structurelles à mettre en oeuvre en 2005 et 2006 dans leur département ministériel.
Que l'on ne s'y trompe pas : l'enjeu est de restaurer la capacité d'action de l'Etat dans un contexte où la somme des charges de la dette et des dépenses de personnels accapare plus de 55 % des dépenses de l'Etat. Nous dégagerons ainsi les marges de manoeuvre nécessaires pour financer nos priorités, alléger les impôts et charges tout en réduisant les déficits.
Je sais que tous ces chantiers de réforme de l'Etat, vous les regardez de près : comptez sur moi pour les mener à bien, avec vous. Car je sais que le Ministre du Budget, c'est celui qui tient les comptes. Mais c'est surtout celui qui rend des comptes !
- Rendre des comptes, cela signifie s'assurer que tout euro dépensé est un euro bien dépensé : c'est tout l'intérêt de la LOLF
- Rendre des comptes, c'est aussi faire l'effort de pédagogie nécessaire pour que l'ensemble des décideurs, et tous nos concitoyens, soient convaincus qu'il n'y a pas de maillon manquant entre nos engagements européens d'une part et nos finances nationales d'autre part. Car il n'y a pas d'un côté la diplomatie financière européenne - où nous serions liés par un objectif de réduction des déficits publics- et de l'autre côté un débat franco-français, préoccupé uniquement par l'augmentation du budget de tel ou tel ministère. Le cadre européen n'est pas celui de la contrainte, c'est celui de la réforme. Qui peut contester qu'en continuant à vivre au -dessus de nos moyens, on handicape notre avenir et celui de nos enfants ? Le seul chemin qui existe, c'est un chemin vertueux, même s'il nous laisse entièrement libres de fixer nos priorités : la croissance et l'emploi.
3. Dernier grand axe : notre politique fiscale.
Je veux en fixer deux grands principes aujourd'hui devant vous :
- D'abord je veux vous dire que nous allons bien sûr poursuivre les baisses d'impôts. Mais à une condition : elles seront intégralement gagées sur des économies et n'aggraveront en aucun cas le déficit de l'Etat. Elles auront toutes un point commun : accompagner les orientations et les priorités fixées par le Président de la République et le Premier Ministre. Elles seront donc d'abord ciblées sur tout ce qui favorise notamment l'emploi, le soutien du pouvoir d'achat des Français, l'attractivité du territoire. Ce sera très clairement notre feuille de route, notre ligne de conduite, parce que nous voulons aller ensemble, au service des Français, à la conquête de chaque dixième de croissance avec les dents !
- Deuxièmement, je veux restaurer la loi de finances comme le lieu où se conçoit notre politique fiscale. Cessons de disperser des mesures fiscales dans tous les projets de loi. Nous avons besoin de lisibilité, de clarté : c'est absolument décisif pour la cohérence de notre politique fiscale. Je crois qu'en la matière votre commission des finances a un rôle tout spécial à jouer au moment de la loi de finances : comme gardienne des grands équilibres budgétaires, et comme gardienne de la cohérence de notre code général des impôts. Vous pourrez compter sur moi pour que ces règles de bonne conduite soient mises en oeuvre lors du débat fiscal au Parlement.
Et je crois que dans la droite ligne de la LOLF, nous aurons tout un travail à mener sur la dépense fiscale. Cette dépense fiscale, elle est évaluée à 50 Mds, soit 3 % du PIB. Et elle est composée 400 dispositions fiscales dérogatoires souvent anciennes et aux objectifs très divers (emploi, développement économique, environnement, etc...). Moi je crois que ces dépenses devront faire l'objet d'un examen attentif afin de savoir, comme cela sera le cas pour les crédits budgétaires, si elles sont utiles et efficaces. C'est un des chantiers qu'il faudra ouvrir dès 2006.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le texte que le Gouvernement vous propose de voter s'inscrit résolument dans la droite ligne de l'action engagée depuis deux ans et demi :
- une action axée sur l'emploi et la croissance
- dans le cadre d'une maîtrise stricte de nos finances publiques.
Il tient compte également de vos apports, de vos contributions, et des priorités que vous avez souhaité privilégier. A travers ce premier travail commun, nous avons entamé un dialogue que je souhaite ardemment poursuivre. Soyez, à cet égard, assurés de ma totale disponibilité à votre égard. Je souhaite être un interlocuteur particulièrement attentif à vos demandes, et à vos recommandations. C'est dans cet esprit que je veux avec vous inscrire mon action, notamment dans la préparation du PLF 2006 qui va commencer dès le 2 janvier, et non comme avant à la fin du printemps, et pour l'exécution du PLF 2005, au service des valeurs qui nous rassemblent :
- le courage
- l'efficacité publique
- la fidélité aux valeurs de la République.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 20 décembre 2004)