Interview de M. Christian Jacob, ministre des PME, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, à "LCI" le 7 décembre 2004, sur la réforme de la loi Galland, l'avenir de la taxe professionnelle et la réforme des 35 heures en particulier pour les PME.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Q- Parlons d'abord, si vous le voulez bien, de la loi Galland, ou de la réforme de la loi Galland, ou la suppression de la loi Galland. N. Sarkozy disait : "Il est urgent d'agir". J'ai cru comprendre que vous disiez : il est urgent d'attendre ?
R- Il n'est pas urgent d'attendre, il est urgent de travailler. C'est ce que nous avons fait depuis trois semaines maintenant, puisque j'ai réuni l'ensemble des acteurs économiques concernés par le commerce, c'est à- dire à la fois la grande distribution, les grandes enseignes, mais aussi les instances de représentation des PME, du commerce de centre ville, des chambres de commerce, des chambres de métiers, des organisations agricoles. Et ensemble, nous travaillons à partir de deux rapports tout à fait intéressants : le rapport de M. Canivet et le rapport du sénateur Fouché. Le premier, le rapport de M. Canivet, porte sur les pratiques commerciales, et donc nous allons prendre mesure par mesure, et celui du sénateur Fouché sur l'urbanisme commercial qui est aussi un point important ; les mètres carrés supplémentaires pour de la distribution. Ce qui est important sur ce sujet, c'est de travailler sur deux angles : l'objectif de fond est clair, c'est de relancer et dynamiser la consommation. A partir de là, deux possibilités de le faire : les prix, mais pas uniquement les prix, ce sont aussi les conséquences qu'il peut y avoir en termes d'emplois. Le premier élément du pouvoir d'achat des Français, c'est d'abord d'avoir un emploi. Rien ne serait pire de rentrer dans une logique de baisse des prix, de guerre des prix et d'aller détruire des emplois.
Q- Très concrètement, est-ce que vous attendez, de toute manière, la mi-février et le rapport du groupe de travail que vous avez mis en place pour prendre des
décisions ?
R- L'objectif est celui-là, c'est effectivement, à la mi-février ce groupe de travail va me remettre un rapport et à partir de là, je présenterai des propositions au Premier ministre et on verra...
Q- Vous savez ce que l'on dit en général : "quand on crée une commission c'est pour enterrer". M.-E. Leclerc, que vous connaissez bien...
R- Oui, depuis longtemps.
Q- ...dont vous dites parfois qu'il est un "provocateur", dit : "en fait, le Gouvernement a tous les éléments, s'il voulait agir, il agirait maintenant et c'est maintenant qu'il faut agir. Est-ce qu'on peut attendre, dit-il, que la vie chère continue" ?
R- Je pense que c'est un sujet qui mérite que l'on s'accorde deux mois de réflexion et de travail. Il y a un exemple très concret, que connaît bien d'ailleurs M.-E. Leclerc, et il oublie souvent d'en parler, c'est ce qui s'est passé aux Pays-Bas. Aux Pays-Bas, il y a eu une vraie logique baisse de prix : affrontements dans la grande distribution, baisse de prix significative - moins 3 % en moyenne, moins 10 % sur les 1 000 premières références... Au bout de dix mois, vous savez quelles ont été les conséquences ? 17 000 emplois ont disparu, l'équivalent de 10 000 emplois à temps plein. Cela, c'est très concret. Alors je crois qu'un sujet comme celui-là, ça mérite quand même que tout le monde se mette autour de la table pendant deux mois. Ce qui est amusant de la part de M.-E. Leclerc, c'est que ses représentants, qui siègent dans mon groupe de travail vous disent : mais surtout n'allez pas trop vite ! J'ai donc l'impression qu'il y a un peu de dissonance entre lui et ses troupes.
Q- N. Sarkozy avait obtenu une baisse, je crois, de 1,8 % des prix dans la grande distribution en agitant la menace d'une réforme de la loi Galland. Maintenant, tout le monde a compris qu'il n'y aura pas de profonde réforme de la loi Galland. Donc, au 1er janvier les prix vont augmenter ?
R- Cela n'a pas de lien direct. C'est-à-dire que...
Q- Mais quels sont les moyens que vous avez pour peser sur les prix ?
R- ...l'objectif n'est pas de baisser les prix pour baisser les prix. L'objectif, c'est de maintenir de la consommation et de la développer, parce que rien n'est pire, encore une fois, de vouloir baisser les prix et de faire disparaître des emplois. L'exemple de Pays-Bas, il faut l'avoir ancré.
Q- D'accord, mais qu'est-ce que cela pourrait donner comme réforme ?
R- Non, mais attendez...C'est 100 000 emplois dans la grande distribution aux Pays-Bas et en dix mois de temps, on en supprime 17 000 ! Alors, prenons le temps de mesurer les conséquences et n'y allons pas à grands coups de serpe.
Q- N. Sarkozy y allait-il à grands coups de serpe ? Trop vite ?
R- N. Sarkozy a eu l'intérêt, et ce qui nous a beaucoup servi...
Q- Vous n'étiez pas d'accord avec lui ?
R- Non, mais attendez, je ne me suis jamais caché, ou voilé sur mes désaccords, c'est au moins un reproche que l'on ne peut pas me faire. En revanche, ce qui était tout à fait intéressant et ce qui nous aide beaucoup, c'est que N. Sarkozy a réuni l'ensemble des intervenants une première fois, et a permis de boucler des accords de négociation de prix entre distributeurs et producteurs. Et là, nous nous travaillons sur la base générale du Code général du commerce.
Q- Un dernier mot : premièrement, redoutez-vous que les prix repartent à la hausse au 1er janvier ? Ou dites-vous : j'ai les moyens de l'éviter ?
R- Déjà, on n'est pas dans un pays où les prix sont administrés, il est bon de le rappeler. Ce n'est pas le Gouvernement qui décide des prix. Le Gouvernement...
Q- Oui mais le Gouvernement a déclaré la guerre à la vie chère...
R- Personne n'a intérêt aujourd'hui à entrer dans une logique de flambée des prix qui, de toute façon, plomberait la consommation. L'objectif est...
Q- Est-ce un message que vous adressez aux supermarchés ?
R- Oui, et je pense qui est bien reçu pour le moment, donc on va voir.
Q- Qu'est-ce qui peut changer dans la réforme du commerce, dans le Code du commerce ?
R- Il y a différentes choses. Il y a les marges arrière, qui ont été brocardées à juste titre, puisque ce système est le suivant : la loi Galland, c'est un peu technique, met en place le seuil de...
Q- Faut-il plus de transparence ?
R- ... oui, il faut plus de transparence... elle met en place un seuil de revente à terme. C'est-à-dire, que quand vous achetez un produit 100, vous n'avez pas le droit de le revendre 98. Donc, certaines grandes distributions l'achetaient 100 et le revendaient 100, mais par ailleurs refacturaient aux PME la mise en ligne de leurs produits, etc. C'est donc cela aujourd'hui où il faut mettre de la transparence, que tout le monde s'y retrouve, et que tout le monde puisse vivre.
Q- Vous avez rencontré - vous étiez hier soir à Matignon pour parler des 35 heures - le Premier ministre, qui va présenter sa réforme des 35 heures. Néanmoins, question : pour les PME de moins de 20 salariés, les mesures dérogatoires vont-elles prolongées ?
R- Le Premier ministre s'exprime demain sur ce sujet. Donc vous allez attendre...
Q- On a tout lu dans la presse la semaine dernière.
R- Méfiez-vous de la presse. Vous allez attendre demain...
Q- Il n'est pas sûr que pour les PME...
R- Non, nous sommes dans un système sur les PME de moins de 20 qui, je crois, donne satisfaction. Il faut donc trouver les moyens de le faire durer. Mais pour cela, laissons au Premier ministre le soin de l'annoncer demain.
Q- Mais simplement, ma question c'est d'une manière pérenne ou prolongée ?
R- Ce sera évoqué par le Premier ministre demain.
Q- La CGPME, estime que pour la taxe professionnelle, vous êtes parti sur une non réforme. Vrai ou faux ? Vous êtes parti pour un toilettage ou pour une suppression ?
R- Aujourd'hui, je ne vais pas pouvoir, là non plus, répondre à votre question, pour une raisons simple : c'est que le rapport va être remis au ministre de l'Economie et des Finances dans quelques jours, et c'est à partir de là que nous allons travailler pour 2005. L'objectif de la réforme de la taxe professionnelle, vous savez il n'y a pas de bon moyen de prélever l'impôt, en revanche, il y a des moyens plus dynamiques que d'autres, et c'est à cela qu'il faut que l'on arrive. C'est à la fois, maintenir aux collectivités territoriales la possibilité de choix de fiscalité, parce que c'est quelque chose d'important que les collectivités qui gèrent bien soient mieux encouragées que celles qui gèrent moins bien. Et ensuite, il faut avoir un impôt qui soit le moins pénalisant pour les entreprises mais le plus dynamique, c'est-à-dire qui encourage davantage à investir et à se développer. Et c'est toujours là qu'est le dilemme.
Q- Portant sur la plus value, ne risque-t-il pas de jouer essentiellement sur les services ?
R- Nous allons voir. Aujourd'hui, les choses ne sont pas arrêtées sur ce plan-là, mais vous avez les entrées de l'équation, c'est-à-dire, à la fois : possibilités de choix pour les collectivités, et en même temps, inciter au développement économique et à l'investissement pour les entreprises. Tout le jeu consister à faire bouger les bons curseurs.
Q- Quand y verra-t-on plus clair dans cette taxe professionnelle ?
R- Je pense dans quelques semaines, en tout début d'année prochaine.
Q- Avez-vous entendu M. Seillière, président du Medef, dire : "Au fond, ce Gouvernement n'a rien fait pour les entreprises, à part pour les restaurateurs" ?
R- Je pense que la critique de M. Seillière est...
Q- Et à part notamment les services...

R-Oui, eh, écoutez. Peut-être que la phrase a extraire un peu de son contexte. Simplement, le constat que l'on peut faire aujourd'hui pour les entreprises, c'est qu'en moins de deux ans, ce Gouvernement, il y avait moins de 200 000 entreprises créées chaque année ; nous allons finir l'année à plus de 230 000 entreprises. Voyez l'augmentation qu'il y a eu. Ce sont des chiffres qui sont clairs, qui sont concrets. Cela veut dire que le regard porté par les Français sur l'entreprise a changé. Et il a changé grâce à l'action menée par J.-P. Raffarin depuis deux ans. Donc, personne aujourd'hui ne pourra dire que rien n'a été fait pour l'entreprise, bien au contraire.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 décembre 2004)