Texte intégral
Q - Jusqu'où ira la réorganisation du système de santé, après que le haut conseil de l'assurance-maladie a rendu son rapport ? Le partage public-privé sera-t-il reconsidéré, la Sécurité sociale gérant les gros risques cependant que les petits seraient assurés par le privé ? Les inégalités territoriales remettront-elles en cause la liberté d'installation des médecins libéraux ? Comment, dans la durée, les recettes de la Sécurité sociale augmenteront-elles alors que le ministre des Finances, F. Mer exclut pour l'instant une hausse de la CSG ? Enfin, sera-ce par ordonnance que le Gouvernement fera passer la réforme à l'été prochain ? Le pire mal dont souffre le système de santé, dit en tout cas le haut conseil, c'est son inorganisation, les trop grandes disparités territoriales, même" inégalités territoriales" dit le rapport. Est-ce que cela remet en cause la carte de santé française ?
R - "Cela remet en cause, en tout cas, l'organisation de notre système de santé. Prenons un exemple très précis : on parle de pénurie de médecins de certaines spécialités ; en réalité lorsque l'on regarde les chiffres globaux, nous avons un nombre de médecins à peu près comparables à ceux des pays qui nous entourent - l'Allemagne, par exemple -, simplement, ils sont répartis de façon très irrégulière. Alors qu'on se plaint rarement d'un excès de médecin dans son quartier ou dans sa ville, il y a des endroits, sur notre territoire, des banlieues déshéritées, des cantons ruraux, des vallées montagneuses, qui sont très sous-médicalisés, parce qu'il n'y a pas assez de professionnels qui s'installent. Alors que nous sommes avec un système d'assurance-maladie formidable, car c'est celui qui garantie l'égalité d'accès aux soins, voilà un exemple qui met en lumière une des inégalités qui persistent. Et donc, il est clair que, sans d'emblée remettre en cause l'égalité d'installation ou la liberté d'installation des praticiens, il va quand même falloir petit à petit que nous voyons avec eux comment, ensemble, nous pouvons faire en sorte que chacun puisse se soigner quel que soit l'endroit où il habite."
Q - Vous dites "sans d'emblée remettre en cause", néanmoins la question se pose. Est-ce qu'on peut imaginer qu'un jour, en effet, se posera la question de la liberté d'installation des médecins libéraux ?
R - "Je pense que la question se posera si après l'essai que nous allons faire d'incitation à l'installation, c'est-à-dire que des mesures seront prises pour que les médecins qui s'installent dans des zones plus difficiles, où la qualité de vie est peut-être moins bonne, où l'isolement est plus grand et qu'on n'irait pas chercher spontanément pour aller faire toute sa vie professionnelle , on va essayer de leur dire qu'ils seront mieux accompagnés, qu'ils seront plus aidés, que ce soit par les collectivités territoriales, par l'Etat ou par les caisses d'assurance-maladie. S'ils acceptent cela, on pourrait avoir, je crois, un rééquilibrage. En tout cas, c'est ce que je souhaite profondément, mais si nous ne devions pas y arriver"
Q - Vous êtes conscient que c'est la remise en cause d'un tabou, la question de la liberté d'installation ?
R - "Oui, mais vous savez les tabous, avec le temps, ils évoluent, on les considère un peu différemment, les distances ne sont plus ce qu'elles étaient. Ce tabou ne peut pas non plus être envisagé seul ; s'il s'agit d'aller tout seul visser sa plaque dans un petit bourg rural éloigné, c'est difficile, mais si l'on va vers - ce que je souhaite aussi -, l'exercice de groupe, c'est-à-dire que plusieurs médecins vont s'installer ensemble, avec infirmières et kinésithérapeutes, par exemple, pour faire une véritable maison de santé, alors les choses sont un peu différentes. Et puis, on a les nouvelles technologies de communication et d'information. Je pense que les choses changent beaucoup. Mais vous parliez tout à l'heure d'un système qui possède encore des inégalités, nous ne pouvons pas accepter - et d'ailleurs, je voudrais insister là-dessus - que lorsque l'on parle de la réforme à venir de l'assurance-maladie, on parle de mise en cause de l'égalité, qui est aujourd'hui comprise comme telle. Je crois, au contraire, que la réforme va lutter contre les dernières inégalités qui restent : les inégalités socio-économiques, les inégalités géographiques. Cela, je crois, est extrêmement important."
Q - Autre point important de ce rapport du haut conseil de l'assurance-maladie : faire des choix. Le rapport dit qu'on ne peut plus tout rembourser, qu'on ne peut plus rembourser n'importe quel traitement. Est-ce que, là aussi, à terme, va se poser la question de la répartition entre le public et le privé ? Par exemple - et d'ailleurs, c'était un peu implicite dans certains propos du Premier ministre -, les traitements lourds, les choses importantes, prises en charge par la Sécurité sociale, les autres - les petits bobos, les accidents de sports d'hiver - assurés par le privé ?
R - "Non, je crois que c'est une image qui a été caricaturée. Vous le savez très bien, je l'ai dit moi-même lorsque la polémique est venue : je ne crois pas au distinguo entre le petit risque et le gros risque. Vous pouvez toussoter, on peut croire que c'est une petite bronchite banale et puis derrière, on peut révéler quelque chose de beaucoup plus grave. Donc, je crois que ce n'est pas ça. En revanche, ce qui va être nouveau dans l'ambulatoire - c'est-à-dire ce que l'on appelle la médecine de ville ou la médecine rurale, la médecine libérale d'une façon générale et les soins d'ailleurs, parce qu'il n'y a pas que les médecins, il y a les infirmiers, il y a les kinésithérapeutes -, probablement que pour l'ambulatoire, il va y avoir la même chose que pour l'hôpital. Souvenez-vous avant 1996 : les cliniques privées étaient les concurrentes des hôpitaux publics ; avec la création de ce qu'on a appelé "les agences régionales d'hospitalisation", on a supprimé cette concurrence et on les a vu plutôt juxtaposés. Eh bien maintenant, ils sont complémentaires et nous les marions dans le plan hôpital 2007 que je défends pour l'hôpital, le privé et le public se répartissent les tâches. Je crois que dans l'ambulatoire, ce sera probablement la même chose. Il faudra que les uns et les autres se répartissent le travail, mais ce qui est fondamental, c'est qu'il faudra que les acteurs se parlent et aient des stratégies concertées. Un exemple : on a aujourd'hui ce que l'on appelle "les régimes obligatoires, c'est-à-dire la Sécu, et à côté vous avez les complémentaires, c'est-à-dire les mutuelles, notamment. Eh bien il n'y a pas de stratégies communes entre l'une, assurance-maladie, et l'autre, la mutuelle. Or il faut qu'elles travaillent ensemble et qu'elles disent : "Voilà ce que nous décidons de rembourser, voilà comment nous nous répartissons les choses". Et sur quoi vont-elles décider de rembourser ? Probablement sur l'appréciation de l'efficacité, de l'utilité du produit, ou du protocole. En réalité, c'est vrai que le haut conseil a eu un mérite formidable, c'est qu'il a énoncé à voix haute ce que tout le monde pensait, à savoir qu'on ne peut pas payer n'importe quoi et il faut sans arrêt s'interroger sur l'utilité de ce que la communauté, la collectivité prend en charge."
Q - Est-ce que cela veut dire qu'il y aura désormais régulièrement un réexamen périodique de la liste des soins qui sont remboursés ? Parce que, jusqu'à présent, des soins rentraient dans cette liste pouvaient y rester ad vitam, on ne les remettait pas en cause. Est-ce que désormais cela va changer ?
R - "Je pense que c'est un des points que nous allons discuter. Je ne suis pas là, ce matin, pour vous annoncer d'avance les décisions qui vont être prises dans les trois mois qui viennent."
Q - C'est une question qui se pose en tout cas ce matin...
R - "Oui, c'est une question qui se pose, mais qui s'est déjà posée il y a quelques années pour les médicaments. Souvenez-vous comme cela a été difficile à faire comprendre au début, de dire : "Ce médicament que vous avez pris pendant quelques années, on a mieux aujourd'hui et donc, celui-là, il n'y a pas de raison de continuer à le rembourser"... Cela a été difficile à faire passer dans les mentalités, parce que les gens ont tendance à penser qu'on va les priver de quelque chose. Non, on va leur offrir mieux, plus utile, plus efficace, quelque fois moins cher. Je pense qu'il faut sans arrêt, en médecine comme dans la vie quotidienne d'ailleurs, qu'on remette en cause ce que l'on faisait dans le passé, puis, qui est dépassé par des progrès qui arrivent."
Q - Un des points critiques encore - parce qu'il y a beaucoup de choses intéressantes dans ce rapport du haut conseil - : il porte sur la gouvernance ; une question simple : qui fait quoi ? Comment le partage des rôles est-il assumé aujourd'hui ?
R - "C'est un très grand problème. Je crois que c'est un des mérites du haut conseil que d'avoir - si vous me permettez l'expression - "mis les pieds dans le plat". C'est-à-dire, quels sont les rôles respectifs entre l'Etat - qui a un rôle majeur puisque c'est lui qui est le garant de l'égalité d'accès aux soins, de la qualité des soins - les gestionnaires, qui sont en charge de gérer le risque, et enfin les professionnels de santé, qui sont, en principe, en discussion par le biais de ce qu'on appelle "les conventions", avec les caisses. Et puis, vous avez les patients, car une des trouvailles formidables des dernières années, c'est que les patients ne sont pas seulement des gens qui attendent benoîtement qu'on leur prescrive ou qu'on leur conseille une stratégie, ils veulent désormais être parfaitement informés, participer aux choix. Je crois d'ailleurs que cette transparence et l'intervention "des usagers", comme on les appelle, va transformer beaucoup de choses. Donc vous voyez, il y a quatre acteurs principaux ; il va falloir qu'ils se coordonnent, que chacun prenne ses responsabilités. Et cela, ça sera une nouveauté."
Q - Il y a surtout un immense chantier à mettre en uvre. Alors vous commencez quand ? Y aura-t-il un sommet de la santé le 9 février prochain ?
R - "Je ne sais pas s'il faut l'appeler "sommet de la santé", mais c'est vrai que la première étape du diagnostic est terminée. Maintenant nous, allons rentrer dans la deuxième étape - c'est ce qu'avait défini le Premier ministre depuis longtemps - ; la deuxième étape c'est celle du dialogue social. Je vais réunir le 9 février, au ministère de la Santé, avenue de Ségur, l'ensemble des partenaires et nous allons, ensemble, définir la méthode de travail pour les trois mois qui viennent, afin de trouver les solutions communes. Car, vous savez, le diagnostic est partagé, c'est formidable ; je pense que les solutions pourraient l'être aussi à peu de choses près, parce qu'après tout, en 1946, en 1967, on s'est tous mis d'accord : c'est un bien commun. Le but des uns et des autres, c'est de mieux soigner, notamment en se basant sur la qualité des soins. S'il y a bien une régulation que tout le monde peut accepter, c'est par la qualité."
Q - Mais vous dites "une négociation importante qui commence", car c'est un patrimoine commun que ce système de santé, mais alors pourquoi commencer à poser la question de la réforme par ordonnances ? Certains ne comprendront pas qu'il y ait d'un côté le dialogue et de l'autre côté les ordonnances.
R - "Je crois que c'est un mauvais débat, parce que les ordonnances ont souvent été utilisées pour réformer la Sécurité sociale - on l'a vu au travers de notre Histoire. Deuxièmement, je vous rappelle que si on veut réformer la Sécurité sociale, il y aura plusieurs textes. Il y aura le texte lui-même de la réforme ; il y aura probablement la réforme de la loi organique, c'est-à-dire l'organisation des lois de financement, et puis la loi de financement elle-même ; il y a au moins trois textes qui ne seront pas par ordonnances. Donc, je pense que c'est un faux débat ; rien n'est tranché pour le moment. Je crois, en tout cas, que la concertation n'aura jamais été aussi importante."
(Source : premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 janvier 2004)
R - "Cela remet en cause, en tout cas, l'organisation de notre système de santé. Prenons un exemple très précis : on parle de pénurie de médecins de certaines spécialités ; en réalité lorsque l'on regarde les chiffres globaux, nous avons un nombre de médecins à peu près comparables à ceux des pays qui nous entourent - l'Allemagne, par exemple -, simplement, ils sont répartis de façon très irrégulière. Alors qu'on se plaint rarement d'un excès de médecin dans son quartier ou dans sa ville, il y a des endroits, sur notre territoire, des banlieues déshéritées, des cantons ruraux, des vallées montagneuses, qui sont très sous-médicalisés, parce qu'il n'y a pas assez de professionnels qui s'installent. Alors que nous sommes avec un système d'assurance-maladie formidable, car c'est celui qui garantie l'égalité d'accès aux soins, voilà un exemple qui met en lumière une des inégalités qui persistent. Et donc, il est clair que, sans d'emblée remettre en cause l'égalité d'installation ou la liberté d'installation des praticiens, il va quand même falloir petit à petit que nous voyons avec eux comment, ensemble, nous pouvons faire en sorte que chacun puisse se soigner quel que soit l'endroit où il habite."
Q - Vous dites "sans d'emblée remettre en cause", néanmoins la question se pose. Est-ce qu'on peut imaginer qu'un jour, en effet, se posera la question de la liberté d'installation des médecins libéraux ?
R - "Je pense que la question se posera si après l'essai que nous allons faire d'incitation à l'installation, c'est-à-dire que des mesures seront prises pour que les médecins qui s'installent dans des zones plus difficiles, où la qualité de vie est peut-être moins bonne, où l'isolement est plus grand et qu'on n'irait pas chercher spontanément pour aller faire toute sa vie professionnelle , on va essayer de leur dire qu'ils seront mieux accompagnés, qu'ils seront plus aidés, que ce soit par les collectivités territoriales, par l'Etat ou par les caisses d'assurance-maladie. S'ils acceptent cela, on pourrait avoir, je crois, un rééquilibrage. En tout cas, c'est ce que je souhaite profondément, mais si nous ne devions pas y arriver"
Q - Vous êtes conscient que c'est la remise en cause d'un tabou, la question de la liberté d'installation ?
R - "Oui, mais vous savez les tabous, avec le temps, ils évoluent, on les considère un peu différemment, les distances ne sont plus ce qu'elles étaient. Ce tabou ne peut pas non plus être envisagé seul ; s'il s'agit d'aller tout seul visser sa plaque dans un petit bourg rural éloigné, c'est difficile, mais si l'on va vers - ce que je souhaite aussi -, l'exercice de groupe, c'est-à-dire que plusieurs médecins vont s'installer ensemble, avec infirmières et kinésithérapeutes, par exemple, pour faire une véritable maison de santé, alors les choses sont un peu différentes. Et puis, on a les nouvelles technologies de communication et d'information. Je pense que les choses changent beaucoup. Mais vous parliez tout à l'heure d'un système qui possède encore des inégalités, nous ne pouvons pas accepter - et d'ailleurs, je voudrais insister là-dessus - que lorsque l'on parle de la réforme à venir de l'assurance-maladie, on parle de mise en cause de l'égalité, qui est aujourd'hui comprise comme telle. Je crois, au contraire, que la réforme va lutter contre les dernières inégalités qui restent : les inégalités socio-économiques, les inégalités géographiques. Cela, je crois, est extrêmement important."
Q - Autre point important de ce rapport du haut conseil de l'assurance-maladie : faire des choix. Le rapport dit qu'on ne peut plus tout rembourser, qu'on ne peut plus rembourser n'importe quel traitement. Est-ce que, là aussi, à terme, va se poser la question de la répartition entre le public et le privé ? Par exemple - et d'ailleurs, c'était un peu implicite dans certains propos du Premier ministre -, les traitements lourds, les choses importantes, prises en charge par la Sécurité sociale, les autres - les petits bobos, les accidents de sports d'hiver - assurés par le privé ?
R - "Non, je crois que c'est une image qui a été caricaturée. Vous le savez très bien, je l'ai dit moi-même lorsque la polémique est venue : je ne crois pas au distinguo entre le petit risque et le gros risque. Vous pouvez toussoter, on peut croire que c'est une petite bronchite banale et puis derrière, on peut révéler quelque chose de beaucoup plus grave. Donc, je crois que ce n'est pas ça. En revanche, ce qui va être nouveau dans l'ambulatoire - c'est-à-dire ce que l'on appelle la médecine de ville ou la médecine rurale, la médecine libérale d'une façon générale et les soins d'ailleurs, parce qu'il n'y a pas que les médecins, il y a les infirmiers, il y a les kinésithérapeutes -, probablement que pour l'ambulatoire, il va y avoir la même chose que pour l'hôpital. Souvenez-vous avant 1996 : les cliniques privées étaient les concurrentes des hôpitaux publics ; avec la création de ce qu'on a appelé "les agences régionales d'hospitalisation", on a supprimé cette concurrence et on les a vu plutôt juxtaposés. Eh bien maintenant, ils sont complémentaires et nous les marions dans le plan hôpital 2007 que je défends pour l'hôpital, le privé et le public se répartissent les tâches. Je crois que dans l'ambulatoire, ce sera probablement la même chose. Il faudra que les uns et les autres se répartissent le travail, mais ce qui est fondamental, c'est qu'il faudra que les acteurs se parlent et aient des stratégies concertées. Un exemple : on a aujourd'hui ce que l'on appelle "les régimes obligatoires, c'est-à-dire la Sécu, et à côté vous avez les complémentaires, c'est-à-dire les mutuelles, notamment. Eh bien il n'y a pas de stratégies communes entre l'une, assurance-maladie, et l'autre, la mutuelle. Or il faut qu'elles travaillent ensemble et qu'elles disent : "Voilà ce que nous décidons de rembourser, voilà comment nous nous répartissons les choses". Et sur quoi vont-elles décider de rembourser ? Probablement sur l'appréciation de l'efficacité, de l'utilité du produit, ou du protocole. En réalité, c'est vrai que le haut conseil a eu un mérite formidable, c'est qu'il a énoncé à voix haute ce que tout le monde pensait, à savoir qu'on ne peut pas payer n'importe quoi et il faut sans arrêt s'interroger sur l'utilité de ce que la communauté, la collectivité prend en charge."
Q - Est-ce que cela veut dire qu'il y aura désormais régulièrement un réexamen périodique de la liste des soins qui sont remboursés ? Parce que, jusqu'à présent, des soins rentraient dans cette liste pouvaient y rester ad vitam, on ne les remettait pas en cause. Est-ce que désormais cela va changer ?
R - "Je pense que c'est un des points que nous allons discuter. Je ne suis pas là, ce matin, pour vous annoncer d'avance les décisions qui vont être prises dans les trois mois qui viennent."
Q - C'est une question qui se pose en tout cas ce matin...
R - "Oui, c'est une question qui se pose, mais qui s'est déjà posée il y a quelques années pour les médicaments. Souvenez-vous comme cela a été difficile à faire comprendre au début, de dire : "Ce médicament que vous avez pris pendant quelques années, on a mieux aujourd'hui et donc, celui-là, il n'y a pas de raison de continuer à le rembourser"... Cela a été difficile à faire passer dans les mentalités, parce que les gens ont tendance à penser qu'on va les priver de quelque chose. Non, on va leur offrir mieux, plus utile, plus efficace, quelque fois moins cher. Je pense qu'il faut sans arrêt, en médecine comme dans la vie quotidienne d'ailleurs, qu'on remette en cause ce que l'on faisait dans le passé, puis, qui est dépassé par des progrès qui arrivent."
Q - Un des points critiques encore - parce qu'il y a beaucoup de choses intéressantes dans ce rapport du haut conseil - : il porte sur la gouvernance ; une question simple : qui fait quoi ? Comment le partage des rôles est-il assumé aujourd'hui ?
R - "C'est un très grand problème. Je crois que c'est un des mérites du haut conseil que d'avoir - si vous me permettez l'expression - "mis les pieds dans le plat". C'est-à-dire, quels sont les rôles respectifs entre l'Etat - qui a un rôle majeur puisque c'est lui qui est le garant de l'égalité d'accès aux soins, de la qualité des soins - les gestionnaires, qui sont en charge de gérer le risque, et enfin les professionnels de santé, qui sont, en principe, en discussion par le biais de ce qu'on appelle "les conventions", avec les caisses. Et puis, vous avez les patients, car une des trouvailles formidables des dernières années, c'est que les patients ne sont pas seulement des gens qui attendent benoîtement qu'on leur prescrive ou qu'on leur conseille une stratégie, ils veulent désormais être parfaitement informés, participer aux choix. Je crois d'ailleurs que cette transparence et l'intervention "des usagers", comme on les appelle, va transformer beaucoup de choses. Donc vous voyez, il y a quatre acteurs principaux ; il va falloir qu'ils se coordonnent, que chacun prenne ses responsabilités. Et cela, ça sera une nouveauté."
Q - Il y a surtout un immense chantier à mettre en uvre. Alors vous commencez quand ? Y aura-t-il un sommet de la santé le 9 février prochain ?
R - "Je ne sais pas s'il faut l'appeler "sommet de la santé", mais c'est vrai que la première étape du diagnostic est terminée. Maintenant nous, allons rentrer dans la deuxième étape - c'est ce qu'avait défini le Premier ministre depuis longtemps - ; la deuxième étape c'est celle du dialogue social. Je vais réunir le 9 février, au ministère de la Santé, avenue de Ségur, l'ensemble des partenaires et nous allons, ensemble, définir la méthode de travail pour les trois mois qui viennent, afin de trouver les solutions communes. Car, vous savez, le diagnostic est partagé, c'est formidable ; je pense que les solutions pourraient l'être aussi à peu de choses près, parce qu'après tout, en 1946, en 1967, on s'est tous mis d'accord : c'est un bien commun. Le but des uns et des autres, c'est de mieux soigner, notamment en se basant sur la qualité des soins. S'il y a bien une régulation que tout le monde peut accepter, c'est par la qualité."
Q - Mais vous dites "une négociation importante qui commence", car c'est un patrimoine commun que ce système de santé, mais alors pourquoi commencer à poser la question de la réforme par ordonnances ? Certains ne comprendront pas qu'il y ait d'un côté le dialogue et de l'autre côté les ordonnances.
R - "Je crois que c'est un mauvais débat, parce que les ordonnances ont souvent été utilisées pour réformer la Sécurité sociale - on l'a vu au travers de notre Histoire. Deuxièmement, je vous rappelle que si on veut réformer la Sécurité sociale, il y aura plusieurs textes. Il y aura le texte lui-même de la réforme ; il y aura probablement la réforme de la loi organique, c'est-à-dire l'organisation des lois de financement, et puis la loi de financement elle-même ; il y a au moins trois textes qui ne seront pas par ordonnances. Donc, je pense que c'est un faux débat ; rien n'est tranché pour le moment. Je crois, en tout cas, que la concertation n'aura jamais été aussi importante."
(Source : premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 janvier 2004)