Déclaration de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur le contexte international de travail de la diplomatie française, les grande lignes et les priorités du projet de budget 2005 du ministère des affaires étrangères, Paris le 15 novembre 2004.

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Circonstance : Intervention de Michel Barnier à l'Assemblée nationale lors du débat budgétaire sur le projet de loi de finances 2005 du ministère des affaires étrangères, à Paris le 15 novembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier au nom de l'équipe du Quai d'Orsay, avec Claudie Haigneré, Xavier Darcos et Renaud Muselier, et de saluer la qualité des contributions de vos commissions et de vos rapporteurs. Ils ont mené une réflexion de fond sur les missions et les moyens de notre diplomatie.
Avant de vous présenter les grandes lignes de ce projet de budget, permettez-moi, selon la tradition, d'évoquer devant vous le contexte international dans lequel nous travaillons.
Au-delà des crises qui déstabilisent plusieurs régions du monde, ce contexte est marqué par de grandes interrogations : l'évolution de l'économie mondiale, confrontée à la hausse du prix du pétrole et à la baisse structurelle du dollar ; la politique étrangère et commerciale qui sera menée par l'administration américaine durant le nouveau mandat du président Bush ; l'évolution de l'Union européenne, en cette période cruciale des ratifications nationales de la Constitution européenne.
Raisons de plus, pour la France, de demeurer fidèle à ses principes : une vision de l'organisation du monde fondée sur le droit et le dialogue, refusant tout unilatéralisme ; le soutien aux organisations régionales comme l'Union africaine, qui veulent aujourd'hui jouer leur rôle dans l'équilibre de leurs continents respectifs ; l'ambition d'apporter un peu plus de justice à la mondialisation.
Pour cela, il nous faut des moyens pour agir, et pour adapter notre appareil diplomatique, consulaire et culturel aux priorités de notre politique étrangère en 2005.
Ces priorités s'organisent autour de trois pôles : la gestion des crises ; la construction de l'Europe ; la maîtrise de la mondialisation.
Première priorité : la France entend être présente et active dans la gestion des crises.
La France entend demeurer présente et active dans la gestion des crises. J'ai l'occasion de le rappeler souvent, en répondant aux invitations de votre commission des affaires étrangères et de son président Edouard Balladur.
D'abord la Côte d'Ivoire où la situation est extrêmement préoccupante. Notre priorité immédiate a été et demeure la sécurité de nos compatriotes, directement menacés ces derniers jours à Abidjan.
Six mille Français seront rentrés volontairement depuis dimanche, grâce aux vols affrétés par le ministère. Ils sont pris en charge dès leur arrivée, et je souhaite ici remercier tous ceux qui, à Paris, à Roissy, dans la cellule de crise du ministère, ou à Abidjan, se mobilisent avec une formidable énergie, la plupart d'entre eux étant des bénévoles. Pareil à celui adressé tout à l'heure à nos soldats, un mot de gratitude, donc, à tous ceux qui donnent de notre pays une si belle image de solidarité.
Au-delà, nous continuons de penser que cette crise aux racines profondes et anciennes, qui coupe le pays en deux, ne pourra être durablement résolue que par une solution politique. Celle-ci tient en deux mots : élections et réunification. C'est dans cet esprit que nous travaillons en ce moment même avec nos partenaires africains et ceux du Conseil de sécurité. Plusieurs chefs d'Etat africains étaient réunis hier en urgence à Abuja. Ils ont apporté leur entier soutien au projet de résolution qui devrait être adopté ce soir à New York. Ce texte vise à mettre en place des moyens effectifs de pression sur l'ensemble des protagonistes ivoiriens de ce conflit, pour les amener à respecter enfin leur signature et leurs engagements, et prévoit également un embargo sur les armes.
La France n'est évidemment pas en guerre contre la Côte d'Ivoire. Depuis deux ans elle s'est engagée sans hésiter et avec des moyens considérables au service d'un seul objectif : le retour à la paix dans un pays pour qui la France a et gardera une amitié sincère.
C'est ici que je voudrais dire un mot en réponse à l'interrogation sur notre outil de coopération militaire et de défense. Il s'agit d'un élément indispensable de notre soutien aux Etats de l'Afrique subsaharienne, pour bâtir des armées républicaines, structurées, conformes au Conseil de défense du printemps 2003. Compte tenu des contraintes budgétaires, la dotation de cette Direction de la Coopération militaire et de Défense (DCMD) a été stabilisée à 93,5 millions, après plusieurs années d'érosion. Un poste de directeur d'administration centrale est créé dans le budget 2005, pour l'emploi du directeur de la Coopération militaire et de Défense ; il relève directement du directeur général des Affaires politiques et de la Sécurité, car cette coopération ne se détache pas de notre action politique et diplomatique. Cette logique a d'ailleurs été réaffirmée avec beaucoup de force par le président de la République lui-même, qui a confirmé l'ancrage de la DCMD au sein du ministère des Affaires étrangères.
Autre continent, autre crise : l'Irak. Chacun connaît les divergences que ce dossier a suscitées dans le passé. Chacun sait que la France, pas plus demain qu'hier, ne s'engagera militairement en Irak.
Mais l'instabilité de ce pays est un danger pour une région qui représente un intérêt majeur pour la France et pour l'Europe. L'instabilité du Moyen-Orient, c'est notre propre instabilité. Comme nous l'avions souhaité, notamment au Conseil de sécurité, le retour à la souveraineté est engagé : depuis le 28 juin, un gouvernement intérimaire assume l'exercice des responsabilités.
Il faut maintenant reconstruire cet Etat, pour le peuple irakien qui a tant souffert et en y associant tous les Irakiens. C'est dans cet esprit que je me rendrai à Charm el-Cheikh lundi prochain, pour la conférence interrégionale sur l'Irak. Nos idées sur l'inclusivité du processus politique dans la perspective des élections de janvier ont bien progressé, puisque notre proposition d'une réunion associant tous ceux qui renoncent à la violence en Irak pour s'inscrire dans le processus démocratique doit être retenue.
C'est aussi avec l'Europe que nous nous engageons : le Premier ministre Allaoui était à Bruxelles la semaine dernière. L'Union se prépare à mener des actions de formation, notamment dans le domaine de l'Etat de droit.
Notre objectif en Irak est de rester fidèle à nos principes, à nos positions, et d'agir collectivement pour aider ce grand peuple, martyrisé par l'histoire mais riche d'un potentiel humain et de ressources naturelles considérables, à trouver la paix civile qui est la condition d'un nouveau départ.
Cela nous conduit au conflit du Proche-Orient, à cette crise centrale qui empêche depuis trop longtemps Israéliens et Palestiniens de vivre comme ils le souhaitent : en paix et en sécurité. Conflit central par son impact sur tous les peuples de la région et au-delà, et donc par l'impact qu'aurait son règlement ; conflit central parce qu'il est un test de la capacité de la communauté internationale à agir unie et à mettre en oeuvre ses propres décisions.
La disparition toute récente, sur notre sol, du président Yasser Arafat, président élu et légitime de l'Autorité palestinienne, crée naturellement une situation nouvelle, et c'est dès maintenant qu'il faut écrire une nouvelle page.
La transition s'est jusqu'à présent déroulée dans des conditions remarquables de sérénité et de sens des responsabilités. J'espère que les événements d'hier à Gaza ne sont qu'un accident.
Mais ils nous rappellent que la communauté internationale doit plus que jamais soutenir la reprise du Processus de paix. Le retrait annoncé de Gaza, que j'ai qualifié de "courageux", peut y contribuer s'il est mis en oeuvre avec l'Autorité palestinienne et s'il est bien compris comme une étape, annonçant l'engagement d'autres étapes de la Feuille de route. C'est pourquoi nous devons aider les dirigeants palestiniens à surmonter cette période sensible et à inscrire leur action dans une légitimité fondée sur le suffrage populaire. Notre rôle sera donc d'abord de tout faire pour que les élections palestiniennes aient lieu dans de bonnes conditions. La France et l'Europe s'y étaient déjà engagées dans la perspective des élections municipales ; elles devront le faire pour les élections présidentielles. Je partage l'opinion que l'Union européenne doit maintenir fermement ses engagements, lesquels vont au devant des volontés de tout un peuple.
Il faut que ces prochaines étapes permettent de renouer avec le calendrier de la Feuille de route. Nous devons redoubler d'efforts avec nos partenaires du Quartet pour que l'objectif agréé par l'ensemble des acteurs et par la communauté internationale - y compris les Etats-Unis et la Russie - devienne enfin réalité : que la menace terroriste qui frappe Israël disparaisse, que les Palestiniens vivent dans l'Etat auquel ils ont droit. Au-delà, c'est une solution globale du conflit israélo-arabe que nous devons rechercher, ce qui impose également un règlement du volet syro-libanais. Et notre ligne, pour le Liban comme pour les autres pays du monde, reste de défendre l'accession à la pleine souveraineté de tous les peuples.
N'oublions pas que notre pays est toujours fortement engagé dans deux autres régions : les Balkans et l'Afghanistan.
Les Balkans, où malgré des progrès, la situation reste fragile, comme les événements de mars dernier au Kosovo l'ont hélas démontré. Restons vigilants. 2005 sera cruciale. Ce sera le moment, au Kosovo, d'évaluer la mise en oeuvre des réformes essentielles comme la décentralisation et la protection des minorités, qui sont un préalable à toute réflexion sur le statut futur de ce territoire.
J'ai cependant noté, lors de mes récentes visites dans les Balkans, des raisons d'espérer : d'une part, la perspective de l'adhésion européenne, puissant levier pour les réformes ; le projet européen est un projet d'avenir et il le restera longtemps. Je pense que vous avez tort de citer cette belle phrase en souriant car j'ai constaté pour ma part que le seul levier pour que les minorités se tiennent bien, c'est qu'on leur propose ce qui nous a permis à nous de nous tenir bien depuis cinquante ans, c'est-à-dire l'ancrage dans le projet d'intégration communautaire, qui est au fond un formidable projet politique en ce qu'il aide à fabriquer de la stabilité, de la paix et du projet partagé, plutôt que d'entretenir des conflits.
D'autre part, des habitudes de coopération régionale s'installent progressivement. La France contribue à cette espérance. Notre engagement politique et militaire - 2.500 hommes, avec le commandement de la KFOR - est utile et le restera. François Lamy l'a souligné dans son rapport, en insistant sur notre action résolue en faveur d'une Europe de la Défense.
Un mot enfin de l'Afghanistan, où la coopération internationale et transatlantique s'exerce efficacement. C'est un pays qui parvient à un réel apprentissage de la démocratie, avec la récente élection présidentielle et le succès de M. Karzaï. C'est aussi un pays où la France est active sur tous les plans et depuis le début : dans la lutte contre le terrorisme et les actions militaires engagées aux côtés des Etats-Unis depuis 2001 ; pour la sécurisation du pays dans le cadre de l'OTAN, en particulier depuis septembre 2004 où nous commandons la FIAS.
Mesdames et Messieurs les Députés, dans toutes ces crises et, malheureusement, dans celles qui surviendront, nous nous tenons et nous nous tiendrons à des principes clairs que je veux rappeler ici : sécurité des populations, respect des Droits de l'Homme, légitimité démocratique de l'Etat et des institutions, intégrité du territoire national, stabilité régionale... Tous ces principes, qui constituent notre logiciel pour les crises, nous entendons les mettre en oeuvre dans le cadre des Nations unies.
Et c'est bien dans ce cadre que l'Union européenne doit s'engager davantage. C'est là ma deuxième priorité.
Permettez-moi simplement, à propos de l'Europe, dont nous parlerons beaucoup en 2005, de vous dire que tout dépend de nous et de la confiance que nous - les Européens - avons en nous-mêmes pour que l'Union devienne un acteur politique de premier rang dans le monde. Le moment de vérité sera celui de la Constitution - dont j'ai été l'un des ouvriers - puisqu'elle contient les outils de l'influence européenne.
Une politique étrangère commune, pas unique mais commune, telle doit être l'ambition. Nous ne renoncerons pas à nos identités en progressant dans la mise en place d'une politique commune, incarnée par un ministre des Affaires étrangères européen. Il faut progresser dans la voie de la mutualisation de nos analyses, de nos stratégies, et même de nos politiques, et tirer les leçons de notre impuissance, par exemple dans les Balkans, où, faute d'avoir su anticiper ensemble l'évolution de la situation, nous avons été incapables, il y a quinze ans de cela, d'empêcher une guerre moyenâgeuse qui a provoqué 200.000 morts.
Il faudra tirer les leçons de notre division en Irak, ce qui suppose de créer un lieu ou nous analyserons ensemble les situations et où naîtra une culture diplomatique commune. Il y faudra du temps et de la volonté mais il n'y a aucune raison, s'agissant de la Russie, du Proche-Orient et même de nos relations avec les Etats-Unis, que nous n'aboutissions pas à une action commune aux pays européens. Car je suis persuadé que c'est bien le cadre qui permet aujourd'hui de démultiplier notre influence dans le monde.
Notre ambition sera aussi de donner au projet européen une dimension plus sociale et plus humaine. Nous cherchons pour cela à mieux coordonner nos initiatives et nos actions avec celles de nos partenaires - l'Allemagne mais aussi les autres. Comment imaginer qu'en Afrique, qui comptera, dans vingt-cinq ans, 1,8 milliard d'habitants, dont 800 millions auront moins de 15 ans et dont plus de la moitié vivront avec moins d'un dollar par jour, nous continuions à mener des politiques juxtaposées, si ce n'est concurrentes ? Je remercie Bernard Carayon pour ses propositions, qui seront étudiées par la direction des affaires économiques.
Enfin, un monde plus libre, un monde plus sûr, sera d'abord un monde plus juste, ai-je dit à la tribune des Nations unies il y a quelques semaines. C'est ma troisième priorité.
Le premier défi est donc celui du développement, de la solidarité et du partenariat avec les pays les moins développés. Merci d'avoir rappelé qu'un grand nombre d'entre eux sont dans le Pacifique et autour de nos départements et territoires d'Outre-mer. Je suis un militant de la coopération régionale et je suis persuadé que nos département d'Outre-mer peuvent être un point d'appui de notre politique étrangère. J'insisterai pour que les crédits soient davantage utilisés en ce sens.
Avec ce budget, nous entendons également agir sur d'autres aspects de la mondialisation :
- le développement durable et la défense de l'environnement, comme s'y est engagé le président de la République ;
- la diversité culturelle, avec la conclusion attendue, en 2005, de la convention internationale sur la diversité culturelle dans le cadre de l'UNESCO ; j'indique au passage que le dossier de financement de l'institut culturel de Tel Aviv sera présenté à la commission compétente au début de l'année prochaine ;
- la présence de la France dans la bataille mondiale des savoirs et des idées, en particulier, en existant plus et mieux sur les ondes internationales. Ce dernier sujet est complexe : François Rochebloine et Patrick Bloche l'ont souligné dans leurs rapports respectifs. Il y a une forte attente pour une chaîne offrant davantage d'information, reflétant la diversité culturelle et diffusant des programmes adaptés à des publics très différents. Nous continuons à travailler, sous l'autorité du Premier ministre, à un projet qui doit être bâti en bonne intelligence avec les outils déjà existants : TV5, Euronews, RFI et l'AFP. Puisque j'évoque l'audiovisuel extérieur, je veux rendre hommage, au nom du gouvernement, à Serge Adda, qui vient de disparaître et qui a fait un formidable travail à la tête de TV5.
Voilà, en quelques mots, les trois priorités qui animent le budget qui vous est proposé.
Mesdames et Messieurs les Députés, vous l'avez tous souligné, cette action requiert des moyens. L'influence ne se décrète pas. Il lui faut des outils. Il lui faut un budget.
Comme vos rapporteurs n'ont pas manqué de le souligner, l'exécution du budget 2004 a été facilitée par l'absence de régulation budgétaire, voulue par le président de la République.
Pour autant, le budget des Affaires étrangères est resté solidaire. Ainsi, 23 millions d'euros ont été affectés à d'autres administrations, notamment pour financer l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile et renforcer la Commission de recours des Réfugiés.
Les effectifs et la masse salariale ont été réduits. Le réseau à l'étranger est engagé dans un processus de restructuration sur plusieurs années.
Pour 2005, mon ambition est de concentrer la ressource disponible autour de quelques grandes lignes, avec notamment :
- l'aide publique au développement ;
- la remise à niveau de nos contributions aux Nations unies et au Fonds européen de développement ;
- la formation en France des jeunes élites étrangères ;
- un effort important en faveur des Français de l'étranger, notamment dans les domaines scolaire et de la sécurité ;
- une efficacité accrue dans la gestion du droit d'asile et de la circulation des étrangers.
Les deux tiers de ce budget - aide publique au développement et contributions obligatoires, y compris les opérations de maintien de la paix - sont affectés à des dépenses incompressibles et qui ne cessent d'augmenter.
L'APD est notre première priorité et je souscris bien sûr à ce qu'écrit Jacques Godfrain dans son rapport : "le développement ne peut être qu'un projet politique de dimension mondiale que la France doit porter pour rester fidèle à sa vocation".
J'en viens aux autres éléments de ce budget pour 2005.
L'année prochaine, je vous présenterai mon budget sous forme de deux missions, au sens de la LOLF : la mission ministérielle "Action extérieure de l'Etat" et la mission interministérielle "Aide publique au développement". Votre rapporteur spécial estime "qu'il aurait été préférable de mettre en place une mission" Action extérieure de l'Etat "interministérielle et plus large, afin de conforter le rôle de pilotage qui revient en la matière au ministre des Affaires étrangères". Je partage cette analyse, il faudra faire évoluer les choses.
Dans son périmètre actuel, la mission "Action extérieure de l'Etat" se décompose en trois programmes :
- le plus important étant "l'Action de la France en Europe et dans le monde", pour un milliard 335 millions d'euros ;
- puis, le programme "Français à l'étranger et étrangers en France", pour 604 millions d'euros ;
- enfin le programme "Rayonnement culturel et scientifique", pour 345 millions d'euros.
La promotion de l'idée européenne est au coeur du premier programme "Action de la France en Europe et dans le monde". J'ai déjà dit combien, à mes yeux, le réflexe européen doit imprégner notre approche des grands problèmes mondiaux. J'ai donc obtenu l'augmentation des crédits consacrés à la promotion de l'Europe, pour le financement de nouvelles lignes pour la desserte aérienne de Strasbourg, et pour expliquer à nos concitoyens le traité constitutionnel européen, de manière impartiale et pluraliste.
Le renforcement du multilatéralisme et de la sécurité internationale sera un autre enjeu, qui se traduit en particulier par notre soutien aux opérations de maintien de la paix, ce que François Lamy a bien voulu souligner dans son rapport. Si les décisions prises aux Nations Unies devaient le rendre nécessaire, je reviendrais vers vous pour solliciter l'augmentation de ces crédits en cours d'exercice. Il serait difficile en effet que les autres composantes du budget de ce ministère soient mises à contribution pour financer des dépenses liées à des crises nouvelles nécessitant une action urgente. C'est bien ce que vous dit votre rapporteur Richard Cazenave quand il décrit ces chapitres comme étant "en limite de capacité". Vous avez été nombreux à évoquer la Francophonie. Si les crédits du chapitre 42-32 diminuent, c'est en raison du transfert à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) de la gestion des bourses AIF.
S'agissant du Programme "Français à l'étranger et étrangers en France", trois éléments se distinguent nettement :
- l'effort d'équipement de nos postes pour la sécurité des communautés françaises. Ces crédits seront portés à 2,2 millions d'euros, soit près de 10 % d'augmentation ;
- l'enseignement français à l'étranger. L'AEFE va réhabiliter et sécuriser plusieurs de nos établissements scolaires grâce à une subvention d'investissement de 10 millions d'euros. De même, les crédits pour les bourses scolaires vont être portés à 41 millions d'euros.
- enfin, la réforme du droit d'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est désormais en ordre de marche. Quant à la Commission de recours des réfugiés (CRR), l'augmentation de 18 % des crédits a permis son déménagement à Montreuil dans des locaux fonctionnels ainsi que le recrutement de 125 contractuels pour la résorption des 100 000 dossiers en instance.
J'ai évoqué tout à l'heure ma volonté de rationaliser notre réseau diplomatique et consulaire. Sur ce point, je partage l'avis selon lequel "la maîtrise des dépenses est nécessaire, mais elle ne doit pas conduire à l'impuissance de notre diplomatie". J'entends rationaliser notre réseau consulaire en Europe, supprimer les redondances qui peuvent exister entre Alliances françaises et centres culturels, engager la mutualisation d'une partie de nos moyens avec nos partenaires européens.
Par ailleurs, mon intention est de mettre à plat la politique immobilière du ministère des Affaires étrangères. Un grand projet de regrouper sur un site unique nos onze implantations à Paris. J'ai relancé notre politique de cessions immobilières à l'étranger. Le ministère des Affaires étrangères a vendu pour 40 millions d'euros d'immeubles entre 1999 et 2003. En 2004, 12 millions d'euros de ventes ont été réalisées, et un stock de ventes futures d'environ 50 millions d'euros est d'ores et déjà identifié. Je peux garantir que la totalité du produit de ces ventes bénéficie au budget de mon ministère. Votre rapporteur spécial s'est particulièrement intéressé à la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat à l'étranger. Je tiens à le remercier pour ses nombreuses propositions ; nous les étudierons avec attention.
Je voudrais pour terminer ajouter quelques mots sur la préparation de notre passage en régime LOLF. Le budget en format LOLF de la "mission Action extérieure de l'Etat" a été le premier à être soumis au Parlement. Vos rapporteurs l'ont souligné : il est bien plus lisible et plus dynamique que le budget bâti sur le modèle habituel de l'ordonnance de 1959.
Il est vrai cependant que la lecture de ce projet de budget transitoire est plus complexe cette année du fait de la création des 4 nouveaux chapitres expérimentaux de la LOLF. Ceci a conduit à des redistributions de crédits vers ces nouveaux chapitres. Je répète que les crédits de la Francophonie et de la Coopération habituellement inscrits au 42-15 ou au 37-95 sont préservés.
La mise en oeuvre de la loi organique sera l'occasion de rationaliser les compétences budgétaires des ministères. J'ai déjà mentionné les transferts réalisés depuis les budgets du Trésor - pour le Fonds Sida - et de l'Agriculture - pour l'aide alimentaire. A l'inverse, en 2006, les crédits du budget civil de la Recherche reviendront au budget de la Recherche.
De plus, le périmètre des emplois sera modifié. Alors qu'aujourd'hui seuls les 9 141 emplois budgétaires sont inscrits en loi de finances, en 2006 les 23.000 agents rémunérés par le ministère seront pris en compte.
L'année 2003 avait été marquée par une vraie crise sociale et budgétaire du ministère des Affaires étrangères. Nous ne parvenions plus à faire face correctement à nos missions.
La prise de conscience qui en est résultée, sous l'impulsion du chef de l'Etat et de mon prédécesseur, Dominique de Villepin, a permis de stopper la décrue des crédits. Ce budget est en augmentation de 1,2 %, hors progression de l'aide publique au développement. Je suis reconnaissant à l'ensemble des agents du ministère : ils servent bien l'action extérieure de la France.
(Source http://www.diplmatie.gouv.fr, le 19 novembre 2004)