Texte intégral
Mesdames et Messieurs
Nous voici une nouvelle fois réunis pour évoquer ensemble la réforme de la grande loi de 1975. Merci de l'intérêt que vous voulez bien porter au monde du handicap. Nous avons tous besoin de vous pour changer le regard sur le handicap. Merci des questions que vous voudrez bien nous poser. Comme d'habitude, je laisserai le maître d'oeuvre, Marie-Thérèse Boisseau, vous dire ce qu'apporte cette loi nouvelle et ce qu'elle contient de nouveau depuis notre rencontre du 10 décembre dernier.
Pour ma part, je voudrais d'abord vous indiquer le calendrier de la loi .
Le projet de loi a été délibéré ce matin en conseil des ministres. Il a été aujourd'hui même transmis au Sénat. La commission des affaires sociales auditionne Mme Marie-Thérèse Boisseau cet après-midi.
D'ici le 5 février auront été auditionnés : la CNAMTS, l'association des départements de France, le Délégué interministériel aux personnes handicapées, et, pour les associations : l'UNAPEI, l'APF, l'UNAFAM, l'AFM, le Collectif des Démocrates handicapés, ainsi que le Président du CNCPH, Monsieur Jean-Marie Schleret.
Le rapport de la Commission est prévue pour le mercredi 11février. L'examen du projet de loi sera donc examiné dans les prochaines semaines au Sénat.
Mesdames et Messieurs, l'engagement que le gouvernement avait pris de faire voter la loi avant la fin de cette année et de la mettre en oeuvre dès le 1er janvier 2005 sera tenu.
Le gouvernement a voulu que ce projet soit déposé au Sénat avant de l'être à l'Assemblée nationale. C'est un hommage que le gouvernement voulait rendre au travail de la Haute Assemblée.
Tous ceux qui s'intéressent au handicap savent qu'elle a été l'implication personnelle du sénateur Paul Blanc, auteur d'un rapport dès août 2002, et du président Nicolas About, qui a cosigné avec Paul Blanc une proposition de loi. Beaucoup des dispositions de la nouvelle loi sont inspirées des propositions des deux sénateurs.
Au moment où s'ouvre une étape décisive dans l'élaboration de la loi, je voudrais porter mon regard sur le travail accompli pendant 18 mois moins pour en tirer un bilan que pour donner une perspective. Avant tout, je dois dire que ce projet a donné lieu à une concertation exemplaire.
Que Marie-Thérèse Boisseau me permette de dire que ce n'est pas le moindre de ses mérites que d'avoir su mobiliser pendant 18 mois toutes les énergies.
Plusieurs missions d'expertise ou de réflexion ont permis de dresser un bilan de la situation et de disposer de propositions de réforme. Le Sénat, l'Assemblée nationale, la Cour des comptes, le Conseil économique et social, des experts, hauts fonctionnaires et professeurs d'université, nous ont apporté leurs analyses et leurs propositions dans tous les domaines.
Une concertation intense a été engagée avec l'ensemble des partenaires institutionnels, notamment avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) qui n'a jamais ménagé ses efforts, ainsi que dans les départements. C'était un travail nécessaire. Trop souvent, ce que les manuels juridiques appellent respectueusement " la sagesse du législateur " se réduit à des propositions faites du fond d'un bureau de l'administration. Ce n'est pas acceptable car une démocratie ne peut vivre que par le dialogue social. C'est encore moins acceptable dans le domaine du handicap où les besoins de législation doivent s'enraciner dans l'expérience toujours douloureuse de ceux qui vivent une situation de handicap.
Ma deuxième réflexion porte sur le principe même d'une loi. La loi est par définition générale et abstraite. Or, le handicap est par définition concret et multiple. Comment répondre à la fois aux besoins particuliers de la personne autiste et de la personne handicapée moteur, de la personne handicapée psychique et de la personne aveugle ou mal voyante. Inutile de multiplier les exemples. Inutile aussi d'envisager autant de lois qu'il y a de types de handicaps.
Une première réponse à cette difficulté consiste à compléter la loi par des programmes d'actions spécifiques. Le dossier de presse qui vous a été distribué vous présente les programmes que nous avons arrêtés, par type de handicap et par thèmes. Ils témoignent de la volonté du gouvernement de prendre en compte toutes les spécificités, tous les aspects de la vie d'une personne handicapée, quel que soit son handicap.
Ces programmes donnent un contenu concret aux dispositions normatives de la loi. Ils ouvrent des perspectives et ils engagent le gouvernement. Mais ils ne permettent pas de définir les normes. Or, ce sont bien des droits anciens qu'il fallait conforter et des droits nouveaux qui étaient à construire. Comment forger des concepts nouveaux susceptibles de couvrir l'ensemble des handicaps ? Je prendrais un seul exemple pour attirer votre attention sur les difficultés auxquelles nous avons été confrontés. C'est l'exemple du droit à compensation, qui est au coeur de la loi .
Le droit à compensation a été inscrit dans la loi du 4 mars 2002 mais il n'avait pas reçu de contenu. Sans doute parce que chacun en ressentait confusément la nécessité sans toutefois parvenir à le définir. Pour la personne handicapée moteur ou sensoriel, le premier besoin est sans doute celui de l'aménagement de la voirie, du logement, des transports. Mais ce n'est pas de la compensation. C'est de l'accessibilité parce que c'est utile à tous. Par contre, la compensation doit être fonctionnelle et le besoin de compensation s'exprime en dernière analyse dans la solvabilité de la personne pour lui permettre de faire face aux surcoûts des aides techniques ou humaines qui lui sont nécessaires.
Tournons maintenant vers le handicap mental et nous entendrons dire : nous avons besoin de protection juridique, de places en établissements, en centre d'aide par le travail, mais la solvabilité n'est pas notre première préoccupation.
Tournons nous vers le handicap psychique et nous entendrons dire : la compensation n'a pas de sens pour nous. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un accompagnement, de clubs, de groupes d'entr'aide mais cela n'est pas de la compensation.
La concertation approfondie que j'évoquais à l'instant a permis de déboucher sur un concept englobant qui fait du droit à compensation le droit à une réponse adaptée au besoin spécifique d'une personne handicapée, quelle que soit la nature de son besoin.
Ma troisième réflexion porte sur la création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA. L'annonce faite le 6 novembre par le Premier ministre est une annonce historique. Pour la première fois, le risque dépendance est reconnu et il est reconnu comme un risque autonome. C'est un risque nouveau, qui n'existait pas en tant que tel en 1945, lorsque Pierre Laroque bâtissait son plan ambitieux de sécurité sociale. C'est un risque distinct des autres risques, détaché de la condition de salarié.
La création de la CNSA jette d'emblée les bases d'une protection sociale fondée sur la solidarité nationale. Elle permet de répondre à quatre préoccupations majeures exprimées par les associations de personnes handicapées :
- dégager un financement substantiel, pérenne et individualisé pour le nouveau droit à compensation : 5 milliards de francs, soit 850 millions d'euros.
- associer dans un mode de gouvernance nouveau les personnes handicapées à la gestion des aides qui leur sont destinées. A cet effet, le conseil de surveillance de la CNSA fait une place égale aux personnes handicapées et aux personnes âgées.
- distinguer la compensation du handicap de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, la dépendance ne constituant qu'une des dimensions du handicap.
- amorcer la création d'une nouvelle branche de la protection sociale qui consacrera à terme le passage définitif de l'aide sociale à la solidarité nationale.
Une dernière réflexion : je n'ignore pas les déceptions que certains ont exprimé. J'ai pris connaissance de "l'avis de décès du grand chantier du handicap" publié par une association toulousaine. Je le dis sans jeu de mots : j'en ai pris connaissance avec tristesse car c'est injuste . Je n'y vois aucun parti pris.
Si l'on va au fond des choses, on observera qu'il s'agit d'un texte qui s'inscrit dans un processus stimulant autant que déstabilisant :
-stimulant, parce qu'il s'agit d'un processus de création de droits, lesquels supposent pour leur mise en oeuvre effective un changement d'approche du handicap et qu'ils s'appuient sur un état de la société qui doit évoluer.
- déstabilisant, parce que ce processus suscite naturellement des craintes quant à une éventuelle remise en cause de droits acquis . Or, faut-il, le préciser, loin de faire des perdants ce projet est porteur pour tous de grandes avancées.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 29 janvier 2004)
Nous voici une nouvelle fois réunis pour évoquer ensemble la réforme de la grande loi de 1975. Merci de l'intérêt que vous voulez bien porter au monde du handicap. Nous avons tous besoin de vous pour changer le regard sur le handicap. Merci des questions que vous voudrez bien nous poser. Comme d'habitude, je laisserai le maître d'oeuvre, Marie-Thérèse Boisseau, vous dire ce qu'apporte cette loi nouvelle et ce qu'elle contient de nouveau depuis notre rencontre du 10 décembre dernier.
Pour ma part, je voudrais d'abord vous indiquer le calendrier de la loi .
Le projet de loi a été délibéré ce matin en conseil des ministres. Il a été aujourd'hui même transmis au Sénat. La commission des affaires sociales auditionne Mme Marie-Thérèse Boisseau cet après-midi.
D'ici le 5 février auront été auditionnés : la CNAMTS, l'association des départements de France, le Délégué interministériel aux personnes handicapées, et, pour les associations : l'UNAPEI, l'APF, l'UNAFAM, l'AFM, le Collectif des Démocrates handicapés, ainsi que le Président du CNCPH, Monsieur Jean-Marie Schleret.
Le rapport de la Commission est prévue pour le mercredi 11février. L'examen du projet de loi sera donc examiné dans les prochaines semaines au Sénat.
Mesdames et Messieurs, l'engagement que le gouvernement avait pris de faire voter la loi avant la fin de cette année et de la mettre en oeuvre dès le 1er janvier 2005 sera tenu.
Le gouvernement a voulu que ce projet soit déposé au Sénat avant de l'être à l'Assemblée nationale. C'est un hommage que le gouvernement voulait rendre au travail de la Haute Assemblée.
Tous ceux qui s'intéressent au handicap savent qu'elle a été l'implication personnelle du sénateur Paul Blanc, auteur d'un rapport dès août 2002, et du président Nicolas About, qui a cosigné avec Paul Blanc une proposition de loi. Beaucoup des dispositions de la nouvelle loi sont inspirées des propositions des deux sénateurs.
Au moment où s'ouvre une étape décisive dans l'élaboration de la loi, je voudrais porter mon regard sur le travail accompli pendant 18 mois moins pour en tirer un bilan que pour donner une perspective. Avant tout, je dois dire que ce projet a donné lieu à une concertation exemplaire.
Que Marie-Thérèse Boisseau me permette de dire que ce n'est pas le moindre de ses mérites que d'avoir su mobiliser pendant 18 mois toutes les énergies.
Plusieurs missions d'expertise ou de réflexion ont permis de dresser un bilan de la situation et de disposer de propositions de réforme. Le Sénat, l'Assemblée nationale, la Cour des comptes, le Conseil économique et social, des experts, hauts fonctionnaires et professeurs d'université, nous ont apporté leurs analyses et leurs propositions dans tous les domaines.
Une concertation intense a été engagée avec l'ensemble des partenaires institutionnels, notamment avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) qui n'a jamais ménagé ses efforts, ainsi que dans les départements. C'était un travail nécessaire. Trop souvent, ce que les manuels juridiques appellent respectueusement " la sagesse du législateur " se réduit à des propositions faites du fond d'un bureau de l'administration. Ce n'est pas acceptable car une démocratie ne peut vivre que par le dialogue social. C'est encore moins acceptable dans le domaine du handicap où les besoins de législation doivent s'enraciner dans l'expérience toujours douloureuse de ceux qui vivent une situation de handicap.
Ma deuxième réflexion porte sur le principe même d'une loi. La loi est par définition générale et abstraite. Or, le handicap est par définition concret et multiple. Comment répondre à la fois aux besoins particuliers de la personne autiste et de la personne handicapée moteur, de la personne handicapée psychique et de la personne aveugle ou mal voyante. Inutile de multiplier les exemples. Inutile aussi d'envisager autant de lois qu'il y a de types de handicaps.
Une première réponse à cette difficulté consiste à compléter la loi par des programmes d'actions spécifiques. Le dossier de presse qui vous a été distribué vous présente les programmes que nous avons arrêtés, par type de handicap et par thèmes. Ils témoignent de la volonté du gouvernement de prendre en compte toutes les spécificités, tous les aspects de la vie d'une personne handicapée, quel que soit son handicap.
Ces programmes donnent un contenu concret aux dispositions normatives de la loi. Ils ouvrent des perspectives et ils engagent le gouvernement. Mais ils ne permettent pas de définir les normes. Or, ce sont bien des droits anciens qu'il fallait conforter et des droits nouveaux qui étaient à construire. Comment forger des concepts nouveaux susceptibles de couvrir l'ensemble des handicaps ? Je prendrais un seul exemple pour attirer votre attention sur les difficultés auxquelles nous avons été confrontés. C'est l'exemple du droit à compensation, qui est au coeur de la loi .
Le droit à compensation a été inscrit dans la loi du 4 mars 2002 mais il n'avait pas reçu de contenu. Sans doute parce que chacun en ressentait confusément la nécessité sans toutefois parvenir à le définir. Pour la personne handicapée moteur ou sensoriel, le premier besoin est sans doute celui de l'aménagement de la voirie, du logement, des transports. Mais ce n'est pas de la compensation. C'est de l'accessibilité parce que c'est utile à tous. Par contre, la compensation doit être fonctionnelle et le besoin de compensation s'exprime en dernière analyse dans la solvabilité de la personne pour lui permettre de faire face aux surcoûts des aides techniques ou humaines qui lui sont nécessaires.
Tournons maintenant vers le handicap mental et nous entendrons dire : nous avons besoin de protection juridique, de places en établissements, en centre d'aide par le travail, mais la solvabilité n'est pas notre première préoccupation.
Tournons nous vers le handicap psychique et nous entendrons dire : la compensation n'a pas de sens pour nous. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un accompagnement, de clubs, de groupes d'entr'aide mais cela n'est pas de la compensation.
La concertation approfondie que j'évoquais à l'instant a permis de déboucher sur un concept englobant qui fait du droit à compensation le droit à une réponse adaptée au besoin spécifique d'une personne handicapée, quelle que soit la nature de son besoin.
Ma troisième réflexion porte sur la création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA. L'annonce faite le 6 novembre par le Premier ministre est une annonce historique. Pour la première fois, le risque dépendance est reconnu et il est reconnu comme un risque autonome. C'est un risque nouveau, qui n'existait pas en tant que tel en 1945, lorsque Pierre Laroque bâtissait son plan ambitieux de sécurité sociale. C'est un risque distinct des autres risques, détaché de la condition de salarié.
La création de la CNSA jette d'emblée les bases d'une protection sociale fondée sur la solidarité nationale. Elle permet de répondre à quatre préoccupations majeures exprimées par les associations de personnes handicapées :
- dégager un financement substantiel, pérenne et individualisé pour le nouveau droit à compensation : 5 milliards de francs, soit 850 millions d'euros.
- associer dans un mode de gouvernance nouveau les personnes handicapées à la gestion des aides qui leur sont destinées. A cet effet, le conseil de surveillance de la CNSA fait une place égale aux personnes handicapées et aux personnes âgées.
- distinguer la compensation du handicap de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, la dépendance ne constituant qu'une des dimensions du handicap.
- amorcer la création d'une nouvelle branche de la protection sociale qui consacrera à terme le passage définitif de l'aide sociale à la solidarité nationale.
Une dernière réflexion : je n'ignore pas les déceptions que certains ont exprimé. J'ai pris connaissance de "l'avis de décès du grand chantier du handicap" publié par une association toulousaine. Je le dis sans jeu de mots : j'en ai pris connaissance avec tristesse car c'est injuste . Je n'y vois aucun parti pris.
Si l'on va au fond des choses, on observera qu'il s'agit d'un texte qui s'inscrit dans un processus stimulant autant que déstabilisant :
-stimulant, parce qu'il s'agit d'un processus de création de droits, lesquels supposent pour leur mise en oeuvre effective un changement d'approche du handicap et qu'ils s'appuient sur un état de la société qui doit évoluer.
- déstabilisant, parce que ce processus suscite naturellement des craintes quant à une éventuelle remise en cause de droits acquis . Or, faut-il, le préciser, loin de faire des perdants ce projet est porteur pour tous de grandes avancées.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 29 janvier 2004)