Texte intégral
Q- Bonjour F. d'Aubert.
R- Bonjour.
Q- Quelle est la place de la France dans la lutte pour la biodiversité ? Je pose cette question parce que, comme on vient de le voir, Paris se trouve être pour quelques jours la capitale de la biodiversité, alors que la France est aussi le mauvais élève européen dans ce domaine.
R- La France a une position de chef de file, je crois, dans la prise de conscience de la question de la biodiversité et surtout de l'érosion de la biodiversité, c'est-à-dire que la biodiversité se réduit et que beaucoup de scientifiques, aujourd'hui, nous disent : " On en est peut-être à la sixième grande rupture " -la première c'était il y a plusieurs centaines de millions d'années et ...
Q- ...Et la précédente étant celle de la disparition des dinosaures. En - 66 millions d'années. Aujourd'hui, la caractéristique de cette rupture, ça pourrait être que cette rupture est le fait de la main de l'homme, une surexploitation de pollution ; alors il peut y avoir aussi des causes naturelles, par exemple le changement climatique, mais lui-même peut être aussi le fait de la main de l'homme. Donc, il y a cette prise de conscience qui est très forte et la manifestation qui est organisée à l'UNESCO, à l'initiative du président de la République, je crois, est vraiment très importante, pour la prise de conscience et pour aller dans du concret, c'est-à-dire avoir un vrai système d'expertise scientifique. S'intéressent à la biodiversité, non seulement les spécialistes de l'environnement, le ministère de l'Environnement, pour parler administrativement, politiquement, mais aussi, beaucoup la recherche. Nous avons une recherche qui est très bonne en France, sur ce sujet, avec, comme chefs de files, les laboratoires du Muséum d'histoire naturelle. Simplement, il y a eu une certaine désaffection pour les métiers de la Recherche qui sont liés à la biodiversité. On a 4 000 chercheurs, à peu près, qui travaillent dans ce domaine, mais c'est vrai que l'on manque un petit peu de vocations de botanistes, par exemple, et de spécialistes de ce genre.
Q- Mais alors, quand la Commission européenne, comme il y a 15 jours, épingle la France parce qu'elle n'applique même pas les directives et notamment Natura 2000, qui est sensée protéger les oiseaux et les sites, qu'est-ce qui se passe là, par rapport aux bonnes intentions que vous venez de nous décrire ?
R- Alors, Natura 2000 est une directive de l'Europe que nous appliquons, que nous appliquons progressivement...
Q- Et pas assez, vous dites, apparemment.
R- Et ce qui nous est reproché, c'est peut-être de ne pas l'avoir fait assez vite, parce que ça remonte à plusieurs années. Ce n'est pas trois ans, c'est beaucoup plus, qu'il y a cette lenteur. Mais nous allons notifier, dans les prochaines semaines, cent sites nouveaux, protégés au titre Natura 2000, soit pour l'habitat, soit pour les oiseaux, ce qui va faire remonter les taux de protection de nos territoires. Vous disiez, également, tout à l'heure, que nous avions, c'est vrai, le domaine maritime, le deuxième ou le troisième du monde, essentiellement, grâce à la métropole, bien sûr, mais surtout grâce aux départements et aux Territoires d'Outre Mer, autour de la Nouvelle Calédonie, par exemple, ou autour des Antilles, plus de la Polynésie, parce que chaque île polynésienne agrandit notre domaine maritime. La Nouvelle Calédonie est extraordinairement riche en biodiversité avec le deuxième grand récif corallien du monde, après celui de l'Australie, et les récifs coralliens sont probablement les écosystèmes les plus riches avec une diversité d'espèces, que ce soit des espèces végétales ou des espèces animales.
Q- Et qu'est-ce que vous allez faire pour les protéger, ceux-là ?
R- Eh bien, il y a des perspectives de classements. D'autre part, le président de la République a annoncé hier que sur deux autres zones, sur la Guyane et sur la Réunion, nous allions créer cette année deux parcs naturels nationaux, qui est un bon moyen, effectivement, de protéger à la fois la terre et puis ce qu'il y a autour, c'est-à-dire la partie du domaine maritime.
Q- Alors, on nous dit qu'aujourd'hui, en terme de biodiversité, il faudrait en arriver là où on en est sur le dossier du climat et du réchauffement de la planète, c'est-à-dire arriver au moins à l'état du Traité de Kyoto qui allie donc les intentions et les politiques des pays en termes d'effet de serre. C'est un petit peu inquiétant, tout de même, parce que l'on connaît bien les limites du Traité de Kyoto, on sait bien que ce n'est pas suffisant. Hier, justement, paradoxalement, le hasard des choses étant ce qu'il est, un rapport britannique annonçait justement que le point de non-retour en termes de réchauffement de la planète allait être atteint beaucoup plus vite que prévu. Donc, ça ne suffit même pas.
R- Sur le climat, ce qui a été très utile, c'est non seulement bien évidemment la prise de conscience, mais c'est en même temps l'expertise scientifique, parce que par exemple sur la biodiversité, on ne sait pas exactement combien il y a réellement d'espèces sur la planète. On le sait pour les oiseaux, on le sait pour les mammifères, ça tourne autour de 5 000, les oiseaux à peu près 10 000, mais vous avez également tous les microorganismes, les gènes, qui sont extrêmement importants. Alors là, à moment là, on monte à plusieurs millions, je dirais X millions, parce que...
Q- Entre 10 et 30, disent les spécialistes.
R- Oui, entre 10 et 30.
Q- C'est beaucoup.
R- Alors, le but, c'est, en même temps, d'avoir un inventaire concret, parce que ça éviterait aussi, parce qu'il y a des polémiques autour du sujet, il y a des gens qui disent : " Mais, vous criez au loup, si on peut dire, vous allez trop loin ", etc. Et d'autres qui disent au contraire " Vous êtes trop timide ". Donc, je crois qu'il est important d'avoir des éléments de mesure de cette érosion, qui, elle, est incontestable, de la biodiversité. Ensuite, pour mieux fixer les priorités ; quelles sont les espèces dont il faut vraiment ralentir la dégradation du nombre, parce que naturellement on serait obligé de hiérarchiser les priorités.
Q- Alors, monsieur le ministre, ce colloque à l'UNESCO s'intitule " Biodiversité : science et gouvernance ". Alors, justement, vous êtes confronté à une fronde des chercheurs, en France, depuis maintenant un peu plus d'un an. Est-ce que justement vous allez avoir les moyens, peut-être de régler à la fois la crise des chercheurs qui demandent, pour aller vite, plus de liberté de mouvements, plus d'argent, moins d'administratif, etc. et puis en même temps travailler davantage pour protéger la biodiversité ?
R- Nous sommes dans une phase de préparation d'une grande loi d'orientation et de programmation - programmation, ça veut dire moyens en postes supplémentaires, en emplois, pour les chercheurs, et d'autre part moyens financiers. Le président de la République a annoncé, lors des vux en début d'année, qu'il y aurait six milliards d'euros concentrés sur trois ans, c'était le début de la programmation, et puis, après, pour que ça continuerait, donc ça va vous permettre de nous remettre à niveau et vraiment de relancer l'effort de recherche. Donc, actuellement, nous sommes en train de voir, en concertation avec les chercheurs - chacun essaie un petit peu de se frayer un chemin, si vous voulez, donc, quelquefois ça frotte un petit peu - mais de voir comment cet argent va être, au mieux, dépensé, pour que la recherche française soit encore plus forte dans la compétition mondiale, parce que c'est vrai que l'on est en face de systèmes de recherche et d'innovations qui doivent être... Notre système doit être plus compétitif encore que celui de nos concurrents parce que là, vraiment, il y a une concurrence très forte. C'est pourquoi nous avons annoncé la création d'une Agence nationale de la recherche, que nous mettons l'accent sur l'évaluation des chercheurs et que nous souhaitons une place croissante de l'université dans notre système de recherche.
Q- C'est le politique qui doit avoir la main ou ce sont les chercheurs ?
R- Je crois que c'est un ensemble, il faut qu'il y ait un pilote dans l'avion mais en même temps, c'est à la Communauté scientifique de pouvoir exprimer des priorités qui sont ensuite, je dirais, hiérarchisées et accompagnées de moyens par le politique.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 janvier 2005)
R- Bonjour.
Q- Quelle est la place de la France dans la lutte pour la biodiversité ? Je pose cette question parce que, comme on vient de le voir, Paris se trouve être pour quelques jours la capitale de la biodiversité, alors que la France est aussi le mauvais élève européen dans ce domaine.
R- La France a une position de chef de file, je crois, dans la prise de conscience de la question de la biodiversité et surtout de l'érosion de la biodiversité, c'est-à-dire que la biodiversité se réduit et que beaucoup de scientifiques, aujourd'hui, nous disent : " On en est peut-être à la sixième grande rupture " -la première c'était il y a plusieurs centaines de millions d'années et ...
Q- ...Et la précédente étant celle de la disparition des dinosaures. En - 66 millions d'années. Aujourd'hui, la caractéristique de cette rupture, ça pourrait être que cette rupture est le fait de la main de l'homme, une surexploitation de pollution ; alors il peut y avoir aussi des causes naturelles, par exemple le changement climatique, mais lui-même peut être aussi le fait de la main de l'homme. Donc, il y a cette prise de conscience qui est très forte et la manifestation qui est organisée à l'UNESCO, à l'initiative du président de la République, je crois, est vraiment très importante, pour la prise de conscience et pour aller dans du concret, c'est-à-dire avoir un vrai système d'expertise scientifique. S'intéressent à la biodiversité, non seulement les spécialistes de l'environnement, le ministère de l'Environnement, pour parler administrativement, politiquement, mais aussi, beaucoup la recherche. Nous avons une recherche qui est très bonne en France, sur ce sujet, avec, comme chefs de files, les laboratoires du Muséum d'histoire naturelle. Simplement, il y a eu une certaine désaffection pour les métiers de la Recherche qui sont liés à la biodiversité. On a 4 000 chercheurs, à peu près, qui travaillent dans ce domaine, mais c'est vrai que l'on manque un petit peu de vocations de botanistes, par exemple, et de spécialistes de ce genre.
Q- Mais alors, quand la Commission européenne, comme il y a 15 jours, épingle la France parce qu'elle n'applique même pas les directives et notamment Natura 2000, qui est sensée protéger les oiseaux et les sites, qu'est-ce qui se passe là, par rapport aux bonnes intentions que vous venez de nous décrire ?
R- Alors, Natura 2000 est une directive de l'Europe que nous appliquons, que nous appliquons progressivement...
Q- Et pas assez, vous dites, apparemment.
R- Et ce qui nous est reproché, c'est peut-être de ne pas l'avoir fait assez vite, parce que ça remonte à plusieurs années. Ce n'est pas trois ans, c'est beaucoup plus, qu'il y a cette lenteur. Mais nous allons notifier, dans les prochaines semaines, cent sites nouveaux, protégés au titre Natura 2000, soit pour l'habitat, soit pour les oiseaux, ce qui va faire remonter les taux de protection de nos territoires. Vous disiez, également, tout à l'heure, que nous avions, c'est vrai, le domaine maritime, le deuxième ou le troisième du monde, essentiellement, grâce à la métropole, bien sûr, mais surtout grâce aux départements et aux Territoires d'Outre Mer, autour de la Nouvelle Calédonie, par exemple, ou autour des Antilles, plus de la Polynésie, parce que chaque île polynésienne agrandit notre domaine maritime. La Nouvelle Calédonie est extraordinairement riche en biodiversité avec le deuxième grand récif corallien du monde, après celui de l'Australie, et les récifs coralliens sont probablement les écosystèmes les plus riches avec une diversité d'espèces, que ce soit des espèces végétales ou des espèces animales.
Q- Et qu'est-ce que vous allez faire pour les protéger, ceux-là ?
R- Eh bien, il y a des perspectives de classements. D'autre part, le président de la République a annoncé hier que sur deux autres zones, sur la Guyane et sur la Réunion, nous allions créer cette année deux parcs naturels nationaux, qui est un bon moyen, effectivement, de protéger à la fois la terre et puis ce qu'il y a autour, c'est-à-dire la partie du domaine maritime.
Q- Alors, on nous dit qu'aujourd'hui, en terme de biodiversité, il faudrait en arriver là où on en est sur le dossier du climat et du réchauffement de la planète, c'est-à-dire arriver au moins à l'état du Traité de Kyoto qui allie donc les intentions et les politiques des pays en termes d'effet de serre. C'est un petit peu inquiétant, tout de même, parce que l'on connaît bien les limites du Traité de Kyoto, on sait bien que ce n'est pas suffisant. Hier, justement, paradoxalement, le hasard des choses étant ce qu'il est, un rapport britannique annonçait justement que le point de non-retour en termes de réchauffement de la planète allait être atteint beaucoup plus vite que prévu. Donc, ça ne suffit même pas.
R- Sur le climat, ce qui a été très utile, c'est non seulement bien évidemment la prise de conscience, mais c'est en même temps l'expertise scientifique, parce que par exemple sur la biodiversité, on ne sait pas exactement combien il y a réellement d'espèces sur la planète. On le sait pour les oiseaux, on le sait pour les mammifères, ça tourne autour de 5 000, les oiseaux à peu près 10 000, mais vous avez également tous les microorganismes, les gènes, qui sont extrêmement importants. Alors là, à moment là, on monte à plusieurs millions, je dirais X millions, parce que...
Q- Entre 10 et 30, disent les spécialistes.
R- Oui, entre 10 et 30.
Q- C'est beaucoup.
R- Alors, le but, c'est, en même temps, d'avoir un inventaire concret, parce que ça éviterait aussi, parce qu'il y a des polémiques autour du sujet, il y a des gens qui disent : " Mais, vous criez au loup, si on peut dire, vous allez trop loin ", etc. Et d'autres qui disent au contraire " Vous êtes trop timide ". Donc, je crois qu'il est important d'avoir des éléments de mesure de cette érosion, qui, elle, est incontestable, de la biodiversité. Ensuite, pour mieux fixer les priorités ; quelles sont les espèces dont il faut vraiment ralentir la dégradation du nombre, parce que naturellement on serait obligé de hiérarchiser les priorités.
Q- Alors, monsieur le ministre, ce colloque à l'UNESCO s'intitule " Biodiversité : science et gouvernance ". Alors, justement, vous êtes confronté à une fronde des chercheurs, en France, depuis maintenant un peu plus d'un an. Est-ce que justement vous allez avoir les moyens, peut-être de régler à la fois la crise des chercheurs qui demandent, pour aller vite, plus de liberté de mouvements, plus d'argent, moins d'administratif, etc. et puis en même temps travailler davantage pour protéger la biodiversité ?
R- Nous sommes dans une phase de préparation d'une grande loi d'orientation et de programmation - programmation, ça veut dire moyens en postes supplémentaires, en emplois, pour les chercheurs, et d'autre part moyens financiers. Le président de la République a annoncé, lors des vux en début d'année, qu'il y aurait six milliards d'euros concentrés sur trois ans, c'était le début de la programmation, et puis, après, pour que ça continuerait, donc ça va vous permettre de nous remettre à niveau et vraiment de relancer l'effort de recherche. Donc, actuellement, nous sommes en train de voir, en concertation avec les chercheurs - chacun essaie un petit peu de se frayer un chemin, si vous voulez, donc, quelquefois ça frotte un petit peu - mais de voir comment cet argent va être, au mieux, dépensé, pour que la recherche française soit encore plus forte dans la compétition mondiale, parce que c'est vrai que l'on est en face de systèmes de recherche et d'innovations qui doivent être... Notre système doit être plus compétitif encore que celui de nos concurrents parce que là, vraiment, il y a une concurrence très forte. C'est pourquoi nous avons annoncé la création d'une Agence nationale de la recherche, que nous mettons l'accent sur l'évaluation des chercheurs et que nous souhaitons une place croissante de l'université dans notre système de recherche.
Q- C'est le politique qui doit avoir la main ou ce sont les chercheurs ?
R- Je crois que c'est un ensemble, il faut qu'il y ait un pilote dans l'avion mais en même temps, c'est à la Communauté scientifique de pouvoir exprimer des priorités qui sont ensuite, je dirais, hiérarchisées et accompagnées de moyens par le politique.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 26 janvier 2005)