Texte intégral
La piraterie sur Internet, crime contre l'esprit
Face au déferlement de la piraterie des oeuvres sur Internet, certains voudraient nous faire croire qu'il faudrait baisser les bras, se résigner, laisser faire. Au nom d'une nouvelle modernité, d'un nouveau modèle, d'une nouvelle utopie. Après les mirages de la "nouvelle économie", le mythe de la gratuité, ou le "miracle" de la "licence légale".
J'entends dénoncer et battre en brèche ce nouveau mythe, en appelant à l'imagination de tous pour proposer une lutte contre la piraterie où les internautes, c'est-à-dire chacune et chacun d'entre nous, les créateurs et finalement la culture seraient tous gagnants. Entendons-nous bien : je suis depuis longtemps un enthousiasme d'Internet, de ce monde décloisonné, sans frontière, de la communication et de l'accès à la connaissance et à l'information pour tous, de l'extraordinaire liberté d'expression qu'il permet. Une liberté consubstantielle à cette vie démocratique à laquelle je suis viscéralement attaché. Je sais le prix de cette liberté. Je suis allé inaugurer le cinéma l'Ariana, qui sort Kaboul d'une longue nuit de l'esprit.
C'est précisément pour préserver la liberté que je me bats : liberté de création pour tous les créateurs et les artistes, les réalisateurs, les cinéastes, mais aussi les journalistes, dans le champ de l'information ; liberté de choix au sein d'une offre culturelle réellement diverse pour tous les internautes.
Pour garantir la pérennité, la rivalité et la diversité de la création, il est impératif que les droits des créateurs soient préservés. Lutter contre la piraterie, c'est assurer les conditions de survie des auteurs, des artistes, des interprètes et des oeuvres.
Car je tiens la piraterie pour un crime contre l'esprit. Un crime contre la création. Un crime souvent organisé. Et j'assume la défense des industries culturelles qui sont sources de centaines de milliers d'emplois, des industries qui ne sont pas des industries comme les autres. C'est pourquoi la défense d'un droit consacré parla Révolution française, parce qu'il découle directement de l'abolition des privilèges, est un combat d'intérêt public. Les auteurs de la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, dans la droite ligne de Beaumarchais considéraient la propriété littéraire et artistique comme l'un de ces droits les plus précieux.
J'en appelle à l'imagination pour que l'offre des "contenus" sur Internet demeure diverse et de qualité. Je ne veux pas d'un Réseau sans contenu, un Réseau qui tournerait à vide, autour d'une offre insipide, standardisée, une sorte de consommation culturelle au rabais.
Contre la généralisation d'un comportement qui serait suicidaire pour tous, je propose de rassembler toutes les énergies pour construire un nouveau modèle économique qui garantisse une offre de qualité variée à un coût raisonnable, mais pas à un prix bradé.
Mais il y a deux conditions préalables.
D'abord, ne pas s'interdire d'interdire. L'arsenal juridique existe pour faire respecter le droit. Il faut l'appliquer sans faiblesse. Surtout quand il a valeur d'exemple.
La loi pour la confiance dans l'économie numérique apporte des outils nécessaires pour lutter contre la piraterie sur Internet. Le projet de loi sur les données personnelles qui doit bientôt être examiné en deuxième lecture au Sénat permet aux organismes professionnels d'ayants droit de mettre en place des traitements automatisés de données d'infraction. La transposition de la directive "contre-façon" me permettra de proposer, avec Dominique Perben et Patrick Devedjian, une palette de sanctions administratives adaptées.
Le projet de loi sur le droit d'auteur et les droits voisins permettra en outre, et j'y attache une très grande importance, de sécuriser les nouvelles offres légales et payantes sur Internet pour rémunérer la création tout en la rendant vraiment accessible à tous.
Mais c'est bien davantage à une mobilisation générale que j'appelle.
Mobilisation des pouvoirs publics, sous l'impulsion du président de la République, qui a dit combien ce combat était juste. Elle est acquise depuis la communication que j'ai présentée au Conseil des ministres le 19 mai, j'installerai avec Patrick Devedjian, le 15 juillet, le Comité national antipiraterie, qui aura pour première mission de favoriser le dialogue entre tous les acteurs concernés sur la mise en place d'une offre légale et payante sur le Réseau et sur la lutte contre la piraterie, mais aussi de coordonner l'action des services de l'Etat et des professionnels.
Mobilisation des professionnels : en réunissant à Cannes les représentants des studios de cinéma, des sociétés de production, des diffuseurs et des réalisateurs des Etats-Unis, d'Europe, d'Inde, de Chine et de Russie, j'ai ressenti la conviction partagée par tous qu'une action forte, urgente et coordonnée doit être lancée.
En réunissant à Paris l'Observatoire européen de l'audiovisuel, je constate avec satisfaction que cette mobilisation s'étend à l'Europe entière et réunit tous les créateurs et producteurs de la musique, bien sûr, qui sont les plus durement touchés, mais aussi du cinéma et de l'audiovisuel.
Je souhaite que les producteurs français et européens puissent prendre position ensemble. Je proposerai à mes homologues européens, le 13 juillet prochain à Rotterdam, que notre action s'inscrive dans le cadre d'un plan européen. Il m'apparaît en effet indispensable de sensibiliser en particulier les nouveaux Etats membres de l'Union aux enjeux de cette lutte. Nous devons, au sein de l'Europe à vingt-cinq, échanger les "bonnes pratiques" et suivre, avec le concours de la Commission, l'application de la législation européenne.
J'associe à cette mobilisation les fournisseurs d'accès, qui sont concernés au premier chef, et les ayants droit. Nous déterminerons ensemble les conditions qui leur permettront de développer l'offre légale et payante sur Internet, tout en trouvant les moyens de réduire l'offre gratuite et illicite. Mais aussi les journalistes et les médias. Et les distributeurs. Cette mobilisation de tous les acteurs de la chaîne de la création ne portera ses fruits que si elle s'appuie sur une mobilisation des esprits.
C'est pourquoi j'ai mais l'accent, en présentant le plan d'action, sur la sensibilisation du public, qui passe par une campagne d'information nationale.
Je sais pouvoir compter aussi sur l'engagement de François Fillon et de l'éducation nationale pour prendre toute sa part de ce combat. Car les écoles, les collèges, les lycées, les universités et l'ensemble de la communauté éducative sont évidemment en première ligne.
Ce n'est pas une bataille d'arrière-garde. Nous sommes les pionniers d'un nouveau combat pour la liberté et pour la culture. L'un de ces combats dont Victor Hugo disait : "il porte l'homme à l'homme et l'esprit à l'esprit"
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 juin 2004)
Face au déferlement de la piraterie des oeuvres sur Internet, certains voudraient nous faire croire qu'il faudrait baisser les bras, se résigner, laisser faire. Au nom d'une nouvelle modernité, d'un nouveau modèle, d'une nouvelle utopie. Après les mirages de la "nouvelle économie", le mythe de la gratuité, ou le "miracle" de la "licence légale".
J'entends dénoncer et battre en brèche ce nouveau mythe, en appelant à l'imagination de tous pour proposer une lutte contre la piraterie où les internautes, c'est-à-dire chacune et chacun d'entre nous, les créateurs et finalement la culture seraient tous gagnants. Entendons-nous bien : je suis depuis longtemps un enthousiasme d'Internet, de ce monde décloisonné, sans frontière, de la communication et de l'accès à la connaissance et à l'information pour tous, de l'extraordinaire liberté d'expression qu'il permet. Une liberté consubstantielle à cette vie démocratique à laquelle je suis viscéralement attaché. Je sais le prix de cette liberté. Je suis allé inaugurer le cinéma l'Ariana, qui sort Kaboul d'une longue nuit de l'esprit.
C'est précisément pour préserver la liberté que je me bats : liberté de création pour tous les créateurs et les artistes, les réalisateurs, les cinéastes, mais aussi les journalistes, dans le champ de l'information ; liberté de choix au sein d'une offre culturelle réellement diverse pour tous les internautes.
Pour garantir la pérennité, la rivalité et la diversité de la création, il est impératif que les droits des créateurs soient préservés. Lutter contre la piraterie, c'est assurer les conditions de survie des auteurs, des artistes, des interprètes et des oeuvres.
Car je tiens la piraterie pour un crime contre l'esprit. Un crime contre la création. Un crime souvent organisé. Et j'assume la défense des industries culturelles qui sont sources de centaines de milliers d'emplois, des industries qui ne sont pas des industries comme les autres. C'est pourquoi la défense d'un droit consacré parla Révolution française, parce qu'il découle directement de l'abolition des privilèges, est un combat d'intérêt public. Les auteurs de la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, dans la droite ligne de Beaumarchais considéraient la propriété littéraire et artistique comme l'un de ces droits les plus précieux.
J'en appelle à l'imagination pour que l'offre des "contenus" sur Internet demeure diverse et de qualité. Je ne veux pas d'un Réseau sans contenu, un Réseau qui tournerait à vide, autour d'une offre insipide, standardisée, une sorte de consommation culturelle au rabais.
Contre la généralisation d'un comportement qui serait suicidaire pour tous, je propose de rassembler toutes les énergies pour construire un nouveau modèle économique qui garantisse une offre de qualité variée à un coût raisonnable, mais pas à un prix bradé.
Mais il y a deux conditions préalables.
D'abord, ne pas s'interdire d'interdire. L'arsenal juridique existe pour faire respecter le droit. Il faut l'appliquer sans faiblesse. Surtout quand il a valeur d'exemple.
La loi pour la confiance dans l'économie numérique apporte des outils nécessaires pour lutter contre la piraterie sur Internet. Le projet de loi sur les données personnelles qui doit bientôt être examiné en deuxième lecture au Sénat permet aux organismes professionnels d'ayants droit de mettre en place des traitements automatisés de données d'infraction. La transposition de la directive "contre-façon" me permettra de proposer, avec Dominique Perben et Patrick Devedjian, une palette de sanctions administratives adaptées.
Le projet de loi sur le droit d'auteur et les droits voisins permettra en outre, et j'y attache une très grande importance, de sécuriser les nouvelles offres légales et payantes sur Internet pour rémunérer la création tout en la rendant vraiment accessible à tous.
Mais c'est bien davantage à une mobilisation générale que j'appelle.
Mobilisation des pouvoirs publics, sous l'impulsion du président de la République, qui a dit combien ce combat était juste. Elle est acquise depuis la communication que j'ai présentée au Conseil des ministres le 19 mai, j'installerai avec Patrick Devedjian, le 15 juillet, le Comité national antipiraterie, qui aura pour première mission de favoriser le dialogue entre tous les acteurs concernés sur la mise en place d'une offre légale et payante sur le Réseau et sur la lutte contre la piraterie, mais aussi de coordonner l'action des services de l'Etat et des professionnels.
Mobilisation des professionnels : en réunissant à Cannes les représentants des studios de cinéma, des sociétés de production, des diffuseurs et des réalisateurs des Etats-Unis, d'Europe, d'Inde, de Chine et de Russie, j'ai ressenti la conviction partagée par tous qu'une action forte, urgente et coordonnée doit être lancée.
En réunissant à Paris l'Observatoire européen de l'audiovisuel, je constate avec satisfaction que cette mobilisation s'étend à l'Europe entière et réunit tous les créateurs et producteurs de la musique, bien sûr, qui sont les plus durement touchés, mais aussi du cinéma et de l'audiovisuel.
Je souhaite que les producteurs français et européens puissent prendre position ensemble. Je proposerai à mes homologues européens, le 13 juillet prochain à Rotterdam, que notre action s'inscrive dans le cadre d'un plan européen. Il m'apparaît en effet indispensable de sensibiliser en particulier les nouveaux Etats membres de l'Union aux enjeux de cette lutte. Nous devons, au sein de l'Europe à vingt-cinq, échanger les "bonnes pratiques" et suivre, avec le concours de la Commission, l'application de la législation européenne.
J'associe à cette mobilisation les fournisseurs d'accès, qui sont concernés au premier chef, et les ayants droit. Nous déterminerons ensemble les conditions qui leur permettront de développer l'offre légale et payante sur Internet, tout en trouvant les moyens de réduire l'offre gratuite et illicite. Mais aussi les journalistes et les médias. Et les distributeurs. Cette mobilisation de tous les acteurs de la chaîne de la création ne portera ses fruits que si elle s'appuie sur une mobilisation des esprits.
C'est pourquoi j'ai mais l'accent, en présentant le plan d'action, sur la sensibilisation du public, qui passe par une campagne d'information nationale.
Je sais pouvoir compter aussi sur l'engagement de François Fillon et de l'éducation nationale pour prendre toute sa part de ce combat. Car les écoles, les collèges, les lycées, les universités et l'ensemble de la communauté éducative sont évidemment en première ligne.
Ce n'est pas une bataille d'arrière-garde. Nous sommes les pionniers d'un nouveau combat pour la liberté et pour la culture. L'un de ces combats dont Victor Hugo disait : "il porte l'homme à l'homme et l'esprit à l'esprit"
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 juin 2004)