Texte intégral
Je vous remercie, Monsieur le Ministre de l'intérieur, Cher Dominique, de me donner l'occasion de rencontrer en un même lieu et au terme d'une journée d'information dense et riche, les représentants d'associations de victimes et d'aide aux victimes. Vous poursuivez en cela le travail engagé par votre prédécesseur, Nicolas SARKOZY, auquel il est juste de rendre hommage aujourd'hui. Audacieuse à son origine, cette initiative est désormais devenue naturelle : c'est la démonstration même de son utilité et de sa réussite.
Nombre de visages dans cette salle me sont connus, puisque depuis deux mois et encore pour quelques semaines, malgré un agenda chargé, je m'emploie à recevoir personnellement, pour un premier contact, tous les responsables d'associations qui oeuvrent en faveur des victimes.
A cette occasion, le Garde des Sceaux, Dominique PERBEN, m'a demandé de vous transmettre son cordial message et de vous assurer qu'il restera fidèle aux engagements qu'il a pris en septembre 2002 dans le programme national d'action en faveur des victimes, dont je partage pleinement les objectifs et compte poursuivre la mise en oeuvre .
Ainsi, vous pouvez constater à quel point la solidarité gouvernementale est plus que jamais garante de l'attention que l'Etat entend porter aux victimes dans leur ensemble et tout particulièrement aux victimes d'infractions pénales.
La création d'un secrétariat d'Etat dédié à la cause des victimes témoigne, nous pouvons vous l'assurer, de la volonté résolue du Gouvernement de mieux prendre en compte la situation des victimes, de reconnaître, d'établir, de préserver durablement leurs droits. La présence ici, parmi vous, d'un secrétaire d'Etat aux droits des victimes est l'une de vos victoires. Même si d'autres batailles restent à gagner, c'est en effet l'aboutissement d'un combat que vos associations ont mené pour imposer la reconnaissance de la victime et de ses droits. Il est encourageant de constater que la création d'un secrétariat d'Etat aux droits des victimes a été très largement saluée. Seuls quelques esprits chagrins - qui se croient sans doute à l'abri des revers de la vie - ont pu la qualifier de démagogique.
Croyez que je n'ai de cesse de combattre l'attitude de quelques personnes, bien éloignées du pays réel qui croient faire l'opinion ou à tout le moins la refléter. Cela me donne à mesurer l'ampleur de la tâche qui est la mienne et que nous partageons désormais. J'entrevois également les efforts pédagogiques que nous devons déployer auprès de ceux qui sont habituellement enclins à reprocher le manque de proximité des pouvoirs publics et l'absence de solidarité nationale.
Tous ceux-là, nous devrons les convaincre, ensemble, de l'utilité de ce secrétariat d'Etat et de sa nécessaire pérennité.
Car bien-sûr, la création d'un secrétariat d'Etat aux droits des victimes s'inscrit dans la culture française de promotion, de respect et de sauvegarde des droits de l'Homme. C'est un geste avant tout politique et républicain qui s'adresse aux victimes passées et présentes, tout autant qu'aux victimes potentielles que toute société porte en germe.
Mais que l'on entende bien le message du Gouvernement délivré à l'occasion de cette création, sans équivalent européen, ni certainement mondial : l'idée n'est pas d'instituer une " République des victimes ", pas plus que de créer un " ministère de l'assistanat " . Elle n'est pas non plus, au nom de je ne sais quel combat politique, de s'approprier les victimes et de leur faire dire ce que l'on aimerait entendre d'elles. Il s'agit de rééquilibrer les forces en présence, de mettre en uvre en France une politique courageuse et généreuse en faveur des victimes, comme élément indispensable et complémentaire à toute politique consacrée à la sécurité des Français.
Cette ambition ne peut pas se limiter à quelques actions de prévention et à une meilleure indemnisation. Elle doit viser à ce que les liens de la victime, de sa famille, de ses proches avec leur environnement social, affectif et professionnel ne soient plus définitivement brisés par un sentiment d'isolement ou d'abandon qui est encore aujourd'hui la réalité de beaucoup de nos concitoyens.
C'est la traduction d'une évolution, selon moi irréversible, de nos sociétés qui, après ne s'être longtemps souciées que de punir les délinquants ont pris conscience de l'état d'indifférence dans lequel se trouvent bien souvent les victimes.
C'est la cohésion sociale qui exige en effet qu'aucun citoyen de la République, à commencer par ceux qui souffrent dans leur chair ou dans leur âme, ne soit tenu éloigné de l'attention ou de la protection de l'Etat.
De plus, l'intitulé même de mon secrétariat d'Etat et les attributions qui lui ont été reconnues, ne posent aucune limite à ses interventions.
Toutes les victimes, sans distinction ni exclusive, peuvent s'adresser à lui et pas seulement les victimes d'infractions pénales. Ainsi, tous ceux qu'on appelle les " accidentés de la vie ", longtemps qualifiés d'" oubliés de la Justice ", disposent désormais d'un ministère pour eux seuls, dont l'un des rôles - et pas le moindre - est de favoriser, susciter, encourager la collaboration interministérielle en leur faveur.
En effet, l'aide aux victimes et la préservation de leurs droits doivent demeurer un devoir de l'Etat et de ses agents, même si je n'oublie pas qu'elle est une uvre collective, unissant de nombreuses compétences, à commencer par celles des associations.
En effet, la première responsabilité de la puissance publique est de devoir la sûreté et la protection aux citoyens. L'ambition du Gouvernement est, que l'aide aux victimes soit considérée comme l'un des versants d'une politique publique à part entière dont l'un des aspects est de soutenir les victimes dans leurs droits, les rétablir dans leur dignité, les aider psychologiquement et moralement et ce dès les premiers instants qui suivent le drame qui les frappe.
Ainsi la police et la gendarmerie nationales, partenaires institutionnels et permanents de l'autorité judiciaire, apportent-elles une contribution essentielle à cette politique publique d'aide aux victimes. Et je n'oublie pas non plus le rôle déterminant que les sapeurs-pompiers et la sécurité civile, également placés sous votre autorité, Monsieur le Ministre de l'intérieur, jouent en faveur de nos concitoyens.
Les premiers contacts entre nos cabinets laissent augurer d'une collaboration efficace, durable et confiante.
Ma volonté - et je le répèterai inlassablement jusqu'à être entendue - est que l'aide en faveur des victimes se mette en uvre dès la première heure, dès les premiers instants qui suivent l'événement. C'est dire si le contact avec les forces de l'ordre et de secours est important et qu'à de nombreux égards il conditionne le devenir de la victime.
Dans l'ordre judiciaire aussi, comme dans l'ensemble des services publics, le premier devoir dû à la victime est de lui assurer un accueil digne et de qualité. Mais accueillir, ce n'est pas simplement recevoir, transmettre l'information nécessaire ou traiter correctement le dossier. En cette matière, l'accueil a un sens plus profond et plus humain. Au-delà des conditions matérielles, les victimes doivent ressentir du respect, de la considération, de la compréhension.
Accueillir, c'est aussi communiquer.
Le traumatisme lié à l'infraction dont elles ont souffert, la détresse psychologique qui frappe certaines d'entre elles, révèlent la permanence d'un besoin d'accueil dans l'ensemble des services publics ( brigades de gendarmerie, commissariats de police, hôpitaux, unités médico-judiciaires, services de la sécurité sociale, préfectures) ou dans les tribunaux.
Je sais les efforts considérables qui ont été consentis à ce propos par les directions générales de la gendarmerie nationale et de la police nationale pour s'adapter aux réformes qui sont intervenues en faveur des victimes d'infractions pénales au cours des dernières années pour renforcer leurs droits. Je pense plus particulièrement à la création des correspondants victimes dans les groupements de gendarmerie, à la présence de travailleurs sociaux dans certains commissariats de police ou à la charte d'accueil du public et d'assistance aux victimes.
Mais force est de reconnaître qu'il y a encore du chemin à parcourir pour que ces droits puissent être effectivement exercés et pour que nos institutions, au premier rang desquels la Justice, collaborent entre elles et donnent aux victimes les moyens d'avoir effectivement accès à ces dispositifs.
N'y a-t-il pas encore trop de victimes qui se voient toujours éconduire lorsqu'elles veulent déposer plainte, ou leurs déclarations consignées sur simple main-courante ?
N'y a-t-il pas encore trop de victimes qui ne sont pas avisées de la date d'audience, particulièrement en cas de comparution immédiate, ou ne sont pas informées des motifs de classement sans suite ?
N'y a-t-il pas encore trop de victimes qui ne sont pas orientées vers les associations d'aide aux victimes ?
N'y a-t-il pas encore trop de victimes, auxquelles ne sont pas notifiés la possibilité qu'elles ont d'obtenir un avocat dès le début de la procédure ou l'octroi automatique de l'aide juridictionnelle pour les crimes les plus graves ?
N'y a-t-il pas encore trop de victimes laissées sans information au cours de l'instruction et sans contact avec aucun représentant des institutions directement concernées?
Ces situations, que nous connaissons tous, sont devenues insupportables pour les victimes. Certes, la loi du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice à l'évolution de la criminalité, va venir répondre à certaines de ces situations, mais il faudra suivre avec attention son application concrète.
En réalité, l'enjeu aujourd'hui est sans doute de faire évoluer les mentalités et les pratiques pour que la " bientraitance des victimes " devienne une culture unanimement partagée par l'ensemble des professionnels du droit et de la Justice. C'est la raison pour laquelle je multiplie actuellement les déplacements, tant auprès des praticiens de terrain, que dans les juridictions, les institutions sanitaires et sociales, qu'auprès des victimes, pour m'informer sur les dispositifs existants, évaluer leur pertinence, mais aussi recenser les expériences innovantes pour les diffuser auprès de tous.
Par exemple, vous savez peut-être que j'ai demandé à tous les premiers présidents et procureurs généraux des cours d'appel de m'adresser un état complet des conditions d'accueil des victimes dans chaque salle d'audience pénale. Je compte bien, si cela est nécessaire, prendre des mesures appropriées pour que désormais celles-ci soient accueillies en ces lieux dans des conditions décentes et dignes.
C'est aussi pourquoi, la restitution des travaux que vous avez menée aujourd'hui en ateliers m'a beaucoup intéressée et devra se traduire en actions concrètes. En effet, je tiens à vous dire combien je suis sensible au thème des violences intra-familiales, puisque je suis rentrée tout à l'heure d'une journée d'étude à Madrid, consacrée à l'aide aux victimes du terrorisme et à celles des violences domestiques. J'ai moi-même pu constater, comme les autorités espagnoles viennent d'en prendre conscience, que bien souvent seule la délinquance qui se déroule sur la place publique, celle qui est visible et qui dérange, est prise en compte. La violence dans la sphère privée, celle qui concerne essentiellement les femmes, les enfants, les personnes âgées, n'apparaît que très peu et génère des victimes qui, dans de nombreux cas, demeurent ignorées ou oubliées.
Vous comprendrez alors ma volonté de réunir, à brève échéance, l'ensemble des associations et des représentants de la société civile pour mener un état des lieux contradictoire, tant quantitatif que qualitatif, sur la situation des victimes, de toutes les victimes, dans notre pays. Je reste persuadée que seul l'exposé et la confrontation des idées et des expériences, puis l'élaboration d'un consensus le plus large possible sur les voies et moyens à utiliser, permettront d'améliorer la mise en uvre globale de la politique publique en faveur des victimes.
C'est dans cet esprit que le développement de schémas départementaux d'aide aux victimes, à même de mobiliser et de coordonner, au-delà de l'institution judiciaire, tous les services de l'Etat et des collectivités locales concernés, sous l'égide du préfet et en étroite liaison avec le procureur, me paraît prioritaire. Cette proposition du Conseil national de l'aide aux victimes doit à mon sens être généralisée dans les délais les plus brefs, et je compte sur votre soutien en ce domaine, Monsieur le Ministre de l'intérieur, pour que nous trouvions ensemble - peut-être par une circulaire commune - le moyen d'y aboutir.
En effet, je l'ai déjà dit au début de cette intervention et je le répète encore et inlassablement: je ne conçois la mission qui m'a été confiée par le président de la République et par le premier ministre, que dans un cadre interministériel. Comment imaginer une action efficace en faveur des victimes sans le soutien et l'adhésion a-priori des principaux ministères concernés : intérieur, défense, santé, cohésion sociale, économie et finances, famille, affaires étrangères, justice ?
L'Etat doit être et demeurer le moteur de toute politique publique, particulièrement en faveur des victimes. C'est pour lui un devoir, si l'on se réfère à l'article 20 de notre Constitution, qui dispose que, sous réserve de sa responsabilité devant le Parlement, c'est à l'Etat de déterminer et conduire la politique de la Nation. C'est donc à lui qu'il revient d'élaborer le corps global des règles visant à rétablir les victimes dans leurs droits et les moyens d'action adaptés à cette politique. Cette prescription est d'autant plus impérative dans un domaine par essence transversal, multidisciplinaire et interministériel.
Ce n'est que dans une relation de concertation et de conjugaison des efforts que le Gouvernement d'une part, les collectivités publiques et le secteur associatif d'autre part, peuvent répondre aux attentes des victimes. Loin d'un abandon de circonstance de ses prérogatives régaliennes, pariant sur le dévouement de quelques-uns, le rôle de l'Etat doit être de tisser le canevas solide sur lequel vient se nouer le lien social des solidarités.
Je suis confiante dans l'avenir quand je vois des ministères, comme celui de l'intérieur aujourd'hui, se mobiliser avec efficacité en faveur des victimes, quand je constate que ces rencontres, loin d'être de pure convenance, confortent l'uvre collective qui a débuté il y a deux décennies environ et que nous poursuivrons ensemble.
Je suis d'autant plus confiante que cette évolution est irréversible et que je sais pouvoir compter sur votre engagement pour contribuer, à mes côtés, à satisfaire les justes et légitimes attentes des victimes.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 23 juin 2004)
Nombre de visages dans cette salle me sont connus, puisque depuis deux mois et encore pour quelques semaines, malgré un agenda chargé, je m'emploie à recevoir personnellement, pour un premier contact, tous les responsables d'associations qui oeuvrent en faveur des victimes.
A cette occasion, le Garde des Sceaux, Dominique PERBEN, m'a demandé de vous transmettre son cordial message et de vous assurer qu'il restera fidèle aux engagements qu'il a pris en septembre 2002 dans le programme national d'action en faveur des victimes, dont je partage pleinement les objectifs et compte poursuivre la mise en oeuvre .
Ainsi, vous pouvez constater à quel point la solidarité gouvernementale est plus que jamais garante de l'attention que l'Etat entend porter aux victimes dans leur ensemble et tout particulièrement aux victimes d'infractions pénales.
La création d'un secrétariat d'Etat dédié à la cause des victimes témoigne, nous pouvons vous l'assurer, de la volonté résolue du Gouvernement de mieux prendre en compte la situation des victimes, de reconnaître, d'établir, de préserver durablement leurs droits. La présence ici, parmi vous, d'un secrétaire d'Etat aux droits des victimes est l'une de vos victoires. Même si d'autres batailles restent à gagner, c'est en effet l'aboutissement d'un combat que vos associations ont mené pour imposer la reconnaissance de la victime et de ses droits. Il est encourageant de constater que la création d'un secrétariat d'Etat aux droits des victimes a été très largement saluée. Seuls quelques esprits chagrins - qui se croient sans doute à l'abri des revers de la vie - ont pu la qualifier de démagogique.
Croyez que je n'ai de cesse de combattre l'attitude de quelques personnes, bien éloignées du pays réel qui croient faire l'opinion ou à tout le moins la refléter. Cela me donne à mesurer l'ampleur de la tâche qui est la mienne et que nous partageons désormais. J'entrevois également les efforts pédagogiques que nous devons déployer auprès de ceux qui sont habituellement enclins à reprocher le manque de proximité des pouvoirs publics et l'absence de solidarité nationale.
Tous ceux-là, nous devrons les convaincre, ensemble, de l'utilité de ce secrétariat d'Etat et de sa nécessaire pérennité.
Car bien-sûr, la création d'un secrétariat d'Etat aux droits des victimes s'inscrit dans la culture française de promotion, de respect et de sauvegarde des droits de l'Homme. C'est un geste avant tout politique et républicain qui s'adresse aux victimes passées et présentes, tout autant qu'aux victimes potentielles que toute société porte en germe.
Mais que l'on entende bien le message du Gouvernement délivré à l'occasion de cette création, sans équivalent européen, ni certainement mondial : l'idée n'est pas d'instituer une " République des victimes ", pas plus que de créer un " ministère de l'assistanat " . Elle n'est pas non plus, au nom de je ne sais quel combat politique, de s'approprier les victimes et de leur faire dire ce que l'on aimerait entendre d'elles. Il s'agit de rééquilibrer les forces en présence, de mettre en uvre en France une politique courageuse et généreuse en faveur des victimes, comme élément indispensable et complémentaire à toute politique consacrée à la sécurité des Français.
Cette ambition ne peut pas se limiter à quelques actions de prévention et à une meilleure indemnisation. Elle doit viser à ce que les liens de la victime, de sa famille, de ses proches avec leur environnement social, affectif et professionnel ne soient plus définitivement brisés par un sentiment d'isolement ou d'abandon qui est encore aujourd'hui la réalité de beaucoup de nos concitoyens.
C'est la traduction d'une évolution, selon moi irréversible, de nos sociétés qui, après ne s'être longtemps souciées que de punir les délinquants ont pris conscience de l'état d'indifférence dans lequel se trouvent bien souvent les victimes.
C'est la cohésion sociale qui exige en effet qu'aucun citoyen de la République, à commencer par ceux qui souffrent dans leur chair ou dans leur âme, ne soit tenu éloigné de l'attention ou de la protection de l'Etat.
De plus, l'intitulé même de mon secrétariat d'Etat et les attributions qui lui ont été reconnues, ne posent aucune limite à ses interventions.
Toutes les victimes, sans distinction ni exclusive, peuvent s'adresser à lui et pas seulement les victimes d'infractions pénales. Ainsi, tous ceux qu'on appelle les " accidentés de la vie ", longtemps qualifiés d'" oubliés de la Justice ", disposent désormais d'un ministère pour eux seuls, dont l'un des rôles - et pas le moindre - est de favoriser, susciter, encourager la collaboration interministérielle en leur faveur.
En effet, l'aide aux victimes et la préservation de leurs droits doivent demeurer un devoir de l'Etat et de ses agents, même si je n'oublie pas qu'elle est une uvre collective, unissant de nombreuses compétences, à commencer par celles des associations.
En effet, la première responsabilité de la puissance publique est de devoir la sûreté et la protection aux citoyens. L'ambition du Gouvernement est, que l'aide aux victimes soit considérée comme l'un des versants d'une politique publique à part entière dont l'un des aspects est de soutenir les victimes dans leurs droits, les rétablir dans leur dignité, les aider psychologiquement et moralement et ce dès les premiers instants qui suivent le drame qui les frappe.
Ainsi la police et la gendarmerie nationales, partenaires institutionnels et permanents de l'autorité judiciaire, apportent-elles une contribution essentielle à cette politique publique d'aide aux victimes. Et je n'oublie pas non plus le rôle déterminant que les sapeurs-pompiers et la sécurité civile, également placés sous votre autorité, Monsieur le Ministre de l'intérieur, jouent en faveur de nos concitoyens.
Les premiers contacts entre nos cabinets laissent augurer d'une collaboration efficace, durable et confiante.
Ma volonté - et je le répèterai inlassablement jusqu'à être entendue - est que l'aide en faveur des victimes se mette en uvre dès la première heure, dès les premiers instants qui suivent l'événement. C'est dire si le contact avec les forces de l'ordre et de secours est important et qu'à de nombreux égards il conditionne le devenir de la victime.
Dans l'ordre judiciaire aussi, comme dans l'ensemble des services publics, le premier devoir dû à la victime est de lui assurer un accueil digne et de qualité. Mais accueillir, ce n'est pas simplement recevoir, transmettre l'information nécessaire ou traiter correctement le dossier. En cette matière, l'accueil a un sens plus profond et plus humain. Au-delà des conditions matérielles, les victimes doivent ressentir du respect, de la considération, de la compréhension.
Accueillir, c'est aussi communiquer.
Le traumatisme lié à l'infraction dont elles ont souffert, la détresse psychologique qui frappe certaines d'entre elles, révèlent la permanence d'un besoin d'accueil dans l'ensemble des services publics ( brigades de gendarmerie, commissariats de police, hôpitaux, unités médico-judiciaires, services de la sécurité sociale, préfectures) ou dans les tribunaux.
Je sais les efforts considérables qui ont été consentis à ce propos par les directions générales de la gendarmerie nationale et de la police nationale pour s'adapter aux réformes qui sont intervenues en faveur des victimes d'infractions pénales au cours des dernières années pour renforcer leurs droits. Je pense plus particulièrement à la création des correspondants victimes dans les groupements de gendarmerie, à la présence de travailleurs sociaux dans certains commissariats de police ou à la charte d'accueil du public et d'assistance aux victimes.
Mais force est de reconnaître qu'il y a encore du chemin à parcourir pour que ces droits puissent être effectivement exercés et pour que nos institutions, au premier rang desquels la Justice, collaborent entre elles et donnent aux victimes les moyens d'avoir effectivement accès à ces dispositifs.
N'y a-t-il pas encore trop de victimes qui se voient toujours éconduire lorsqu'elles veulent déposer plainte, ou leurs déclarations consignées sur simple main-courante ?
N'y a-t-il pas encore trop de victimes qui ne sont pas avisées de la date d'audience, particulièrement en cas de comparution immédiate, ou ne sont pas informées des motifs de classement sans suite ?
N'y a-t-il pas encore trop de victimes qui ne sont pas orientées vers les associations d'aide aux victimes ?
N'y a-t-il pas encore trop de victimes, auxquelles ne sont pas notifiés la possibilité qu'elles ont d'obtenir un avocat dès le début de la procédure ou l'octroi automatique de l'aide juridictionnelle pour les crimes les plus graves ?
N'y a-t-il pas encore trop de victimes laissées sans information au cours de l'instruction et sans contact avec aucun représentant des institutions directement concernées?
Ces situations, que nous connaissons tous, sont devenues insupportables pour les victimes. Certes, la loi du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice à l'évolution de la criminalité, va venir répondre à certaines de ces situations, mais il faudra suivre avec attention son application concrète.
En réalité, l'enjeu aujourd'hui est sans doute de faire évoluer les mentalités et les pratiques pour que la " bientraitance des victimes " devienne une culture unanimement partagée par l'ensemble des professionnels du droit et de la Justice. C'est la raison pour laquelle je multiplie actuellement les déplacements, tant auprès des praticiens de terrain, que dans les juridictions, les institutions sanitaires et sociales, qu'auprès des victimes, pour m'informer sur les dispositifs existants, évaluer leur pertinence, mais aussi recenser les expériences innovantes pour les diffuser auprès de tous.
Par exemple, vous savez peut-être que j'ai demandé à tous les premiers présidents et procureurs généraux des cours d'appel de m'adresser un état complet des conditions d'accueil des victimes dans chaque salle d'audience pénale. Je compte bien, si cela est nécessaire, prendre des mesures appropriées pour que désormais celles-ci soient accueillies en ces lieux dans des conditions décentes et dignes.
C'est aussi pourquoi, la restitution des travaux que vous avez menée aujourd'hui en ateliers m'a beaucoup intéressée et devra se traduire en actions concrètes. En effet, je tiens à vous dire combien je suis sensible au thème des violences intra-familiales, puisque je suis rentrée tout à l'heure d'une journée d'étude à Madrid, consacrée à l'aide aux victimes du terrorisme et à celles des violences domestiques. J'ai moi-même pu constater, comme les autorités espagnoles viennent d'en prendre conscience, que bien souvent seule la délinquance qui se déroule sur la place publique, celle qui est visible et qui dérange, est prise en compte. La violence dans la sphère privée, celle qui concerne essentiellement les femmes, les enfants, les personnes âgées, n'apparaît que très peu et génère des victimes qui, dans de nombreux cas, demeurent ignorées ou oubliées.
Vous comprendrez alors ma volonté de réunir, à brève échéance, l'ensemble des associations et des représentants de la société civile pour mener un état des lieux contradictoire, tant quantitatif que qualitatif, sur la situation des victimes, de toutes les victimes, dans notre pays. Je reste persuadée que seul l'exposé et la confrontation des idées et des expériences, puis l'élaboration d'un consensus le plus large possible sur les voies et moyens à utiliser, permettront d'améliorer la mise en uvre globale de la politique publique en faveur des victimes.
C'est dans cet esprit que le développement de schémas départementaux d'aide aux victimes, à même de mobiliser et de coordonner, au-delà de l'institution judiciaire, tous les services de l'Etat et des collectivités locales concernés, sous l'égide du préfet et en étroite liaison avec le procureur, me paraît prioritaire. Cette proposition du Conseil national de l'aide aux victimes doit à mon sens être généralisée dans les délais les plus brefs, et je compte sur votre soutien en ce domaine, Monsieur le Ministre de l'intérieur, pour que nous trouvions ensemble - peut-être par une circulaire commune - le moyen d'y aboutir.
En effet, je l'ai déjà dit au début de cette intervention et je le répète encore et inlassablement: je ne conçois la mission qui m'a été confiée par le président de la République et par le premier ministre, que dans un cadre interministériel. Comment imaginer une action efficace en faveur des victimes sans le soutien et l'adhésion a-priori des principaux ministères concernés : intérieur, défense, santé, cohésion sociale, économie et finances, famille, affaires étrangères, justice ?
L'Etat doit être et demeurer le moteur de toute politique publique, particulièrement en faveur des victimes. C'est pour lui un devoir, si l'on se réfère à l'article 20 de notre Constitution, qui dispose que, sous réserve de sa responsabilité devant le Parlement, c'est à l'Etat de déterminer et conduire la politique de la Nation. C'est donc à lui qu'il revient d'élaborer le corps global des règles visant à rétablir les victimes dans leurs droits et les moyens d'action adaptés à cette politique. Cette prescription est d'autant plus impérative dans un domaine par essence transversal, multidisciplinaire et interministériel.
Ce n'est que dans une relation de concertation et de conjugaison des efforts que le Gouvernement d'une part, les collectivités publiques et le secteur associatif d'autre part, peuvent répondre aux attentes des victimes. Loin d'un abandon de circonstance de ses prérogatives régaliennes, pariant sur le dévouement de quelques-uns, le rôle de l'Etat doit être de tisser le canevas solide sur lequel vient se nouer le lien social des solidarités.
Je suis confiante dans l'avenir quand je vois des ministères, comme celui de l'intérieur aujourd'hui, se mobiliser avec efficacité en faveur des victimes, quand je constate que ces rencontres, loin d'être de pure convenance, confortent l'uvre collective qui a débuté il y a deux décennies environ et que nous poursuivrons ensemble.
Je suis d'autant plus confiante que cette évolution est irréversible et que je sais pouvoir compter sur votre engagement pour contribuer, à mes côtés, à satisfaire les justes et légitimes attentes des victimes.
(source http://www.justice.gouv.fr, le 23 juin 2004)