Déclaration de M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le plan climat et les mesures de lutte contre l'effet de serre, Paris le 22 juillet 2004.

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Je suis particulièrement heureux de vous présenter ce plan qui suscitait depuis des mois tant de fièvre, de chaleur, et parfois de questions brûlantes de la part de tous les commentateurs et des journalistes.
Je vous le confirme tout de suite pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, puisque certains d'entre vous se posaient la question hier et que certains journalistes ont pu être induits en erreur le bonus-malus figure bel et bien dans le Plan Climat.
C'est une mesure phare du Plan Climat, ce n'est de loin pas la seule. Mais il s'agit d'une des mesures importantes dans le domaine des transports.
Je proposerai sa mise en uvre au Parlement.
Ce dispositif nécessite évidemment de la concertation, de la discussion. Cette concertation a déjà commencé.
La concertation européenne, d'une part, est déjà bien engagée, puisque nous travaillons en ce moment même avec la Commission européenne et que les échanges sont très positifs ; une table ronde aura lieu d'ici septembre avec les constructeurs automobiles européens.
Concertation nationale, d'autre part. J'ai rencontré ces jours derniers un grand nombre de parlementaires et nous avons pu dialoguer, parler de ce dispositif. Nous aurons un groupe de travail à la rentrée, et je présenterai donc le dispositif au Parlement.
Je crois que le bonus-malus est une bonne mesure, très importante pour le secteur des transports. C'est avant tout une prime incitant les Français à acheter des voitures moins polluantes et à aller vers des voitures propres.
D'ailleurs, ma conviction est que, comme des études d'opinion le montrent, les Français sont en majorité convaincus de l'utilité de ce dispositif.
Les Français ne sont plus dupes. Ils ont maintenant envie d'agir pour l'environnement.
Mais même si le bonus-malus est une des cinq actions phares, ce n'est de loin pas la seule du Plan Climat, permettez-moi de vous le dire ! Je crois qu'il faut sortir de la langue de bois.
Le Plan Climat contient près de 60 mesures très fortes dans les transports, dans l'habitat, dans l'industrie, et dans les autres secteurs.
Il est grand temps, en effet, d'agir. Il y a urgence. La planète se réchauffe aujourd'hui, nous en sommes tous bien conscients. La tempête de 1999, ou la canicule de l'été 2003, sont les signes avant-coureurs des changements dramatiques qui se profilent à l'horizon. Nous devons agir et réduire drastiquement nos émissions, d'abord à l'horizon 2010 pour les stabiliser, ensuite à l'horizon 2050, pour les diviser par quatre.
Les mesures prises jusqu'à présent pour réduire les gaz à effet de serre ne sont pas allées assez loin. Le Plan national de lutte contre le changement climatique lancé par le précédent Gouvernement socialiste avait échoué, car il était principalement orienté vers une taxe carbone qui a été déclarée inconstitutionnelle. Le bilan du PNLCC dressé fin 2002 a montré que ces mesures étaient insuffisantes.
Nous avons donc un défi qui est devant nous qui est le défi du Plan Climat. C'est un défi énergétique. Défi dont la réalisation sera ma priorité.
Le protocole de Kyoto a fixé à la France un objectif exigeant, qui n'est pourtant qu'une première étape : celui de stabiliser nos émissions à l'horizon 2010, et pour cela il faut économiser 54 millions de tonnes de CO2 par an.
Le Plan Climat répond à l'objectif de Kyoto, et va même au-délà : l'ensemble des mesures du Plan Climat représente une économie de 72 millions de tonnes de CO2 chaque année. C'est une très forte inflexion.
L'ensemble des dépenses fléchées des différents ministères dévolus au Plan Climat représentera près de 90 millions d'euros, dont 40 millions d'euros par an de crédits supplémentaires de l'ADEME pour les actions " énergie ", auxquelles s'ajoutent l'ensemble des mesures fiscales. C'est donc un effort très important du Gouvernement.
Pour y arriver, nous avons conçu un plan global, qui implique tous les secteurs économiques, avec des outils adaptés à chaque secteur, et avec aussi cinq mesures phares sur lesquelles j'aimerais attirer votre attention. Je précise que ces actions phares n'étaient pas encore arbitrées, et qu'elles représentent des avancées écologiques.
Première action phare du Plan Climat, je l'ai déjà cité, le Bonus-Malus, prime incitative à l'achat de voitures propres. Je vous en ai expliqué tout l'intérêt. Je le proposerai au Parlement.
Deuxième action phare, les biocarburants.
Le Plan Climat annonce que les biocarburants, qui entraînent moins de gaz à effet de serre que les carburants fossiles, seront multipliés par cinq dans les prochaines années.
C'est une mesure très forte, pour laquelle nous avons dû batailler pendant plusieurs mois contre les partisans du tout-pétrole qui ont une vision à court terme. C'était une mesure qui n'était pas dans le Plan en décembre dernier.
Dois-je rappeler que cela fait au moins une décennie que les experts en France, en finance ou en pétrochimie ont toujours tout fait pour empêcher la mise en uvre de cette mesure.
Elle est fondamentale pour le secteur agricole, mais aussi fondamentale en terme écologique puisqu'elle fait sortir la France de la société du tout-pétrole. Elle représente un gain de 7 millions de tonnes de CO2 chaque année. Enfin, c'est une mesure qui va créer des milliers d'emplois.
Pour cela, les agréments seront progressivement augmentés. Ainsi, en 2010, 5,75 % des carburants utilisés en France seront des carburants d'origine renouvelable.
C'était, avant le Plan Climat, une perspective dans le cadre européen, c'est aujourd'hui un engagement de la France.
Troisième action phare, un crédit d'impôt renforcé.
C'est, si vous voulez, une sorte de " chèque écologie ".
Le Plan Climat précise qu'à partir du 1er janvier 2005, ce crédit d'impôt sera ciblé sur les équipements écologiquement performants, et son taux sera de 25 %, voire 40 % pour les équipements utilisant des énergies renouvelables.
Par exemple, un ménage qui s'équipe d'un chauffe-eau solaire se verra rembourser par l'Etat 40 % du montant de son achat.
L'achat d'une chaudière performante, d'un matériau d'isolation, d'une fenêtre double-vitrage par un particulier sera remboursé à 25%. Cela va vraiment changer la vie de nombreux ménages français, qui vont faire des économies très substantielles lors de l'investissement et à l'usage.
Quatrième action phare, l'étiquette énergie.
L'Etiquette Energie (de A à G), qui existe déjà pour les produits électroménagers, sera généralisée à tout ce qui consomme de l'énergie : aux logements, aux voitures, aux climatiseurs, etc. Elle permettra à tous les Français de connaître la qualité énergétique des biens qu'ils achètent. Ils pourront ainsi savoir les économies qu'ils auront à faire. Un certain nombre d'incitations fiscales y seront greffées. Sa valeur pédagogique me paraît essentielle.
Cinquième action phare, la climatisation.
Le marché de la climatisation pose un problème aujourd'hui car il augmente considérablement. Il entraîne des émissions de gaz frigorigènes et une croissance de la demande énergétique. Plutôt que d'interdire la climatisation, il faut que les climatisations, à la fois de l'habitat et de l'automobile, soient de qualité et soient mieux contrôlées.
Des contrôles réguliers des appareils de climatisation, notamment à travers les contrôles techniques des voitures mais aussi pour les grosses installations de climatisation dans les logements, seront mis en place. Des guides d'information et de sensibilisation seront diffusés, des partenariats et des labels de qualité avec les professionnels seront instaurés.
Au-delà de ces cinq actions phares qui sont les plus médiatiques, le Plan contient en tout une soixantaine d'actions déclinées en huit orientations fortes qui couvrent tous les secteurs de l'économie française, que je vais résumer.
1ère orientation,
une grande campagne nationale d'information et de sensibilisation est mise en place, et elle durera plusieurs années, à travers tous les supports : radios, télévisions... Le but est de mieux informer les Français, de les sensibiliser au changement climatique, de faire de la pédagogie sur les gestes citoyens.
2ème orientation,
les transports durables sont aussi une orientation très forte avec beaucoup de mesures, qui n'étaient pas dans les précédents Plans.
Le bonus-malus CO2, dont je parlais tout à l'heure, qui permet d'offrir une prime aux véhicules propres, et de dissuader l'achat de véhicules polluants. Dans les transports, les véhicules particuliers représentent 60 % des émissions de CO2, c'est considérable.
Egalement dans les transports, il faut apprendre à chaque Français à conduire souplement, de manière apaisée. Si l'on fait moins de coups de frein ou d'accélérateurs, on économise 13 % de carburants. Une épreuve de conduite apaisée sera donc inscrite à l'examen du permis de conduire.
Il faudra aussi agir sur les camions, bien sûr, et un groupe de travail pour une modulation de la taxe à l'essieu sera lancé.
Dans le domaine aérien, dont les émissions de gaz à effet de serre croissent fortement, la France demandera une initiative européenne pour une modulation des redevances aériennes (c'est-à-dire les taxes que vous voyez sur vos billets d'avion), et également nous lancerons une étude européenne pour une taxation du kérosène.
Le kérosène est en effet aujourd'hui le seul carburant à ne pas être taxé. C'est une mesure complexe qui exige des accords européens ou internationaux, si nous voulons éviter que le plein de kérosène ne se fasse dans d'autres pays que la France. C'est la première fois que la France se lance dans cette direction, et prend une telle initiative.
Les transports alternatifs à la route seront soutenus. Le comité interministériel à l'aménagement du territoire de décembre dernier affecte 70 % des revenus autoroutiers à de grands projets tels que : le canal Seine-Nord, la création d'une ligne de TGV Lyon-Turin. Le fret maritime et les autoroutes de la mer seront développés.
3ème orientation,
écohabitat et bâtiment : l'idée, c'est de donner à tous les Français la chance de vivre dans un habitat bien isolé, sans déperdition énergétique, un habitat écologique. C'est à la fois un objectif social et un objectif écologique.
Des diagnostics énergétiques des logements deviendront obligatoires, en plus des diagnostics existants (termites, plomb, etc.) pour toutes les ventes à partir du 1er juillet 2006, et pour les locations à partir du 1er juillet 2007. Nous allons ainsi plus loin que la réglementation européenne. Chaque diagnostic d'un logement comportera une étiquette énergie (de A à G), qui sera un moyen d'information fondamental pour les futurs propriétaires et les futurs locataires, sur les travaux à réaliser pour réduire leur facture d'énergie. Ils seront source d'incitations très forte à des rénovations et à des économies l'énergie.
Une réglementation thermique pour les rénovations dans l'ancien sera créée grâce au Plan Climat. Vous savez qu'aujourd'hui seule existe une réglementation thermique pour les constructions neuves. Or, ce sont les bâtiments anciens qui posent le plus de problèmes de déperditions d'énergie. Il est donc important de fixer des normes pour les rénovations. Quant au neuf, une nouvelle réglementation thermique sera mise en place en 2005 et sera plus exigeante de 15 % par rapport aux normes actuelles. Ceci représentera des économies très importantes.
Les collectivités locales auront également la possibilité d'inciter fiscalement, par une réduction de taxe foncière, les travaux des propriétaires qui amélioreront leur étiquette énergie.
4ème orientation,
Industries, énergies et déchets
L'industrie est un secteur qui a fait déjà le plus d'efforts en matière de réduction des émissions, mais il faut continuer sur la voie des technologies propres.
D'abord, le marché de quotas d'émissions de gaz à effet de serre, que j'ai mis en place dans la loi française et qui a été présenté à Bruxelles. Ce plan est volontariste, il va inciter l'industrie française à émettre moins de CO2. Il s'agit d'une véritable révolution, car jusqu'à présent les industries émettaient autant de gaz carbonique qu'elles le voulaient sans le moindre contrôle. Ce marché de quotas constitue donc une grande avancée, à laquelle s'opposaient depuis longtemps les adeptes du laissez-faire.
Par ailleurs, sur les autres gaz à effet de serre, qui ne sont pas aujourd'hui soumis à des quotas, seront mis en place des engagements volontaires de réduction par les fédérations industrielles concernées.
Les certificats d'économie d'énergie seront un autre outil qui va obliger, dès l'an prochain, les fournisseurs d'énergie à réaliser de grands projets de rénovation et d'économie d'énergie.
Les énergies renouvelables sont renforcées dans le Plan Climat : biocarburants, biomasse, biogaz, le solaire (qui bénéficiera du crédit d'impôt de 40 % à la fois pour les chauffe-eau solaires et les appareils photovoltaïques), et bien sûr l'éolien.
Enfin, la filière de production d'énergie à partir de déchets va être développée.
5ème orientation,
agriculture durable et forêts
L'agriculture est un domaine fondamental pour le climat puisqu'elle représente près du quart des émissions. Grâce au Plan Climat et notamment avec l'action renforcée de l'ADEME, nous allons continuer à développer les filières d'exploitation de la biomasse et des énergies renouvelables agricoles telles que les biocarburants, le bois-énergie. Des contraintes d'amélioration des pratiques agricoles seront inscrites dans la réforme de la Politique Agricole Commune. Enfin, l'exploitation durable et l'entretien des forêts sera amélioré pour privilégier les forêts qui sont des puits de CO2.
6ème orientation,
climatisation durable,
Je vous le citais tout à l'heure, une action forte sur la climatisation durable sera engagée par de la réglementation et des contrôles, par des partenariats qualité et par des actions de sensibilisation aux techniques alternatives à la climatisation.
7ème orientation,
Plans Climats Territoriaux et Etat exemplaire
L'idée est que chaque collectivité locale et chaque administration dresse son propre bilan CO2 et définisse ses actions pour lutter contre l'effet de serre. Je suis personnellement très sensible à cet aspect des plans territoriaux pour le climat et je discute avec de nombreux élus, et parlementaires, qui souhaitent mettre en avant leurs actions au niveau local.
8ème orientation,
recherche, international et prospective après 2010
L'enjeu du changement climatique ne s'arrête pas en 2010, ni aux frontières françaises. Pour répondre au défi énergétique, il faut des ruptures technologiques fortes. La France doit se doter d'une vision stratégique, conciliant développement énergétique et respect écologique, sur les prochaines décennies. Cela suppose de mettre des crédits importants de recherche et développement sur les technologies du futur telles que la séquestration du carbone, l'amélioration des procédés industriels, les écoindustries, les technologies pour les énergies renouvelables. Plusieurs fondations de recherche seront créées (Fondation bâtiment et effet de serre, Fondation Climat) pour impulser et dynamiser la recherche publique et privée. La Fondation Climat sera mise en place d'ici septembre.
L'action de coopération internationale sera, aussi, nettement renforcée. Ce sera un objectif de mon mandat de ministre de porter le flambeau de l'action contre le changement climatique au plan international, en vue de la ratification du protocole de Kyoto par d'autres pays, et sans doute d'aller bien au-delà.
Toutes ces actions du Plan Climat sont fortes. Je le disais, nous allons dépasser l'objectif de Kyoto et économiser 72 millions de tonnes de CO2 chaque année. C'est un plan d'une ambition sans précédent.
La Mission interministérielle sur l'effet de serre, qui a piloté ce chantier, sera renforcée dans l'avenir et elle va mener le suivi et la mise en uvre de ces actions.
Entre ceux qui nous disent de façon dogmatique : il faut tout interdire, il faut tout taxer ; et ceux qui nous disent de façon tout aussi dogmatique : ils ne faut rien faire, je crois que nous avons réussi à mener une vraie ambition écologique
et nous avons abouti à un plan qui, tout en préservant la liberté de tous, incite, oriente, change les comportements. Plutôt que d'interdire, il faut que chacun, dans sa vie quotidienne, s'implique. Nous avons créé une vraie impulsion.
Je vous promets donc que ce sera ma priorité, et que je m'emploierai dans les prochains mois à aller jusqu'au bout de toutes ces actions, et que je lancerai une grande participation citoyenne, car je suis convaincu que ces actions sont bonnes pour l'écologie, et bonnes pour la planète.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 23 juillet 2004)