Déclarations de Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes, sur les enjeux représentés par le droit dans les sociétés modernes, le rôle du code civil dans ce cadre et l'importance de la refonte du code civil au Quebec, à Quebec le 10 septembre 2004, Ottawa le 12 septembre et Montréal le 13 septembre.

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Circonstance : Célébration du bicentenaire du code civil des Français et 10ème anniversaire du nouveau code civil du Québec

Texte intégral

Ouverture officielle des fêtes du bicentenaire du code civil des Français et du 10ème anniversaire du nouveau code civil du Québec, Château Frontenac, 10 septembre 2004, Québec
Monsieur le Juge en Chef (de la Cour d'appel du Québec),
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Consul général (de France),
Mesdames et Messieurs les juges en chef (de la Cour supérieure et de la Cour du Québec),
Mesdames et Messieurs les membres du Comité d'honneur des fêtes du bicentenaire du Code civil des français et des dix ans du Code civil du Québec,
Mesdames et Messieurs les Hautes personnalités du Canada, du Québec et de France,
Mesdames et Messieurs,
Pourquoi célébrer l'anniversaire d'un code civil ?
Le droit civil joue un rôle institutionnel fondamental : à travers la personne, la famille, le contrat et les obligations, il structure les relations entre les individus et contribue à façonner l'identité d'une société. Lorsque le droit civil est présenté sous la forme d'un code, accessible à tous, ce code apparaît comme une véritable constitution civile.
Aux côtés d'Irwin Cotler et de Jacques Dupuis, au nom de Dominique Perben, qui regrette profondément de ne pouvoir être avec nous, j'ai l'honneur d'ouvrir les célébrations communes du dixième anniversaire du nouveau code civil du Québec et du bicentenaire du code civil français.
Pourquoi ces célébrations me paraissent-elles d'une très haute importance ici même à Québec ? En cette année où le 400ème anniversaire du premier établissement français en Amérique du Nord est également fêté, je dirai que c'est d'abord en raison de l'héritage de l'histoire.
Cet héritage témoigne de l'indispensable adaptation d'un droit au contexte historique, économique, social et politique, mais aussi du rôle institutionnel fondamental qu'a joué le droit civil tout à la fois dans la formation et la préservation de l'identité québécoise comme de l'identité française.
Au XIXe siècle, vos juristes étaient soucieux de préserver la spécificité du droit privé alors que la common law gagnait de l'importance. Ils trouvèrent dans le code civil français un modèle pour la consolidation de leur droit. La forme, le style et souvent même le fond de notre code inspirèrent votre législateur, mais le code civil du Bas Canada adopté en 1866 n'était pas pour autant une copie du code civil des Français.
Les valeurs exprimées par ce code étaient certes proches de celles du code Napoléon pour ce qui est de la famille et de la propriété, mais elles s'en distinguaient dans les domaines de la religion et du libéralisme, reflets de la société québécoise du XIXe siècle. Au contraire, l'absence de référence religieuse, la sécularisation du mariage et de l'état civil, l'importance accordée à l'égalité caractérisaient le code français, héritier de la Révolution française.
Les capacités d'adaptation du droit civil québécois, sans cesse stimulées au voisinage de la common law, ont abouti à l'élaboration d'un nouveau code à la fin du XXe siècle. Nous devons aujourd'hui saluer l'entreprise exceptionnelle et rare qu'a été l'adoption du nouveau code civil du Québec en 1994.
L'exemplarité de ce nouveau code est autant juridique que politique :
La réforme du code civil a reposé sur de minutieux travaux comparés. En s'ouvrant sur son environnement de common law, mais aussi sur d'autres systèmes civilistes, le code civil québécois est parvenu à intégrer les solutions juridiques les plus adaptées à ses traditions et aux évolutions socio-économiques de son temps.
La volonté de faire des principes du nouveau code civil le droit commun applicable à toutes les branches du droit privé est tout à fait remarquable. Votre code est en cela fidèle à Portalis, qui estimait que parler de droit commun préservait de " l'ambition de tout prévoir ". Le droit commun rend la loi plus claire car il évite sa dispersion dans des lois spéciales. Le droit commun est gage de cohérence et de prévisibilité, car il permet de résoudre toute question juridique, sans qu'il soit nécessaire de prévoir un texte spécifique pour chaque situation.
En France, nous connaissons l'inflation législative et la dérive des lois spéciales, qui nuisent à l'intelligibilité de la norme. Nous savons qu'ancrer la norme dans des principes généraux est la seule façon de rendre le droit accessible à tous.
Sur le plan politique, la refonte complète de votre code civil n'a été possible que grâce à la méthode employée, ponctuée de nombreuses consultations et concertations et aboutissant à l'adoption du nouveau code à l'unanimité par le Parlement.
Une telle entreprise fait du nouveau code civil québécois un modèle de codification contemporaine qui a servi de référence pour de nombreux pays depuis son adoption : la Russie, le Brésil et l'Argentine entre autres.
Vous me demanderez sans doute si la France ne pourrait pas le prendre à son tour pour modèle Vous savez que notre code deux fois centenaire fait l'objet d'une recodification progressive. Comme l'a annoncé le président de la République lors du colloque du bicentenaire à la Sorbonne le 11 mars dernier, le droit des contrats et des sûretés devra être réécrit dans les cinq ans à venir. Le principe de codification dépasse en France le seul droit civil.
La Commission supérieure de codification se charge de codifier, à droit constant, des pans entiers de notre droit tels que la consommation ou l'environnement.
Mais au-delà des différences d'âge, de technique de codification, de fond du droit, ce qui me paraît le plus significatif aujourd'hui, c'est l'inscription de ces codes dans des ordres juridiques complexes : État fédéral et Charte des droits et libertés au Canada, Union européenne et Convention européenne des droits de l'homme Outre-Atlantique.
Le respect des droits fondamentaux occupe désormais une place importante dans la hiérarchie des normes et exerce une profonde influence sur le droit civil. Le nouveau code civil du Québec fait référence à la Charte des droits et libertés. Cette référence rappelle ainsi au juge que les principes de la Charte fonderont ses décisions autant que ceux énoncés par le code civil.
Notre code civil est lui aussi soumis à des évolutions majeures sous l'effet de la Convention européenne des droits de l'homme. Ainsi le principe d'égalité des filiations a provoqué des changements dans le droit de la famille et le droit des successions dont nous ne pouvons que nous féliciter.
L'édification d'un espace juridique commun en Europe est une entreprise originale. Elle se place au service du citoyen et vise à faciliter sa vie quotidienne. C'est pourquoi nos solutions juridiques sont pragmatiques.
Dans certains cas, il nous paraît nécessaire d'harmoniser nos normes, au moins les règles procédurales. Ainsi, aujourd'hui un règlement communautaire permet de désigner définitivement le juge qui sera compétent pour statuer sur une garde d'enfant d'un couple bi-national qui se sépare. Souvent, nous constatons qu'il n'est pas nécessaire de bouleverser tout notre droit, mais qu'il suffit de définir un cadre commun et des règles de reconnaissance mutuelle des décisions de justice.
Ce principe favorise en outre une meilleure connaissance de nos systèmes juridiques et judiciaires respectifs. Nous sommes persuadés que cette connaissance de la culture juridique de chaque pays membre est indispensable à l'Europe judiciaire de demain.
En marge de cette progressive communautarisation de la justice civile, vous savez à quel point les débats des juristes sur un code civil européen sont empreints de passion. La France s'est engagée dans la réflexion lancée par la commission européenne pour définir un " cadre commun de référence ". Nous souhaitons que ces travaux aboutissent à des solutions juridiques concrètes, accessibles pour les uns et les autres et tracent les grandes lignes d'un droit commun.
Dans cette perspective, les travaux d'harmonisation du droit fédéral avec le droit civil québécois et les travaux sur le bilinguisme que vous menez sont riches d'enseignement pour nous, même s'ils ne sont pas reproductibles à l'échelle des 25 membres de l'Union.
Mesdames, Messieurs, un passé commun et une culture juridique commune nous unissent et nos codes représentent de formidables instruments de dialogue. C'est cette occasion que nous avons saisie en célébrant ce double anniversaire.
Je veux en remercier, en mon nom propre et pour Dominique Perben, Irwin Cotler et Jacques Dupuis, ainsi que tous les membres du Comité d'honneur et les organisateurs.

(Source http://www.justice.gouv.fr, le 14 décembre 2004)
Ouverture du colloque "Dualisme juridique : débats de sociétés et enjeux économiques", ambassade de France à Ottawa, le 12 septembre 2004
Monsieur le Ministre,
Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Juge en Chef,
Madame et Messieurs les Juges en Chef,
Mesdames et Messieurs les Hautes Personnalités du Canada, du Québec et de France,
Mesdames et Messieurs,
A l'occasion du bicentenaire du code civil français et des dix ans du nouveau code civil du Québec, il est utile de s'interroger sur le dualisme juridique et surtout sur les enjeux que le droit représente dans les débats de société et le développement économique.
Nous sommes dans un contexte de forte concurrence entre systèmes juridiques au niveau mondial. Des critiques importantes sont formulées par des juristes, des chercheurs, mais aussi par des dirigeants politiques à l'égard des systèmes juridiques concurrents.
Ces critiques masquent à peine la volonté d'influence qui les animent. En général, l'ignorance et les préjugés alimentent cette " guerre d'influence " juridique. Ce n'est pas cet esprit qui nous réunit aujourd'hui.
Notre dialogue doit au contraire permettre de promouvoir une meilleure connaissance réciproque et une analyse objective et scientifique des avantages et inconvénients de chaque système.
Le dualisme juridique implique la coexistence de plusieurs systèmes juridiques sur un même territoire. Il recouvre des expériences différentes au Canada, au Québec et en France.
Chez vous, le dialogue permanent entre les deux systèmes se traduit au niveau fédéral par une connaissance approfondie et une saine émulation, sans doute favorisées par le bilinguisme. Au sein de la Cour suprême, le travail conjoint de juges de common law et de juges civilistes contribue à enrichir le droit de solutions inspirées de chaque tradition. Votre ministère de la justice s'efforce également d'élaborer un droit fédéral adapté aux deux traditions juridiques.
Par ailleurs, la dualité droit civil québécois / common law ne doit pas dissimuler la diversité des traditions juridiques de chacune de vos provinces dans le domaine du droit privé.
En effet, le terme général de " common law " ne rend pas compte des différences sensibles que ce droit présente d'une province à l'autre. Vous avez en outre le souci de préserver les spécificités des communautés autochtones.
En France, la diversité des sources juridiques, nationales et communautaires, est peu apparente dans la mesure où celles-ci sont fondues dans un même corpus. De ce fait, le juge national est juge naturel du droit communautaire. Par exemple, le juge français applique désormais un droit de la concurrence qui repose en majeure partie sur le droit élaboré à Bruxelles et sur la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg.
Au sein de l'Union Européenne, la coexistence de systèmes juridiques différents fait l'originalité de la construction de notre espace commun. Tantôt nos droits " fusionnent " : nous parlons alors d'harmonisation. Tantôt des passerelles procédurales obligatoires sont mises en uvre : il s'agit du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice.
Existe-t-il un modèle universel ? Un modèle plus performant que les autres pour favoriser la croissance et le développement économique ?
Non, car on ne peut parler d'un droit performant que lorsqu'il ne reste pas lettre morte. Or, un droit n'est appliqué que s'il est adapté au contexte social, culturel et économique ainsi qu'aux traditions juridiques d'un pays. A quoi peut servir un droit bancaire sophistiqué lorsque les ménages et les entrepreneurs n'ont pas l'habitude de recourir aux services d'une banque ?
La mise en uvre du droit s'appuie en outre sur des institutions judiciaires et des professions juridiques solides dans le cadre d'un Etat de droit. Pour qu'un système juridique fonctionne, il est indispensable que les citoyens aient confiance en la justice et ses auxiliaires. Si la corruption est de mise, si la mafia règle les conflits, à quoi peut servir le modèle juridique qui aura reçu le label de l'efficience ?
Le coût de l'accès au droit et à la justice ne doit pas être oublié non plus : un droit ne sera appliqué par les acteurs économiques, surtout les plus modestes, qu'à condition de ne pas être trop onéreux.
Je suis persuadée qu'un système juridique, si performant soit-il sur un continent, ne peut être imposé du jour au lendemain sur un autre continent au motif qu'il pourrait stimuler l'économie. Toute réforme suppose d'abord une demande de droit. Si les autorités d'un pays envisagent de s'inspirer d'un modèle étranger, il est souhaitable que ce modèle présentes quelques familiarités sur le plan culturel ou linguistique.
Un patient travail d'adaptation du modèle aux traditions et au contexte local doit être mené. Sans un tel travail, la réforme juridique a peu de chance d'être appliquée et encore moins de contribuer à la croissance.
Dans ce cadre, nous devons nous garder d'une approche occidentale exclusive. La plupart des pays d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Asie ont adopté des textes proches des nôtres dans bien des domaines juridiques. Néanmoins, leur mise en uvre diffère de la nôtre et ne peut se comprendre qu'à la lumière de leurs propres traditions juridiques et de leur culture. Il est donc trop simpliste de ne considérer que les traditions juridiques européennes : droit français, allemand, scandinave et common law. L'université Ottawa se garde de ce travers "ethnocentrique". Son étude des systèmes juridiques fait ressortir l'importance des systèmes mixtes, des droits coutumiers et du droit musulman.
Enfin, permettez-moi d'observer que le droit ne se résume pas à un enjeu d'efficacité économique. Ce serait oublier sa fonction institutionnelle et morale, ce serait oublier la recherche de la vérité, l'équité, la sanction et la justice sociale. Le droit n'est pas une variable d'ajustement économique, comparable aux taux d'intérêt ou aux taux de change. Le droit ne saurait se confondre avec ce que l'on nomme " régulation ". Il exprime les valeurs d'une société et ces valeurs ne se mesurent pas à l'aune de la rationalité économique.
Comme vous, nous sommes convaincus qu'il n'y a pas un système juridique supérieur à l'autre. Il n'y a pas davantage de supériorité des systèmes juridiques occidentaux sur les autres. L'approfondissement de nos échanges doit nous permettre de promouvoir la diversité, à l'opposé de la standardisation. Les débats qui s'ouvrent aujourd'hui doivent illustrer l'existence d'un " axe franco-canadien " de défense de la diversité juridique.
Le Canada, le Québec et la France sont engagés de longue date dans la promotion de la diversité culturelle. Le droit en constitue une composante importante. Je souhaite que nous amplifions encore notre action en ce sens.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 9 décembre 2004)
Déclaration lors des fêtes du bicentenaire du code civil des Français et du 10ème anniversaire du nouveau code civil du Québec, 13 septembre 2004, Montréal
Permettez-moi de vous exprimer (Messieurs les Ministres, Monsieur le Juge en Chef, Mesdames et messieurs les Juges en chef, et Mesdames et Messieurs les Hautes personnalités) ma joie de participer, aux côtés d'Irwin Cotler et de Jacques Dupuis à cette fête du bicentenaire du Code civil français et du 10ème anniversaire du Code civil du Québec.
Je tiens à vous remercier, Monsieur le Juge en Chef, et à travers vous l'ensemble des juges et du personnel de la Cour d'appel du Québec, d'avoir offert de nous accueillir ici dans ce magnifique édifice tout juste rénové.
Au-delà du clin d'il de l'histoire qui fait coïncider cette année le bicentenaire de notre Code civil et les 10 ans du nouveau Code civil du Québec, nous célébrons ensemble aujourd'hui la place du droit dans la société moderne :
- le droit comme élément d'identité et vecteur de communication ;
- le droit comme instrument de dialogue entre sociétés et de promotion de la diversité ;
- le droit comme incontournable instrument de régulation et de protection des libertés.
Le droit comme élément d'identité et vecteur de communication.
En célébrant avec vous le bicentenaire de notre Code civil et les 10 ans du Code civil du Québec, je souhaiterais d'abord rappeler l'importance des liens historiques et culturels privilégiés qui unissent la France au Canada et notre relation particulière avec le Québec.
A cet égard, j'ai pu apprécier depuis mon arrivée ici la vivacité et la richesse de ces liens en rencontrant les représentants des communautés juridiques françaises et québécoises. Les relations entre nos avocats, nos notaires, nos universitaires et nos magistrats sont fréquentes, grâce notamment aux cadres institutionnels, tels ceux offerts par la commission permanente de coopération franco-québécoise et par nos représentations diplomatiques à Paris et Ottawa. A cet égard, le colloque " Codes et codification " organisé, dans le cadre des fêtes du bicentenaire, les 19, 20 et 21 septembre prochain, par l'Université Laval-- et auquel participent de nombreux juristes français--est un exemple de l'importance de ces échanges. Mais au-delà de ses rapports institutionnels, ces échanges sont le plus souvent le fruit de nos intérêts, de nos valeurs et de notre amitié partagés. Ce dialogue nous permet de réfléchir ensemble et d'échanger nos expertises. Ainsi en visitant la maison de Justice de Québec, j'ai suivi avec intérêt comment le Québec s'est inspiré de l'expérience française pour créer son propre concept de la maison de Justice. Et j'ai été, compte tenu de mes responsabilités particulières, très intéressée par le programme " Amber alerte " de recherche des enfants disparus que je souhaiterais mettre en uvre en France.
Les liens qui unissent les professionnels du droit français et canadiens témoignent également de la qualité de notre dialogue. L'inauguration, hier, à l'Ambassade de France, du colloque " Dualisme juridique : débats de société et enjeux économiques " organisé par l'Université d'Ottawa avec la participation de l'université Mc Gill et le soutien des ministères canadien et français de la Justice, démontre notre volonté de réfléchir ensemble et de s'enrichir en confrontant nos systèmes juridiques.
Enfin, la création par nos deux ministères de postes de magistrats de liaison à Ottawa en 2002 et Paris en 2003, a donné un nouvel élan à la notre coopération juridique et judiciaire.
Mais, le droit, élément de la culture d'un pays doit aussi être un instrument de promotion de la diversité dans le monde:
Or, le Canada, par son histoire, est le pays du dialogue et du respect de la diversité.
Ces anniversaires permettent également de réaffirmer l'attachement de la France à la promotion de la diversité du droit dans le monde et, à cet égard, la dualité juridique canadienne est une source d'inspiration et un exemple, pour la France, pour l'Europe et au-delà pour le monde. C'est aussi cette dualité juridique que nous fêtons aujourd'hui.
Celle-ci exprime en premier lieu une façon d'être propre aux canadiens : leur ouverture vers la diversité des modes d'organisation sociale, et notamment vers deux modes d'organisation du droit : celui de la common law et le celui du droit civil.
Elle est aussi un atout pour nos deux pays.
Pour le Canada, elle permet d'enrichir le droit existant, en confrontant les solutions retenues dans chacun des systèmes juridiques, comme le montre le programme d'études économiques initié par le Ministère de la Justice du Canada et auquel je souhaite que la France puisse être bientôt associée.
Pour la France, la dualité juridique canadienne est aussi un exemple de dialogues constructifs entre systèmes juridiques et source d'inspiration pour la collaboration et la confrontation positive entre différents systèmes juridiques, qui se produisent dans la réalisation de l'espace judiciaire européen.
Mais, on ne peut pas séparer la question de la diversité juridique et celle de la diversité culturelle, le droit étant un élément essentiel de la culture d'un pays. Car au-delà de la question juridique, la dualité juridique canadienne tout comme sa dualité linguistique est représentative de la diversité culturelle canadienne, de sa richesse et de sa force. Un débat essentiel s'ouvre à l'Unesco sur le projet de Convention sur la diversité culturelle. Le Canada, le Québec et la France devront continuer à unir leurs efforts, comme ils l'ont déjà fait, pour défendre, au cours de cette négociation, leur attachement à la diversité culturelle.

Enfin, le droit international comme instrument incontournable de régulation et de protection des libertés.
Sur les grands enjeux du droit international, notre coopération est fondamentale. Le droit et la justice sont des éléments majeurs de la sécurisation d'un monde en proie à de grands mouvements de déstabilisations, que cela soit par exemple pour lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée, ou pour instaurer un système de justice internationale qui lutte contre l'impunité ou pour élaborer et promouvoir des systèmes de justice dans les pays en transition.
. Sur ces questions, la proximité de valeurs entre la France et le Canada permet une efficacité accrue de la coopération entre nos deux pays.
Le Canada et la France se sont également unis pour défendre la création d'une justice internationale pour lutter contre l'impunité. Je tiens ici à saluer l'action exemplaire et déterminante du Canada en faveur de l'instauration de la Cour pénale internationale. Il nous faut continuer ensemble à défendre et soutenir sans faille cette nouvelle institution.
C'est aussi pour défendre notre conception des droits de l'Homme que français et canadiens se retrouveront côte à côte au Deuxième congrès mondial contre la peine de mort qui se tiendra à Montréal le mois prochain.
Mais nous sommes aujourd'hui confrontés à la nécessité de prévenir les crimes contre l'humanité plutôt que d'avoir à les punir. Le Canada et la France doivent conjuguer leurs efforts pour rechercher, avec nos partenaires, à mettre en place des mécanismes d'alerte pour prévenir les conflits. A cet égard, je sais que nous aurons à soutenir ensemble la mise en place du mécanisme d'évaluation des droits de l'Homme dans le cadre de l'Organisation internationale de la francophonie
Dans un cadre bilatéral, nous sommes déterminés, à surmonter avec l'aide de nos magistrats de liaison, nos différences pour aider nos juges à coopérer pour lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale. Pour réussir nous sommes unis par la conviction commune que la lutte contre ces fléaux ne peut réussir que dans le respect des droits de l'Homme.
Voici quelques-unes unes des raisons pour lesquelles la France a souhaité fêter avec le Canada et le Québec les 200 ans de son Code Civil et les 10 ans du Code Civil du Québec. Ces quelques jours passés parmi vous m'ont confortée dans la conviction que nous devons continuer à approfondir nos échanges afin de continuer à défendre ensemble notre vision commune de la place du droit dans nos sociétés et dans le monde.
Enfin permettez-moi à l'issue de ce séjour qui m'a amenée de Québec, à Ottawa et à Montréal, de remercier les autorités canadiennes et québécoises de la parfaite organisation de ces manifestations qui, j'en suis convaincue, continueront à connaître un plein succès.

(Source http://www.justice.gouv.fr, le 14 décembre 2004)