Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Délégué à l'Aménagement du territoire,
Mesdames et messieurs,
ENFIN !!
ENFIN, avez-vous dit après la promulgation de la loi ouvrant aux collectivités locales le droit de créer et d'exploiter des réseaux de télécommunications en tant qu'opérateur d'opérateurs.
ENFIN vous pourrez ouvrir vos territoires au haut débit et à la concurrence c'est-à-dire à la diversité, à la performance des prix et des services.
Comme Amiens était aux côtés des pionniers, j'ai bien sûr suivi votre combat depuis le début. Comme vous, j'ai tout entendu.
On nous disait qu'Internet n'était qu'une mode qui passerait.
On nous demandait ce qu'allaient faire des collectivités dans un domaine technique dont elle ne maîtrisait pas le premier élément ?
On s'interrogeait sur les moyens d'assurer ces investissements.
On se scandalisait d'une redondance des réseaux.
On nous assurait que de nouvelles technologies comme la boucle locale radio, voire le satellite, permettrait d'aller dans la moindre ferme à des coûts défiant toutes concurrences.
Je ne veux pas aller plus loin car vous avez entendu et subi tout cela.
Quand je regarde le passé, je vois d'abord des pionniers, dont vous êtes, qui se sont battus pour que notre pays prenne véritablement la mesure de la révolution technologique qui se mettait en uvre et s'ouvre vraiment au XXIe siècle.
Et, quand je regarde l'avenir, je vois des milliers d'opportunités à saisir.
Depuis des années, 11 pays sur 15 en Europe ont confié à leurs collectivités locales la mise en uvre concrète de la société de l'information dont le réseau à haut débit n'est que la première pierre.
En Suède, au Danemark, en Finlande mais aussi en Allemagne en Italie, en Hollande des communes organisaient leur réseau vérifiant d'ailleurs très vite que l'essentiel des flux internet étaient des flux locaux.
En même temps, sous la pression de Bruxelles, les opérateurs historiques des grands pays de l'Union devaient changer de statut et devenir des sociétés ordinaires.
En France, les choses avaient plutôt bien commencé. En créant l'ART en 1996 (et je veux ici saluer Mme GAUTHEY membre de l'A.R.T. qui a bien voulu participer à vos débats cette après-midi), Alain JUPPE dotait le pays d'un outil fort et indépendant pour garantir la concurrence, notamment par le dégroupage qui évitait aux nouveaux opérateurs d'attendre d'avoir créé la totalité de leur propre réseau pour offrir leurs services.
Il constatait que partout c'était la multiplicité des réseaux qui prévalaient et accélérait la concurrence. C'était aussi l'avis de la DATAR que je veux ici féliciter. Durant les dernières années mettre son énergie, sa conviction et ses moyens pour faire avancer ce dossier.
C'EST LE CIAT DE LIMOGES EN 2001 qui donne le coup d'envoi de l'ouverture vers les collectivités locales. En chargeant la caisse des dépôts et consignations d'imaginer les conditions techniques, juridiques et financières de leur intervention.
Le talent, la force de conviction, l'engagement personnel des deux responsables successifs (Gabrielle GAUTHEY et Serge BERGAMELLI) ont contribué de manière décisive à faire naître les 144 projets aujourd'hui répertoriés pour un montant d'investissement de plus de 2 Milliards d'Euros.
Rien n'aurait été possible non plus sans la conviction forte et tenace de l'ART qui a rapidement compris que seule l'intervention des collectivités locales pouvait créer les conditions de la concurrence.
Les efforts des uns et des autres (et vous en avez souvent été les moteurs) nous font remonter la pente.
Notre pays compte de plus en plus d'internautes, de plus en plus de portails, de services en ligne de pratiques éducatives, sanitaires, commerciales, administratives au point que certains (souvent les mêmes) se demandent si tout n'est pas bien ainsi et s'il n'est pas temps de laisser le marché seul accomplir le reste du travail.
JE PENSE EXACTEMENT LE CONTRAIRE.
Ce ne sont en effet pas seulement de nouvelles technologies qui apparaissent c'est une autre société qui naît.
Mondiale et locale à la fois elle va toucher toutes nos pratiques, nos organisations, les systèmes d'offres et de demandes, nos échanges comme nos modes de vie. Comment imaginer que la puissance publique sous toutes ses formes ne s'y investisse pas aussi ?
Vous l'avez pressenti au travers de vos associations très actives comme Ecoter, le réseau IDEAL, la FING (Fondation internet Nouvelle génération) qui rapprochent entreprises et collectivités locales ou les publications spécialisées comme "autoroutes de l'information et territoires" ou encore les multiples lettres en ligne qui vous permettent de vous informer mutuellement et rapidement de ce qui s'entreprend et des difficultés comme des succès rencontrés.
Même si tout cela vous parait lent, la loi a été modifiée et le Premier Ministre a créé près de lui deux grandes délégations.
L'ADAE (Agence pour le développement de l'Administration Électronique) fait sous l'autorité de M Sauret un travail apprécié avec le programme ADELE de mise en ligne de très nombreux actes administratifs.
Beaucoup d'entre nous paient déjà leurs impôts en ligne, nous disposons tous d'une carte vitale. Dans les années qui viennent les échanges sécurisés permettront l'accès en ligne de la quasi-totalité des prestations administratives.
Plus personne ne sera éloigné du service public, plus personne ne se plaindra des heures d'ouverture ou de fermeture non plus que des files d'attente voire du caractère de l'employé au guichet.
De son ordinateur ou, de plus en plus souvent avec son téléphone mobile chacun pourra se procurer le renseignement ou l'acte souhaité sans se déplacer. Cela constituera une véritable révolution de nos rapports au quotidien avec les services publics. Si je ne crois pas et ne milite pas pour une dématérialisation, une dépersonnalisation des services publics, je suis convaincu que pour bien des sujets, la société de l'information nous simplifiera nos rapports à l'administration.
Mais les actes administratifs ne seront pas les seuls concernés, les usages aussi vont être bouleversés. C'est le rôle de la Délégation aux Usages Internet (DUSI) sous l'autorité de Benoît SILLARD de faire progresser à l'école et dans la vie l'ensemble des usages de cette nouvelle société.
ET MON MINISTERE ?
Il est persuadé aujourd'hui qu'il peut, qu'il doit être un des leviers de l'État et au service des collectivités locales pour réussir l'adaptation de la France a la société de l'information.
C'est pour ce motif que le CIADT de décembre 2002 l'a mandaté en ce sens.
Le rapport dont j'avais chargé l'Ingénieur Général POULIT est publié et je compte prendre avant la fin de l'été les mesures qui relèvent de mon autorité et remettre à l'arbitrage du Premier Ministre les propositions qui relèvent d'un décret ou d'une loi.
Une circulaire à mes services leur indiquera dans quelles conditions économiques, juridiques et techniques les collectivités locales pourront occuper, partager ou créer des fourreaux ou des réseaux d'État dans les infrastructures nationales.
Un texte en préparation vise à confier à terme la cartographie des réseaux de télécommunications à l'IGN qui reprendrait en charge l'excellent travail fait par ORTEL à l'initiative de la Datar et de la Caisse des dépôts.
Ce texte éclairera le décret en préparation fixant les barèmes de la redevance d'occupation du domaine public.
Ainsi les collectivités pourraient connaître l'occupation de leur sous-sol, déterminer l'assiette, les bases et le taux de la redevance. Nous devrons en profiter pour favoriser par exemple la mutualisation des infrastructures qui éviterait la reconstitution permanente des chaussées.
L'élaboration en cours des SCOT devrait permettre d'y faire figurer les réseaux haut débit pour faciliter la décision des futurs opérateurs. J'attirerai leur attention sur l'obligation légale de mettre les fourreaux des ZAC et des logements à la disposition de tous les opérateurs par des procédures appropriées et non à les confier, par facilité, à un unique opérateur qu'il soit historique ou pas.
J'ai saisi mon collègue de l'industrie, Patrick DEVEDJIAN, pour que nous organisions en région des synergies entre le corps des ingénieurs télécoms les services de l'Équipement afin d'apporter aux Préfets et aux collectivités locales les compétences qui leur font aujourd'hui défaut.
Je ne verrais que des avantages à ce que les chargés de mission TIC des SGAR viennent renforcer cette mutualisation de compétences et de moyens.
J'ai demandé à mes services d'examiner dans quelles conditions un de nos "Centres d'Études techniques de l'Equipement-CETE" pouvait servir de centre ressources pour informer et renseigner les ingénieurs sur le terrain.
J'ai souhaité également que nos centres de formation intègrent à l'avenir dans leur programme les problèmes que pose ce nouveau rôle et les solutions qui peuvent être apportées aux collectivités locales.
Au-delà du déploiement des réseaux c'est bien toute une partie de nos fonctions classiques qui vont évoluer.
Demain la route et les véhicules intelligents multiplieront par mille l'information routière, la gestion des aléas, la prévention de l'inattention, l'automaticité des réponses à des situations de crise.
L'information touristique nationale ou des collectivités locales sera disponible sur des GPS alimentés par satellites, réseau radio et filaires pour transporter ces flux énormes d'informations en temps réel.
Le ministère vous aidera également à mettre en ligne les certificats d'urbanisme afin d'éviter à chacun de réinventer l'eau tiède.
Mais l'essentiel et chacun le sait bien, c'est le développement économique dont dépend in fine l'emploi et la richesse.
Avec mes collègues des Finances et de l'Intérieur, et avec le secrétaire d'État à l'Aménagement du Territoire, Frédéric de SAINT-SERNIN, comme avec vous responsables de collectivités locales, je souhaiterais réfléchir à un aménagement du territoire qui associe plus fortement l'organisation de l'espace et le développement économique.
Chacun sait aujourd'hui que l'organisation est avec l'investissement et la formation, la clé de toute productivité donc de toute efficacité.
Les pôles de compétitivité récemment évoqués par Nicolas SARKOZY sont une excellente chose. Mais je pense qu'il conviendrait de ne pas les limiter aux très grandes métropoles. Si elles sont indispensables, c'est vrai, à la performance de la nation, elles ne survivraient pas longtemps à la fragilisation du reste du territoire.
La DATAR a souvent parlé des réseaux de villes que les élus locaux comme moi regardaient comme d'intéressantes constructions intellectuelles.
Demain, avec le très haut débit, les réseaux de villes seront une évidence, et, vous en êtes la preuve, ils foisonneront.
C'est tout l'esprit de l'appel à projet "métropole" que Frédéric de SAINT-SERNIN a présenté avant hier à Marseille.
Ces nouveaux réseaux peuvent créer une nouvelle donne de l'aménagement du territoire. On a beaucoup parlé de la fracture numérique, qui reste réelle, mais moins des chances et des opportunités qui pouvaient s'ouvrir à ceux qui auraient la lucidité et la volonté de les saisir.
De même qu'avaient tort ceux qui après la guerre pensaient que notre superbe réseau routier départemental pouvait faire l'économie des autoroutes, de même auront tort ceux qui pensent pouvoir éviter les investissements qui préparent l'avenir.
De cette mutation de société qui fait peur à certains, vous avez souhaité retenir la part d'espoir. Je ne peux que vous encourager.
Je vous remercie.
(Source http://www.datar.gouv.fr, le 1er juillet 2004)