Déclaration de Mme Michèle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur le caractère multifonctionnel de l'agriculture et le développement du tourisme rural, Paris, le 2 mars 2000.

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Circonstance : Conférence de presse de la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles à Paris, le 2 mars 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi en premier lieu, Monsieur le Président, de vous remercier de votre invitation à participer à cette conférence sur l'agriculture multifonctionnelle et sur la place que le tourisme peut prendre dans l'évolution de ce secteur économique essentiel à notre pays.
Chacun sait ici le rôle joué par l'agriculture dans l'équilibre économique de nos campagnes, dans la préservation de notre environnement et dans l'aménagement de notre territoire.
Mais chacun sait aussi le formidable potentiel que représente aujourd'hui l'espace rural pour notre économie touristique qui je le rappelle, rapporte à la France plus de 180 milliards de devises et un excédent à la balance des paiements qui a dépassé, en 1999, les 84 milliards de francs.
La campagne couvre en effet 80 % du territoire national et constitue le deuxième espace le plus fréquenté par nos concitoyens et par nos visiteurs étrangers. Ceux-ci aspirent de plus en plus à un tourisme vert, synonyme de repos et de calme, de retour aux racines et de pratique d'activités sportives et de découverte dans un environnement de qualité.
A ce niveau, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Plus de 36 % des séjours et 21 % de la consommation touristique intérieure s'effectuent en monde rural. Celui-ci avec 1 500 000 lits offre en outre la capacité d'hébergement touristique la plus diversifiée de notre pays.
Dès lors il n'est pas besoin d'être particulièrement volontariste pour constater que le développement du tourisme rural correspond à une demande de plus en plus forte à laquelle les professionnels de ce secteur au premier rang desquels ceux de l'agriculture se doivent de répondre.
De la même manière, il est important de noter que l'activité touristique en milieu rural est très souvent, pour ne pas dire quasiment toujours, un moyen d'apporter également une réponse aux difficultés économiques et sociales, conjoncturelles ou structurelles auxquelles certaines régions se trouvent confrontées.
Car cette forme de tourisme encourage la plurisaisonnalité des activités puisqu'elle favorise non seulement les séjours mais aussi les loisirs de proximité, pour des populations souvent citadines, à la recherche de racines, de promenades, de découverte du patrimoine architectural et culturel et bien sûr de spécialités locales.
C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles depuis près de 30 ans maintenant, tourisme et agriculture ont cheminé de concert sur la voie du développement local.
Ensemble ils ont évolué au gré des crises économiques, des évolutions technologiques et sociales.
Ensemble ils se sont professionnalisés pour apporter la meilleure réponse possible aux aspirations d'une demande de plus en plus exigeante, tant au niveau de la qualité des produits que du cadre de vie et de l'environnement qui lui sont offerts.
Cette histoire commune a donc été une suite de profondes mutations dans les pratiques, les métiers comme dans les attentes.
Dans les années 70, faut-il le rappeler, l'agriculteur considérait le tourisme comme un élément accessoire ou complémentaire de son exploitation. Il était aussi pour lui un moyen de survivre aux crises successives de la profession. Le moyen de traverser les périodes tumultueuses où croissance rimait avec productivité et parfois même, avec désertification de l'espace rural.
Progressivement le développement de l'agritourisme est devenu pour lui le moyen plus positif de sauvegarder et de réhabiliter son patrimoine bâti, de diversifier ses activités, de valoriser ses productions et d'ouvrir son exploitation sur le monde par la rencontre avec des femmes et des hommes d'autres cultures, d'autres régions et d'autres pays.
Aujourd'hui, le monde agricole voit dans le tourisme un véritable enjeu économique et de société.
Le tourisme comme l'agriculture contribuent aujourd'hui de façon essentielle et complémentaire au rééquilibrage et à la valorisation de nos espaces, en favorisant un développement économique à la taille du territoire maîtrisable par les hommes qui en font l'histoire. Et c'est cette complémentarité qu'il nous faut réaffirmer au moment même où la loi d'orientation agricole nous y encourage en prônant la diversification des activités des exploitations agricoles.
Ce texte préconise en effet "la prise en compte des fonctions économiques, environnementales et sociales de l'agriculture et sa participation à l'aménagement du territoire en vue d'un développement durable".
Aussi suis-je convaincue que le monde agricole peut constituer, dans l'esprit même de l'histoire du tourisme rural que je viens de rappeler, l'un des piliers du développement à venir de ce secteur.
En effet au-delà du rôle qu'il joue aujourd'hui en faveur de l'accueil et de l'hébergement des touristes, il devient de plus en plus l'acteur, j'allais dire le médiateur attendu de la découverte du patrimoine naturel, culturel et architectural.
Qui mieux que lui peut en effet présenter l'environnement puisqu'il contribue à son entretien.
Qui mieux que lui peut expliquer l'architecture, les traditions ou la fabrication des produits, puisqu'il contribue à leur préservation, à leur revalorisation.
C'est donc à ce défi que je souhaite appeler l'ensemble de ces acteurs du monde agricole qui ont souvent été, dans l'histoire même de notre pays, des pionniers du développement local.
Certes, ils ne pourront pas à eux seuls assurer la croissance des activités touristiques et leur mise en marché auprès des visiteurs français et étrangers.
Il leur faudra en effet s'associer avec les acteurs traditionnels de l'économie touristique, qu'ils soient publics ou privés, professionnels de l'hébergement, de la restauration ou de l'animation, pour donner aux produits toute leur consistance et leur originalité et aux territoires leur indispensable attractivité.
Pour conforter une telle démarche collective, je me suis engagée avec mes collègues ministres de l'agriculture, de l'aménagement du territoire et de l'environnement, à mettre en place une structure de concertation entre tous les acteurs locaux et les services de l'Etat. Ce projet est aujourd'hui bien avancé. En effet la future Conférence Permanente du Tourisme Rural sera installée avant la fin du deuxième trimestre de cette année, permettant au monde rural d'afficher et de défendre ses ambitions en matière touristique auprès de l'Etat et des collectivités territoriales ou locales.
C'est animée de la même volonté que j'ai souhaité soutenir financièrement les initiatives des acteurs publics, privés et associatifs de l'espace rural qui contribuent à l'économie touristique de notre pays.
Ainsi, les futurs contrats de plan État/Région dont le volet tourisme a été augmenté de 171 % par rapport aux précédents, permettront de soutenir et d'accompagner les innovations et les dynamiques territoriales qui verront le jour dans les domaines de l'organisation touristique des espaces, du développement de la production et de sa mise en marché, dans les domaines de l'investissement et de la formation des hommes.
C'est à cette même dynamique que les contrats territoriaux d'exploitation doivent contribuer par le développement de la multifonctionnalité qu'ils encouragent dans l'agriculture et le soutien qu'ils peuvent apporter à des démarches collectives de valorisation des territoires.
Les expériences dont certaines sont présentées aujourd'hui permettront, j'en suis convaincue, de conforter cette conviction et cette volonté politique de mettre les agriculteurs au coeur du développement touristique rural à venir.
Elles traceront de nouvelles pistes de travail et de collaboration entre les partenaires concernés, permettant d'offrir ces produits originaux, de qualité et économiquement viables auxquels les touristes comme les professionnels aspirent.
Ces contrats apporteront aux entreprises agricoles un cadre dans lequel pourra s'exprimer, j'en suis convaincue, cette nécessaire créativité et cette solidarité entre acteurs et territoires qui a fait et qui fera le succès touristique de notre pays.
Je sais pouvoir compter sur le monde rural pour y contribuer.
Je sais pouvoir compter sur le monde agricole pour nous y aider.
(source http://tourisme.gouv.fr. le 22 mars 2000)