Interviews de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, dans "Centre presse" et "Frankfürter Allgemeine Zeitung" du 27 octobre 2003, sur le forum franco-allemand sur la décentralisation et le fédéralisme, les relations franco-allemandes, la convention européenne et le développement de la région Poitou-Charentes.

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Média : Centre Presse - Frankfurter Allgemeine Zeitung

Texte intégral

INTERVIEW DANS CENTRE PRESSE :
Centre Presse : M. le Premier ministre, comment avez-vous eu l'idée de cette rencontre franco-allemande ?
Jean-Pierre Raffarin : J'ai toujours conservé le souvenir de la réunion avec Helmut Kohl et François Mitterrand à La Rochelle. En tant que Premier ministre, je me suis rendu compte que les relations franco-allemandes devenaient de plus en plus proches sur le plan politique et institutionnel. Mais mon inquiétude à moyen terme est que les peuples se connaissent moins bien et que les échanges soient moins développés. Je souhaite renforcer les relations au niveau du terrain, de la vie quotidienne. J'ai vu à Berlin les présidents de länder. Je leur ai proposé d'être des médiateurs de l'amitié populaire entre la France et l'Allemagne et de rencontrer les présidents de région. Ils ont répondu avec beaucoup d'enthousiasme à cette idée. La région, le land est un espace dual, à la fois politique et populaire, à la fois institutionnel et société civile. Ce qui est très intéressant dans les relations franco-allemandes, c'est que la politique partisane est exclue de ce champ.
Centre Presse : Attendez-vous des initiatives concrètes ?
Jean-Pierre Raffarin : Nous voulons vraiment avancer sur l'ensemble des domaines de l'université, de la recherche, de l'éducation, de la formation professionnelle. Nous parlerons également des initiatives de croissance. Un élément très important aujourd'hui est de choisir les formes des investissements que va faire l'Union européenne dans les années qui viennent, pour la croissance. Troisième débat, les institutions européennes : il s'agit de voir ensemble quelle est la place des régions, comment s'organise la subsidiarité, la décentralisation en Europe. Une déclaration commune sera élaborée à l'issue de la rencontre.
Centre Presse : Quelles sont vos relations avec le chancelier Gerhard Schrder ?
Jean-Pierre Raffarin : Elles sont très cordiales. C'est un homme de parole, de contact ; une personnalité particulièrement chaleureuse. J'ai des relations très directes et très cordiales avec lui. Je le respecte beaucoup. C'est une personnalité qui a un certain charisme. C'est un battant politique. Une vrai amitié s'est crée avec le Président Chirac.
Centre Presse : Cette rencontre de Poitiers aura-t-elle des prolongements en Poitou-Charentes ?
Jean-Pierre Raffarin : Je l'espère à plusieurs niveaux. D'abord je pense que Poitou-Charentes va profiter de cette rencontre pour construire des liens avec une ou des régions allemandes. Il y a une soixantaine de communes dans la région qui sont jumelées ; il y a des efforts à faire. C'est aussi l'occasion de faire en sorte qu'on rapproche nos universités. Je souhaite la préparation d'accords de formations universitaires. C'est l'occasion de bâtir un programme de soutien à l'enseignement de l'allemand en Poitou-Charentes. Nous avons, pour Poitou-Charentes, à bien nous faire connaître en Allemagne. C'est une des premières clientèles touristiques. Mais toutes les régions européennes sont en compétition internationale. La présence des télévisions et des médias allemands sera l'occasion de promouvoir nos réalisations, le Futuroscope en particulier.
Centre Presse : Les préparatifs de la rencontre de Poitiers ont suscité quelques réactions, notamment de la part de magistrats à propos du dîner prévu dans la salle des Pas-Perdus du palais de justice, de la part aussi de Poitevins un peu inquiets des mesures de sécurité qui restreindront la circulation des voitures et même des piétons. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Jean-Pierre Raffarin : J'ai été président de région pendant 15 ans. J'ai assisté à plus d'une dizaine de manifestations importantes dans la salle des Pas-Perdus, y compris européennes. J'y ai reçu la Conférence des régions périphériques maritimes et l'Assemblée des régions d'Europe. C'est un lieu qui a sa propre qualité, sa propre grandeur. Présenter Poitou-Charentes à travers son patrimoine, c'est une force importante. Tout cela est lié à des agitations électorales qui n'ont rien à voir dans ce sujet. Poitou-Charentes doit être une région européenne. Ne donnons pas le sentiment qu'on accueille à reculons. L'accueil est une ouverture. On va vers l'autre. L'amitié franco-allemande nécessite qu'on ouvre les bras et qu'on ait une attitude positive. J'ai reçu beaucoup de messages de Poitevins se disant très heureux que leur ville soit ainsi placée dans une actualité positive et européenne. Il ne faut pas que l'esprit partisan puisse venir affaiblir une initiative comme il y en a eu beaucoup en France. J'ai eu un peu de tristesse quand j'ai vu qu'on pouvait donner un sentiment de réserve quant à l'accueil de personnalités qui, en Allemagne et Europe, comptent énormément. Nous serons bientôt à Carcassonne pour l'accueil du Sommet franco-espagnol. L'accueil décentralisé des Sommets bilatéraux est une belle tradition française.
Centre Presse : Les länder sont-ils un bon exemple à suivre pour les régions françaises ?
Jean-Pierre Raffarin : Ce n'est pas la décentralisation à la française. Nos histoires sont différentes. Je pense qu'il y a un modèle français de décentralisation. Nous ne sommes pas un pays fédéral et nous ne le serons pas. Raison de plus pour avoir des contacts avec les länder parce qu'ils ont des responsabilités très importantes et qu'on ne parle pas avec Hamburg comme avec Munich. Pour nous, nous avons un schéma de développement à la française qui donne des responsabilités aux régions. Mais pour nous la région n'est pas une nation. Elle est un échelon de la nation. Pour nous, le fait régional a sa spécificité.
Centre Presse : Le dossier de la décentralisation progresse-t-il assez vite selon vous ?
Jean-Pierre Raffarin : Je pense qu'en dix-huit mois, c'est une réforme d'envergure. Nous avons des élections régionales et cantonales qui font que les équipes prendront les choses en main au printemps prochain. Nous verrons le vrai élan de la décentralisation à ce moment là. Mais pour l'instant il y a quand même quelques caricatures : ici ou là, on parle impôts locaux et décentralisation. Chacun sait que les impôts locaux payés cette année ont été votés l'année dernière où la décentralisation n'était pas en vigueur. Les impôts locaux aujourd'hui sont directement liés à des décisions antérieures concernant un certain nombre de transferts de charges qui n'ont pas été financés. La décentralisation trouvera sa force au printemps prochain après les élections. Je suis fier d'être le premier Premier ministre qui a réformé la Constitution pour mettre aujourd'hui l'Etat devant l'obligation du financement de tout transfert. Le Conseil constitutionnel va pouvoir faire entrer la décentralisation dans le droit. Car maintenant, les territoires, région, départements et communes, ont le meilleur protecteur de leur côté qui est le Conseil constitutionnel.
Centre Presse : Où en est-on du calendrier de la décentralisation ?
Jean-Pierre Raffarin : La loi organique est passée au Conseil des ministres. Elle sera à l'Assemblée nationale avant la fin de l'année. La loi de transferts sera au Sénat le 28 octobre. Les transferts de compétences seront opérationnels au 1er janvier 2005 Ce qui nous permettra de pouvoir, dans la Loi de finances de 2005, bien évaluer quels sont les transferts et d'assurer leur financement, selon donc les règles de la Constitution.
Centre Presse : Les autres collectivités doivent-elles craindre l'émergence des régions ?
Jean-Pierre Raffarin : La Région est une collectivité qui doit toujours valoriser le travail des autres. Elle n'est pas faite pour écraser les autres collectivités. La région est un partenaire. La dynamique régionale est une dynamique partenariale. Tout est fait pour inciter les différents échelons de décentralisation à travailler entre eux. La décentralisation est une coopération. Ce n'est ni un lieu de domination ni d'esprit partisan. Le mandat régional n'est pas un mandat partisan. Je vois que certains voudraient politiser le fait régional, ce serait le fragiliser. Il ne faut pas confondre assemblée régionale et Assemblée nationale.
Centre Presse : A terme, l'ensemble des échelons conserveront-ils toute leur pertinence ?
Jean-Pierre Raffarin : Je pense que la clarification des compétences fait qu'il y a maintenant deux couples qui vont s'articuler. Le couple Etat-régions principalement responsable des logiques de cohérence (l'aménagement du territoire, les grandes infrastructures, la formation) et puis le couple départements-communes ou communautés de communes qui lui est plus dans une logique de proximité et de services directs. Ces deux couples me paraissent être articulés pour vivre durablement en couple.
Centre Presse : Concernant la délocalisation, vous faites venir le Centre national de documentation pédagogique (CNDP) à Poitiers. Travaillez-vous sur d'autres dossiers ?
Jean-Pierre Raffarin : Oui nous sommes sur plusieurs sujets industriels, sur plusieurs délocalisations. Cette politique de délocalisation avait été lancée par Mme Cresson dont je partage les convictions décentralisatrices. Sur le CNDP, j'ai aussi regretté les polémiques. Nous avons inscrit dans le contrat de plan qui avait été signé avec le gouvernement socialiste de l'époque et la région Poitou-Charentes la création d'un pôle des industries de la connaissance sur le site du Futuroscope. A côté du CNED, de l'AFPA, le CNDP y a toute sa place, avec " l'Espemen ", les laboratoires C'est vraiment un partenariat Etat-région. Je m'inscris dans la continuité d'une action qui a commencé avec M. Monory.
Centre Presse : Pouvez-vous nous en dire plus sur les projets de délocalisation à l'étude ?
Jean-Pierre Raffarin : C'est trop tôt. Mais je suis fidèle à mes racines. Je trouve naturel que je puisse, tout en respectant les lois nationales auxquelles j'ai à me soumettre, que je sois attentif au développement de ma région et de mon département. Ces dossiers, je les suis toujours ici et régulièrement.
Centre Presse : Sur le plan budgétaire, la France a été récemment montrée du doigt comme une mauvaise élève. Pouvez-vous nous rappeler vos priorités actuelles ?
Jean-Pierre Raffarin : La France a à faire face à des mutations importantes et à des déficits nombreux qu'il nous faut traiter dans le temps. Il y a des sujets sur lesquels la France n'a pas fait en son temps et quand elle avait la croissance les réformes nécessaires. Maintenant, il faut les faire en période de faible croissance. Nous nous sommes engagés avec Bruxelles dans un processus de réformes. Nous leur avons montré que nous tenions nos promesses. Nous avons fait la réforme des retraites. Nous avons engagé l'assurance maladie. Nous avons fait la décentralisation. Notre programme se déroule tel que je m'y étais engagé. Je pense qu'on devrait arriver à ce qu'on ait une bonne compréhension entre la Commission et la France dans un esprit de coopération. Mais disons que cette Europe des procédures n'est pas l'Europe que je préfère. Nous sommes en train de construire une nouvelle Europe. L'Europe des lourdeurs, a besoin aujourd'hui de renouveau et c'est pour cela que je suis très heureux de voir se dessiner à l'horizon 2004 une nouvelle Europe profondément différente : élargie avec 25 pays, avec un traité d'Athènes qui va être proposé à la ratification au Parlement avant la fin de l'année, avec de nouvelles institutions, une action importante sur la croissance parce que je crois qu'il est très important de répondre à la première préoccupation des citoyens qui est l'emploi. L'Europe et l'euro doivent promouvoir la croissance. Dans ce total, on a là une perspective un peu nouvelle, une Europe plus politique, moins technocratique, plus articulée autour d'une présidence politique stable. L'Europe dépendra plus de la politique donc du citoyen que précédemment. Nous sommes en train de changer d'Europe : celle du XXe siècle laisse la place à celle du XXIe siècle. Je souhaite une Europe plus humaine et, de ce point de vue, là plus politique.
Centre Presse : Pour en revenir au Poitou-Charentes et aux prochaines élections régionales, serez-vous candidat sur la liste menée par Elisabeth Morin ?
Jean-Pierre Raffarin : On verra au début de l'année prochaine. Mais j'ai vraiment des dossiers très lourds au niveau national. Et puis je trouve vraiment qu'Elisabeth Morin a pris sa dimension, qu'elle s'est affirmée en peu de temps une femme de compétence, d'autorité, en même temps très à l'écoute du terrain. Elle correspond à cette nouvelle génération de responsables politiques qu'il faut pour notre pays. Les responsabilités doivent circuler. Un mandat réussi, c'est une succession réussie, me disait un jour un grand homme. Avec Elisabeth Morin, nous avons une femme de grande qualité, d'une grande humanité. Ma présence n'est pas du tout indispensable.
Centre Presse : Il semble qu'on vous voit un peu moins souvent dans la Vienne, est-ce une impression ?
Jean-Pierre Raffarin : Oui. Il se trouve que mes fonctions rendent mes visites moins discrètes. Donc, je suis obligé de mettre de la discrétion dans mes contacts mais je vais voir mes amis, écouter les uns et les autres, et je circule régulièrement dans la Vienne.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 26 janvier 2004)
INTERVIEW DANS FRANKFÜRTER ALGEMEINE ZEITUNG :
Q - Monsieur le Premier Ministre, vous allez accueillir le chancelier allemand, plusieurs ministres présidents des Länder et les présidents des régions françaises à Poitiers pour un forum sur la décentralisation et le fédéralisme. Qu'est-ce que la France peut apprendre du fédéralisme allemand ?
R - Le premier objectif de cette rencontre c'est de prolonger l'entente stratégique et institutionnelle qui existe entre le gouvernement allemand et le gouvernement français, entre M. Chirac et M. Schröder, par une intensification de la relation franco-allemande dans la société. Il ne faut pas qu'il y aie la proximité au sommet et puis l'écart sur le terrain. Je souhaite d'abord que les régions et les Länder soient des nouveaux médiateurs de l'amitié franco-allemande, des porteurs d'initiatives pour la société civile, pour nos universités, pour des projets d'entreprises. Mon objectif numéro un est de dire: engagez des coopérations, échangez des jeunes, multipliez les initiatives communes.
Q - Mais les régions françaises et les Länder allemands sont des unités très diverses.
R -Nous ne sommes pas un pays fédéral. Jamais une région française sera tout à fait comparable à un Land allemand. Mais les responsabilités pour les investissements et notamment pour tout ce qui touche à l'éducation et la formation professionnelle, l'apprentissage, tout ce qui est vraiment lié à l'avenir des territoires, là les responsabilités des régions sont très importantes. Je fais voter au parlement cinq lois qui vont donner des pouvoirs importants aux régions.
Q - Comment voulez-vous surmonter la barrière linguistique ?
R -Nous voulons défendre le français dans le monde. Nous avons compris que nous défendrons le français si nous sommes capables de défendre l'allemand. Car au fond, dans le monde, les problèmes de nos langues sont identiques. Si nous ne défendons ni le français ni l'allemand nous perdrons beaucoup de notre capacité culturelle. J'ai la chance d'avoir plusieurs de mes ministres qui parlent très bien allemand. Ça a fait partie du choix de la proposition de mon cabinet ministériel.
Q - Il paraît que le projet de la décentralisation est difficile à vendre en France.
R -Il s'agit de textes très techniques. Pour le citoyen, il veut que le TGV aille de Paris à Strasbourg et au-delà de Kehl. Que ce soit payé par la région ou par l'état, le citoyen n'est pas très motivé. En fait, la décentralisation c'est l'organisation des services.
Q - Le couple franco-allemand semble se trouver dans leur lune de miel en ce moment. Qu'est ce qui s'est passé récemment ?
R -Nous avons trouvé une forme de travail qui prolonge une analyse stratégique. C'est que dans une grande Europe la France et l'Allemagne ne peuvent pas aller dans les conseils européens avec des positions qui ne sont pas communes. Et quand nous ne sommes pas d'accord nous faisons chacun la moitié du chemin.
Q - Est-ce que la crise irakienne avait eu un effet mobilisateur ?
R -Je pense que ça a été une marque de confiance. Dans les instances internationales quand on est dans une situation de crise il est très difficile de ne pas pouvoir compter sur la parole de l'autre. Sur la convention européenne on est arrivé à trouver un compromis entre les positions françaises et allemandes. On a un certain nombre de sujets qui sont des sujets pour lesquels on anticipe les difficultés pour les traiter avant qu'elles ne se posent à nous avant le conseil européen. Nous avons confiance les uns dans les autres.
Q - Vous avez évoqué la convention européenne. Va-t-on aboutir ?
R -C'est difficile. C'est toujours pareil: Quand le couple franco-allemand ne marche pas on veut qu'il marche. Et quand il marche, il faut faire attention, il va être dominateur. D'où l'importance de faire en sorte qu'il y a un double travail dans cette relation franco-allemande: un travail sociétal pour entrer en profondeur ce partage franco-allemand dans la société et aussi un travail d'ouverture aux autres. La relation franco-allemande est un moteur et on est prêt à ajouter d'autres cylindres. On pense notamment, au moment où la défense et la politique étrangère deviennent de plus en plus des sujets européens qu'il est important d'associer le Royaume-Uni. Le Chancelier vient de le faire à Berlin.
Q - Tout de même il y a des petits pays qui ont peur d'un directorat franco-allemand.
R -Il faut plutôt chercher l'élargissement de notre entente plutôt que de fragiliser l'entente. Nos nations seraient inquiètes sur une Europe à 25 s'il n'y avait pas la capacité d'un travail efficace. Donc cette entente franco-allemande n'est pas suffisante, mais elle est nécessaire.
Q - Préférez-vous un référendum pour la ratification de la convention européenne ?
R -Le Président de la République décidera à l'issue de la conférence intergouvernementale. Nous verrons comment on peut préparer le rendez-vous de la ratification.
Q - L'entente franco-allemande s'applique aussi à une politique budgétaire contestée par Bruxelles et quelques pays partenaires. Vu les déficits publics en France et en Allemagne: est-ce que le pacte de stabilité et de croissance est mort ?
R -Non, parce que la discipline de la politique budgétaire est une nécessité. Il faut qu'on équilibre bien la stabilité et la croissance. Il faut que l'Europe s'occupe de la croissance et de l'emploi. Nous avons engagé en France des réformes structurelles qui sont ambitieuses et bonnes pour la croissance. Mais il faut comprendre que ces réformes ne peuvent pas avoir un impact budgétaire immédiat.
Q - Bruxelles demande une réduction sensible du déficit structurel en 2004. Comment réagissez-vous ?
R -Nous avons une attitude coopérative avec la commission. Nous avons fait une réforme des retraites, nous faisons la décentralisation et nous engageons la réforme de l'assurance maladie. Nous sommes en train de modifier en profondeur le visage de la France et de la société française. Tout ceci impose un certain nombre de choix et nous souhaitons que l'Union Européenne comprenne ces choix.
Q - Est-ce qu'il faut adapter le pacte ?
R -Il faudra discuter ensemble sur l'avenir du pacte de stabilité et de croissance. Je crois que ce qu'il faut c'est que le pacte soit moderne et que le facteur croissance soit autant pris en compte que celui de la stabilité.
Q - Jean-Claude Trichet devient président de la BCE. Qu'est-ce que vous attendez de lui ?
R -J'attends qu'il puisse aider par ses décisions et par l'ensemble de ses contacts, que la zone euro soit une zone de croissance et que l'on s'attaque à ce qui est à mon avis le point stratégique majeur pour l'avenir de l'Europe: c'est le différentiel de croissance avec les Etats-Unis sur le long terme. Il faut surmonter ce problème. C'est le point stratégique d'un banquier central, qui naturellement doit travailler en toute indépendance, mais qui naturellement doit penser aussi à l'emploi de chacun des citoyens européens. De ce point de vue la parité euro-dollar est un sujet majeur.
Q - Parmi les problèmes communs de nos deux pays on trouve le foulard. La France a-t-elle besoin d'une loi ?
R -Nous voulons vraiment appliquer une politique de fermeté en matière de laïcité. Pour nous la laïcité n'est pas la lutte contre les religions. Je pense que la religion et les héritages religieux de l'Europe sont des atouts pour la culture et l'identité européenne aujourd'hui. Nous voulons qu'il y aie un respect des règles de la République et qu'on ne puisse pas promouvoir dans la sphère publique un prosélytisme et des attitudes ostentatoires et quelques fois provocantes à des fins de propagande religieuse. Donc nous avons mis en place une commission d'experts. Nous ne faisons pas de la loi le préalable de la réflexion mais si pour faire respecter la laïcité à l'école il faut une loi nous ferons une loi.
Q - La France ne se trouve pas dans une situation brillante. Vous, en tant que Premier Ministre, êtes en baisse dans les sondages pendant que les élections régionales de mars 2004 approchent. Comment voulez-vous relancer la machine ?
R -Les sondages sont stabilisés. L'objectif qui est le mien est de réussir la législature de cinq ans. Donc j'ai un travail dans la durée qui passe par beaucoup de réformes structurelles. Je pense que nous avons fait le plus difficile; c'était d'engager des réformes sans croissance. La croissance revient. Pour le moment nous sommes en usine, nous travaillons et les produits de nos efforts ne sont pas encore arrivés en magasin. Dès 2004 les Français bénéficieront des fruits de nos efforts.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 26 janvier 2004)