Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur les missions des commissaires de police et les mesures en faveur de la police, Paris le 24 janvier 1995.

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Circonstance : Réunion des commissaires de police pour une journée nationale de la police au Palais des Congrès, Paris le 24 janvier 1995

Texte intégral

Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs les Commissaires,
Le 10 mai 1993, à l'invitation de Monsieur Charles PASQUA, je vous ai rencontré une première fois. Je souhaitais ainsi souligner l'importance de votre mission et des responsabilités que vous exercez au sommet de la hiérarchie policière.
Je vous ai alors rappelé que la force de l'État Républicain vient de la juste adaptation de ses institutions, de l'impartialité de son Administration, du refus des pressions et des sollicitations. En effet, l'État doit garantir la sécurité de chacun, dans le respect des principes juridiques essentiels qui définissent la démocratie.
Notre pays attend des serviteurs de la République qu'ils contribuent à affermir l'État.
Le bilan, en matière de sécurité, était, à l'époque, alarmant.
En 10 ans, de 1983 à 1993, la criminalité et la délinquance avaient augmenté de 60 %. Il fallait donc stopper cette progression et inverser la tendance. Tout devait être mis en oeuvre pour arrêter cette dégradation qui frappe d'abord les plus vulnérables de nos concitoyens et qui porte atteinte à la liberté.
Afin d'arriver à ce résultat, il fallait rendre leur efficacité à ceux qui ont la charge d'assurer la sécurité dans notre pays : magistrats, policiers et gendarmes, en tout premier lieu.
A cet effet, des mesures législatives importantes ont été mises en chantier, accompagnées d'une hausse exceptionnelle des moyens budgétaires.
L'ensemble de ces textes est aujourd'hui voté.
La procédure pénale a été révisée pour faciliter le déroulement des enquêtes que certaines dispositions, adoptées au début de l'année 1993, avaient gravement entravé.
La loi du 10 août 1993 a donné aux autorités administratives la possibilité de faire procéder à des contrôles d'identité dans certaines circonstances, avant qu'un acte contraire à la loi ne soit commis. Ils pourront être également effectués dans les zones frontalières, nonobstant l'entrée en application des accords de Schengen.
Policiers et gendarmes ont désormais à leur disposition des procédures qu'ils réclamaient largement et dont les effets préventifs et dissuasifs sur la délinquance ne sont plus à démontrer.
Les lois des 24 et 30 août 1993 ont rendu plus strictes les conditions du séjour régulier en France et celles du regroupement familial. Elles permettent de lutter contre certains détournements de la loi, tels la polygamie ou les mariages de complaisance. Elles prévoient des mesures efficaces pour lutter contre l'immigration clandestine. Elles permettent enfin une meilleure exécution des décisions administratives ou judiciaires en cas d'infraction à la législation sur le séjour.
Ce nouvel arsenal législatif a été complété par un accroissement sans précédent des moyens en personnels et en crédits.
Sous l'impulsion de Monsieur Charles PASQUA, dés 1994, les crédits de fonctionnement et d'équipement de la Police Nationale ont augmenté de 12 % et les effectifs de 2 500 emplois.
En décembre 1994, le Parlement a adopté la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Elle prévoit pour les 5 prochaines années la création de 5 000 emplois administratifs et une augmentation des crédits de 10 milliards de francs.
Deux autres lois parachèvent le dispositif de renforcement des moyens de l'État dans l'exercice de sa mission de sécurité.
La loi de programmation militaire, votée au printemps 94, prévoit la création de 2 000 emplois pour la Gendarmerie entre 1995 et 1999. La loi de programmation relative à la justice, votée à l'automne dernier, a retenu, pour les cinq prochaines années, la création de 6 000 emplois et une augmentation des crédits de 8 milliards de francs.
Je mentionnerai, enfin, la mise en place généralisée des plans départementaux de sécurité établis sous l'autorité des Préfets et des Procureurs de la République, pour que les services soient mieux coordonnés et adaptent, au plus près des réalités, leurs actions de prévention et de lutte contre la délinquance.
Toutes ces mesures ont donc été votées en moins de deux ans. Le travail du Gouvernement a été largement soutenu par la majorité. Son ampleur et sa cohérence sont considérables.
Il démontre aussi combien la tâche était importante.
Quel est le bilan de notre action? Il est tout à fait encourageant : de 1988 à 1992 la délinquance avait progressé de 34 %, soit près de 7 % par an, alors que depuis deux ans, l'augmentation a été inférieure à 1 %.
La délinquance de voie publique, que la population ressent tout particulièrement, a, quant à elle, baissé de 2,4 % au cours de l'année écoulée. Nous sommes donc dans la bonne direction.
Je n'oublierai pas les succès remportés dans la lutte contre le crime organisé : je pense au démantèlement des filières de drogue ou à la lutte contre le terrorisme et au grand succès que fut l'arrestation de CARLOS.
A l'occasion du détournement de l'avion d'Air France à ALGER, j'ai clairement signifié que notre pays ne céderait pas à la menace terroriste.
Des manifestations très dures ont également eu lieu au cours de l'année 1994. Les forces de l'ordre les ont affrontées avec une maîtrise et un sang-froid auxquels je tiens à rendre hommage.
Pensons à ceux qui, au cours des mois écoulés, policiers et gendarmes, ont donné leur vie ou ont souffert dans leur chair au service du pays. Pensons aussi à leurs familles qui sont dans la peine et méritent la sympathie et le respect des Français.
Sous l'autorité du Ministre d'État, c'est à vous Mesdames et Messieurs les Commissaires, de poursuivre l'action entreprise depuis avril 1993. L'objectif est de maintenir la paix publique jusque dans les zones les plus sensibles.
Beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire. Dans les prochaines semaines, les décrets d'application des textes votés seront pris et les moyens en personnel et crédits décidés se traduiront dans les faits.
Au sein de la Police Nationale, vous appartenez au corps de direction et de conception, vous en êtes les responsables. Je sais l'esprit de mobilisation que vous avez insufflé au cours des derniers mois à vos personnels. Les premiers résultats en témoignent.
Cet effort ne doit pas se relâcher, il doit être poursuivi, amplifié même. Il est la condition des succès que nous devons emporter dans la lutte contre la criminalité et la délinquance.
Trop de zones urbaines sont encore victimes de violences intolérables dans un État de droit. Trop de jeunes mal armés moralement, mal formés à la vie dans la cité, sombrent dans la délinquance ou dans la drogue. Il faut les aider à retrouver le goût, le sens de la vie. Il faut aussi punir ceux qui sont à l'origine de tous les trafics qui gangrènent des quartiers entiers. On ne peut accepter qu'un petit nombre fasse souffrir une majorité d'hommes et de femmes de toutes origines qui respectent les lois et désirent vivre en paix.
Quand la volonté et la détermination existent, il n'y a pas de fatalité. Même dans ces secteurs, l'État retrouvera la plénitude de ses fonctions.
Votre autorité a été clairement réaffirmée. A chacun maintenant, à la place qui lui est confiée, d'assumer ses responsabilités !
Il vous appartient de promouvoir une police active et proche des citoyens une police solidaire, responsable, humaine, entraînée par une hiérarchie présente et attentive. Vous devrez toujours être guidés par une déontologie stricte.
La dernière promotion de commissaires de police a pris pour nom de baptême Saint-Exupéry. Lors de la cérémonie de remise de l'écharpe aux jeunes commissaires, j'avais rappelé la définition que le grand écrivain donnait de l'autorité : "L'autorité repose d'abord sur la raison. J'ai le droit d'exiger l'obéissance parce que mes ordres sont raisonnables". Tous ceux qui exercent un commandement, à quelque niveau qu'ils soient, peuvent, je pense, méditer avec profit ces justes propos de Saint-Exupéry.
La réussite de notre politique de sécurité, dont les premiers effets se font concrètement sentir, repose sur votre action personnelle.
J'ai tenu à venir une nouvelle fois parmi vous, pour vous confirmer la confiance du Gouvernement, vous remercier du travail accompli, vous redire enfin l'attente de nos concitoyens dont la sécurité doit tant à votre engagement.
Respect de la loi, sécurité, fraternité envers les plus faibles, voilà ce qui fonde l'État républicain. Voilà, Mesdames et Messieurs les commissaires, ce qui doit orienter votre action au service de la France.