Texte intégral
Monsieur le président, cher Serge MARTI,
Mesdames, Messieurs,
Je souhaite, avant tout, vous adresser, ainsi qu'à vos proches mes vux les plus chaleureux pour cette nouvelle année.
Bien sûr, en ce début janvier, notre rencontre a une tonalité particulière.
Elle est marquée par le drame présent dans tous les esprits, par cette catastrophe naturelle sans précédent qui a frappé l'Océan indien le 26 décembre dernier.
Tout concourt, en effet, à faire de ce drame, un sujet de stupeur et de réflexion : nombre de pays touchés, nationalités diverses des victimes, incertitude du nombre de ces victimes, évolutions du drame une fois l'événement lui-même terminé, ampleur de la solidarité internationale, relais médiatiques dans le monde entier, unanimité des réactions devant une souffrance dont l'origine n'est ni un conflit militaire ou politique, ni, au sens strict, un déséquilibre imputable à l'ordre des hommes.
En ce sens, la comparaison avec le tremblement de terre qui a détruit Lisbonne il y a 250 ans n'est pas absurde. On se souvient que cette catastrophe a donné lieu, dans l'Europe des Lumières, aussi bien à une réflexion morale, de Voltaire à Rousseau, qu'à un foisonnement de travaux scientifiques sur l'origine des tremblements de terre.
Ce rapprochement m'inspire trois remarques.
A l'évidence, il y a une réelle continuité de Voltaire à nos jours. On aura beau, dit Voltaire expliquer que d'un mal, sort, in fine, une harmonie, tout cela butera toujours sur le mal et la souffrance ici et maintenant.
En revanche, l'horreur aujourd'hui s'attache à un fait, pas à un " scandale ". Le questionnement n'est plus le " pourquoi ? ", mais le " comment ? ".
Aujourd'hui, on sait expliquer les tremblements de terre. Les prévoir, c'est autre chose Là encore, la question s'est déplacée.
Non plus " pourquoi cela se produit ? ", ni même " comment cela se produit ? ", mais " comment éviter les conséquences dramatiques ? ". Ce n'est plus science contre foi, ni même science expliquant le réel, mais science et politique.
Et donc, à l'heure où l'on vilipende les sommets internationaux, de Davos aux G8 ou à l'OMC, à l'heure où foisonnent, au contraire, des engagements citoyens d'inspirations multiples, cette catastrophe naturelle, précisément parce qu'elle n'est pas interprétable politiquement, est peut-être l'occasion de redonner un sens mieux partagé à ces sommets, tant dans leur aspect de gestion cosmopolite, que dans leur volonté de gouvernance du futur.
Ce sera, sans doute, aussi un des aspects de la conférence des donateurs à laquelle je me rends aujourd'hui même à Genève ou de la réunion, demain, du club de Paris à propos de la dette des pays touchés par le raz de marée.
Ce début d'année est aussi, vous l'avez rappelé, cher Serge MARTI, assombri par les inquiétudes qui pèsent sur le sort de votre consoeur Florence AUBENAS. Vous le savez, comme ce fut le cas pour Christian CHESNOT et Georges MALBRUNOT, l 'État mobilise tous ses moyens pour la retrouver. Nous sommes, bien sûr, de tout cur avec elle, avec sa famille et ses confrères de Libération.
Mesdames, Messieurs,
A l'évidence, arrivé depuis un peu plus d'un mois à la tête du ministère des Finances, ce ne sont que de premiers éléments de diagnostic que je voudrais, en présence de François LOOS et de Patrick DEVEDJIAN, partager avec vous.
2004 aura été marquée par le retour de la croissance.
avec la reprise de la consommation, d'abord, qui aura gagné au moins 2 % en 2004 en France, soit deux fois plus que dans le reste de la zone euro
avec la reprise des investissements, ensuite : près de + 3 % en volume pour l'ensemble des entreprises
Les derniers indicateurs témoignent ainsi d'un rebond très sensible de la croissance en fin d'année, après le trou d'air enregistré cet été que confirment les récents chiffres du 3e trimestre.
Compte tenu du rebond du 4e trimestre 2004 (entre + 0,6 % et + 0,8 %) et du plus grand nombre de jours travaillés cette année, la croissance devrait avoisiner 2,5 % sur l'ensemble de l'année 2004.
Cette bonne performance de l'économie française au sein de la zone euro est, bien sûr, le reflet d'une meilleure conjoncture mondiale. Elle est aussi le fruit de l'action économique menée par le gouvernement dans deux domaines : la maîtrise de nos dépenses publiques et le soutien au pouvoir d'achat.
L'assainissement durable des finances publiques a été le premier axe de l'action du gouvernement.
Vous le savez, Mesdames et Messieurs, réduire la dette et les déficits, ce n'est pas une obsession purement comptable.
Par définition, vivre à crédit enlève son crédit à l'action politique.
Ce n'est donc qu'en réduisant cette dette dans la durée que l'effort du gouvernement et des Français peut être lisible.
Ce n'est qu'à cette condition qu'on peut affecter réellement les ressources du pays à la construction de son avenir et redonner un sens à la volonté politique.
Nous devons retrouver le sens des responsabilités partagées. Nous devons apprendre à regarder la dépense publique de manière collective. Nous ne pouvons plus demander à l'État, à la sécurité sociale, aux collectivités locales plus que ce que nous sommes prêts à lui donner.
Grâce à l'application de la LOLF, je souhaite que cette année 2005 marque une nouvelle approche des dépenses publiques, désintoxiquée des dépenses de facilité, responsable, soucieuse de sa totale efficacité, et ce, dès le premier euro dépensé.
Pour être au rendez-vous de la croissance, le gouvernement s'est également employé à soutenir la consommation et l'investissement :
c'est la forte revalorisation du Smic : + 11 % en deux ans
c'est la hausse de 10 % de la prime pour l'emploi
ce sont les mesures en faveur des donations et du déblocage des fonds d'épargne salariale
sans oublier les mesures du projet de loi de finances pour 2005 : la réforme des droits de succession et la baisse programmée de l'impôt sur les sociétés
Ces mesures ont déjà commencé à porter leurs fruits en 2004 et devraient continuer à le faire dans les prochains mois.
Au-delà de ces mesures économiques ciblées, l'acquis du gouvernement, c'est aussi la confiance restaurée de nos concitoyens dans la capacité de l'État à redonner son sens au mot de réforme, qui avait été dévalorisé depuis des années, quand il n'était pas instrumentalisé à tout propos.
Avec nos succès sur le front de l'insécurité, grâce à des réformes ambitieuses, celle des retraites et celle de l'assurance-maladie, qui garantissent à nos concitoyens la pérennité de notre modèle de protection sociale, avec les assouplissements nouveaux des 35 heures annoncés par le Premier ministre en décembre, le gouvernement a fait la preuve qu'il est possible d'engager les changements dont le pays a besoin et qui avaient été trop longtemps différés.
Ces réformes sont aussi marquées par une méthode qui consiste à se donner le temps nécessaire à un diagnostic partagé, à la mise en place d'instances de concertation inédites, pour aboutir à des réformes justes et équilibrées. C'est bien cette méthode que je veux employer pour lever les blocages de notre économie que beaucoup s'accordent à dénoncer, parfois depuis longtemps.
Avec, pour la France, une croissance légèrement supérieure à celle de la zone euro, je reste optimiste pour l'année 2005.
Nous devons, bien sûr, rester extrêmement vigilants face aux deux menaces que représentent les fluctuations du prix du pétrole et la sous évaluation prolongée du dollar.
J'y suis, pour ma part, très attentif, depuis mon arrivée à la tête de ce ministère, il y a un peu plus d'un mois et je le resterai, tout en mettant en oeuvre une politique économique déterminée, loin de la sinistrose entretenue par certains quant aux marges de manoeuvre des politiques économiques nationales.
C'est la feuille de route que le Premier ministre, avec le contrat 2005, et le Président de la République, dans ses voeux aux forces vives, ont tracée.
Je suis, en effet, profondément convaincu d'une chose.
L'avenir n'est ni l'inéluctable ni l'extrapolation à partir du présent. Il n'y a pas de fatalité économique. Il ne saurait non plus y avoir de notre part de relâchement dans la modernisation économique du pays.
Nous devons lever les verrous qui brident les énergies et empêchent les initiatives et, avant tout, sur le marché du travail.
Cela passe, entre autres, par les mesures du contrat 2005 que nous allons mettre en oeuvre : accords sur le temps choisi ; développement des services à la personne ; simplification du droit du travail.
Vous le savez, nous n'avons pas de tradition d'une France forte et d'un État faible. C'est dire le lien qui unit la croissance, la compétitivité économique, le dynamisme de notre pays et la réforme de l'État.
Beaucoup a été dit et écrit sur la réforme de l'État. Mais une chose continue de me frapper : c'est qu'on parle beaucoup de la réforme de l'État et beaucoup moins des réformes dans l'État.
Je connais le rôle moteur qu'a toujours joué le ministère des Finances dans cette modernisation de l'État. Depuis 2002, sous l'impulsion de mes prédécesseurs, Bercy s'est remis en mouvement.
Certes, ces efforts restent parfois trop méconnus : combien savent que grâce à trois centres d'appel, on peut obtenir par téléphone des informations fiscales de 8 à 22 h ? Ce sont ces avancées concrètes, tournées vers les attentes des utilisateurs qui améliorent au quotidien les services publics rendus.
Mais, ne l'oublions pas. 2005, c'est l'année où la France a rendez-vous avec l'Europe. C'est aussi l'année où la France, forte d'importantes réformes de structure, renoue avec la préparation de l'avenir, comme le Président de la République vient de nous y inviter fortement. Je pense à notre système de recherche et d'innovation, je pense à la politique industrielle et d'investissement.
A cet égard, je l'ai dit dès ma prise de fonctions, je suis frappé de voir que nous nous sommes trop longtemps habitués à l'idée du déclin de notre base industrielle.
C'est pourquoi, je le redis devant vous : je ne crois pas à une France sans industrie et je me reconnais pleinement dans la volonté exprimée par le Président de la République de renouer avec une véritable ambition industrielle.
On entend parfois, dans une vulgate libérale mal assimilée, que la disparition de la production industrielle serait une fatalité. Certains pays, d'ailleurs, ont fait ce choix de sacrifier des pans entiers de leur production agricole ou industrielle. Ce n'est pas le choix de la France.
Certes, l'industrie de demain n'aura pas les mêmes contours que celle d'hier. Il lui faudra conquérir de nouveaux secteurs, monter en gamme vers les activités du futur à forte valeur ajoutée.
Et pour cela, une des meilleures recettes, c'est l'innovation, encore et toujours, à travers les grands projets que nous pourrons encourager grâce aux moyens consacrés à la future Agence de l'innovation industrielle, mais aussi en dynamisant notre tissu stratégique de PME/PMI. Nous pourrons nous appuyer sur les réformes menées depuis deux ans pour encourager l'innovation avec des mesures comme le crédit d'impôt recherche ou, plus récemment, le rapprochement entre l'ANVAR et la BDPME.
Le défi que nous devons relever, c'est de concilier le volontarisme à l'échelle internationale et une attention de chaque instant aux rouages économiques de notre modèle de production et de consommation.
Je prends un exemple.
Le comportement de nos concitoyens en matière d'épargne détonne à l'étranger et constitue un handicap en termes de création d'activité et d'emploi.
Notre taux d'épargne, à près de 16 %, n'a, bien sûr, rien à voir avec celui des Américains. Plus surprenant, il est nettement supérieur à celui de nos voisins allemands.
Pour autant, il n'existe pas sur ce sujet de réponse d'en haut, macroéconomique, mais, au contraire, une multitude de niches fiscales à nettoyer, de courroies de transmission dans les circuits d'épargne à libérer, d'obstacles psychologiques et réglementaires à lever...
C'est à ce type de chantier que je souhaite m'attaquer.
Un autre défi sera de réussir à mener simultanément la réduction du déficit - dès 2005, nous nous sommes engagés à être sous les 3 % du PIB - et la baisse des impôts et des charges qui devra, nécessairement, être financée par des réductions de dépenses équivalentes.
Nous tiendrons cet objectif, parce que nous serons intransigeants, Jean-François COPÉ et moi, sur l'efficacité des dépenses publiques.
Nous poursuivrons une action résolue de cession des actifs non stratégiques de l'État. Parce que nous devons relever ce défi : réduire les déficits et faire baisser les charges.
Voici donc quelle sera ma méthode dans les mois à venir.
D'abord, jouer de notre influence, de nos atouts et de notre modèle social pour faire passer notre message à nos partenaires, en Europe et dans le reste du monde.
Comme je l'ai fait quand j'étais ministre de l'Agriculture, j'entends bien mettre à profit les rencontres internationales à venir pour avancer, avec mes collègues étrangers, dans cette voie.
Ensuite, continuer d'arpenter notre pays pour rencontrer les acteurs économiques sur le terrain.
Aller sur le terrain, c'est la seule manière d'apprendre la France. D'écouter, de voir, de comprendre et de recueillir, à travers des prismes différents, une part de vérité.
Je l'ai fait depuis un mois et demi et je continuerai à me rendre en région pour identifier, au plus près des préoccupations de ceux qui font notre économie au quotidien, les freins, les verrous, les obstacles qui brident la croissance de notre pays.
Enfin, j'entends bien déverrouiller notre économie à tous les niveaux.
Plusieurs rapports, CAMDESSUS, ARTUS, CAHUC - KRAMARZ ont établi un diagnostic très clair des freins qui brident la croissance de notre pays.
Mais le sursaut annoncé ne viendra pas tout seul. Ce ne seront pas nécessairement les décisions les plus spectaculaires ou les annonces les plus fracassantes qui le rendront possible.
Une chose est de dire ce qu'il faudrait faire pour renouer avec la croissance et le plein emploi.
Une autre est d'imaginer et de mettre en uvre, concrètement, modestement, peu à peu mais pour longtemps, les centaines de révolutions minuscules qui ont plus d'effet que la révolution majuscule dont on parle beaucoup et qu'on ne fait jamais.
Vous l'aurez compris. Je suis de ceux qui préfèrent les résultats aux promesses et qui veulent inscrire leur action dans la durée. Pour libérer les forces d'innovation encore en sommeil dans notre pays. Pour mobiliser au mieux les gisements d'emploi.
Mesdames, Messieurs,
Deux réflexions pour terminer.
La première, c'est que j'ai été très frappé d'entendre, lors de ma nomination, mon homologue allemand me dire : " du bist der sechste in sechs Jahren ", " tu es le sixième en six ans "... Ce que je voudrais, donc, c'est redonner de la stabilité à la conduite de notre politique économique. Cela passe par la mise en perspective de nos choix, qu'ils soient économiques, budgétaires et financiers ou encore industriels.
Et c'est d'autant plus indispensable que chez nous, l'économie n'est pas toujours bien perçue ni bien comprise.
Un pays qui a fait un succès à un ouvrage sur " l'horreur économique " est un pays où il faut absolument faire preuve d'une grande pédagogie. Je sais, et je m'en réjouis, que votre association partage cette conviction.
J'aurais, ainsi, l'occasion dans un mois, le 8 février, d'évoquer devant vous, avec Jean-François COPÉ, Patrick DEVEDJIAN et François LOOS, les principaux chantiers sur lesquels je compte engager l'action de réforme économique de notre pays.
La deuxième remarque c'est que je souhaite maintenir, sous des formes diverses, cette périodicité de nos rencontres.
Vous le savez, cette maison vous est ouverte. Vous trouverez toujours auprès de moi-même ou de mes collaborateurs une oreille attentive et disponible pour répondre à vos questions. Des rencontres informelles ont déjà eu lieu, je m'en réjouis. Je sais qu'elles se poursuivront dans les semaines et les mois à venir, au gré des questions soulevées par l'actualité.
Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 14 janvier 2005)
Mesdames, Messieurs,
Je souhaite, avant tout, vous adresser, ainsi qu'à vos proches mes vux les plus chaleureux pour cette nouvelle année.
Bien sûr, en ce début janvier, notre rencontre a une tonalité particulière.
Elle est marquée par le drame présent dans tous les esprits, par cette catastrophe naturelle sans précédent qui a frappé l'Océan indien le 26 décembre dernier.
Tout concourt, en effet, à faire de ce drame, un sujet de stupeur et de réflexion : nombre de pays touchés, nationalités diverses des victimes, incertitude du nombre de ces victimes, évolutions du drame une fois l'événement lui-même terminé, ampleur de la solidarité internationale, relais médiatiques dans le monde entier, unanimité des réactions devant une souffrance dont l'origine n'est ni un conflit militaire ou politique, ni, au sens strict, un déséquilibre imputable à l'ordre des hommes.
En ce sens, la comparaison avec le tremblement de terre qui a détruit Lisbonne il y a 250 ans n'est pas absurde. On se souvient que cette catastrophe a donné lieu, dans l'Europe des Lumières, aussi bien à une réflexion morale, de Voltaire à Rousseau, qu'à un foisonnement de travaux scientifiques sur l'origine des tremblements de terre.
Ce rapprochement m'inspire trois remarques.
A l'évidence, il y a une réelle continuité de Voltaire à nos jours. On aura beau, dit Voltaire expliquer que d'un mal, sort, in fine, une harmonie, tout cela butera toujours sur le mal et la souffrance ici et maintenant.
En revanche, l'horreur aujourd'hui s'attache à un fait, pas à un " scandale ". Le questionnement n'est plus le " pourquoi ? ", mais le " comment ? ".
Aujourd'hui, on sait expliquer les tremblements de terre. Les prévoir, c'est autre chose Là encore, la question s'est déplacée.
Non plus " pourquoi cela se produit ? ", ni même " comment cela se produit ? ", mais " comment éviter les conséquences dramatiques ? ". Ce n'est plus science contre foi, ni même science expliquant le réel, mais science et politique.
Et donc, à l'heure où l'on vilipende les sommets internationaux, de Davos aux G8 ou à l'OMC, à l'heure où foisonnent, au contraire, des engagements citoyens d'inspirations multiples, cette catastrophe naturelle, précisément parce qu'elle n'est pas interprétable politiquement, est peut-être l'occasion de redonner un sens mieux partagé à ces sommets, tant dans leur aspect de gestion cosmopolite, que dans leur volonté de gouvernance du futur.
Ce sera, sans doute, aussi un des aspects de la conférence des donateurs à laquelle je me rends aujourd'hui même à Genève ou de la réunion, demain, du club de Paris à propos de la dette des pays touchés par le raz de marée.
Ce début d'année est aussi, vous l'avez rappelé, cher Serge MARTI, assombri par les inquiétudes qui pèsent sur le sort de votre consoeur Florence AUBENAS. Vous le savez, comme ce fut le cas pour Christian CHESNOT et Georges MALBRUNOT, l 'État mobilise tous ses moyens pour la retrouver. Nous sommes, bien sûr, de tout cur avec elle, avec sa famille et ses confrères de Libération.
Mesdames, Messieurs,
A l'évidence, arrivé depuis un peu plus d'un mois à la tête du ministère des Finances, ce ne sont que de premiers éléments de diagnostic que je voudrais, en présence de François LOOS et de Patrick DEVEDJIAN, partager avec vous.
2004 aura été marquée par le retour de la croissance.
avec la reprise de la consommation, d'abord, qui aura gagné au moins 2 % en 2004 en France, soit deux fois plus que dans le reste de la zone euro
avec la reprise des investissements, ensuite : près de + 3 % en volume pour l'ensemble des entreprises
Les derniers indicateurs témoignent ainsi d'un rebond très sensible de la croissance en fin d'année, après le trou d'air enregistré cet été que confirment les récents chiffres du 3e trimestre.
Compte tenu du rebond du 4e trimestre 2004 (entre + 0,6 % et + 0,8 %) et du plus grand nombre de jours travaillés cette année, la croissance devrait avoisiner 2,5 % sur l'ensemble de l'année 2004.
Cette bonne performance de l'économie française au sein de la zone euro est, bien sûr, le reflet d'une meilleure conjoncture mondiale. Elle est aussi le fruit de l'action économique menée par le gouvernement dans deux domaines : la maîtrise de nos dépenses publiques et le soutien au pouvoir d'achat.
L'assainissement durable des finances publiques a été le premier axe de l'action du gouvernement.
Vous le savez, Mesdames et Messieurs, réduire la dette et les déficits, ce n'est pas une obsession purement comptable.
Par définition, vivre à crédit enlève son crédit à l'action politique.
Ce n'est donc qu'en réduisant cette dette dans la durée que l'effort du gouvernement et des Français peut être lisible.
Ce n'est qu'à cette condition qu'on peut affecter réellement les ressources du pays à la construction de son avenir et redonner un sens à la volonté politique.
Nous devons retrouver le sens des responsabilités partagées. Nous devons apprendre à regarder la dépense publique de manière collective. Nous ne pouvons plus demander à l'État, à la sécurité sociale, aux collectivités locales plus que ce que nous sommes prêts à lui donner.
Grâce à l'application de la LOLF, je souhaite que cette année 2005 marque une nouvelle approche des dépenses publiques, désintoxiquée des dépenses de facilité, responsable, soucieuse de sa totale efficacité, et ce, dès le premier euro dépensé.
Pour être au rendez-vous de la croissance, le gouvernement s'est également employé à soutenir la consommation et l'investissement :
c'est la forte revalorisation du Smic : + 11 % en deux ans
c'est la hausse de 10 % de la prime pour l'emploi
ce sont les mesures en faveur des donations et du déblocage des fonds d'épargne salariale
sans oublier les mesures du projet de loi de finances pour 2005 : la réforme des droits de succession et la baisse programmée de l'impôt sur les sociétés
Ces mesures ont déjà commencé à porter leurs fruits en 2004 et devraient continuer à le faire dans les prochains mois.
Au-delà de ces mesures économiques ciblées, l'acquis du gouvernement, c'est aussi la confiance restaurée de nos concitoyens dans la capacité de l'État à redonner son sens au mot de réforme, qui avait été dévalorisé depuis des années, quand il n'était pas instrumentalisé à tout propos.
Avec nos succès sur le front de l'insécurité, grâce à des réformes ambitieuses, celle des retraites et celle de l'assurance-maladie, qui garantissent à nos concitoyens la pérennité de notre modèle de protection sociale, avec les assouplissements nouveaux des 35 heures annoncés par le Premier ministre en décembre, le gouvernement a fait la preuve qu'il est possible d'engager les changements dont le pays a besoin et qui avaient été trop longtemps différés.
Ces réformes sont aussi marquées par une méthode qui consiste à se donner le temps nécessaire à un diagnostic partagé, à la mise en place d'instances de concertation inédites, pour aboutir à des réformes justes et équilibrées. C'est bien cette méthode que je veux employer pour lever les blocages de notre économie que beaucoup s'accordent à dénoncer, parfois depuis longtemps.
Avec, pour la France, une croissance légèrement supérieure à celle de la zone euro, je reste optimiste pour l'année 2005.
Nous devons, bien sûr, rester extrêmement vigilants face aux deux menaces que représentent les fluctuations du prix du pétrole et la sous évaluation prolongée du dollar.
J'y suis, pour ma part, très attentif, depuis mon arrivée à la tête de ce ministère, il y a un peu plus d'un mois et je le resterai, tout en mettant en oeuvre une politique économique déterminée, loin de la sinistrose entretenue par certains quant aux marges de manoeuvre des politiques économiques nationales.
C'est la feuille de route que le Premier ministre, avec le contrat 2005, et le Président de la République, dans ses voeux aux forces vives, ont tracée.
Je suis, en effet, profondément convaincu d'une chose.
L'avenir n'est ni l'inéluctable ni l'extrapolation à partir du présent. Il n'y a pas de fatalité économique. Il ne saurait non plus y avoir de notre part de relâchement dans la modernisation économique du pays.
Nous devons lever les verrous qui brident les énergies et empêchent les initiatives et, avant tout, sur le marché du travail.
Cela passe, entre autres, par les mesures du contrat 2005 que nous allons mettre en oeuvre : accords sur le temps choisi ; développement des services à la personne ; simplification du droit du travail.
Vous le savez, nous n'avons pas de tradition d'une France forte et d'un État faible. C'est dire le lien qui unit la croissance, la compétitivité économique, le dynamisme de notre pays et la réforme de l'État.
Beaucoup a été dit et écrit sur la réforme de l'État. Mais une chose continue de me frapper : c'est qu'on parle beaucoup de la réforme de l'État et beaucoup moins des réformes dans l'État.
Je connais le rôle moteur qu'a toujours joué le ministère des Finances dans cette modernisation de l'État. Depuis 2002, sous l'impulsion de mes prédécesseurs, Bercy s'est remis en mouvement.
Certes, ces efforts restent parfois trop méconnus : combien savent que grâce à trois centres d'appel, on peut obtenir par téléphone des informations fiscales de 8 à 22 h ? Ce sont ces avancées concrètes, tournées vers les attentes des utilisateurs qui améliorent au quotidien les services publics rendus.
Mais, ne l'oublions pas. 2005, c'est l'année où la France a rendez-vous avec l'Europe. C'est aussi l'année où la France, forte d'importantes réformes de structure, renoue avec la préparation de l'avenir, comme le Président de la République vient de nous y inviter fortement. Je pense à notre système de recherche et d'innovation, je pense à la politique industrielle et d'investissement.
A cet égard, je l'ai dit dès ma prise de fonctions, je suis frappé de voir que nous nous sommes trop longtemps habitués à l'idée du déclin de notre base industrielle.
C'est pourquoi, je le redis devant vous : je ne crois pas à une France sans industrie et je me reconnais pleinement dans la volonté exprimée par le Président de la République de renouer avec une véritable ambition industrielle.
On entend parfois, dans une vulgate libérale mal assimilée, que la disparition de la production industrielle serait une fatalité. Certains pays, d'ailleurs, ont fait ce choix de sacrifier des pans entiers de leur production agricole ou industrielle. Ce n'est pas le choix de la France.
Certes, l'industrie de demain n'aura pas les mêmes contours que celle d'hier. Il lui faudra conquérir de nouveaux secteurs, monter en gamme vers les activités du futur à forte valeur ajoutée.
Et pour cela, une des meilleures recettes, c'est l'innovation, encore et toujours, à travers les grands projets que nous pourrons encourager grâce aux moyens consacrés à la future Agence de l'innovation industrielle, mais aussi en dynamisant notre tissu stratégique de PME/PMI. Nous pourrons nous appuyer sur les réformes menées depuis deux ans pour encourager l'innovation avec des mesures comme le crédit d'impôt recherche ou, plus récemment, le rapprochement entre l'ANVAR et la BDPME.
Le défi que nous devons relever, c'est de concilier le volontarisme à l'échelle internationale et une attention de chaque instant aux rouages économiques de notre modèle de production et de consommation.
Je prends un exemple.
Le comportement de nos concitoyens en matière d'épargne détonne à l'étranger et constitue un handicap en termes de création d'activité et d'emploi.
Notre taux d'épargne, à près de 16 %, n'a, bien sûr, rien à voir avec celui des Américains. Plus surprenant, il est nettement supérieur à celui de nos voisins allemands.
Pour autant, il n'existe pas sur ce sujet de réponse d'en haut, macroéconomique, mais, au contraire, une multitude de niches fiscales à nettoyer, de courroies de transmission dans les circuits d'épargne à libérer, d'obstacles psychologiques et réglementaires à lever...
C'est à ce type de chantier que je souhaite m'attaquer.
Un autre défi sera de réussir à mener simultanément la réduction du déficit - dès 2005, nous nous sommes engagés à être sous les 3 % du PIB - et la baisse des impôts et des charges qui devra, nécessairement, être financée par des réductions de dépenses équivalentes.
Nous tiendrons cet objectif, parce que nous serons intransigeants, Jean-François COPÉ et moi, sur l'efficacité des dépenses publiques.
Nous poursuivrons une action résolue de cession des actifs non stratégiques de l'État. Parce que nous devons relever ce défi : réduire les déficits et faire baisser les charges.
Voici donc quelle sera ma méthode dans les mois à venir.
D'abord, jouer de notre influence, de nos atouts et de notre modèle social pour faire passer notre message à nos partenaires, en Europe et dans le reste du monde.
Comme je l'ai fait quand j'étais ministre de l'Agriculture, j'entends bien mettre à profit les rencontres internationales à venir pour avancer, avec mes collègues étrangers, dans cette voie.
Ensuite, continuer d'arpenter notre pays pour rencontrer les acteurs économiques sur le terrain.
Aller sur le terrain, c'est la seule manière d'apprendre la France. D'écouter, de voir, de comprendre et de recueillir, à travers des prismes différents, une part de vérité.
Je l'ai fait depuis un mois et demi et je continuerai à me rendre en région pour identifier, au plus près des préoccupations de ceux qui font notre économie au quotidien, les freins, les verrous, les obstacles qui brident la croissance de notre pays.
Enfin, j'entends bien déverrouiller notre économie à tous les niveaux.
Plusieurs rapports, CAMDESSUS, ARTUS, CAHUC - KRAMARZ ont établi un diagnostic très clair des freins qui brident la croissance de notre pays.
Mais le sursaut annoncé ne viendra pas tout seul. Ce ne seront pas nécessairement les décisions les plus spectaculaires ou les annonces les plus fracassantes qui le rendront possible.
Une chose est de dire ce qu'il faudrait faire pour renouer avec la croissance et le plein emploi.
Une autre est d'imaginer et de mettre en uvre, concrètement, modestement, peu à peu mais pour longtemps, les centaines de révolutions minuscules qui ont plus d'effet que la révolution majuscule dont on parle beaucoup et qu'on ne fait jamais.
Vous l'aurez compris. Je suis de ceux qui préfèrent les résultats aux promesses et qui veulent inscrire leur action dans la durée. Pour libérer les forces d'innovation encore en sommeil dans notre pays. Pour mobiliser au mieux les gisements d'emploi.
Mesdames, Messieurs,
Deux réflexions pour terminer.
La première, c'est que j'ai été très frappé d'entendre, lors de ma nomination, mon homologue allemand me dire : " du bist der sechste in sechs Jahren ", " tu es le sixième en six ans "... Ce que je voudrais, donc, c'est redonner de la stabilité à la conduite de notre politique économique. Cela passe par la mise en perspective de nos choix, qu'ils soient économiques, budgétaires et financiers ou encore industriels.
Et c'est d'autant plus indispensable que chez nous, l'économie n'est pas toujours bien perçue ni bien comprise.
Un pays qui a fait un succès à un ouvrage sur " l'horreur économique " est un pays où il faut absolument faire preuve d'une grande pédagogie. Je sais, et je m'en réjouis, que votre association partage cette conviction.
J'aurais, ainsi, l'occasion dans un mois, le 8 février, d'évoquer devant vous, avec Jean-François COPÉ, Patrick DEVEDJIAN et François LOOS, les principaux chantiers sur lesquels je compte engager l'action de réforme économique de notre pays.
La deuxième remarque c'est que je souhaite maintenir, sous des formes diverses, cette périodicité de nos rencontres.
Vous le savez, cette maison vous est ouverte. Vous trouverez toujours auprès de moi-même ou de mes collaborateurs une oreille attentive et disponible pour répondre à vos questions. Des rencontres informelles ont déjà eu lieu, je m'en réjouis. Je sais qu'elles se poursuivront dans les semaines et les mois à venir, au gré des questions soulevées par l'actualité.
Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 14 janvier 2005)