Texte intégral
Q- Est-ce un grand débat démocratique qui va continuer à partager le pays ? Ou est-ce, comme le juge D. Cohn-Bendit, "une guerre civile verbale" qui déchire l'opinion ? En cette dernière semaine de campagne avant le référendum, quelle forme et quelle intensité prendra l'argumentation pour convaincre les plus de 20 % d'indécis qui ne choisiront, du oui ou du non, qu'à la toute dernière minute ? Craignez-vous, comme on l'entendait dire à L. Fabius dans le journal, il y a quelques minutes, une semaine d'intimidation ?
R- C'est probable.
Q- Que veut dire "intimidation" ?
R- C'est de dire : "c'est oui ou le chaos", "c'est oui ou ce sera la catastrophe économique", etc., c'est d'essayer de faire peur. Mais j'ai envie de dire, ils peuvent essayer, mais il y a un tel débat démocratique, les hommes et les femmes débattent à partir du projet de traité lui-même, ils débattent à partir de leur expérience de l'Europe libérale, de leur exigence sociale, donc l'intimidation ne marchera pas, je ne pense pas.
Q- On entendait J.-L. Borloo dire hier soir à TF1, qu'il faudra, quel que soit le vainqueur, qu'il entende évidemment l'autre. Si c'est le non qui l'emporte, faudra-t-il qu'il écoute le oui ? Si c'est le oui qui l'emporte, comment fera-t-on avec le non ? Vous disiez que "ce ne sont pas deux France", néanmoins, il y a quand même deux France qui se regardent aujourd'hui. A partir du 30, que feront-elles ces deux France ?
R- Je crois d'abord que les hommes et les femmes qui se mobilisent, qui se rassemblent sur le non à gauche, ont des exigences sociales. Ils en ont assez de voir les salariés être mis en concurrence sur les salaires, sur les droits. Ils en ont assez de voir ces gouvernements qui, à chaque fois, les appelle à renoncer à leurs acquis qu'ils ont obtenus par leurs luttes. Donc, demain, je pense que si le non l'emporte, les luttes sociales seront boostées, la gauche connaîtra un grand débat démocratique pour savoir quel projet elle portera face à la droite. Si le oui l'emporte, bien sûr, ce sera plus difficile, parce ce traité constitutionnel, c'est une camisole libérale. Donc, pour obtenir réponse aux luttes, pour pouvoir demain, si la gauche est majoritaire, mener une politique pleinement à gauche, ce sera énormément compliqué. Donc, c'est pour cela que je pense qu'aujourd'hui il faut voter non pour ouvrir les portes, pour ouvrir les espaces de liberté nécessaires.
Q- Sur la qualité du débat, vous dites "c'est une camisole libérale" ce traité, mais quand vous entendez J.-L. Borloo dire hier soir : "Ce traité, même s'il est améliorable dans bien des domaines, il est plus humain". Que répondez-vous à J.-L. Borloo ?
R- On a un traité qui est composé de plusieurs parties. Il y a deux parties, la partie "Institutions" et la partie sur "la Charte des droits fondamentaux". J'appelle souvent cela "les carottes", parce qu'il n'y a pas grand-chose dedans. De plus, la Charte des droits fondamentaux n'est pas contraignante, elle n'ouvre pas de nouvelles compétences à l'Union européenne. Et puis, la partie III, où là, on nous impose une politique sociale et économique qui est celle que l'on connaît, menée en Europe depuis des années, avec...
Q- Mais c'est celle du Traité de Rome !
R- C'est celle qui fait en sorte que l'Europe ne se construise pas à partir des droits des individus, à partir des droits sociaux, mais se construise à partir d'un dogme, qui est la liberté de circulation des capitaux, la concurrence libre et non faussée, etc. Et l'on voit ce que cela donne, et l'on voit ce que cela va donner demain. Parce que l'agenda 2005 et 2010, c'est à nouveau des directives pour la libéralisation sur nos rails, sur les sites portuaires, sur l'énergie, c'est la directive sur le temps de travail, c'est à nouveau un appel - j'emploie les guillemets - à "la modernisation des systèmes de retraite et de protection sociale", parce qu'ils estiment que l'on n'a pas été assez loin dans la casse, etc., etc. Donc, on ne veut pas de cela, on veut changer les choses.
Q- Et la clause sociale, tout de même, que la France a réussi à imposer dans la Constitution, qu'en dites-vous, que représente-t-elle ?
R- Quelle clause sociale ? On a des affirmations, des vux pieux. Je vais prendre un exemple : on dit qu'il faut le développement durable, souci écologique. On peut dire : très bien, il y a cette phrase-là. Et puis, ensuite il y a la règle de la concurrence libre et non faussée. Et on apprend que la Commission vient d'ordonner au fret SNCF de baisser son volume de marchandises de 10 %. Donc, tout cela va aller à nouveau vers la route, vers les camions, donc vers la pollution. C'est-à-dire qu'il y a des vux pieux, mais à chaque fois, ils sont balayés par le torrent libéral. Donc, cela n'a pas de sens de dire qu'il y a du social. Il y a eu des affirmations gratuites, et puis ensuite, il y a des règles économiques extrêmement contraignantes qui emportent ces affirmations gratuites.
Q- 20 % d'indécis, c'est beaucoup dans un électorat, après un débat de cette qualité, quoi que l'on en dise. Il se trouve que l'Europe regarde un peu ce qui se passe en France est en train de se dire, qu'après tout, le débat n'est pas de si mauvaise qualité dans le pays. 20 % d'indécis, cela vous paraît-il encore très important aujourd'hui ?
R- Oui, mais c'est normal parce que beaucoup d'hommes et de femmes découvrent, pour certains, tous ces jours derniers, le projet de traité lui-même. Il y a des difficultés de lecture, d'approche de ce texte qui est quand même très compliqué. Donc, beaucoup d'hommes et de femmes écoutent les arguments des uns et des autres, et pour l'instant hésitent encore. Mais nous, nous allons continuer toute cette semaine un travail de proximité, dans les quartiers, dans les entreprises, des rencontres, des débats contradictoires, entre partisans du oui et du non, pour faire en sorte que les gens puissent se décider en toute connaissance de cause. Mais je pense que l'on aura un très fort taux de participation. Et je trouve que c'est un formidable progrès démocratique que nous connaissons en ce moment avec ce débat.
Q- Pensez-vous qu'est en train d'apparaître je prends au sens générique "un homo europeanus", ce qui n'exclut évidemment pas les femmes ? Un sondage a été fait par l'Institut TNS-Sofres, qui fait apparaître quelque chose qui nous serait commun dans cette définition que nous avons de l'Europe, et où, en effet, le social occupe une place intéressante. Selon vous, en effet, une silhouette européenne est-elle en train d'apparaître pour de bon ?
R- Je ne sais pas. Mais j'ai l'impression qu'il y a une sorte de solidarité qui est en train d'apparaître. Parce que j'avais été très choquée, comme beaucoup de Français et de Françaises, sur ce marché humain avec l'ouvrière roumaine c'est 300 euros, l'ouvrière française c'est 900, les camionneurs polonais c'est 400 euros, les camionneurs français c'est 1.300 euros... Enfin, cette espèce de marché humain. Je trouve que la meilleure réponse, c'est de dire que notre non porte la solidarité avec le camionneur polonais et avec l'ouvrière roumaine, parce que chez nous on dit qu'il faut baisser vos salaires "si vous voulez que l'on ne délocalise pas les entreprises", mais chez eux, on leur dit "restez à 300 euros si vous voulez avoir de l'emploi qui arrive". Donc, j'ai envie de dire que, peut-être, ce débat ouvre une nouvelle solidarité entre salariés et citoyens de l'Europe.
Q- Avec, à la clé, un jour, que ce soit le oui ou le non qui l'emporte, véritablement une réflexion engagée sur un modèle social européen que l'on pourrait opposer à d'autres, et notamment aux États- Unis ?
R- Oui. Dans les débats, il y a beaucoup de propositions qui viennent sur, justement, quel pourrait être le contenu d'un nouveau traité pour l'Europe. Et beaucoup vient sur l'harmonisation sociale, sur les clauses de non régression sociale, sur le fait que l'on ait envie de tirer l'ensemble des citoyens et citoyennes européens vers les meilleurs droits. Je crois que cela vient avec beaucoup de force, et je crois que c'est prometteur pour l'avenir.
Q- Et sur l'argumentaire ? J'ose à peine, à la femme que vous êtes, poser la question de son commentaire sur l'argument de "la frigidité" évoquée par le Premier ministre ? Ne faut-il pas que l'Europe soit "frigide" ? Qu'en dites-vous ?
R- J'ai envie d'une Europe de solidarité, de bonheur, d'amour. C'est pour cela... Il faut que J.-P. Raffarin comprenne, en effet, que les Français n'aiment pas cette politique anti-sociale.
Q- Dans cinq jours la campagne, va s'arrêter, vendredi. Si vous aviez, maintenant, une chose à mettre en avant, laquelle serait-ce ? Et puis, il y a aussi - je voudrais avoir votre point de vue là-dessus, parce que j'ai posé la question à tous -, la relation avec l'Allemagne, France-Allemagne ? L'Allemagne va dire oui, c'est certain, puisque c'est le Parlement qui va le faire...
R- Le Parlement, oui... Enfin, le Parlement...
Q- La Chambre haute va ratifier ce qui s'est passé au Bundestag. Donc, l'Allemagne va dire oui, la France, peut-être, va dire non. Ce découplage, qu'en dites-vous ?
R- D'abord, l'Allemagne va dire oui... C'est la majorité qui vient d'être condamnée dans les élections partielles en Allemagne pour sa politique anti-sociale qui a dit oui au projet de traité constitutionnel. "La France va dire non", parce que le peuple français est consulté par référendum. On ne sait pas ce qu'aurait été la réponse des réponses des Allemands, compte tenu des grandes manifestations sociales qu'a connues l'Allemagne ces derniers mois. Mais je crois que si la France dit non, cela va permettre, peut-être, de refonder l'Europe demain, et je pense que c'est quelque chose qui répond aux attentes de beaucoup d'hommes et de femmes en Allemagne qui, aujourd'hui, souffrent de la politique du gouvernement Schröder. Donc, le couple va se reformer sur des bases populaires, sur des bases d'une autre Europe, d'une Europe du progrès social.
Q- Ne craignez-vous pas un renforcement de la puissance allemande à tous égards, puissance économique et politique et un affaiblissement de la France ?
R- Non, je crois que la France ne sera pas affaiblie si le non l'emporte, au contraire, comme dans d'autres fois dans son histoire, la France va sortir avec une image renforcée, d'un pays qui ose dire non, d'un pays qui ose manifester cette révolte mais aussi son aspiration à changer les choses, à la fois en France mais aussi en Europe et dans le monde. Donc, je pense, une nouvelle fois, que la France va porter une image forte partout dans le monde.
Q- Et donc, si vous n'aviez qu'une seule chose à dire maintenant, quelle serait-elle ?
R- Ne vous laissez pas enfermer par cette camisole libérale, votez non pour laisser la porte ouverte pour vos droits, pour vos aspirations.
Q- En tout cas, on aura remarqué, que cela a été une régénérescence que cette campagne pour le Parti communiste et pour vous.
R- Moi, cela n'a pas d'importance. Le Parti a trouvé sa place dans le rassemblement du non de gauche. Je crois que l'on joue un rôle pour faire en sorte que, les hommes et les femmes de gauche - et j'appelle ceux qui sont indécis à venir nous rejoindre - fassent en sorte que, demain, la gauche puisse déployer une politique qui réponde à leurs attentes.
Q- Et que demain vous conserviez cette place que vous avez retrouvée ?
R- Nous allons continuer. Nous sommes bien dans ce rassemblement à gauche, vraiment, on a une campagne très joyeuse. Parfois, les oui sont tristes, mais nous, vraiment, dans les meetings, il y a beaucoup de bonheur.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 mai 2005)
R- C'est probable.
Q- Que veut dire "intimidation" ?
R- C'est de dire : "c'est oui ou le chaos", "c'est oui ou ce sera la catastrophe économique", etc., c'est d'essayer de faire peur. Mais j'ai envie de dire, ils peuvent essayer, mais il y a un tel débat démocratique, les hommes et les femmes débattent à partir du projet de traité lui-même, ils débattent à partir de leur expérience de l'Europe libérale, de leur exigence sociale, donc l'intimidation ne marchera pas, je ne pense pas.
Q- On entendait J.-L. Borloo dire hier soir à TF1, qu'il faudra, quel que soit le vainqueur, qu'il entende évidemment l'autre. Si c'est le non qui l'emporte, faudra-t-il qu'il écoute le oui ? Si c'est le oui qui l'emporte, comment fera-t-on avec le non ? Vous disiez que "ce ne sont pas deux France", néanmoins, il y a quand même deux France qui se regardent aujourd'hui. A partir du 30, que feront-elles ces deux France ?
R- Je crois d'abord que les hommes et les femmes qui se mobilisent, qui se rassemblent sur le non à gauche, ont des exigences sociales. Ils en ont assez de voir les salariés être mis en concurrence sur les salaires, sur les droits. Ils en ont assez de voir ces gouvernements qui, à chaque fois, les appelle à renoncer à leurs acquis qu'ils ont obtenus par leurs luttes. Donc, demain, je pense que si le non l'emporte, les luttes sociales seront boostées, la gauche connaîtra un grand débat démocratique pour savoir quel projet elle portera face à la droite. Si le oui l'emporte, bien sûr, ce sera plus difficile, parce ce traité constitutionnel, c'est une camisole libérale. Donc, pour obtenir réponse aux luttes, pour pouvoir demain, si la gauche est majoritaire, mener une politique pleinement à gauche, ce sera énormément compliqué. Donc, c'est pour cela que je pense qu'aujourd'hui il faut voter non pour ouvrir les portes, pour ouvrir les espaces de liberté nécessaires.
Q- Sur la qualité du débat, vous dites "c'est une camisole libérale" ce traité, mais quand vous entendez J.-L. Borloo dire hier soir : "Ce traité, même s'il est améliorable dans bien des domaines, il est plus humain". Que répondez-vous à J.-L. Borloo ?
R- On a un traité qui est composé de plusieurs parties. Il y a deux parties, la partie "Institutions" et la partie sur "la Charte des droits fondamentaux". J'appelle souvent cela "les carottes", parce qu'il n'y a pas grand-chose dedans. De plus, la Charte des droits fondamentaux n'est pas contraignante, elle n'ouvre pas de nouvelles compétences à l'Union européenne. Et puis, la partie III, où là, on nous impose une politique sociale et économique qui est celle que l'on connaît, menée en Europe depuis des années, avec...
Q- Mais c'est celle du Traité de Rome !
R- C'est celle qui fait en sorte que l'Europe ne se construise pas à partir des droits des individus, à partir des droits sociaux, mais se construise à partir d'un dogme, qui est la liberté de circulation des capitaux, la concurrence libre et non faussée, etc. Et l'on voit ce que cela donne, et l'on voit ce que cela va donner demain. Parce que l'agenda 2005 et 2010, c'est à nouveau des directives pour la libéralisation sur nos rails, sur les sites portuaires, sur l'énergie, c'est la directive sur le temps de travail, c'est à nouveau un appel - j'emploie les guillemets - à "la modernisation des systèmes de retraite et de protection sociale", parce qu'ils estiment que l'on n'a pas été assez loin dans la casse, etc., etc. Donc, on ne veut pas de cela, on veut changer les choses.
Q- Et la clause sociale, tout de même, que la France a réussi à imposer dans la Constitution, qu'en dites-vous, que représente-t-elle ?
R- Quelle clause sociale ? On a des affirmations, des vux pieux. Je vais prendre un exemple : on dit qu'il faut le développement durable, souci écologique. On peut dire : très bien, il y a cette phrase-là. Et puis, ensuite il y a la règle de la concurrence libre et non faussée. Et on apprend que la Commission vient d'ordonner au fret SNCF de baisser son volume de marchandises de 10 %. Donc, tout cela va aller à nouveau vers la route, vers les camions, donc vers la pollution. C'est-à-dire qu'il y a des vux pieux, mais à chaque fois, ils sont balayés par le torrent libéral. Donc, cela n'a pas de sens de dire qu'il y a du social. Il y a eu des affirmations gratuites, et puis ensuite, il y a des règles économiques extrêmement contraignantes qui emportent ces affirmations gratuites.
Q- 20 % d'indécis, c'est beaucoup dans un électorat, après un débat de cette qualité, quoi que l'on en dise. Il se trouve que l'Europe regarde un peu ce qui se passe en France est en train de se dire, qu'après tout, le débat n'est pas de si mauvaise qualité dans le pays. 20 % d'indécis, cela vous paraît-il encore très important aujourd'hui ?
R- Oui, mais c'est normal parce que beaucoup d'hommes et de femmes découvrent, pour certains, tous ces jours derniers, le projet de traité lui-même. Il y a des difficultés de lecture, d'approche de ce texte qui est quand même très compliqué. Donc, beaucoup d'hommes et de femmes écoutent les arguments des uns et des autres, et pour l'instant hésitent encore. Mais nous, nous allons continuer toute cette semaine un travail de proximité, dans les quartiers, dans les entreprises, des rencontres, des débats contradictoires, entre partisans du oui et du non, pour faire en sorte que les gens puissent se décider en toute connaissance de cause. Mais je pense que l'on aura un très fort taux de participation. Et je trouve que c'est un formidable progrès démocratique que nous connaissons en ce moment avec ce débat.
Q- Pensez-vous qu'est en train d'apparaître je prends au sens générique "un homo europeanus", ce qui n'exclut évidemment pas les femmes ? Un sondage a été fait par l'Institut TNS-Sofres, qui fait apparaître quelque chose qui nous serait commun dans cette définition que nous avons de l'Europe, et où, en effet, le social occupe une place intéressante. Selon vous, en effet, une silhouette européenne est-elle en train d'apparaître pour de bon ?
R- Je ne sais pas. Mais j'ai l'impression qu'il y a une sorte de solidarité qui est en train d'apparaître. Parce que j'avais été très choquée, comme beaucoup de Français et de Françaises, sur ce marché humain avec l'ouvrière roumaine c'est 300 euros, l'ouvrière française c'est 900, les camionneurs polonais c'est 400 euros, les camionneurs français c'est 1.300 euros... Enfin, cette espèce de marché humain. Je trouve que la meilleure réponse, c'est de dire que notre non porte la solidarité avec le camionneur polonais et avec l'ouvrière roumaine, parce que chez nous on dit qu'il faut baisser vos salaires "si vous voulez que l'on ne délocalise pas les entreprises", mais chez eux, on leur dit "restez à 300 euros si vous voulez avoir de l'emploi qui arrive". Donc, j'ai envie de dire que, peut-être, ce débat ouvre une nouvelle solidarité entre salariés et citoyens de l'Europe.
Q- Avec, à la clé, un jour, que ce soit le oui ou le non qui l'emporte, véritablement une réflexion engagée sur un modèle social européen que l'on pourrait opposer à d'autres, et notamment aux États- Unis ?
R- Oui. Dans les débats, il y a beaucoup de propositions qui viennent sur, justement, quel pourrait être le contenu d'un nouveau traité pour l'Europe. Et beaucoup vient sur l'harmonisation sociale, sur les clauses de non régression sociale, sur le fait que l'on ait envie de tirer l'ensemble des citoyens et citoyennes européens vers les meilleurs droits. Je crois que cela vient avec beaucoup de force, et je crois que c'est prometteur pour l'avenir.
Q- Et sur l'argumentaire ? J'ose à peine, à la femme que vous êtes, poser la question de son commentaire sur l'argument de "la frigidité" évoquée par le Premier ministre ? Ne faut-il pas que l'Europe soit "frigide" ? Qu'en dites-vous ?
R- J'ai envie d'une Europe de solidarité, de bonheur, d'amour. C'est pour cela... Il faut que J.-P. Raffarin comprenne, en effet, que les Français n'aiment pas cette politique anti-sociale.
Q- Dans cinq jours la campagne, va s'arrêter, vendredi. Si vous aviez, maintenant, une chose à mettre en avant, laquelle serait-ce ? Et puis, il y a aussi - je voudrais avoir votre point de vue là-dessus, parce que j'ai posé la question à tous -, la relation avec l'Allemagne, France-Allemagne ? L'Allemagne va dire oui, c'est certain, puisque c'est le Parlement qui va le faire...
R- Le Parlement, oui... Enfin, le Parlement...
Q- La Chambre haute va ratifier ce qui s'est passé au Bundestag. Donc, l'Allemagne va dire oui, la France, peut-être, va dire non. Ce découplage, qu'en dites-vous ?
R- D'abord, l'Allemagne va dire oui... C'est la majorité qui vient d'être condamnée dans les élections partielles en Allemagne pour sa politique anti-sociale qui a dit oui au projet de traité constitutionnel. "La France va dire non", parce que le peuple français est consulté par référendum. On ne sait pas ce qu'aurait été la réponse des réponses des Allemands, compte tenu des grandes manifestations sociales qu'a connues l'Allemagne ces derniers mois. Mais je crois que si la France dit non, cela va permettre, peut-être, de refonder l'Europe demain, et je pense que c'est quelque chose qui répond aux attentes de beaucoup d'hommes et de femmes en Allemagne qui, aujourd'hui, souffrent de la politique du gouvernement Schröder. Donc, le couple va se reformer sur des bases populaires, sur des bases d'une autre Europe, d'une Europe du progrès social.
Q- Ne craignez-vous pas un renforcement de la puissance allemande à tous égards, puissance économique et politique et un affaiblissement de la France ?
R- Non, je crois que la France ne sera pas affaiblie si le non l'emporte, au contraire, comme dans d'autres fois dans son histoire, la France va sortir avec une image renforcée, d'un pays qui ose dire non, d'un pays qui ose manifester cette révolte mais aussi son aspiration à changer les choses, à la fois en France mais aussi en Europe et dans le monde. Donc, je pense, une nouvelle fois, que la France va porter une image forte partout dans le monde.
Q- Et donc, si vous n'aviez qu'une seule chose à dire maintenant, quelle serait-elle ?
R- Ne vous laissez pas enfermer par cette camisole libérale, votez non pour laisser la porte ouverte pour vos droits, pour vos aspirations.
Q- En tout cas, on aura remarqué, que cela a été une régénérescence que cette campagne pour le Parti communiste et pour vous.
R- Moi, cela n'a pas d'importance. Le Parti a trouvé sa place dans le rassemblement du non de gauche. Je crois que l'on joue un rôle pour faire en sorte que, les hommes et les femmes de gauche - et j'appelle ceux qui sont indécis à venir nous rejoindre - fassent en sorte que, demain, la gauche puisse déployer une politique qui réponde à leurs attentes.
Q- Et que demain vous conserviez cette place que vous avez retrouvée ?
R- Nous allons continuer. Nous sommes bien dans ce rassemblement à gauche, vraiment, on a une campagne très joyeuse. Parfois, les oui sont tristes, mais nous, vraiment, dans les meetings, il y a beaucoup de bonheur.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 mai 2005)