Déclaration de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur l'exposition du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) "Femmes face à la guerre", à Paris le 17 février 2004.

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Circonstance : Vernissage de l'exposition du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) "Femmes face à la guerre", à Paris le 17 février 2004

Texte intégral

Monsieur le Vice-Président du Comité international de la Croix-Rouge française,
Monsieur le Directeur de la Croix-Rouge française,
Monsieur le Maire, Madame le Premier-maire-adjoint,
Mesdames, Messieurs,
Au-delà de l'émotion qu'elle suscite par la force des images et la sobriété délibérée des légendes, cette exposition nous interpelle. C'est son grand mérite et je voudrais féliciter celles et ceux qui l'ont organisée et accueillie et tout particulièrement Florence Berthout qui en a été la cheville ouvrière. Je souhaite qu'elle soit visitée par un public nombreux.
Je voudrais dire aussi que cette exposition "Femmes face à la guerre" est présentée à un moment opportun, puisque la date de la Journée internationale de la Femme, le 8 mars, est proche. Elle a le mérite d'appeler l'attention, dans cette perspective, sur l'un des aspects les plus douloureux de la condition féminine.
La guerre est "l'affaire des hommes" ainsi qu'Homère le fait dire à Hector s'adressant à Andromaque. Elle porte en elle la négation de la femme en ce qu'elle tend à la destruction de l'ennemi en tant que communauté sociale. C'est d'ailleurs au regard de cette perception de la femme, comme garante d'une humanité qui aspire à survivre en marge des conflits, que cette exposition provoque d'abord notre conscience.
Devant les terribles réalités des conflits qu'elle illustre, où est l'efficacité du droit humanitaire international ? Des quatre conventions de Genève de 1949 ? De leurs protocoles additionnels de 1977 ? Et enfin, de la résolution 1325 des Nations unies, adoptée le 31 octobre 2000, avec l'active contribution de la France ? Les dates des clichés présentés dans cette exposition, tous postérieurs au plus récent texte du droit humanitaire, témoignent de l'écart qui existe entre les principes et les faits.
Pourtant, les défis posés par la mise en oeuvre de ces règles relèvent de notre responsabilité collective : Etats, organisations internationales, société civile. Et c'est ici l'occasion pour moi de saluer l'action menée, inlassablement, par le Comité international de la Croix-Rouge, représenté ici par M. Jacques Forster, et par vous aussi, cher Professeur Gentilini, à la tête de la Croix Rouge française.
La puissance des images de Nick Danziger doit être saluée, car elle invite, au-delà de la compassion, à une mobilisation plus forte: il n'existe pas de droit sans sanction et les violences faites aux femmes durant les conflits doivent être criminalisées et punies. Le statut de la Cour pénale internationale, pour la création de laquelle la France, vous le savez, a déployé beaucoup d'efforts, reconnaît d'ailleurs pour la première fois que les actes de violence sexuelle figurent parmi les actes les plus odieux que le droit international doit condamner.
Mais, il est un autre paradoxe sur lequel l'exposition "femmes face à la guerre" nous invite à réfléchir. Comment concilier notre exigence d'universalité des Droits de l'Homme, c'est-à-dire de la personne humaine sans distinction, avec le souci de protéger particulièrement les femmes des actes de violence et des traitements dégradants ?
Cette différence se justifie en réalité parce que les femmes et les hommes sont différemment affectés par les conséquences des conflits : préexistantes aux conflits, les inégalités entre les femmes et les hommes y sont encore aggravées.
Faut-il pour autant enfermer les femmes dans une image de "victimes" et leur refuser de ce fait toute qualité d'actrices à part entière du devenir de leur pays ? Certainement pas.
La représentation de l'image de la femme a fait un pas de géant à l'occasion de la 4ème Conférence mondiale sur les femmes tenue à Pékin en 1995 en affirmant ce principe : protéger la femme oui, mais surtout lui confier un rôle majeur dans la reconstruction des pays qui sortent d'un conflit, dans la restauration de la paix civile, dans la reconstitution des sociétés et des économies.
C'est ce principe qui a conduit la France à soutenir l'Institut des Femmes de Kaboul ou "la Caravane des femmes" dans les Balkans, initiatives courageuses de pédagogie et de sensibilisation, témoignages de la force du dialogue en face de la barbarie.
Voltaire écrivait que "les faiblesses des hommes sont la force des femmes".
En appliquant ce propos au sujet qui nous réunit ce soir, je dirai :
Puisse la plus redoutable de ces faiblesses, je veux dire la tentation de la violence, le recours à la guerre, révéler en contre-point cette force pacifique des femmes !
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 février 2004)