Interview de M. Jacques Barrot, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, dans "Métro" du 20 février 2004, sur différents sujets d'actualité notamment la loi sur la laïcité, la réforme de la sécurité sociale, la préparation des élections régionales 2004.

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Média : Métro

Texte intégral

Question : Etes-vous satisfait du consensus trouvé autour de la loi sur laïcité ? Le texte est-il réellement applicable ?
Jacques Barrot (Réponse) : Cette loi, c'est un signal d'encouragement à tous ceux qui sont attachés au "vivre ensemble républicain", les chefs d'établissements, les professeurs, les parents d'élèves qui veulent éduquer les enfants dans la tolérance et le respect de l'autre. C'est aussi un avertissement à l'encontre de ceux qui sous des prétextes soi-disant religieux, voudraient porter atteinte à l'égale dignité de la femme et de l'homme. La réussite de la loi dépendra ensuite de l'esprit dans lequel elle sera appliquée. Il faut faire place au dialogue, à l'explication, et susciter la compréhension et la coopération des différentes communautés religieuses. Nous voulons les protéger des dérives intégristes et du repli sur elles-mêmes. Par exemple l'Islam a toute sa place en France, mais nous avons besoin d'un Islam ouvert sur les autres. Si on applique bien la loi dans cet esprit, on devrait conforter notre idéal républicain.
Question : La gauche et les magistrats se sont émus du contenu de la loi Perben II. Réfutez-vous le terme "liberticide" ?
Jacques Barrot (Réponse) : Il est caricatural. Il s'agit de doter la justice d'une part d'outils supplémentaires pour lutter contre ce que l'on appelle la criminalité organisée. Personne ne conteste qu'il y a aujourd'hui de vastes trafics de drogue, des réseaux de blanchiment d'argent, des sortes de mafias dont il faut vraiment se prémunir. Mais il faudra être très vigilent pour bien circonscrire le champ d'application de ces nouvelles possibilités offertes à la justice et à la police judiciaire.
Question : La réforme de la sécurité sociale peut-elle faire l'objet d'un consensus comme la laïcité ? Quelle est selon vous la priorité dans ce dossier ?
Jacques Barrot (Réponse) : Il y a un accord assez général sur le maintien d'une assurance maladie universelle obligatoire. Les divergences porteront sur les différents moyens d'assurer la pérennité de ce dispositif qui offre aux Français, quels que soient leurs revenus, une véritable égalité de traitement pour tous les soins lourds. Nous aurions intérêt en France à sauver tous ensemble la sécurité sociale et pour cela à ne pas en faire une cause partisane. Le Haut Conseil qui s'est réuni pour étudier l'avenir de l'assurance maladie a permis d'établir un diagnostic largement partagé et il faut maintenant un dialogue très ouvert entre toutes les forces politiques et tous les acteurs du système de santé pour inventer les régulations les plus efficaces, optimiser les dépenses engagées et surtout établir la coordination des soins, aussi bien en ville qu'à l'hôpital.
Question : Qui est le principal adversaire de l'UMP dans les élections régionales à venir ? Le PS ? Le FN ? L'UDF ?
Jacques Barrot (Réponse) : Le premier adversaire, c'est l'abstention. Il faut que les Français comprennent qu'il y a un vrai intérêt pour eux à doter les régions d'équipes cohérentes et efficaces. La région va jouer un rôle accru dans la vie quotidienne, qu'il s'agisse de transports, notamment dans une région comme l'Ile-de-France, et de manière générale en matière de formation professionnelle et d'incitation économique pour la création d'entreprise et d'emploi. Si plus de 60 % veulent utiliser ces élections pour simplement protester, c'est inquiétant. C'est la France de la peur, du repli sur soi, de la protestation quelque fois corporatiste qui l'emporte sur la France dynamique, tournée vers l'avenir. Nous admettons tous le principe de l'alternance démocratique. Ce qui est très inquiétant, c'est quand on refuse de voter en prétextant que la politique n'est pas ce qu'elle devrait être, ou en votant à l'extrême droite ou à l'extrême gauche pour renvoyer dos à dos tous les acteurs de la vie politique. Il n'y a jamais un exercice idéal du pouvoir... La démocratie c'est choisir la moins mauvaise équipe, ou la meilleure, pour incarner une ambition collective.
Question : La condamnation d'Alain Juppé peut-elle peser sur le scrutin ?
Jacques Barrot (Réponse) : Il ne faut pas que les problèmes posés à l'occasion du procès Juppé induisent en erreur les gens. Alain Juppé n'est pas jugé pour la moindre "faute personnelle" en ce sens qu'il n'y a pas eu "enrichissement personnel". Le système qui est visé est celui d'une époque ancienne, révolue. Alain Juppé paie pour une période de notre histoire un peu confuse où le financement des partis politiques a mis du temps à être clarifié. Les électeurs ne doivent pas se laisser égarer par des propos extrémistes visant à exploiter ce procès à des fins démagogiques.

(source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 2 mars 2004)