Déclaration de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur la présentation du projet de loi de finances pour 1999 au Sénat, Paris le 19 novembre 1998.

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Texte intégral

Un an après...
Il y a un an, je venais devant vous pour vous présenter, avec Christian Sautter, le premier budget du gouvernement de Lionel Jospin.
Il y a un an, l'économie française n'avait pas encore émergé d'une longue période d'atonie marquée par une faible croissance et la montée inexorable du chômage. Elle n'était pas encore assurée d'être qualifiée pour l'euro, et nous étions venus vous proposer un budget pour une croissance solidaire et pour l'emploi. Où en sommes-nous un an après ? Nous pouvons collectivement être fiers, les résultats sont là : insuffisants certes pour les chômeurs, pour les travailleurs précaires, pour les exclus, pour les habitants des quartiers en difficulté ; mais encourageants au regard des engagements que la gauche a pris devant les Français. Nous sommes, j'en suis convaincu, sur le bon chemin.
*nous escomptions une croissance de 3 %. Nous l'avons tenu : la croissance sera, selon les dernières prévisions, de l'ordre de 3,1 % ;
*nous prévoyions la création de 200.000 emplois marchands. Nous ferons certainement mieux : l'INSEE en annonce plus de 300 000 ;
*nous annoncions la baisse du chômage. Elle est en cours : depuis juillet il a baissé de près de 175000 personnes ;
*nous comptions sur une hausse de 2,3 % du pouvoir d'achat du revenu des ménages. Elle devrait atteindre 3 % ;
*nous affirmions que le déficit des finances publiques serait réduit à 3 %. Il l'a été plus que prévu, et en 1998 il ne dépassera pas 2,9 % du PIB ;
*nous nous engagions à stabiliser les prélèvements obligatoires, ou à entamer leur décrue. Ils baisseront en 1998 de deux dixièmes de points ;
*nous nous fixions pour objectif de maîtriser la dépense publique. En 1998, sa part dans le PIB baissera de près d'un point ;
J'ai voulu énumérer ces résultats parce que je crois nécessaire que la discussion que nous allons mener se fonde sur des faits. Je pourrais sans peine continuer, tant l'évidence s'impose : nous vous avons présenté l'an dernier un budget sincère, un budget de mouvement, un budget de progrès, un budget de réussite économique, un budget de justice sociale.
Certains d'entre vous pensent peut-être que nous avons eu de la chance. Nous avons bénéficié, c'est vrai, d'un environnement porteur. Mais nous avons aussi fait les bons choix pour inverser la tendance de ces dernières années : chaque année, depuis 1993, la croissance française a été inférieure à celle des 15 de l'Union européenne ; et en cinq ans, de 1993 à 1997, nous avons accumulé exactement 1,7 point de croissance de retard. 1,7 point, cela représente au moins 300.000 emplois perdus. En 1998, notre croissance sera, à l'inverse, supérieure de deux dixièmes de points à la moyenne européenne. Nous avons commencé à rattraper notre retard, et cela n'est dû ni à la chance, ni à l'environnement extérieur. C'est le fruit d'une politique qui s'est fixé cet objectif, et qui l'a atteint.
Un budget longuement mûri et concerté
Nous avons utilisé le temps que nous donnait cette année un calendrier normal pour préparer de manière méthodique et surtout concertée nos choix budgétaires.
*nous avons fixé dès le printemps les grandes orientations budgétaires, nous en avons débattu avec les commissions des finances, puis avec le Parlement dans son ensemble.
*nous avons mené une concertation avec les acteurs économiques et sociaux et avec les associations d'élus locaux sur les orientations fiscales, et nous avons avancé le calendrier de présentation des grandes orientations fiscales, en juillet, et du budget, en septembre ;
*nous vous présentons, avec ce projet de loi de finances, un rapport économique, social et financier sensiblement enrichi, qui explicite nos orientations et les analyses qui les fondent.
Je voudrais aujourd'hui évoquer quatre points :
1) La prévision de croissance
2) La stratégie économique
3) La stratégie budgétaire
4) Le "contre-budget" de votre commission des finances
1) La prévision pour 1999
Depuis un an, la situation internationale s'est assombri, nul ne peut le nier, même s'il faut souligner les évolutions positives de ces derniers jours dans la mesure où plusieurs des difficultés rencontrées par les pays émergents sont en voie de résolution et où la possibilité d'une contagion de la crise aux économies développées a reculé.
Je veux néanmoins répondre à une question que beaucoup d'entre vous se posent, et que j'énoncerai simplement : ce budget est-il fiable ? est-il déjà caduc parce que fondé sur une prévision trop optimiste ?
Je voudrais développer deux idées : en premier lieu, l'idée que la croissance de l'économie française sera soutenue en 1999 est une idée qui progresse ; ensuite, il est désormais acquis que la France fera, en 1999, la course de la croissance en tête du peloton.
D'abord un constat : l'ampleur de l'incertitude s'est réduit depuis deux mois : les scénarios-catastrophes sont désormais peu crédibles et la fourchette des prévisions s'est resserrée. Le choc extérieur a été puissant, sans doute plus prononcé qu'anticipé, mais à l'inverse la dynamique de la demande intérieure continue de nous surprendre.
Quel sera le résultat net de ces différents effets ? Le ralentissement de l'économie mondiale nous ramènera-t-il un peu en-deçà du 2,7 % que j'avançais à l'occasion du PLF, ou bien la vigueur inattendue de la demande intérieure nous portera-t-elle un peu au-delà ?
Il me semble, que dans l'état actuel de nos informations, 2,7 % de croissance pour 1999 reste une prévision raisonnable. D'autres sont un peu en-deçà, mais j'observe qu'il n'y a pas de différence qualitative avec la prévision faite par les conjoncturistes privés. Ne sombrons pas dans le fétichisme des décimales. Je ne suis pas sûr que les instruments d'analyses et de prévisions dont nous disposons permettent de garantir une prévision au dixième près. Je redoute, il est vrai, que la prévision que j'ai faite, avec mes services à l'été 1997 pour 1998, ait fait un peu monter les enchères !
Un point ne fait cependant pas débat : la France sera en 1999 en tête de la course de la croissance : L'OCDE , après la Commission nous place dans le peloton de tête de la croissance en Europe en 1999 pour la deuxième année consécutive. La croissance française dépassera ainsi celle de ses principaux partenaires de près d'un point au total sur 1998/1999.
2) Quelle stratégie économique faut-il adopter ?
Je voudrais défendre trois convictions.
La première est que cette incertitude valide nos choix européens. J'ai entendu ici ou là un peu d'ironie sur le rôle de bouclier que j'ai prêté à l'euro. Comme si un bouclier dispensait de livrer bataille ! Que l'euro nous ait protégés et nous protège, c'est un fait. Avant même d'exister, l'euro nous a apporté à la fois la stabilité des changes en Europe et la baisse des taux d'intérêts.
La seconde est que les périls extérieurs valident notre choix de miser sur la demande intérieure. En France, et plus largement dans la zone euro, le moteur de la croissance est aujourd'hui extrêmement robuste : la confiance retrouvée permet la consommation, la consommation alimente la production, la production crée des emplois, le recul du chômage stimule la consommation, les entreprises investissent pour répondre à la demande. C'est sur ces enchaînements que nous avons choisi de miser il y a dix-huit mois.
La troisième conviction est qu'il faut rechercher le bon policy mix. Un intense débat politique a vu le jour dans la plupart des pays européens - y compris en Allemagne. Pour parler simplement, la question à laquelle nous devons répondre est de savoir si nous devons adopter le dosage politique budgétaire laxiste / politique monétaire restrictive pratiqué par le tandem Reagan-Volcker ou le dosage inverse, qui a été choisi par le tandem Clinton-Greenspan ? Nous devons bien évidemment ne pas perdre de vue les différences de situations, mais je suis cependant convaincu que le dosage de politiques le mieux adapté à l'Europe d'aujourd'hui est beaucoup plus proche de la seconde que de la première de ces expériences.
Dans les circonstances actuelles, la responsabilité de maintenir des conditions favorables à une croissance sans inflation doit incomber à la politique monétaire, tandis que, dans tous les pays où des ajustements budgétaires sont encore en cours, la politique budgétaire doit conserver comme objectif la réduction du déficit public. Cette conclusion me semble difficile à contester pour au moins quatre raisons :
1. Il n'y a pour le moment aucune menace visible sur la stabilité des prix dans la zone euro. L'inflation pour les 12 derniers mois est de 1 % dans la zone euro et de 0,5 % en France. Et s'il y a lieu de s'inquiéter, c'est parce que, même sans tenir compte des distorsions tenant à la mesure de l'évolution des prix, l'inflation est maintenant significativement au-dessous du plafond retenu par la Banque Centrale Européenne.
2. L'ajustement budgétaire dans la zone euro n'est pas encore achevé, et il doit encore se poursuivre jusqu'à ce que nous atteignions une situation des finances publiques assainie, dans laquelle nous soyons en mesure de garantir que le ratio de l'endettement public reste en moyenne stable sur un cycle.
3. Dans le type de choc auquel nous sommes actuellement confrontés, la politique monétaire commune constitue un instrument approprié et elle est capable d'agir rapidement ; au contraire, compter sur des politiques budgétaires nationales pour mettre au point une réponse coordonnée demanderait une énergie considérable.
4. Les économistes ont depuis un certain temps averti que dans ses débuts, l'euro pourrait subir des pressions à la hausse, en raison d'un déplacement de la demande d'actifs vers des placements libellés en monnaie européenne. Quelle que soit l'amplitude de cet éventuelle pression, la politique macro-économique ne doit certainement pas la favoriser en adoptant une combinaison de politique budgétaire laxiste et de politique monétaire restrictive, qui ne pourrait que favoriser une appréciation de l'euro.
3) La stratégie budgétaire
Le budget 1999 que nous vous présentons poursuit la route tracée en 1998. Elle a donné les bons résultats que je vous ai rappelés : nous allons les consolider, grâce à une architecture budgétaire qui soutient la croissance, développe l'emploi et réduit les inégalités.
La croissance n'est pas seulement une prévision, c'est aussi un objectif de politique économique. En d'autres termes, avec une autre politique, vous auriez une autre croissance. Et je crois en effet qu'en mettant en uvre le " contre-budget " que vous préconisez, la croissance de l'économie française ne serait pas de 2,7 % l'an prochain, mais bien inférieure.
Quant à nous, nous escomptons à la fois diminuer le déficit public, les prélèvements obligatoires et la part des dépenses publiques dans le PIB :
le déficit public sera ramené à 2,3 % en 1999. C'est un effort considérable - fourni pour la plus grande partie par l'Etat - , qui représente une baisse de l'ordre de 50 MdF. Vous allez me dire que ce n'est pas assez. Revenons-en encore une fois aux faits : le déficit aura été réduit de 0,6 point en 1998 (si l'on met de côté la soulte de France Télécom en 1997, qui était une " recette de poche " de près de 40 MdF), et encore de 0,6 point l'an prochain. Cela me semble un bon rythme. J'annonçais à l'Assemblée nationale, il y a un mois, que notre effort de réduction du déficit était parmi les plus élevés en Europe. M.Marini réussit, dans son rapport, à évoquer " une situation d'apparence flatteuse " et, dans le même temps, à nous présenter le tableau suivant :
Extrait du Rapport Marini
L'évolution des déficits publics 1998 par rapport à 1997
Danemark - 0,2

Belgique 0

Finlande 0

Suède 0

Autriche + 0,1

Grèce + 0,1

Portugal + 0,2

Royaume-Uni + 0,3

Irlande + 0,4

Pays-Bas + 0,4

Allemagne + 0,5

Italie + 0,5

France + 0,6

*les prélèvements obligatoires devraient baisser de 2 dixièmes de points en 1999, comme en 1998. M. MARINI nous dit que c'est bien, mais que ce n'est pas assez. Je le remercie de confirmer que le Gouvernement va dans la bonne direction et même de l'exhorter à aller plus vite, alors que la précédente majorité avait suivi un chemin diamétralement opposé, quand elle était au pouvoir, et que les prélèvements obligatoires n'avaient fait qu'augmenter depuis 1993 pour atteindre un maximum absolu de 46,1 % en 1997. Quant au rythme de baisse des prélèvements obligatoires, je ne peux qu'inciter M. MARINI à la prudence, si l'on se rappelle que la baisse de l'impôt sur le revenu décidée par le précédent Gouvernement lui avait créé un tel problème que celui-ci, incapable de la financer, s'en était pris à l'Assemblée nationale et l'avait dissoute, avec le résultat que l'on sait. Nous préférons, pour notre part, afficher des objectifs réalistes, socialement justes, permettant une baisse continue et régulière des prélèvements obligatoires sur la durée de la législature.
*enfin, la part de la dépense publique dans le PIB diminuera encore de près d'un point en 1999. Depuis 1997, elle diminue de près d'un point par an. Cela me semble également un bon rythme, qui est vertueux mais ne nous empêche pas de financer nos priorités, en particulier toutes les lois qui ont été adoptées depuis l'été 1997, par exemple sur l'exclusion, les emplois-jeunes ou encore la réduction du temps de travail.
Financement de nos priorités, désendettement et préparation des retraites, diminution des prélèvements : tel est le triangle d'or qui a guidé les budgets 1998 et 1999. Les gouvernements précédents avaient toujours sacrifié un ou deux des trois pôles du triangle ; le gouvernement de L. JOSPIN est fermement résolu, jusqu'en 2002, à tenir ces trois objectifs, parce qu'ils dessinent le cap de la croissance solidaire.
Je tiens à ajouter que le projet de budget que vous avez devant vous est le fruit d'un travail partagé entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale, à l'issue de discussions intenses lors de son examen par celle-ci le mois dernier. Grâce à un travail fourni et constructif, les députés ont contribué à améliorer le projet de budget 1999 et à renforcer encore les priorités qui sont celles du Gouvernement, à commencer par l'emploi, la justice sociale, le soutien de la croissance.
4) Le "contre-budget" de la commission des finances.
Je voudrais pour finir dire un mot des propositions émises par votre commission des finances, à la fois sur leur volet fiscal et sur leur équilibre global.
Sur le volet fiscal.
Votre contre-budget comporte peu de surprises. Il révèle surtout une démarche incohérente et une politique contraire à l'objectif de justice fiscale du Gouvernement.
Vous voulez revenir sur l'abaissement du plafond du quotient familial proposé par le Gouvernement à la demande des associations familiales sans pour autant remettre en cause la suppression de la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, que vous venez de voter dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous faites ainsi un cadeau fiscal de près de 4 MdF à 425 000 contribuables dont le revenu moyen se situe dans la très grande majorité des cas aux alentours de 600 000 F par an, soit environ 50 000 F par mois.
Vous voulez reprendre la baisse de l'impôt sur le revenu proposée par M. Juppé mais, comme, pas plus que lui d'ailleurs, vous n'êtes parvenus à concilier votre souci d'affichage politique et les contraintes budgétaires que vous cherchez à respecter, vous prenez soin de ne prévoir l'application de cette baisse qu'en ... l'an 2000. On retrouve bien là une constante de la droite de ce pays qui est toujours de promettre les baisses d'impôt pour demain mais de ne se montrer capable de les financer qu'en tirant des traites sur l'avenir. Augmenter les impôts pour réduire le déficit, ça, je le reconnais bien volontiers, vous avez démontré une indiscutable capacité en la matière. Réduire les impôts tout en diminuant le déficit, cela vous est visiblement plus difficile, même lorsque vous êtes dans l'opposition. C'est pourtant ce que le Gouvernement a fait, en 1997, en finançant la baisse de l'impôt sur le revenu décidée par M. Juppé, et c'est ce qu'il fera, en 1999, avec le budget qui vous est proposé.
Enfin, vous démontrez une vibrante ardeur écologique puisque vous proposez d'augmenter les taxes sur le gazole de plus de 10 centimes (près de 13 centimes à la pompe) c'est à dire bien au delà de ce que propose le Gouvernement (7 centimes soit un peu moins de 9 centimes à la pompe), mais en même temps vous supprimez une des mesures les plus emblématiques de l'an I de la fiscalité écologique, qui est la création d'une taxe générale sur les activités polluantes.
Quant à la justice fiscale, ce n'est manifestement pas une de vos priorités, puisque vous envisagez de rejeter deux des articles de lutte contre l'évasion fiscale en matière d'ISF et même de supprimer une disposition autorisant l'administration fiscale à demander des éclaircissements au contribuable soumis à l'ISF, ce qui me parait quand même la moindre des choses.
Il y a, là encore, une profonde divergence entre la droite et la gauche. Car au total, si nous prenons en compte l'ensemble des mesures qui ont été adoptées depuis juin 1997, que constatons-nous ? D'une part, que les prélèvements sur les revenus du travail ont diminué de 20 MdF, quand les prélèvements sur le capital ont augmenté de 28 MdF. D'autre part, que les prélèvements sur les 90 % des ménages appartenant aux classes moyennes et populaires ont diminué de 7,5 MdF quand ceux pesant sur les 10 % des ménages les plus riches ont augmenté de 12,6 MdF. Nous avons, nous, la conviction que la justice sociale est le meilleur garant de l'efficacité économique.
J'observe cependant que votre contre-budget reste bien timide en matière fiscale et que, pour le reste, vous ne remettez pas réellement en cause les dispositions qui vous sont soumises par le Gouvernement, et notamment les plus symboliques d'entre elles, comme la réforme de la taxe professionnelle ou la baisse des taxes sur les cessions de locaux professionnels. Les critiques adressés par une partie de l'opposition à l'Assemblée nationale, mais une partie seulement puisque la réforme de la taxe professionnelle a été votée par plusieurs députés de l'opposition, sont ainsi démenties, ce dont je me félicite.
Sur l'équilibre global.
Si je devais résumer le projet de budget du Gouvernement modifié par l'Assemblée nationale, je dirais qu'il relève d'une approche équilibrée, pragmatique, partageant nos marges de manoeuvre en trois tiers à peu près égaux pour financer nos priorités (16 MdF), baisser les impôts (16 MdF) et baisser le déficit (21 MdF). La proposition de la commission des finances du Sénat relève d'une toute autre logique, puisque, par rapport à ce projet de budget, elle vise à baisser les dépenses de 26 MdF pour affecter 12 MdF à la baisse des impôts et 14 MdF à la baisse du déficit.
Une telle approche, bien entendu, n'est plus du tout équilibrée. Le cur de cette stratégie consiste simplement à " matraquer " la dépense. Au lieu d'une hausse de 1 % en volume (+ 16 MdF), la dépense connaîtrait une baisse de 0,7 % (- 10 MdF). Je voudrais sur ce point faire quelques commentaires :
*cette proposition différencie clairement notre politique de celle qui serait la politique de la droite si elle revenait au pouvoir. Elle souhaite toujours, et en toutes circonstances, réduire la dépense publique, quelles que soit la conjoncture économique, quels que soient les besoins de nos concitoyens, notamment en matière de services publics et en matière sociale ;
*un tel " contre-budget " reviendrait à tirer un trait sur un an et demi d'activité gouvernementale, à remettre en cause la plupart des grands projets pour lesquels nous avons été élus et que nous avons mis en uvre. Christian SAUTTER détaillera vos propositions, mais je pense au-delà même du volume de réduction des dépenses, aux choix que vous proposez : 6 MdF en moins sur les emplois-jeunes ; 3,5 MdF en moins pour la réduction du temps de travail ; 8 MdF en moins pour le pouvoir d'achat des fonctionnaires ; 5 % en moins sur les crédits du RMI. La liste est édifiante, notamment pour ceux qui persistent à douter de la différence entre la gauche et la droite.
*enfin, je voudrais rappeler que vous n'avez jamais réussi, quand vous étiez au pouvoir, à diminuer les dépenses de l'Etat dans de telles proportions : de 1993 à 1996, les dépenses de l'Etat ont augmenté de 2,7 % par an.
Votre proposition me paraît donc, au mieux impossible, au pire catastrophique pour la croissance et pour la réalisation des projets voulus par nos concitoyens. Vous vous défendez de faire là une proposition idéologique. Je crois au contraire que vous entonnez un credo illusoire, tellement illusoire que vous-mêmes n'avez pas réussi à le mettre en oeuvre quand vous en aviez la possibilité.
Le budget qu'avec Christian Sautter nous vous présentons pour 1999 incarne des choix stratégiques pour notre pays :
*une stratégie économique tout d'abord : la relance de la consommation et de l'emploi, pour le rétablissement de la confiance et le soutien au pouvoir d'achat. La France et l'Europe étaient engluées dans une vision statique : on ne parlait que critères, grands équilibres, stabilité. Nous avons renoué avec la dynamique de l'économie, fondée sur la confiance et la connivence.
*une stratégie budgétaire ensuite : rompre avec le cercle vicieux déficits-dette-réduction des dépenses " actives " de l'État et hausse des prélèvements qui étouffait lentement nos marges de manoeuvre. Depuis deux ans, les charges d'intérêt progressent moins vite que les autres dépenses, et que nos priorités. En 2000, pour la première fois, la dette reculera en % du PIB. Nous sortons enfin d'une politique budgétaire passive, d'une politique de rentiers ; nous retrouvons la maîtrise des choix publics, et nous revendiquons nos priorités plutôt que les vôtres.
*une stratégie fiscale enfin : nos priorités ont été annoncées dès 1997 et elles ont été traduites dans les faits. Moins taxer les revenus du travail, et plus ceux du capital. Moins taxer l'emploi et la prise de risque, et plus les profits et plus-values des entreprises. Rééquilibrer le partage entre fiscalité directe et indirecte. Nous avons ainsi fait progresser la justice sociale, et soutenu la demande.
Ces trois choix n'étaient pas ceux des gouvernements précédents, et ne sont donc pas ceux de la majorité sénatoriale. Nous sommes là pour en débattre, dans la sérénité mais sans masquer nos divergences. Je m'en réjouis avec vous.

(source http://www.minefi.gouv.fr, le 31 juillet 2002)