Texte intégral
Je suis contente de vous retrouver aujourd'hui et de faire le point devant vous, avec Ségolène Royal, Dominique Gillot et Nicole Péry de ce que nous avons fait depuis un an pour faire progresser l'accès à l'IVG et à la contraception, sujets qui vous sont particulièrement chers et sur lesquels vous avez raison de rester mobilisés.
Ensemble, en Juillet 99, nous nous étions fixées un plan d'actions que nous nous sommes attachées à mettre en oeuvre. Ce plan était bâti autour de trois axes :
développer une politique active en matière de contraception et mieux prévenir ainsi les grossesses non désirées;
rendre plus effectif les droits existants en matière d'IVG et améliorer pour cela l'accès à l'IVG, notamment à l'hôpital public ;
préparer une éventuelle révision de la loi Veil.
Sur ce dernier point, nous nous étions donnés un an pour réfléchir, travailler et élargir le débat et la concertation. Nous sommes aujourd'hui au rendez-vous.
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1- Développer une politique active en matière de contraception
Nous nous sommes vus pour la dernière fois en janvier dernier, lors du lancement de la campagne contraception. J'aimerais aujourd'hui faire un bilan avec vous de cette campagne. Mais permettez que je vous en rappelle d'abord les principaux éléments.
La campagne contraception, c'était :
Trois cibles prioritaires :
les jeunes pour les inciter à choisir la bonne contraception au bon moment;
les célibataires pour les aider à gérer une sexualité souvent intermittente, facilement à l'origine de défaut de contraception;
les couples pour les inciter à choisir leur contraception de façon concertée.
Une signature : "La contraception, à vous de choisir la vôtre" : voulant signifier que la contraception est désormais une évidence, que le sujet n'est plus de se poser la question de "la" contraception mais de "quelle" contraception et qu'il y a un moyen de contraception différent et adapté à la situation de vie de chacune et de chacun.
Une campagne média , composée de trois spots TV, un pour chacun des trois différents publics-cibles, diffusés pendant trois semaines sur toutes les chaînes nationales, accompagnés d'une campagne radio, s'adressant plus particulièrement aux jeunes de 15/25 ans et d'une campagne de presse dans la presse féminine et la presse jeunes.
Une campagne hors média, consistant en :
la diffusion de 12 millions de guides de poche sur la contraception dans les collèges, lycées, universités, par les ministères partenaires de la campagne, le réseau associatif, le planning familial et divers acteurs de santé;
une plate-forme téléphonique nationale, destinée à orienter les appels vers la structure d'accueil et d'information locale la plus adaptée à leurs questions et leurs besoins;
des actions menées localement pour relayer la campagne, coordonnées, accompagnées, voire même impulsées par des comités de pilotage mis en place dans chaque département, réunissant les services déconcentrés de l'Etat, les collectivités locales et les associations;
Enfin, dernier aspect de la campagne : une déclinaison spécialement adaptée aux DOM, rendue nécessaire du fait de l'importance tout à fait majeure du déficit d'information sur la contraception dans ces départements et du taux de recours à l'IVG.
Nous avons aujourd'hui trois éléments de bilan à notre disposition: (1) le post-test de la campagne réalisé par l'institut BVA, (2) l'évaluation menée à notre demande par l'équipe INSERM de Nathalie Bajos, que je remercie d'être là et à qui je passerai la parole tout à l'heure pour qu'elle complète mon propos, (3) et enfin le premier recensement fait par le service des droits des femmes et de l'égalité, recensant les actions qui se sont déroulées et continuent de se dérouler localement, sur tout le territoire, à proximité des populations concernées, pour relayer la campagne.
Les conclusions de l'Institut BVA sont globalement satisfaisantes: bonne visibilité d'ensemble, bonne mémorisation de la campagne: 40 % des Français interrogés déclarent avoir vu, lu ou entendu la campagne, ce taux de mémorisation étant nettement plus élevé (60 %) chez les 15-25 ans et dans les DOM.
Les films ont été jugés utiles par 91 % des personnes interrogées, compréhensibles par 81%, informatifs par 76%. Ils ont touché leur cible puisqu'ils ont plu en priorité aux jeunes femmes de 15 à 25 ans. Les messages radios ont bénéficié de 80% d'appréciation positive en métropole et de 70% dans les DOM.
Pour ce qui concerne la campagne hors média, le guide de poche a rempli son usage d'outil privilégié de la campagne. Il a volontiers servi de support à la mobilisation de partenaires locaux et à l'organisation d'actions de diffusion et d'information complémentaire sur la contraception. La plate-forme téléphonique a reçu quelques 10 000 appels dont la majorité a émané de femmes, célibataires, jeunes (plus de 70 % avaient entre 15 et 25 ans), habitant la région parisienne. Parallèlement, Fil Santé Jeunes a fait état d'un accroissement, concomitant à la campagne, d'appels sur le thème de la contraception.
Quant au bilan des actions de terrain, il est tout à fait intéressant. Tous les comités départementaux de pilotage se sont mobilisés. Plus d'un millier d'actions de terrain se sont déjà déroulées. Plusieurs centaines sont encore programmées. Beaucoup d'entre elles sont étonnamment innovantes et originales, témoignant d'une réelle appropriation du sujet par leurs animateurs.
Parmi elles:
la journée "à vos z'amours" organisée à Strasbourg pour la Saint Valentin, le 14 Février dernier: un stand d'information était installé sur la Place Kléber tandis qu'un micro-trottoir interviewait les passants sur la contraception;
une rencontre organisée entre des femmes immigrées et une spécialiste de l'Islam dans une maison de quartier en Eure et Loir sur le thème: "Entre culture et religion, comment aborder les questions de sexualité?"
des rencontres d'information et de dialogue autour du guide de poche avec des gens du voyage ou des détenues en instance de libération;
des opérations ludiques conçues pour de jeunes publics sous la forme de théatre-forum interactif, de jeux de société ou de concours d'affiches, etc.
Vous voyez que chacun s'y est mis et que les imaginations sont allées bon train. La campagne média n'a servi que de point de départ pour replacer la contraception au centre du débat public. Le travail de relais est le plus important. Il faut qu'il se poursuive. C'est sur lui qu'il faut continuer de mettre l'accent dans les prochains mois.
C'est du reste le principal enseignement de l'étude menée par Nathalie Bajos et son équipe: sur ce sujet de la contraception, nous dit-elle, la seule campagne audiovisuelle n'est pas suffisante. Elle est importante pour créer un bruit de fonds, interpeller, susciter les questions, prendre conscience d'un défaut d'information, mais elle ne suffit pas pour savoir précisément quelle contraception choisir à quel moment. Elle nécessite d'être accompagnée par des actions de proximité d'une part comme celles dont je viens de faire état, mais surtout par un changement de comportement des professionnels de santé: médecins généralistes, gynécologues, pharmaciens, infirmières scolaires. Selon les conclusions de l'étude, l'utilisation de la contraception ne s'améliorera de façon significative que si l'accent est mis sur la formation des professionnels chargés de la prescrire, de la distribuer ou de l'administrer, afin qu'ils accompagnent leurs actes d'une information et d'un dialogue plus adaptés aux besoins des demandeurs.
C'est à partir de ces premiers éléments de bilan qu'il nous faudra choisir ensemble comment poursuivre de la façon la plus efficace la campagne contraception.
Pour manifester l'importance qu'il accorde à poursuivre l'effort engagé dans ce domaine, le Gouvernement a décidé que seraient, d'ici l'été, rediffusé les spots télévisés, réédité le guide de poche et poursuivis la valorisation et le soutien aux actions locales.
Surtout, le Premier Ministre, conscient de la nécessité de réitérer année après année l'information sur la contraception, notamment pour qu'elle puisse toucher les nouvelles générations d'adolescents concernés a accepté le principe d'une campagne régulière en faveur de la contraception. Il vous appartiendra à vous, comité de pilotage, de choisir avec nous les actions qu'il y aura lieu de financer pour que ces futures campagnes atteignent au mieux leur objectif.
Nos efforts pour développer une politique active en matière de contraception ne se résument pas à la campagne contraception.
J'ai aussi uvré, vous le savez, pour prendre toutes dispositions visant à faciliter l'accès de toutes les femmes à tous les contraceptifs disponibles sur le marché.
Je ne m'étends pas sur les efforts que nous avons déployés, il y a plus d'un an maintenant, pour inciter à la mise sur le marché des premières pilules du lendemain, la tétragynon d'une part, le lévonorgestrel -Norlevo, d'autre part.
Je ne m'étends pas non plus sur la détermination qui a été la nôtre, que vous connaissez, et particulièrement celle de Ségolène Royal, lorsqu'il s'est agi de faire en sorte que les infirmières scolaires puissent administrer le Norlevo aux adolescentes s'adressant à elles en situation de détresse. Le protocole d'accord autorisant cette délivrance a été, comme vous le savez, remis en cause sur le plan juridique par le Conseil d'Etat. Nous y reviendrons dans un instant.
Vous avez suivi la passe d'armes qui m'a opposée il y a quelques jours à peine au laboratoire Besins-Iscovesco. Ce laboratoire qui commercialise le Norlevo et a bénéficié, soit dit en passant, d'une formidable opération publicitaire gratuite de notre part à l'occasion de la campagne et des débats autour du protocole Norlevo dans les établissements scolaires avait brutalement décidé d'augmenter son prix en pharmacie de près de 20%, le faisant passer de 55 Frs à plus de 65 Frs. Mes arguments ont dû les convaincre car ils ont rapidement accepté de revenir à leur prix antérieur.
Jusqu'à il y a quelques jours encore, vous me l'aviez fait remarquer souvent, le recours au stérilet était pénalisé pour des raisons financières. Le prix de vente au public était libre et se situait aux alentours de 300 Frs, le remboursement par la Sécurité Sociale étant lui limité à 44 Frs. Depuis le 29 Août dernier, nous avons décidé, Dominique Gillot et moi-même que le prix maximal de vente au public du stérilet serait de 142 Frs, remboursable à hauteur de 65%. C'est à dire que le reste à charge pour les femmes ne sera plus que de 49,70 Frs alors qu'il pouvait atteindre plus de 250 Frs. Je vous rappelle, par ailleurs, que les stérilets sont pris en charge à 100% pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle.
Enfin, je n'oublie pas la promesse que je vous ai faite d'agir en faveur d'une mise prochaine sur le marché d'un générique de pilule de troisième génération, remboursable par la Sécurité Sociale. A ma demande, le Comité Economique du Médicament a entrepris les négociations nécessaires avec les laboratoires concernés, sur la base du prix qui nous paraît raisonnable pour ce remboursement. La mise sur le marché devrait intervenir maintenant sans tarder, je l'espère au cours du premier trimestre de l'année 2001.
2- Améliorer l'accès à l'IVG, notamment à l'hôpital public
Les principales mesures destinées à améliorer l'accès à l'IVG, notamment à l'hôpital public que je vous avais annoncées lors de nos dernières rencontres étaient les suivantes :
- Augmentation des moyens en personnel médical mis à la disposition de cette activité, notamment pour améliorer la continuité du service public pendant la période estivale.
- Facilitation de l'accès de toutes les femmes à toutes les techniques d'IVG, y compris médicamenteuse, quelque soit le centre d'IVG sollicité.
- Elargissement des missions des commissions régionales de la naissance, désormais chargées de faire en sorte qu'existe un lieu d'information et d'orientation par région sur la contraception et l'accès à l'IVG ainsi que d'élaborer un rapport annuel d'activité sur l'IVG dans la région et ses difficultés.
- Prise en compte du bon fonctionnement de l'activité d'IVG dans les contrats d'objectifs et de moyens signés par les ARH avec les établissements ainsi que dans les critères d'accréditation des établissements selon l'ANAES.
Un an après la mise en place de ce plan, le bilan en est le suivant :
Une enveloppe budgétaire de 12 millions de francs a été affectée au titre du budget 2000 pour renforcer en moyens humains et particulièrement médicaux les équipes hospitalières pratiquant des IVG. Ces moyens ont été répartis par région en fonction de celles identifiées comme ayant le plus de difficultés pour assurer la continuité du service public dans ce domaine ; vous avez dans votre dossier une fiche vous précisant quelle a été cette répartition par région. Un point de l'utilisation de ces crédits a été fait par la Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins, à ma demande, en juin dernier. A l'époque, tous les crédits avaient bien été affectés. La moitié avait déjà été engagée, correspondant à la création de 15 équivalents temps plein médecins, de 4000 vacations médicales et de 7 équivalents temps plein non médecins. Depuis, je sais que les engagements se sont poursuivis, notamment à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris qui avait pris, comme souvent, un peu de retard. Nous suivons le dossier de près. Il faudra notamment que nous nous posions la question de savoir si l'effort a été suffisant ou s'il convient de le poursuivre au cours des prochaines années.
Pour améliorer la continuité du service public pendant la période estivale, dont nous savons combien elle était jusqu'à présent insuffisante, une circulaire a été adressée à toutes les régions leur demandant de mettre en place avant le 1° Juillet une permanence téléphonique susceptible d'orienter les femmes en fonction du planning de permanence des hôpitaux en matière d'IVG durant l'été ; 60 000 Frs ont été attribués par région dès le mois de mai dernier pour aider au financement des six premiers mois de cette permanence téléphonique. Ces financements seront reconduits de façon pérenne. La mise en place effective de ce dispositif a été suivi de près par la Direction Générale de la Santé.Toutes les régions se sont mobilisées, sauf une. Elles ont mis en place une permanence téléphonique qui est assurée, selon les régions, soit par un centre hospitalier, soit par le centre 15, soit par le Mouvement pour le Planning familial, soit par une autre association locale.
Afin d'évaluerl'efficacité de ces deux premières mesures du plan en faveur de l'IVG, une nouvelle enquête a été commandée cet été à Chantal Blayo, sur le modèle de celle qu'elle avait déjà menée il y a un an. Ses conclusions ne sont pas totalement finalisées. Je vous livre en primeur les quelques éléments dont je dispose, mais elle nous en dira plus tout à l'heure, car elle a accepté de venir ce matin, ce dont je la remercie vivement.
Son enquête a été plus complète que celle qu'elle a mené l'année dernière. Elle a concerné l'ensemble des départements, au lieu de 12 seulement en 1999. Globalement, les résultats ne sont guère différents de ceux obtenus il y a un an: 52% de résulats favorables, c'est à dire de prise en charge sans délai ou avec un délai compatible avec le terme de la grossesse, y compris pour les urgences, sur l'ensemble des 711 établissements publics et privés accueillant officiellement des IVG en France, alors que la proportion de résultats favorables était de 55% sur l'échantillon de 12 départements testé l'année dernière.
Mais à y regarder de près, les résultats sont en fait assez contrastés d'un département à l'autre, avec 18 départements dans lesquels il y a 100% de résultats favorables et à l'inverse 6 départements n'affichant des réponses favorables que dans moins de 25% des établissements interrogés, publics et privés confondus.
La situation reste notamment tout à fait préoccupante dans Paris intra-muros où il semble qu'aucun des hôpitaux publics réputés faire des IVG n'ait répondu de façon satisfaisante pendant la période de l'enquête. Elle s'est par contre améliorée relativement à l'an dernier dans le Nord par exemple, en Ile et Vilaine ou en Poitou-Charentes. Résultat notable: l'accès à l'IVG ne pose pas de problème en période estivale ni dans les DOM, ni en Corse.
Le diagnostic de Chantal Blayo est le même que l'an dernier: les petites structures des petites villes sont nettement plus favorables à la qualité de l'accueil que les grosses structures des métropoles qui restent pourtant les lieux de recours les plus fréquents notamment pour les femmes les plus vulnérables et socialement défavorisées, et alors même qu'elles sont souvent aussi celles qui nécessitent une prise en charge en urgence.
Par ailleurs, l'amélioration que l'on aurait été en droit d'attendre du fait de la mise en place des permanences téléphoniques ne s'est pas encore fait totalement sentir, probablement du fait d'une insuffisance de coordination sur le terrain: d'après les enquêtrices de Chantal Blayo, souvent les CIVG n'étaient pas au courant de l'existence d'une permanence téléphonique régionale! Même le planning, me dit-on, lorsque c'est lui qui s'est porté volontaire pour assurer cette permanence, n'a pas transmis l'information aux différentes structures hospitalières de la région. Défaut de jeunesse d'un dispositif qui se rôde. Il faut pourtant y arriver, car une orientation bien faite sur une structure référencée pour avoir les moyens d'assurer l'accueil, même en plein mois d'Août, permet de pallier les impossibilités de prise en charge des voisines et d'éviter aux femmes l'angoisse de se retrouver hors délai.
Les autres mesures du plan IVG se sont elles aussi été mises en place progressivement:
- Vingt régions ont intégré les thèmes de l'IVG et de la contraception aux missions de leur commission régionale de la naissance (CRN).
- Comme nous nous y étions engagés, nous avons travaillé à faciliter le recours à l'IVG médicamenteuse. Une circulaire a été adressée dans ce sens à tous les directeurs d'établissements dès novembre 1999 . Par ailleurs, il a été demandé à l'AFSSAPS d'examiner les possibilités d'élargir les indications de la mifégyne. L'agence est en passe de conclure sur deux sujets: l'extension de l'AMM jusqu'au 63ème jour d'aménorrhée, alors qu'elle n'existe aujourd'hui que jusqu'au 49 ème ; l'extension de l'autorisation de prescription sous conditions à la ville.
- Enfin, comme promis, l'ANAES a été sollicitée pour élaborer des recommandations de bonne pratique en matière d'IVG et pour intégrer aux critères d'accréditation des établissements le bon fonctionnement de leur activité d'IVG.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 21 septembre 2000).
3- Préparer une éventuelle révision de la loi Veil.
C'était, vous vous en souvenez, le troisième axe de notre plan. Celui pour lequel nous nous étions donnés ensemble le temps de la réflexion et pour lequel je vous avais donné rendez-vous à un an. Nous y sommes. Et je suis heureuse de vous annoncer, mais vous le savez déjà, que le Gouvernement a décidé de prendre un certain nombre d'initiatives législatives et d'en soutenir d'autres en faveur d'un meilleur accès à l'IVG et à la contraception.
Donner une base légale à la vente libre du Norlévo
Dans un premier temps, nous allons soutenir une initiative parlementaire visant à donner une base légale à la vente libre du Norlevo et à son accessibilité dans les infirmeries scolaires conformément au protocole que Ségolène Royal avait mis en place au printemps dernier. Ce texte sera débattu le 5 octobre à l'Assemblée nationale.
Il introduit en un seul article trois dérogations par rapport à la loi actuelle relative aux contraceptifs. Il s'agit de permettre l'accès sans prescription médicale aux contraceptifs d'urgence et non susceptibles de présenter un danger pour la santé (définition qui s'applique au Norlevo) ; de permettre la prescription et la délivrance de ces mêmes contraceptifs aux mineures désirant garder le secret; de permettre leur administration, en cas de détresse caractérisée, par les infirmières travaillant en milieu scolaire. Jack Lang, Ministre de l'Education Nationale, attend le vote de ce texte pour réadresser à tous les établissements scolairees une circulaire réhabilitant le protocole national mis en cause sur le plan juridique par le Conseil d'Etat en juin dernier.
Déposer un projet de loi sur l'IVG et la contraception, visant à réviser les lois Veil et Neuwirth.
Le texte finalisé que nous venons d'envoyer au Conseil d'Etat est conforme aux arbitrages rendus par le Premier Ministre le 26 juillet dernier, arbitrages qu'il a rendus à partir des propositions que nous lui avions faites, ensemble Ségolène Royal, Dominique Gillot, Nicole Péry et moi. Il inclut plusieurs dispositions :
- Pour ce qui concerne la contraception,
Nos propositions consistent d'abord en la suppression de l'obligation d'autorisation parentale pour l'accès des mineures à tous les contraceptifs hormonaux.
Aujourd'hui, vous le savez, un médecin hors d'un centre de planning, ne peut prescrire une contraception à une mineure sans autorisation parentale. Notre volonté et notre détermination sont de favoriser l'accès à la contraception pour prévenir les grossesses non désirées, et vous savez comme moi qu'elles sont encore trop nombreuses chez les jeunes adolescentes.
- Pour ce qui concerne la révision de la loi Veil,
Nous proposons trois modifications principales :
- L'allongement du délai légal de recours de 10 à 12 semaines de grossesse.
- L'aménagement de l'obligation d'autorisation pour les mineures souhaitant avoir recours à l'IVG.
- La suppression des sanctions pénales liées à la propagande et à la publicité en faveur de l'IVG.
L'allongement du délai légal de recours de 10 à 12 semaines de grossesse.
Nous avons pris notre décision après avoir réfléchi longuement et consulté les experts.
Comme vous le savez, j'ai interrogé l'ANAES pour savoir s'il existait des contre-indications médicales ou de sécurité sanitaire à l'allongement de ce délai. Celle-ci n'a pas encore totalement fini d'élaborer le référentiel de bonnes pratiques en matière d'IVG qui lui a été commandé. Mais elle a émis un premier rapport, contenant des recommandations en matière d'organisation des structures de prise en charge des IVG.
Il précise ce que doivent être les consultations et les examens nécessaires avant une IVG, les techniques référencées de réalisation des IVG, et les critères de qualité du suivi de l'IVG. L'avis des experts de l'ANAES est formel: selon eux, il n' y a pas de justification de santé publique à prévoir un environnement technique ni médical spécifique pour les IVG qui seraient pratiquées entre 10 et 12 semaines. Les complications sont les mêmes, disent-ils, quelque soit la date à laquelle intervient l'IVG, même si le risque de survenue augmente proportionnellement avec l'âge de la gestation: le risque même minime de complication pour une IVG précoce impose de toute façon que tout centre d'IVG puisse avoir recours en urgence à un plateau technique chirurgical.
Par ailleurs, disent-ils, les risques de complication sont de moins en moins importants avec les progrès des techniques et des médicaments. Ils donnent l'exemple de l'utilisation du cytotec en pré-opératoire, devenu quasi systématique pour dilater le col de l'utérus et qui facilite grandement l'intervention en diminuant les risques hémorragiques.
Parallèlement aux travaux de l'ANAES, un rapport du Sénat est également paru il y a quelques mois, comparant l'état des législations européennes dans ce domaine. Il confirme que le délai de 12 semaines que nous nous proposons d'adopter est celui de quasi tous nos voisins européens et que cette modification législative aurait l'avantage de rapprocher notre dispositif législatif de celui de nos voisins.
Ces divers éléments, ajoutés aux confrontations que nous avons souhaité avoir nous-mêmes avec de nombreux experts, ont emporté notre conviction.
Résolument, nous avons choisi de ne pas prendre en compte les objections des opposants à l'allongement qui ont brandi la menace de la dérive eugénique et du désir d'enfant parfait.
Ceux-là laissent entendre que les progrès de l'échographie conduiraient les femmes à décider d'une IVG parce que l'enfant qu'elles verraient lors d'une échographie précoce ne leur conviendrait pas du fait d'une éventuelle malformation même mineure, ou parce qu'il n'aurait pas le bon sexe.
Ces objections ne sont pas fondées sur des critères de santé publique.
Elles reposent une autre question qui est celle du droit à l'IVG. Or, le droit à l'IVG ne peut être remis en cause. Il s'agit d'un droit acquis, de haute lutte, depuis 25 ans maintenant. Il s'agit de le moderniser, de l'adapter à l'évolution des besoins, de la demande des femmes et des pratiques médicales, non de le faire régresser.
Les progrès récents de la science et de la médecine soulèvent, il est vrai, des questions éthiques et notamment des questions liées au risque eugénique. Je pense par exemple au clonage. Mais ces questions ne sont pas nouvelles. Surtout, elles ne vont faire que s'amplifier dans les années à venir, avec les progrès de la connaissance génétique et de la génétique prédictive.
Elles ne se posent pas avec plus d'acuité entre 10 et 12 semaines de grossesse que plus tôt, dès le début de la grossesse ou plus tard, bien au delà de ce terme.
Le sujet de l'eugénisme est un débat important que nous ne devons pas occulter. Nous y travaillons dans le cadre de la loi bioéthique. Il est parfaitement respectable et même rassurant qu'il préoccupe particulièrement nos obstétriciens. Mais il ne doit pas être confondu avec le débat qui concerne le droit à l'IVG, et encore moins faussement résolu par une mise sous tutelle médicale des femmes. Pourquoi la décision du médecin prévaudrait-elle sur la décision de la femme à cet instant?
Nous le savons bien, la décision d'IVG est toujours une décision douloureuse, que les femmes ne prennent jamais à la légère, qui reste un ultime recours, traumatisant quoiqu'il arrive pour celle qui y accède.
Nous ne saurions accepter la vision fausse, irresponsable et infantilisante des femmes qui est apparue à travers certains propos que nous avons pu lire ici ou là. Nous n'avons pas cette conception des femmes.
La proposition du Gouvernement est donc que le délai légal de recours à l'IVG soit porté à 12 semaines de grossesse, soit 14 semaines d'aménhorrée. Des instructions seront ensuite diffusées aux services déconcentrés pour que les femmes en situation de particulière difficulté ou vulnérabilité puissent être prises en charge par des centres spécialement équipés en moyens à la fois humains et techniques appropriés. Notre objectif étant que progressivement tous les centres offrent les mêmes niveaux d'accueil, de prise en charge et d'accompagnement.
L'aménagement de l'obligation d'autorisation parentale pour les mineures
Nous avons choisi de continuer d'affirmer dans la loi que l'autorisation parentale doit rester la règle. En effet, à l'heure où nous souhaitons marquer l'importance que nous accordons à la responsabilité parentale et à la consolidation des liens familiaux, il serait paradoxal de démobiliser les parents à une période de sa vie où justement la jeune fille a le plus besoin de leur accompagnement et de leur soutien.
Pour autant, nous sommes convaincues qu'il faut ouvrir une possibilité de dérogation à cette règle. Car on ne peut ignorer certaines situations de détresse, liées principalement à des incompréhensions familiales. Il y a des cas particulièrement douloureux, que vous êtes les premiers, les premières à connaître, où la mineure ne peut, sans risque grave pour elle-même, parler à sa famille d'une IVG. Il y a aussi des cas où les parents, interrogés s'opposent à l'IVG. Il est enfin des cas où les représentants légaux ne sont pas joignables.
C'est pourquoi nous avons décidé que l'autorisation parentale ne serait plus une condition préalable indispensable à l'IVG.
La procédure que nous proposons est la suivante: pour une jeune fille qui dit ne pas pouvoir obtenir l'autorisation parentale, le médecin devra tout d'abord prendre le temps du dialogue, afin de voir s'il n'y pas moyen de la convaincre qu'il serait mieux pour elle que ses parents puissent l'accompagner dans cette période difficile de son existence.
Si la jeune fille persiste dans son souhait de garder le secret ou si, malgré son souhait, elle ne peut obtenir pour une raison quelconque le consentement de ses parents, son seul consentement, exprimé librement en tête à tête avec le médecin emportera la décision.
Mais afin de ne pas rester seule tout au long de cette période difficile, elle choisira, après en avoir discuté au cours de l'entretien préalable, un adulte pour l'accompagner, cet adulte pouvant être soit l'un des professionnels du CIVG, soit un adulte de son entourage proche.
La suppression des sanctions pénales liées à la propagande et à la publicité pour l'IVG.
Les sanctions pénales actuellement prévues dans la loi, et condamnant toute propagande et publicité en faveur de l'IVG, sont non seulement devenues obsolètes mais surtout constituent un obstacle à la politique que nous souhaitons mener de prévention des grossesses non désirées : par exemple, les permanences téléphoniques mises en place dans les régions pour informer les femmes sur les centres accessibles en matière d'IVG seraient susceptibles d'être sanctionnées du fait de cette disposition.
C'est pour cela que notre projet de texte entend les abroger. Pour autant, le reste du dispositif pénal, qui sanctionne les recours à l'IVG en dehors du cadre posé par la loi, dispositions au demeurant protectrices pour les femmes, est maintenu.
Dans le même esprit, nous avons décidé d'abroger certaines des dispositions du décret-loi de 1939 relatif à la famille et à la natalité française en tant qu'elles prévoient une automaticité d'interdiction professionnelle pour les médecins ayant pratiqué illégalement des IVG. Ces dispositions sont de toute façon contraires à la convention européenne des droits de l'homme.
Ces trois modifications constituent l'essentiel de nos motifs de révision de la loi du 17 janvier 1975. Je voudrais cependant, avant de conclure, rediscuter devant vous de deux autres sujets de débat législatif.
Concernant l'accès à l'IVG des étrangères en situation irrégulière, qui à juste titre vous préoccupait, je vous confirme que le problème a été réglé lors de la recodification du code de la santé publique en juin dernier. C'est pourquoi, il n'y a pas nécessité de modifier la loi relative à l'IVG sur ce sujet.
Deuxième point: nous avons souhaité intégrer dans notre nouveau texte deux dispositions concernant l'organisation des IVG dans les établissements hospitaliers.
La première a pour objet d'ouvrir la possibilité qu'une IVG puisse éventuellement, demain, se pratiquer en ambulatoire si l'évolution des techniques et des pratiques de soins l'autorise. Nous avons donc rédigé un article à cette intention qui autorise la pratique des IVG en ville ou pour partie en ville, mais par des praticiens identifiés et ayant passé convention avec un établissement de référence, c'est à dire dans le cadre d'un réseau de soins ville-hôpital.
Enfin, nous proposons également de modifier la loi pour lever l'ambiguïté qui perdure sur le fait de savoir si un chef de service peut refuser d'organiser dans son service des IVG en excipant de la clause de conscience. Comme je vous l'ai déjà dit à plusieurs reprises, j'estime que la liberté de conscience est un droit absolu qui doit être respecté: tout médecin a le droit de refuser de pratiquer personnellement des IVG à ce titre. Mais si ce même médecin est chef de service d'un service dont il a été décidé par le Conseil d'administration de l'hôpital que c'est à lui d'assumer les IVG, alors j'estime qu'il doit assumer les obligations de sa fonction et donc l'organisation des IVG, même s'il ne les pratique pas lui même. Car la pratique des IVG est une mission de service public. La loi va donc être modifiée, pour qu'une circulaire puisse enfin, comme je le souhaite depuis de nombreux mois, être envoyée en toute légalité aux différents chefs de service concernés leur rappelant leurs obligations.
Vous le voyez, nous avons tenu l'ensemble de nos engagements et de nos délais.
Mais j'aimerais vous redire en conclusion que, s'il nous apparaît désormais opportun d'engager une révision de la loi Veil, nous restons convaincues qu'il convient de la resituer dans la perspective dans laquelle nous avançons depuis plusieurs mois d'une politique active en faveur de la contraception et de l'IVG.
La révision législative ne suffit pas. Il faut poursuivre l'effort que nous avons entrepris ensemble, poursuivre le travail en faveur d'un meilleur accès aux contraceptifs et renforcer les mesures prises pour améliorer l'accès de l'IVG à l'hôpital public. Ne baissons pas la garde. Je compte sur vous pour continuer de travailler dans ce sens avec nous dans les prochains mois.
Cette détermination guide le Gouvernement depuis 1997. Nous n'accepterons pas le moindre recul, pour les femmes, en matière de droit à la contraception et d'accès à l'IVG.
C'est à cette seule condition que les femmes, libres et responsables, pourront désormais occuper la légitime place qui est la leur dans notre pays.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 21 septembre 2000).
Ensemble, en Juillet 99, nous nous étions fixées un plan d'actions que nous nous sommes attachées à mettre en oeuvre. Ce plan était bâti autour de trois axes :
développer une politique active en matière de contraception et mieux prévenir ainsi les grossesses non désirées;
rendre plus effectif les droits existants en matière d'IVG et améliorer pour cela l'accès à l'IVG, notamment à l'hôpital public ;
préparer une éventuelle révision de la loi Veil.
Sur ce dernier point, nous nous étions donnés un an pour réfléchir, travailler et élargir le débat et la concertation. Nous sommes aujourd'hui au rendez-vous.
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1- Développer une politique active en matière de contraception
Nous nous sommes vus pour la dernière fois en janvier dernier, lors du lancement de la campagne contraception. J'aimerais aujourd'hui faire un bilan avec vous de cette campagne. Mais permettez que je vous en rappelle d'abord les principaux éléments.
La campagne contraception, c'était :
Trois cibles prioritaires :
les jeunes pour les inciter à choisir la bonne contraception au bon moment;
les célibataires pour les aider à gérer une sexualité souvent intermittente, facilement à l'origine de défaut de contraception;
les couples pour les inciter à choisir leur contraception de façon concertée.
Une signature : "La contraception, à vous de choisir la vôtre" : voulant signifier que la contraception est désormais une évidence, que le sujet n'est plus de se poser la question de "la" contraception mais de "quelle" contraception et qu'il y a un moyen de contraception différent et adapté à la situation de vie de chacune et de chacun.
Une campagne média , composée de trois spots TV, un pour chacun des trois différents publics-cibles, diffusés pendant trois semaines sur toutes les chaînes nationales, accompagnés d'une campagne radio, s'adressant plus particulièrement aux jeunes de 15/25 ans et d'une campagne de presse dans la presse féminine et la presse jeunes.
Une campagne hors média, consistant en :
la diffusion de 12 millions de guides de poche sur la contraception dans les collèges, lycées, universités, par les ministères partenaires de la campagne, le réseau associatif, le planning familial et divers acteurs de santé;
une plate-forme téléphonique nationale, destinée à orienter les appels vers la structure d'accueil et d'information locale la plus adaptée à leurs questions et leurs besoins;
des actions menées localement pour relayer la campagne, coordonnées, accompagnées, voire même impulsées par des comités de pilotage mis en place dans chaque département, réunissant les services déconcentrés de l'Etat, les collectivités locales et les associations;
Enfin, dernier aspect de la campagne : une déclinaison spécialement adaptée aux DOM, rendue nécessaire du fait de l'importance tout à fait majeure du déficit d'information sur la contraception dans ces départements et du taux de recours à l'IVG.
Nous avons aujourd'hui trois éléments de bilan à notre disposition: (1) le post-test de la campagne réalisé par l'institut BVA, (2) l'évaluation menée à notre demande par l'équipe INSERM de Nathalie Bajos, que je remercie d'être là et à qui je passerai la parole tout à l'heure pour qu'elle complète mon propos, (3) et enfin le premier recensement fait par le service des droits des femmes et de l'égalité, recensant les actions qui se sont déroulées et continuent de se dérouler localement, sur tout le territoire, à proximité des populations concernées, pour relayer la campagne.
Les conclusions de l'Institut BVA sont globalement satisfaisantes: bonne visibilité d'ensemble, bonne mémorisation de la campagne: 40 % des Français interrogés déclarent avoir vu, lu ou entendu la campagne, ce taux de mémorisation étant nettement plus élevé (60 %) chez les 15-25 ans et dans les DOM.
Les films ont été jugés utiles par 91 % des personnes interrogées, compréhensibles par 81%, informatifs par 76%. Ils ont touché leur cible puisqu'ils ont plu en priorité aux jeunes femmes de 15 à 25 ans. Les messages radios ont bénéficié de 80% d'appréciation positive en métropole et de 70% dans les DOM.
Pour ce qui concerne la campagne hors média, le guide de poche a rempli son usage d'outil privilégié de la campagne. Il a volontiers servi de support à la mobilisation de partenaires locaux et à l'organisation d'actions de diffusion et d'information complémentaire sur la contraception. La plate-forme téléphonique a reçu quelques 10 000 appels dont la majorité a émané de femmes, célibataires, jeunes (plus de 70 % avaient entre 15 et 25 ans), habitant la région parisienne. Parallèlement, Fil Santé Jeunes a fait état d'un accroissement, concomitant à la campagne, d'appels sur le thème de la contraception.
Quant au bilan des actions de terrain, il est tout à fait intéressant. Tous les comités départementaux de pilotage se sont mobilisés. Plus d'un millier d'actions de terrain se sont déjà déroulées. Plusieurs centaines sont encore programmées. Beaucoup d'entre elles sont étonnamment innovantes et originales, témoignant d'une réelle appropriation du sujet par leurs animateurs.
Parmi elles:
la journée "à vos z'amours" organisée à Strasbourg pour la Saint Valentin, le 14 Février dernier: un stand d'information était installé sur la Place Kléber tandis qu'un micro-trottoir interviewait les passants sur la contraception;
une rencontre organisée entre des femmes immigrées et une spécialiste de l'Islam dans une maison de quartier en Eure et Loir sur le thème: "Entre culture et religion, comment aborder les questions de sexualité?"
des rencontres d'information et de dialogue autour du guide de poche avec des gens du voyage ou des détenues en instance de libération;
des opérations ludiques conçues pour de jeunes publics sous la forme de théatre-forum interactif, de jeux de société ou de concours d'affiches, etc.
Vous voyez que chacun s'y est mis et que les imaginations sont allées bon train. La campagne média n'a servi que de point de départ pour replacer la contraception au centre du débat public. Le travail de relais est le plus important. Il faut qu'il se poursuive. C'est sur lui qu'il faut continuer de mettre l'accent dans les prochains mois.
C'est du reste le principal enseignement de l'étude menée par Nathalie Bajos et son équipe: sur ce sujet de la contraception, nous dit-elle, la seule campagne audiovisuelle n'est pas suffisante. Elle est importante pour créer un bruit de fonds, interpeller, susciter les questions, prendre conscience d'un défaut d'information, mais elle ne suffit pas pour savoir précisément quelle contraception choisir à quel moment. Elle nécessite d'être accompagnée par des actions de proximité d'une part comme celles dont je viens de faire état, mais surtout par un changement de comportement des professionnels de santé: médecins généralistes, gynécologues, pharmaciens, infirmières scolaires. Selon les conclusions de l'étude, l'utilisation de la contraception ne s'améliorera de façon significative que si l'accent est mis sur la formation des professionnels chargés de la prescrire, de la distribuer ou de l'administrer, afin qu'ils accompagnent leurs actes d'une information et d'un dialogue plus adaptés aux besoins des demandeurs.
C'est à partir de ces premiers éléments de bilan qu'il nous faudra choisir ensemble comment poursuivre de la façon la plus efficace la campagne contraception.
Pour manifester l'importance qu'il accorde à poursuivre l'effort engagé dans ce domaine, le Gouvernement a décidé que seraient, d'ici l'été, rediffusé les spots télévisés, réédité le guide de poche et poursuivis la valorisation et le soutien aux actions locales.
Surtout, le Premier Ministre, conscient de la nécessité de réitérer année après année l'information sur la contraception, notamment pour qu'elle puisse toucher les nouvelles générations d'adolescents concernés a accepté le principe d'une campagne régulière en faveur de la contraception. Il vous appartiendra à vous, comité de pilotage, de choisir avec nous les actions qu'il y aura lieu de financer pour que ces futures campagnes atteignent au mieux leur objectif.
Nos efforts pour développer une politique active en matière de contraception ne se résument pas à la campagne contraception.
J'ai aussi uvré, vous le savez, pour prendre toutes dispositions visant à faciliter l'accès de toutes les femmes à tous les contraceptifs disponibles sur le marché.
Je ne m'étends pas sur les efforts que nous avons déployés, il y a plus d'un an maintenant, pour inciter à la mise sur le marché des premières pilules du lendemain, la tétragynon d'une part, le lévonorgestrel -Norlevo, d'autre part.
Je ne m'étends pas non plus sur la détermination qui a été la nôtre, que vous connaissez, et particulièrement celle de Ségolène Royal, lorsqu'il s'est agi de faire en sorte que les infirmières scolaires puissent administrer le Norlevo aux adolescentes s'adressant à elles en situation de détresse. Le protocole d'accord autorisant cette délivrance a été, comme vous le savez, remis en cause sur le plan juridique par le Conseil d'Etat. Nous y reviendrons dans un instant.
Vous avez suivi la passe d'armes qui m'a opposée il y a quelques jours à peine au laboratoire Besins-Iscovesco. Ce laboratoire qui commercialise le Norlevo et a bénéficié, soit dit en passant, d'une formidable opération publicitaire gratuite de notre part à l'occasion de la campagne et des débats autour du protocole Norlevo dans les établissements scolaires avait brutalement décidé d'augmenter son prix en pharmacie de près de 20%, le faisant passer de 55 Frs à plus de 65 Frs. Mes arguments ont dû les convaincre car ils ont rapidement accepté de revenir à leur prix antérieur.
Jusqu'à il y a quelques jours encore, vous me l'aviez fait remarquer souvent, le recours au stérilet était pénalisé pour des raisons financières. Le prix de vente au public était libre et se situait aux alentours de 300 Frs, le remboursement par la Sécurité Sociale étant lui limité à 44 Frs. Depuis le 29 Août dernier, nous avons décidé, Dominique Gillot et moi-même que le prix maximal de vente au public du stérilet serait de 142 Frs, remboursable à hauteur de 65%. C'est à dire que le reste à charge pour les femmes ne sera plus que de 49,70 Frs alors qu'il pouvait atteindre plus de 250 Frs. Je vous rappelle, par ailleurs, que les stérilets sont pris en charge à 100% pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle.
Enfin, je n'oublie pas la promesse que je vous ai faite d'agir en faveur d'une mise prochaine sur le marché d'un générique de pilule de troisième génération, remboursable par la Sécurité Sociale. A ma demande, le Comité Economique du Médicament a entrepris les négociations nécessaires avec les laboratoires concernés, sur la base du prix qui nous paraît raisonnable pour ce remboursement. La mise sur le marché devrait intervenir maintenant sans tarder, je l'espère au cours du premier trimestre de l'année 2001.
2- Améliorer l'accès à l'IVG, notamment à l'hôpital public
Les principales mesures destinées à améliorer l'accès à l'IVG, notamment à l'hôpital public que je vous avais annoncées lors de nos dernières rencontres étaient les suivantes :
- Augmentation des moyens en personnel médical mis à la disposition de cette activité, notamment pour améliorer la continuité du service public pendant la période estivale.
- Facilitation de l'accès de toutes les femmes à toutes les techniques d'IVG, y compris médicamenteuse, quelque soit le centre d'IVG sollicité.
- Elargissement des missions des commissions régionales de la naissance, désormais chargées de faire en sorte qu'existe un lieu d'information et d'orientation par région sur la contraception et l'accès à l'IVG ainsi que d'élaborer un rapport annuel d'activité sur l'IVG dans la région et ses difficultés.
- Prise en compte du bon fonctionnement de l'activité d'IVG dans les contrats d'objectifs et de moyens signés par les ARH avec les établissements ainsi que dans les critères d'accréditation des établissements selon l'ANAES.
Un an après la mise en place de ce plan, le bilan en est le suivant :
Une enveloppe budgétaire de 12 millions de francs a été affectée au titre du budget 2000 pour renforcer en moyens humains et particulièrement médicaux les équipes hospitalières pratiquant des IVG. Ces moyens ont été répartis par région en fonction de celles identifiées comme ayant le plus de difficultés pour assurer la continuité du service public dans ce domaine ; vous avez dans votre dossier une fiche vous précisant quelle a été cette répartition par région. Un point de l'utilisation de ces crédits a été fait par la Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins, à ma demande, en juin dernier. A l'époque, tous les crédits avaient bien été affectés. La moitié avait déjà été engagée, correspondant à la création de 15 équivalents temps plein médecins, de 4000 vacations médicales et de 7 équivalents temps plein non médecins. Depuis, je sais que les engagements se sont poursuivis, notamment à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris qui avait pris, comme souvent, un peu de retard. Nous suivons le dossier de près. Il faudra notamment que nous nous posions la question de savoir si l'effort a été suffisant ou s'il convient de le poursuivre au cours des prochaines années.
Pour améliorer la continuité du service public pendant la période estivale, dont nous savons combien elle était jusqu'à présent insuffisante, une circulaire a été adressée à toutes les régions leur demandant de mettre en place avant le 1° Juillet une permanence téléphonique susceptible d'orienter les femmes en fonction du planning de permanence des hôpitaux en matière d'IVG durant l'été ; 60 000 Frs ont été attribués par région dès le mois de mai dernier pour aider au financement des six premiers mois de cette permanence téléphonique. Ces financements seront reconduits de façon pérenne. La mise en place effective de ce dispositif a été suivi de près par la Direction Générale de la Santé.Toutes les régions se sont mobilisées, sauf une. Elles ont mis en place une permanence téléphonique qui est assurée, selon les régions, soit par un centre hospitalier, soit par le centre 15, soit par le Mouvement pour le Planning familial, soit par une autre association locale.
Afin d'évaluerl'efficacité de ces deux premières mesures du plan en faveur de l'IVG, une nouvelle enquête a été commandée cet été à Chantal Blayo, sur le modèle de celle qu'elle avait déjà menée il y a un an. Ses conclusions ne sont pas totalement finalisées. Je vous livre en primeur les quelques éléments dont je dispose, mais elle nous en dira plus tout à l'heure, car elle a accepté de venir ce matin, ce dont je la remercie vivement.
Son enquête a été plus complète que celle qu'elle a mené l'année dernière. Elle a concerné l'ensemble des départements, au lieu de 12 seulement en 1999. Globalement, les résultats ne sont guère différents de ceux obtenus il y a un an: 52% de résulats favorables, c'est à dire de prise en charge sans délai ou avec un délai compatible avec le terme de la grossesse, y compris pour les urgences, sur l'ensemble des 711 établissements publics et privés accueillant officiellement des IVG en France, alors que la proportion de résultats favorables était de 55% sur l'échantillon de 12 départements testé l'année dernière.
Mais à y regarder de près, les résultats sont en fait assez contrastés d'un département à l'autre, avec 18 départements dans lesquels il y a 100% de résultats favorables et à l'inverse 6 départements n'affichant des réponses favorables que dans moins de 25% des établissements interrogés, publics et privés confondus.
La situation reste notamment tout à fait préoccupante dans Paris intra-muros où il semble qu'aucun des hôpitaux publics réputés faire des IVG n'ait répondu de façon satisfaisante pendant la période de l'enquête. Elle s'est par contre améliorée relativement à l'an dernier dans le Nord par exemple, en Ile et Vilaine ou en Poitou-Charentes. Résultat notable: l'accès à l'IVG ne pose pas de problème en période estivale ni dans les DOM, ni en Corse.
Le diagnostic de Chantal Blayo est le même que l'an dernier: les petites structures des petites villes sont nettement plus favorables à la qualité de l'accueil que les grosses structures des métropoles qui restent pourtant les lieux de recours les plus fréquents notamment pour les femmes les plus vulnérables et socialement défavorisées, et alors même qu'elles sont souvent aussi celles qui nécessitent une prise en charge en urgence.
Par ailleurs, l'amélioration que l'on aurait été en droit d'attendre du fait de la mise en place des permanences téléphoniques ne s'est pas encore fait totalement sentir, probablement du fait d'une insuffisance de coordination sur le terrain: d'après les enquêtrices de Chantal Blayo, souvent les CIVG n'étaient pas au courant de l'existence d'une permanence téléphonique régionale! Même le planning, me dit-on, lorsque c'est lui qui s'est porté volontaire pour assurer cette permanence, n'a pas transmis l'information aux différentes structures hospitalières de la région. Défaut de jeunesse d'un dispositif qui se rôde. Il faut pourtant y arriver, car une orientation bien faite sur une structure référencée pour avoir les moyens d'assurer l'accueil, même en plein mois d'Août, permet de pallier les impossibilités de prise en charge des voisines et d'éviter aux femmes l'angoisse de se retrouver hors délai.
Les autres mesures du plan IVG se sont elles aussi été mises en place progressivement:
- Vingt régions ont intégré les thèmes de l'IVG et de la contraception aux missions de leur commission régionale de la naissance (CRN).
- Comme nous nous y étions engagés, nous avons travaillé à faciliter le recours à l'IVG médicamenteuse. Une circulaire a été adressée dans ce sens à tous les directeurs d'établissements dès novembre 1999 . Par ailleurs, il a été demandé à l'AFSSAPS d'examiner les possibilités d'élargir les indications de la mifégyne. L'agence est en passe de conclure sur deux sujets: l'extension de l'AMM jusqu'au 63ème jour d'aménorrhée, alors qu'elle n'existe aujourd'hui que jusqu'au 49 ème ; l'extension de l'autorisation de prescription sous conditions à la ville.
- Enfin, comme promis, l'ANAES a été sollicitée pour élaborer des recommandations de bonne pratique en matière d'IVG et pour intégrer aux critères d'accréditation des établissements le bon fonctionnement de leur activité d'IVG.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 21 septembre 2000).
3- Préparer une éventuelle révision de la loi Veil.
C'était, vous vous en souvenez, le troisième axe de notre plan. Celui pour lequel nous nous étions donnés ensemble le temps de la réflexion et pour lequel je vous avais donné rendez-vous à un an. Nous y sommes. Et je suis heureuse de vous annoncer, mais vous le savez déjà, que le Gouvernement a décidé de prendre un certain nombre d'initiatives législatives et d'en soutenir d'autres en faveur d'un meilleur accès à l'IVG et à la contraception.
Donner une base légale à la vente libre du Norlévo
Dans un premier temps, nous allons soutenir une initiative parlementaire visant à donner une base légale à la vente libre du Norlevo et à son accessibilité dans les infirmeries scolaires conformément au protocole que Ségolène Royal avait mis en place au printemps dernier. Ce texte sera débattu le 5 octobre à l'Assemblée nationale.
Il introduit en un seul article trois dérogations par rapport à la loi actuelle relative aux contraceptifs. Il s'agit de permettre l'accès sans prescription médicale aux contraceptifs d'urgence et non susceptibles de présenter un danger pour la santé (définition qui s'applique au Norlevo) ; de permettre la prescription et la délivrance de ces mêmes contraceptifs aux mineures désirant garder le secret; de permettre leur administration, en cas de détresse caractérisée, par les infirmières travaillant en milieu scolaire. Jack Lang, Ministre de l'Education Nationale, attend le vote de ce texte pour réadresser à tous les établissements scolairees une circulaire réhabilitant le protocole national mis en cause sur le plan juridique par le Conseil d'Etat en juin dernier.
Déposer un projet de loi sur l'IVG et la contraception, visant à réviser les lois Veil et Neuwirth.
Le texte finalisé que nous venons d'envoyer au Conseil d'Etat est conforme aux arbitrages rendus par le Premier Ministre le 26 juillet dernier, arbitrages qu'il a rendus à partir des propositions que nous lui avions faites, ensemble Ségolène Royal, Dominique Gillot, Nicole Péry et moi. Il inclut plusieurs dispositions :
- Pour ce qui concerne la contraception,
Nos propositions consistent d'abord en la suppression de l'obligation d'autorisation parentale pour l'accès des mineures à tous les contraceptifs hormonaux.
Aujourd'hui, vous le savez, un médecin hors d'un centre de planning, ne peut prescrire une contraception à une mineure sans autorisation parentale. Notre volonté et notre détermination sont de favoriser l'accès à la contraception pour prévenir les grossesses non désirées, et vous savez comme moi qu'elles sont encore trop nombreuses chez les jeunes adolescentes.
- Pour ce qui concerne la révision de la loi Veil,
Nous proposons trois modifications principales :
- L'allongement du délai légal de recours de 10 à 12 semaines de grossesse.
- L'aménagement de l'obligation d'autorisation pour les mineures souhaitant avoir recours à l'IVG.
- La suppression des sanctions pénales liées à la propagande et à la publicité en faveur de l'IVG.
L'allongement du délai légal de recours de 10 à 12 semaines de grossesse.
Nous avons pris notre décision après avoir réfléchi longuement et consulté les experts.
Comme vous le savez, j'ai interrogé l'ANAES pour savoir s'il existait des contre-indications médicales ou de sécurité sanitaire à l'allongement de ce délai. Celle-ci n'a pas encore totalement fini d'élaborer le référentiel de bonnes pratiques en matière d'IVG qui lui a été commandé. Mais elle a émis un premier rapport, contenant des recommandations en matière d'organisation des structures de prise en charge des IVG.
Il précise ce que doivent être les consultations et les examens nécessaires avant une IVG, les techniques référencées de réalisation des IVG, et les critères de qualité du suivi de l'IVG. L'avis des experts de l'ANAES est formel: selon eux, il n' y a pas de justification de santé publique à prévoir un environnement technique ni médical spécifique pour les IVG qui seraient pratiquées entre 10 et 12 semaines. Les complications sont les mêmes, disent-ils, quelque soit la date à laquelle intervient l'IVG, même si le risque de survenue augmente proportionnellement avec l'âge de la gestation: le risque même minime de complication pour une IVG précoce impose de toute façon que tout centre d'IVG puisse avoir recours en urgence à un plateau technique chirurgical.
Par ailleurs, disent-ils, les risques de complication sont de moins en moins importants avec les progrès des techniques et des médicaments. Ils donnent l'exemple de l'utilisation du cytotec en pré-opératoire, devenu quasi systématique pour dilater le col de l'utérus et qui facilite grandement l'intervention en diminuant les risques hémorragiques.
Parallèlement aux travaux de l'ANAES, un rapport du Sénat est également paru il y a quelques mois, comparant l'état des législations européennes dans ce domaine. Il confirme que le délai de 12 semaines que nous nous proposons d'adopter est celui de quasi tous nos voisins européens et que cette modification législative aurait l'avantage de rapprocher notre dispositif législatif de celui de nos voisins.
Ces divers éléments, ajoutés aux confrontations que nous avons souhaité avoir nous-mêmes avec de nombreux experts, ont emporté notre conviction.
Résolument, nous avons choisi de ne pas prendre en compte les objections des opposants à l'allongement qui ont brandi la menace de la dérive eugénique et du désir d'enfant parfait.
Ceux-là laissent entendre que les progrès de l'échographie conduiraient les femmes à décider d'une IVG parce que l'enfant qu'elles verraient lors d'une échographie précoce ne leur conviendrait pas du fait d'une éventuelle malformation même mineure, ou parce qu'il n'aurait pas le bon sexe.
Ces objections ne sont pas fondées sur des critères de santé publique.
Elles reposent une autre question qui est celle du droit à l'IVG. Or, le droit à l'IVG ne peut être remis en cause. Il s'agit d'un droit acquis, de haute lutte, depuis 25 ans maintenant. Il s'agit de le moderniser, de l'adapter à l'évolution des besoins, de la demande des femmes et des pratiques médicales, non de le faire régresser.
Les progrès récents de la science et de la médecine soulèvent, il est vrai, des questions éthiques et notamment des questions liées au risque eugénique. Je pense par exemple au clonage. Mais ces questions ne sont pas nouvelles. Surtout, elles ne vont faire que s'amplifier dans les années à venir, avec les progrès de la connaissance génétique et de la génétique prédictive.
Elles ne se posent pas avec plus d'acuité entre 10 et 12 semaines de grossesse que plus tôt, dès le début de la grossesse ou plus tard, bien au delà de ce terme.
Le sujet de l'eugénisme est un débat important que nous ne devons pas occulter. Nous y travaillons dans le cadre de la loi bioéthique. Il est parfaitement respectable et même rassurant qu'il préoccupe particulièrement nos obstétriciens. Mais il ne doit pas être confondu avec le débat qui concerne le droit à l'IVG, et encore moins faussement résolu par une mise sous tutelle médicale des femmes. Pourquoi la décision du médecin prévaudrait-elle sur la décision de la femme à cet instant?
Nous le savons bien, la décision d'IVG est toujours une décision douloureuse, que les femmes ne prennent jamais à la légère, qui reste un ultime recours, traumatisant quoiqu'il arrive pour celle qui y accède.
Nous ne saurions accepter la vision fausse, irresponsable et infantilisante des femmes qui est apparue à travers certains propos que nous avons pu lire ici ou là. Nous n'avons pas cette conception des femmes.
La proposition du Gouvernement est donc que le délai légal de recours à l'IVG soit porté à 12 semaines de grossesse, soit 14 semaines d'aménhorrée. Des instructions seront ensuite diffusées aux services déconcentrés pour que les femmes en situation de particulière difficulté ou vulnérabilité puissent être prises en charge par des centres spécialement équipés en moyens à la fois humains et techniques appropriés. Notre objectif étant que progressivement tous les centres offrent les mêmes niveaux d'accueil, de prise en charge et d'accompagnement.
L'aménagement de l'obligation d'autorisation parentale pour les mineures
Nous avons choisi de continuer d'affirmer dans la loi que l'autorisation parentale doit rester la règle. En effet, à l'heure où nous souhaitons marquer l'importance que nous accordons à la responsabilité parentale et à la consolidation des liens familiaux, il serait paradoxal de démobiliser les parents à une période de sa vie où justement la jeune fille a le plus besoin de leur accompagnement et de leur soutien.
Pour autant, nous sommes convaincues qu'il faut ouvrir une possibilité de dérogation à cette règle. Car on ne peut ignorer certaines situations de détresse, liées principalement à des incompréhensions familiales. Il y a des cas particulièrement douloureux, que vous êtes les premiers, les premières à connaître, où la mineure ne peut, sans risque grave pour elle-même, parler à sa famille d'une IVG. Il y a aussi des cas où les parents, interrogés s'opposent à l'IVG. Il est enfin des cas où les représentants légaux ne sont pas joignables.
C'est pourquoi nous avons décidé que l'autorisation parentale ne serait plus une condition préalable indispensable à l'IVG.
La procédure que nous proposons est la suivante: pour une jeune fille qui dit ne pas pouvoir obtenir l'autorisation parentale, le médecin devra tout d'abord prendre le temps du dialogue, afin de voir s'il n'y pas moyen de la convaincre qu'il serait mieux pour elle que ses parents puissent l'accompagner dans cette période difficile de son existence.
Si la jeune fille persiste dans son souhait de garder le secret ou si, malgré son souhait, elle ne peut obtenir pour une raison quelconque le consentement de ses parents, son seul consentement, exprimé librement en tête à tête avec le médecin emportera la décision.
Mais afin de ne pas rester seule tout au long de cette période difficile, elle choisira, après en avoir discuté au cours de l'entretien préalable, un adulte pour l'accompagner, cet adulte pouvant être soit l'un des professionnels du CIVG, soit un adulte de son entourage proche.
La suppression des sanctions pénales liées à la propagande et à la publicité pour l'IVG.
Les sanctions pénales actuellement prévues dans la loi, et condamnant toute propagande et publicité en faveur de l'IVG, sont non seulement devenues obsolètes mais surtout constituent un obstacle à la politique que nous souhaitons mener de prévention des grossesses non désirées : par exemple, les permanences téléphoniques mises en place dans les régions pour informer les femmes sur les centres accessibles en matière d'IVG seraient susceptibles d'être sanctionnées du fait de cette disposition.
C'est pour cela que notre projet de texte entend les abroger. Pour autant, le reste du dispositif pénal, qui sanctionne les recours à l'IVG en dehors du cadre posé par la loi, dispositions au demeurant protectrices pour les femmes, est maintenu.
Dans le même esprit, nous avons décidé d'abroger certaines des dispositions du décret-loi de 1939 relatif à la famille et à la natalité française en tant qu'elles prévoient une automaticité d'interdiction professionnelle pour les médecins ayant pratiqué illégalement des IVG. Ces dispositions sont de toute façon contraires à la convention européenne des droits de l'homme.
Ces trois modifications constituent l'essentiel de nos motifs de révision de la loi du 17 janvier 1975. Je voudrais cependant, avant de conclure, rediscuter devant vous de deux autres sujets de débat législatif.
Concernant l'accès à l'IVG des étrangères en situation irrégulière, qui à juste titre vous préoccupait, je vous confirme que le problème a été réglé lors de la recodification du code de la santé publique en juin dernier. C'est pourquoi, il n'y a pas nécessité de modifier la loi relative à l'IVG sur ce sujet.
Deuxième point: nous avons souhaité intégrer dans notre nouveau texte deux dispositions concernant l'organisation des IVG dans les établissements hospitaliers.
La première a pour objet d'ouvrir la possibilité qu'une IVG puisse éventuellement, demain, se pratiquer en ambulatoire si l'évolution des techniques et des pratiques de soins l'autorise. Nous avons donc rédigé un article à cette intention qui autorise la pratique des IVG en ville ou pour partie en ville, mais par des praticiens identifiés et ayant passé convention avec un établissement de référence, c'est à dire dans le cadre d'un réseau de soins ville-hôpital.
Enfin, nous proposons également de modifier la loi pour lever l'ambiguïté qui perdure sur le fait de savoir si un chef de service peut refuser d'organiser dans son service des IVG en excipant de la clause de conscience. Comme je vous l'ai déjà dit à plusieurs reprises, j'estime que la liberté de conscience est un droit absolu qui doit être respecté: tout médecin a le droit de refuser de pratiquer personnellement des IVG à ce titre. Mais si ce même médecin est chef de service d'un service dont il a été décidé par le Conseil d'administration de l'hôpital que c'est à lui d'assumer les IVG, alors j'estime qu'il doit assumer les obligations de sa fonction et donc l'organisation des IVG, même s'il ne les pratique pas lui même. Car la pratique des IVG est une mission de service public. La loi va donc être modifiée, pour qu'une circulaire puisse enfin, comme je le souhaite depuis de nombreux mois, être envoyée en toute légalité aux différents chefs de service concernés leur rappelant leurs obligations.
Vous le voyez, nous avons tenu l'ensemble de nos engagements et de nos délais.
Mais j'aimerais vous redire en conclusion que, s'il nous apparaît désormais opportun d'engager une révision de la loi Veil, nous restons convaincues qu'il convient de la resituer dans la perspective dans laquelle nous avançons depuis plusieurs mois d'une politique active en faveur de la contraception et de l'IVG.
La révision législative ne suffit pas. Il faut poursuivre l'effort que nous avons entrepris ensemble, poursuivre le travail en faveur d'un meilleur accès aux contraceptifs et renforcer les mesures prises pour améliorer l'accès de l'IVG à l'hôpital public. Ne baissons pas la garde. Je compte sur vous pour continuer de travailler dans ce sens avec nous dans les prochains mois.
Cette détermination guide le Gouvernement depuis 1997. Nous n'accepterons pas le moindre recul, pour les femmes, en matière de droit à la contraception et d'accès à l'IVG.
C'est à cette seule condition que les femmes, libres et responsables, pourront désormais occuper la légitime place qui est la leur dans notre pays.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 21 septembre 2000).