Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur la place croissante de l'internet, le soutien aux entreprises innovantes , la cryptologie et le développement des lignes à haut débit, Paris, le 17 mars 2000.

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Circonstance : Fête de l'internet à la Cité des sciences et de l'industrie, à Paris, le 17 mars 2000

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Mesdames, Messieurs,
C'est un plaisir pour moi d'être parmi vous aujourd'hui à la Cité des Sciences et de l'Industrie : il est juste que, dans un lieu qui a vu les premières célébrations de l'internet - au temps où il n'était surtout qu'une " science " -, nous nous réunissions cette année pour cette fête, qui célèbre désormais une " industrie " .
La réalité que vise à mettre en perspective notre table ronde " les entreprises innovantes sur Internet " est emblématique du chemin parcouru en deux ans et demi : le temps où Internet était un outil confidentiel réservé à quelques spécialistes est révolu ; la société de l'information est maintenant au cur de la croissance économique (1), des préoccupations des entreprises (2) et du débat démocratique (3).
Tels sont les trois thèmes que je souhaite évoquer devant vous en plaçant résolument mon action dans la perspective tracée par le Premier ministre, Lionel Jospin : une société de l'information pour tous. (1) Internet : une réalité économique Cette édition du millénaire de la fête de l'Internet est l'occasion d'un constat : l'entrée de la France dans la société de l'information est aujourd'hui bien concrète.
Tous les indicateurs en témoignent : - la situation des ménages ; 10% des ménages sont maintenant connectés à Internet - soit 2 fois plus qu'il y a un an. Je rends aujourd'hui publique une étude du Service des études et statistiques industrielles sur l'Internet à domicile qui montre que près de 20% supplémentaires des foyers ont l'intention de se connecter en 2000.
Ceci est cohérent avec le taux d'équipement des ménages français en micro ordinateurs qui est aujourd'hui de 26 % ; ceci est cohérent avec l'évolution du trafic qui double tous les 100 jours. On ne peut donc plus parler maintenant de retard français par rapport à nos principaux partenaires ; - la situation des entreprises a également profondément changé. Près des deux tiers de nos PME sont aujourd'hui connectées à l'Internet contre moins de 15% en 1996 ; - enfin, le chiffre d'affaires du commerce électronique de détail a atteint, sur les 6 derniers mois de 1999, le seuil symbolique du milliard de francs et devrait avoir doublé au milieu de cette année. Internet est devenu un fait économique en France.
Et, dans son sillage, la place du secteur des NTIC dans la création de richesse est de plus en plus déterminante dans l'économie nationale : plus de 5 % du PIB, soit davantage que les secteurs de l'automobile et de l'énergie réunis. Les nouvelles technologies, et parmi elles l'internet, jouent un rôle moteur dans la dynamique de croissance avec laquelle la France a renoué depuis 1997. Ce rôle privilégié dans la croissance économique repose sur deux facteurs : - une croissance de la demande et du marché exceptionnelle, de l'ordre de 10 % en France en 1999, ce qui nous place devant nos principaux partenaires. Cette dynamique a un effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie ; - le caractère diffusant de ces technologies qui, à l'image des bouleversements induits jadis par la révolution électrique, transforment les modes de consommation et les processus de production. Mais, au-delà de ces aspects " macro-économiques " , la révolution du numérique introduit des évolutions très concrètes dans notre manière de travailler, de produire et dans notre vie quotidienne : - une activité économique dans laquelle les facteurs " information " ou " qualité " prennent une place prépondérante ; - une économie pilotée de plus en plus par le consommateur, donc par chacun d'entre nous.
La consommation de masse basée sur la standardisation des produits a vécu ; la société de l'information propose un modèle où les préférences exprimées en direct par les consommateurs sont déterminantes ; - une économie où les services - et, d'une manière plus générale, l'inventivité des salariés - jouent un rôle essentiel. Bref, une économie tournée vers l'inventivité humaine, les attentes des consommateurs et pourquoi ne pas aller jusque là, vers l'homme. (2)
Une implication active du Gouvernement en faveur des entreprises innovantes. La France a pris la mesure de ces nouveaux enjeux. Ce mouvement n'est pas dû au hasard, mais à une synergie entre attentes des utilisateurs, mobilisation des entreprises et volontarisme du Gouvernement. A cet égard, les mesures prises depuis plus de deux ans par le Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ont eu un effet d'entraînement déterminant. Je citerai en particulier : - l'action continue de l'ANVAR, qui a aidé près de 500 projets en 1999, - les dispositions facilitant la création d'entreprises par les chercheurs, - le concours national d'aide à la création d'entreprises innovantes, lancé en mars 1999 par les Ministères chargés de la Recherche et de l'Industrie, où plus de 2000 candidats ont déposé un dossier en 1999.
L'Etat s'est fortement mobilisé en faveur du financement des entreprises innovantes et de l'investissement des personnes physiques dans ce secteur : - création de fonds d'amorçage à vocation nationale, avec participation financière de l'Etat. Je citerai le fonds I-Source, qui s'appuie sur l'INRIA ou encore l'appel à proposition " incubateur-amorçage " de 200 MF lancé en mars 1999, - action en faveur du capital risque qui a bénéficié de l'encouragement résolu des pouvoirs publics (FCP Innovation, Fonds public pour le capital risque doté de 600 MF, créé en 1998).
En 1999, les investissements en capital-risque ont été multipliés par plus de trois en France ; - enfin, mesures en faveur de l'investissement des personnes physiques. Je citerai en particulier les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises, qui permettent, depuis la loi de Finances de 1998, dans les entreprises de moins de 15 ans d'offrir à leurs salariés des bons de souscription selon un régime fiscal avantageux puisqu'il s'agit du taux proportionnel de 16% applicable aux plus-values de cessions de valeurs mobilières.
Le Secrétariat d'Etat à l'Industrie dispose d'outils pour accompagner la transformation des nouvelles idées en innovations concrètes : c'est l'objet du soutien à la recherche industrielle. Cette année, je consacrerai 1,5 MdsF aux technologies de l'information et de la communication dans ce domaine. Pour ne citer qu'un exemple, le réseau national de recherche en télécommunication lance aujourd'hui son appel à projet 2000, qui sera doté de 210 MF. Il permettra de soutenir des projets dans les quatre domaines suivants : Internet du futur, mobiles, accès aux réseaux, usages des hauts débits. Mon ambition est qu'Internet se diffuse hors des secteurs traditionnels de la société de l'information que sont les télécommunications et l'informatique pour irriguer l'ensemble des secteurs économiques et en particulier les PME.
C'est pourquoi j'ai mis en place un programme en faveur de l' " Utilisation collective d'internet par les PME " (UCIP). Je rend public aujourd'hui l'appel à proposition pour 2000 auquel les entreprises pourront candidater jusqu'au 15 juin. Ce programme soutiendra les initiatives collectives et exemplaires des PME - et ce quel que soit leur secteur d'activité. En 1999, plus de 70 dossiers ont été soutenus au niveau national pour un budget de 50 MF, et un nombre équivalent de projets est traité en région par les DRIRE. L'action des pouvoirs publics pour favoriser le développement d'entreprises innovantes et d'innovations dans les entreprises porte ses fruits ; elle sera poursuivie. (3) -
La société de l'information pour tous au cur des préoccupations du Ministre. Il incombe également au Gouvernement de veiller à ce qu'Internet et la société de l'information soient une réalité pour l'ensemble de nos concitoyens. L'usage de l'Internet à domicile est encore trop l'apanage des ménages aisés, même si l'engouement des jeunes est un facteur de diffusion de la société de l'information dans toute la population. L'enquête que je rends publique montre qu'une majorité de français manifeste une attente forte à l'égard des pouvoirs publics sur la sécurité et la loyauté des réseaux.
La société de l'information pour tous, c'est le sens de l'adaptation de notre cadre juridique à la société de l'information annoncé en août dernier par le Premier ministre. J'ai lancé, en octobre dernier, une consultation publique à cet effet, avec le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et en étroite association avec la Garde des Sceaux et la Ministre de la Culture et de la Communication, sur la base d'un document d'orientation. Je vous annonce aujourd'hui que la synthèse de cette consultation publique sera disponible en ligne dès ce week-end.
La consultation publique est un succès : saluée comme un nouveau moyen de faire vivre le débat démocratique grâce à un forum en ligne notamment, elle a rencontré un large écho, tant auprès des utilisateurs d'Internet, qu'auprès des acteurs économiques et des fournisseurs de contenu. Près de 400 contributions ont été reçues. Les douze tables rondes ont permis de réunir environ 250 participants venant d'horizons divers, qu'il s'agisse d'associations, notamment d'élus, d'entreprises ou encore de particuliers.
Au delà de ces aspects quantitatifs, la qualité des échanges a permis de débattre en profondeur des orientations proposées par le Gouvernement, d'enrichir sur de nombreux aspects pratiques la réflexion du Gouvernement et d'appeler son attention sur des sujets qui n'avaient pas été mentionnés dans le document d'orientation. D'une manière générale, elle a permis de valider les orientations proposées par le Gouvernement que je souhaite ici confirmer : - Internet n'est pas un espace de non droit. Les principes de notre droit s'appliquent en ligne, s'agissant par exemple de la protection des mineurs, de la vie privée ou encore du consommateur
En revanche, les modalités concrètes qui permettront d'appliquer ces principes efficacement à Internet doivent être précisées par la loi chaque fois que la société de l'information crée un contexte nouveau comme c'est le cas par exemple pour le rôle des intermédiaires techniques ;
La société de l'information et Internet doivent reposer sur la responsabilisation des acteurs et la confiance des utilisateurs. - La dimension internationale et, en particulier, européenne, de la société de l'information doit être prise en compte. Je voudrais à ce titre souligner l'accord politique intervenu entre les membres de l'Union européenne sur une très importante directive concernant le commerce électronique : elle permet de clarifier le droit applicable en cas de transaction en ligne entre pays membres de l'Union européenne et précise les obligations de transparence en matière de commerce électronique afin de renforcer la protection des consommateurs.
L'adaptation de notre droit à la société de l'information est maintenant en cours à vitesse accélérée : - un ensemble de texte a été examiné par le Parlement ou est en cours d'examen : il s'agit de la loi sur la signature électronique publiée mardi et qui permet de garantir la validité juridique de la signature électronique . Il s'agit de la loi audiovisuelle qui permet de préciser la responsabilité des intermédiaires techniques sur les contenus qu'ils véhiculent ou mettent à la disposition du public.
Les compléments apportés à son texte par le député Patrick Bloche nous rapprochent des dispositions prévues à cet égard dans le projet de directive européenne sur le commerce électronique. Il s'agit enfin d'un certain nombre de textes qui seront prochainement présentés au Parlement, qu'il s'agisse de la protection des données à caractère personnel ou encore de l'adaptation du cadre réglementaire des télécom-munications aux directives existantes. - Comme vous le voyez, l'action du Gouvernement est de rechercher en permanence le cadre le plus adapté à l'évolution de notre société, au fur et à mesure de l'évolution des technologies. C'est aussi la ligne que je mets en oeuvre pour le développement de l'accès à hauts débits. Dans ce domaine, France Télécom a lancé un service d'accès à haut débit à l'internet, utilisant la technologie ADSL.
Cette technologie permet d'améliorer considérablement les débits des lignes en cuivre traditionnelles des abonnés pour des services nécessitant de hauts débits, tout en laissant disponible la ligne téléphonique pour passer et recevoir des appels. Mais ces progrès n'auront de sens que si le plus grand nombre de personnes peuvent en bénéficier. Et, pour que ce marché se développe, il est nécessaire que tous les opérateurs qui souhaitent investir puissent participer au développement de l'internet à haut débit en utilisant la partie terminale du réseau de l'opérateur historique.
C'est ce que l'on appelle le dégroupage de la boucle locale pour lequel le Gouvernement a préparé une mesure législative qui sera très prochainement présentée au Parlement. Notre objectif est qu'il puisse être opérationnel dès le début de l'année prochaine. Le développement des accès à hauts débits et la baisse des tarifs de connexion sont des éléments moteurs dans la démocratisation de l'internet : entre 4 et 5 F pour une heure de connexion maintenant. Les premiers forfaits illimités apparaissent (190F par mois pour les soirs et week-end).
Les autres questions juridiques que pose le développement de la société de l'information devront être envisagées dans leur globalité. A cette fin, je présenterai en Conseil des Ministres à l'automne avec Christian Sautter et, en étroite liaison avec Elisabeth Guigou et Catherine Trautmann, un projet de loi sur la société de l'information. Ce projet de loi sera articulé autour de trois orientations : la liberté de communication, qui doit être au cur de la société de l'information ; l'accès du plus grand nombre aux réseaux de la société de l'information ; la sécurité et la loyauté des transactions en ligne, afin de renforcer la confiance des utilisateurs et de promouvoir la transparence sur les réseaux. Le dialogue et la concertation entre les acteurs publics et privés doit continuer, et je souhaite qu'il se renforce.
La consultation sur l'adaptation de notre cadre législatif à la société de l'information n'est qu'une nouvelle étape dans la démarche de dialogue du Gouvernement. Conclusion : lancement des électrophées 2000. Ce panorama, vous le voyez, montre que le Gouvernement est aux avant-postes pour permettre à tous, acteurs économiques, citoyens, de prendre leur place dans la société de l'information. Mais, aujourd'hui, je voudrais terminer sur une note festive. Il y a tout juste un an, la journée des eLectrophées était organisée au Ministère de l'économie, des Finances et de l'Industrie dans le cadre de la fête de l'internet. Aboutissement de plusieurs mois de mobilisation et de sélection des candidats dans les régions, ce concours a permis de récompenser et mettre en valeur les PME françaises qui ont su faire la preuve de leur dynamisme et de leur savoir-faire dans les différents domaines du commerce électronique. Je suis d'ailleurs ravi de voir aujourd'hui parmi nous deux brillants lauréats de ces electrophées 1999 : Netgem, créateur du premier décodeur Internet européen pour le téléviseur - la NetBox - premier prix dans la catégorie 'technologie' ; d'Etat On Line qui permet de commander des repas préparés et livrés par de nombreux restaurateurs à qui l'Echangeur a remis son prix spécial l'année dernière. Aussi, je suis heureux de vous annoncer le lancement des electrophées 2000 qui récompenseront, en octobre, les espoirs français de la Net-économie.
Cette année encore, j'ai souhaité que le secrétariat d'Etat à l'industrie s'engage pour la réussite des electrophées qu'il dotera de 500 000 F de prix, contre 300 000 F l'année dernière ; les DRIRE - Directions Régionales de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement - et la DiGITIP participeront activement à l'organisation de ce concours, auprès de la Mission commerce électronique et de son président Francis Lorentz. J'ai le plaisir de donner la parole à Monsieur Francis Lorentz qui vous en dira plus sur le déroulement de ce concours. Depuis plus de deux ans, la mission commerce électronique a réalisé un formidable travail de réflexion, de sensibilisation et d'animation auprès des acteurs privés et publics autour des enjeux du commerce électronique. A cet égard, la réussite des eLectrophées 1999 est véritablement à mettre à son actif. Je suis ravi qu'elle organise cette deuxième édition.
(source http://www.industrie.gouv.fr. le 22 mars 2000)