Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les membres de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme,
Je voudrais, en lisant la deuxième page de votre rapport, rappeler la loi du 13 juillet 1990 : ... le 21 mars de chaque année, date retenue par l'Organisation des Nations Unies pour la Journée internationale pour l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales, la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme remet au gouvernement un rapport sur la lutte contre le racisme. Ce rapport est immédiatement rendu public ". Nous sommes quand même dans une procédure très démocratique ; je voudrais dire que c'est très important, dans une situation difficile comme la nôtre en ce qui concerne le racisme et l'antisémitisme, de regarder les choses en face et d'avoir les moyens de l'information et de la réflexion. On ne peut s'attaquer à un adversaire que si on sait le regarder en face. Mon gouvernement ne veut pas tourner la tête face à ces réalités. Je vous remercie de contribuer ainsi à éclairer la situation et la réflexion de notre pays sur des sujets aussi importants.
Ce rapport que vous venez de me remettre monsieur le Président, est l'occasion pour votre Institution, pour votre Commission, de dresser un bilan des travaux effectués des avis rendus. J'ai noté des satisfactions et des nuances. Il s'agit également pour le gouvernement, d'un miroir que vous lui tendez concernant la réalité de la lutte menée contre le racisme et la xénophobie et plus généralement, contre toutes les formes de discriminations. Je voudrais vous dire combien nous avons, au sein du gouvernement, d'attention pour les travaux de la CNCDH. Mais avant de regarder le travail accompli et de tracer avec vous quelques perspectives, je voudrais revenir sur la situation à laquelle nous nous heurtons et qui mérite donc un échange entre nous.
Les chiffres recensant les faits racistes et xénophobes que votre rapport publie tous les ans, sont cette année, très élevés. Cette situation, je la connais et croyez bien qu'elle est particulièrement présente au cur de notre action. C'est pour lutter contre ce fléau que j'ai créé et réuni six fois depuis décembre 2003, le Comité Interministériel (auquel je faisais allusion tout à l'heure) de Lutte Contre le Racisme et l'Antisémitisme. Il me permet d'en prendre une mesure précise et comme vous le soulignez dans votre rapport, l'outil statistique est fondamental face à ce type de phénomène, et j'ai bien noté les améliorations nécessaires à l'harmonisation interministérielle des statistiques. Face à ce fléau, le gouvernement agit avec détermination et en mobilisant l'ensemble de ses forces. Ce qui m'est apparu comme le plus important dans le Comité interministériel, c'est l'addition horizontale des sujets. On ne peut pas traiter le problème de la ville séparément du problème de l'école, du problème de l'emploi du problème du chômage. L'ensemble des sujets doit être pris de manière globale, s'adressant à la société dans sa dimension humaine totale et il est, de ce point de vue là, nécessaire d'avoir une vision interministérielle et de sortir des cloisonnements qui faisaient que les uns pouvaient se satisfaire de leurs actions, pendant que les autres pouvaient s'inquiéter des leurs. En fait, on voit qu'il est nécessaire d'avoir une vision globale et c'est un des mérites de votre rapport qui a notamment permis de montrer qu'au cours de l'année 2004, cette mobilisation constante des services de police notamment et de gendarmerie pour l'élucidation des infractions, a été significative, même si je sais qu'il reste des actions essentielles à mener. On a fait des pas significatifs je crois. Je pense notamment au guide pratique qui a été élaboré pour les policiers et les gendarmes, parce que c'est à la fois un guide méthodologique, mais je dirais, c'est aussi un guide éthique sur ces sujets et je pense que, pour les victimes c'est un élément important pour leur sécurité physique et morale.
Dans le domaine de la justice, les magistrats référents qui sont placés auprès de chaque cour d'appel, se sont régulièrement réunis aussi à la Chancellerie. Je pense que la sensibilisation police/gendarmerie est nécessaire comme celle de la justice. Il était nécessaire que les référents puissent se rencontrer pour échanger leurs expériences et puis aussi, rencontrer des représentants des victimes, des représentants de la communauté juive et avoir un certain nombre de dialogues qui leur ont permis d'y voir plus clair sur des situations qu'ils devaient maîtriser. J'ai d'ailleurs décidé (c'était au cours du dernier Comité interministériel) de présider personnellement une de ces réunions des différents référents de chaque cour d'appel dans les prochaines semaines. J'ai noté dans votre rapport, des statistiques importantes et c'est une information qui mérite d'être travaillée.. Nous avons engagé un programme afin de lutter contre le communautarisme en milieu pénitentiaire, un programme actuellement mis en oeuvre qui vise, en restant vigilant face au prosélytisme de certains activistes, à assurer la présence en détention d'aumôniers de toutes confessions.
De même, dans le domaine de l'éducation, nous avons mis en place un système de repérage, ça c'est aussi essentiel, qui décèle les actes antisémites parmi les actes racistes, puisque finalement on s'apercevait que tout ceci était globalisé et que dans cette globalisation on avait du mal à mesurer exactement la nature même de ces faits. Et nous avons pu obtenir ainsi des réactions plus rapides des autorités académiques qui ont pu aussi coordonner mieux leur propre initiative et leur propre réseau. C'est également dans le cadre du Comité interministériel, que nous avons pu progresser sur le problème des télévisions et des images absolument insupportables, inacceptables, intolérables dans une démocratie, qui ont pu être diffusées sur notre territoire... Il nous fallait un dispositif législatif. Nous avons bâti ce dispositif législatif et nous sommes aujourd'hui en mesure de pouvoir interdire la diffusion de chaînes dont le contenu est contraire à la dignité de la personne humaine. C'est un élément très important, parce que nous assistons à une véritable mise en scène de la haine et au fond, la télévision permet de donner à la haine cette théâtralisation qui donne une puissance à l'image, qui donne à la haine naturellement, un impact qu'elle ne mérite pas. Et là, nous avons pu nourrir notre dispositif législatif des outils nécessaires pour intervenir sur ces sujets. Je suis heureux de voir que d'autres pays ont suivi notre démarche pour aboutir aux mêmes interdictions.
Sur le plan international, la France, dans le domaine de l'Internet - sujet aussi que vous évoquez dans votre rapport, sur lequel vous avez travaillé -, la France a organisé, dans le cadre de l'OSCE, une conférence (c'était en juin dernier), afin de tenter de concilier la volonté de mise en place de nouveaux instruments de lutte contre le racisme et l'antisémitisme sur l'Internet et la conception anglo-saxonne de la liberté d'expression. Et je crois que là, c'est un sujet très important. La liberté d'expression évidemment n'autorise en aucune façon l'expression de la haine, et nous avons vu sur certains sujets récemment, que le fait de dénoncer un certain nombre de comportements provoquaient chez les auteurs de ces comportements, une sorte d'extrême qui les conduisaient à la faute qu'ils avaient, jusqu'ici, évité de commettre en utilisant habilement des procédés qui leur permettaient d'échapper à nos règles juridiques. Mais là, nous avons pu avoir et grâce à notre capacité aujourd'hui à dénoncer, à prendre la parole sur ces sujets, à ne pas rester silencieux, à ne pas cacher ce qui se passe en matière de racisme et d'antisémitisme, nous avons pu là, mettre en place un certain nombre de moyens qui nous permettent d'agir et donc ainsi de garder l'espoir.
Il est des aspects positifs qui me paraissent également devoir être soulignés dans votre rapport et notamment votre sondage, qui me paraît très important parce que, face à la montée du racisme, de l'antisémitisme, la xénophobie, les Français ne restent pas indifférents. Et c'est "+10" dont vous avez évoqué tout à l'heure le chiffre, qui me paraît très important : les français ont conscience de cette montée et ils la réprouvent et ils réclament des sanctions plus sévères. C'est un élément réconfortant parce que cela veut dire que la stratégie qui consisterait à nier l'adversaire pour mieux le maîtriser, est une mauvaise stratégie. La stratégie qui consiste à dénoncer, d'abord identifier, puis dénoncer les actes de racisme et d'antisémitisme, permet de mobiliser l'opinion contre cette situation et donc d'avoir au fond, la capacité à réagir et à construire, notamment parce que nous sommes dans une démocratie avec le soutien d'une majorité de Françaises et de Français, la capacité de construire nos outils d'intervention et nous ne pouvons le faire que s'il y a conscience des phénomènes. Et s'il y a conscience de ces phénomènes, nous pouvons agir que si ces phénomènes sont connus, mesurés et si, dans un rapport comme le vôtre, on peut évaluer, année après année, l'état de la situation. Donc sur ce sujet de l'antisémitisme et du racisme, je voudrais vous confirmer que mon gouvernement est vraiment déterminé. Les débats que nous avons eus (sur la laïcité notamment), ont montré que nos valeurs, la liberté, l'égalité, la fraternité, méritaient d'être vivifiées en ce début de 21ème siècle, et qu'on voit bien tout ce qu'il peut y avoir dans la notion de liberté, et notamment dans " la liberté d'expression ", tout ce qu'il peut y avoir comme sens des responsabilités, la place que doit avoir l'égalité et l'égalité des chances par rapport à l'égalitarisme. Ce qui est la fraternité par rapport à la solidarité, un certain nombre de sujets qui sont très importants, qui méritent vraiment une réflexion et qui font que nous avons un pacte républicain qui peut, dans la société française, rassembler le pays et que ce pacte-là, il est contraire, il est opposé à tout ce qui aujourd'hui, peut ressembler de près ou de loin à du racisme, à de l'antisémitisme et à la xénophobie. C'est donc une détermination totale qui nous anime parce que notre système républicain et l'identité même de la France aujourd'hui, se sentent agressés par le racisme et l'antisémitisme. Donc nous sommes là sur des sujets de fond, quels qu'en soient les auteurs (j'ai bien noté les origines dont vous avez parlé), quels qu'en soient les auteurs, quelles qu'en soient les formes car, on peut imaginer qu'avec le temps, les formes puissent évoluer. Il s'agit toujours d'une menace contre notre pacte républicain, contre l'identité même de notre pays. Notre détermination doit être sans faille, il n'y a pas de fait dont on puisse dire qu'il soit, à un moment ou à un autre, banal. Ils doivent tous mériter notre révolte, le petit comme le grand. Il n'y a pas de petit racisme et de grand racisme, comme il n'y a pas de petit terrorisme et de grand terrorisme. Il y a des actes qui doivent être condamnés, dénoncés et faire preuve donc, de la plus sévère des réactions de la part de la société.
Je voulais faire quelques commentaires sur les avis de votre Commission nationale. Une occasion donc m'en est donnée aujourd'hui d'abord pour vous rendre hommage, ainsi qu'à la qualité de ces avis. Vous avez consacré cette année une part importante de votre activité aux droits de l'homme en prison, et je vous en remercie, car le travail est là aussi très important et semble-t-il exhaustif. J'attache une importance tout à fait particulière à ce rapport dans la mesure où, comme vous le savez, la situation objective, matérielle, dans les prisons d'un Etat constitue un indicateur fiable des droits de l'homme dans ce même Etat et ça, c'est un point très important. Et je pense que ça doit là aussi, mettre notre conscience à vif quand nous voyons la situation dans laquelle notre pays s'est longtemps installé. Nous avons engagé un certain nombre d'initiatives face à l'augmentation rapide et importante de la population carcérale, mais également face à la vétusté et à l'inadaptation du parc pénitentiaire et nous avons souhaité que soient prises, prioritairement, des mesures urgentes afin de lutter contre la surpopulation et de garantir les conditions matérielles de détention conformes à la dignité humaine. C'est un sujet que vous connaissez et que vous avez traité. C'est un point clé de l'action gouvernementale, c'est le sens notamment à la suite de la loi du 9 septembre 2002 que nous avons donné au programme de construction, donc lié à un choix d'orientation et de programmation pour la justice, avec la construction de 13.200 places, qui a été présenté le 21 novembre 2002.
La loi sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité quant à elle, a notamment pour objet de donner aussi une plus grande crédibilité aux peines, d'une part, d'autre part de favoriser les alternatives à l'incarcération aussi bien naturellement les alternatives à l'incarcération classiques, traditionnelles, que celles qui peuvent faire appel aux technologies, ainsi que l'aménagement des courtes peines d'emprisonnement. Notre volonté est de prévenir la récidive, il en va de l'intérêt du détenu mais également, évidemment, de la société, ceci est clair pour tous. Pour cela, la loi de mars 2004 impose un examen de la situation de chaque condamné avant sa sortie afin de préparer concrètement sa réinsertion. Là nous sommes vraiment dans un travail humain, profond, qui demande évidemment et des moyens, et des savoir-faire. Et vous m'avez fait part, monsieur le Président, de l'inquiétude quant à certains instruments internationaux, notamment celui relatif à la cour pénale internationale, j'ai bien noté votre remarque sur ce sujet. Déjà l'année dernière vous aviez rendu un avis concernant l'adaptation du droit français au statut de cette cour et j'avais eu l'occasion d'y souscrire. Les travaux interministériels sont en cours, je souhaite que le Conseil d'Etat soit saisi le plus rapidement possible, d'un avant projet de loi après que vous ayez eu l'occasion vous-mêmes de vous exprimer sur ce sujet.
En ce qui concerne la ratification du protocole facultatif à la convention des Nations Unies contre la torture. L'avant projet de loi de ratification est en cours d'élaboration, nous y avons déjà travaillé et cette ratification devrait intervenir dans les prochains mois. L'étude que votre Commission a faite en avril dernier de la pratique scandaleuse des mutilations sexuelles féminines qui existent encore en France constitue une approche tout à fait complète et pertinente de cette problématique et j'ai bien entendu les remarques sur la lenteur de notre action sur ce sujet, vous êtes entendus. L'action des pouvoirs publics en la matière doit être exemplaire, qu'il s'agisse de celle des services sociaux, de la police, de la gendarmerie, des juges des enfants mais aussi des procureurs de la République. Elle peut être améliorée, nous ferons en sorte qu'elle le soit, je pense notamment qu'il faut réfléchir à une modification législative tendant à une meilleure répression de ce type d'infraction. Enfin et même si cela est sans doute encore prématuré, je souhaite saluer la Commission et son président, vous saluer les unes et les autres, mesdames et messieurs pour l'ensemble des travaux menés depuis votre installation, puisque vous êtes déjà installé depuis près de trois ans, le 22 octobre 2002. Ca vous paraît court, moi ça me paraît un peu long mais, (parce que nous avons le même âge), mais je voudrais vous dire quand même combien votre travail accompli, non seulement dans cette dernière formation, mais il est important de le souligner, je voudrais, dans cette continuité du travail accompli, saluer votre secrétaire général qui quittera très prochainement ses fonctions. Son travail et sa compétence sont reconnus et je voudrais chaleureusement le remercier.
La défense des droits de l'homme vous le savez c'est un impératif républicain, je vous le disais, je pense qu'il est très important que nous restions mobilisés sur ce sujet, nous avons été mobilisés sur la laïcité pendant l'année 2004, je crois qu'il faut rester mobiliser sur ce sujet et continuer la pédagogie, parce que nos concepts sont tellement généreux que parfois ils peuvent être confus et que chacun y met sa part et qu'au fond on oublie quelquefois ce qu'est le sens même de la laïcité. Et je voudrais dire ici que la laïcité ce n'est évidemment pas l'hostilité aux religions. J'ai l'occasion de le dire et de le redire, c'est une forme de grammaire dans une société républicaine pour que les religions se parlent entre elles, que les religions parlent avec l'Etat, que les uns et les autres puissent assumer leur perspective religieuse personnelle mais d'éviter que la religion devienne un projet politique ; C'est cela notre objectif et je crois que la laïcité ça n'a rien à voir avec un régime d'athéisme d'Etat qui viserait à imposer des convictions aux consciences. Nous avons besoin de cette dimension personnelle et moi je suis très heureux de voir que notre société est capable de générer ces volontés de dépassements, cette capacité d'ouverture, cette capacité à avoir foi dans l'avenir des uns et des autres, chacun selon ses propres réflexions, sa propre démarche et le tout, dans une République qui ne condamne pas la foi mais qui fait en sorte que l'exercice puisse en être indépendant et je pense que c'est un élément très important pour défendre la République contre la tentation communautariste. Qu'on puisse dans une société, avoir son engagement religieux, son engagement républicain et qu'on vive bien avec ce double engagement et qu'on ne se sente pas obligé de faire le choix entre l'un ou l'autre. C'est un élément très important de notre vision de la laïcité, c'est une laïcité très vivante, c'est une laïcité fertile, c'est une laïcité pour que l'on se parle, ce n'est pas la laïcité de l'ignorance, ce n'est pas la laïcité du silence, c'est au contraire une laïcité vivante qui fait de la République l'élément fédérateur, qui fait que la République, en ce qui concerne la politique est la règle du jeu, mais ce n'est pas la règle unique pour chaque individu qui prend une règle de vie, chacun menant la vie selon les principes qu'il a lui-même choisi ; c'est je crois, très important à la fois pour la valeur de laïcité, mais également pour la valeur de la liberté qui est inscrite sur les frontons de nos mairies.
Et donc, je voudrais vraiment insister sur ce point parce qu'il est clair que, ce qui est intéressant dans l'idée de République, c'est sa capacité de la faire vivre et que l'idée républicaine est une idée, non je veux dire, c'est un projet. C'est un projet politique qui, à chaque étape, peut faire vivre sa capacité de modernisation, de réflexion et sa capacité de pouvoir enregistrer des progrès. Je pense que sur la liberté, nous avons fait des progrès avec la laïcité, en donnant une interprétation aujourd'hui au 21ème siècle de ce qu'est la laïcité, tout comme nous donnons une interprétation de ce qu'est l'égalité, notamment une égalité des chances parce que l'égalité qui était une valeur elle aussi essentielle et vivante dans notre société, mais ce n'est pas l'égalitarisme qui nous aide, c'est l'égalité des chances, l'égalité des possibles, l'égalité de traitement, autant d'aspirations qui sont quotidiennes dans la vie de nos compatriotes. Donc je voudrais vraiment insister sur ces sujets, c'est ce que nous avons fait en matière d'égalité des chances, notamment en luttant contre toutes les formes de discriminations et notamment en créant la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. C'est un élément très important. Je suis assez fier d'ailleurs de cette décision. Vous comprendrez que si, moi-même je ne m'adresse pas des compliments, j'en reçois peu, alors de temps en temps je suis tenté de me les adresser moi-même. Mais, il y a moins d'un an que Monsieur STASI a remis au Président de la République son rapport, et la structure est créée, en à peine un an ; un an au total ce qui, compte tenu des procédures législatives, la place du débat, de la nôtre aussi, les lenteurs administratives, montrent que, sur ce sujet, il y avait une vraie volonté et ce qui est un facteur d'optimisme, c'est que cette volonté est partagée. On ne crée pas en un an une telle institution s'il n'y a pas vraiment une volonté partagée ; celle du chef de l'Etat mais aussi celle de l'ensemble des participants qui y voient là, le moyen de lutter contre les discriminations et de veiller à ce que l'on puisse construire un outil politique capable de donner des dimensions efficaces à cette lutte contre les discriminations et pour l'égalité. De même en ce qui concerne l'emploi, j'ai réuni la première conférence nationale sur l'égalité des chances, avec un certain nombre de chefs d'entreprise, avec un certain nombre de partenaires sociaux, pour que l'on puisse réfléchir à toutes les discriminations qui existent à l'emploi, à l'embauche, et qu'on puisse mener un certain nombre d'actions afin de lutter contre les discriminations à l'embauche qui sont nombreuses et qui, naturellement, affaiblissent nos concitoyens en raison, soit de la couleur de leur peau, soit de leur patronyme ou soit de leur adresse. Il y a un certain nombre de discriminations qui existent aujourd'hui en matière d'emploi, il faut les regarder, elles aussi, en face. C'est l'objet de cette conférence et l'objet de l'action que nous avons engagé avec l'ensemble des partenaires sociaux sur ces sujets pour surmonter ces barrières qui existent aujourd'hui dans notre pays pour, notamment, l'insertion professionnelle.
Je voudrais dire aussi que, au-delà de la liberté, au-delà de l'égalité, de cette égalité des chances que nous voulons préserver en luttant contre toutes les discriminations, il y a la nécessaire fraternité qui fait partie de notre idéal républicain, et que cette fraternité devrait être de nature à rendre la société moins inquiète, à renforcer le lien social, à essayer de faire en sorte qu'on puisse surmonter les défiances, la tentation du repli, et qu'on puisse avoir confiance en ayant cette relation à l'autre qui est à la fois un défi humaniste, mais qui est aussi un défi civique, un défi de solidarité et au-delà de la solidarité, de faire en sorte que l'action en faveur des autres, que la main tendue ne soit pas simplement une action de type administratif, d'échange de formulaires, mais soit un engagement personnel, c'est cela la fraternité en plus de la solidarité. C'est un engagement des individus, les uns vers les autres, la reconnaissance de l'un, de l'autre. C'est, vous le savez, au fond le " tu " qui est le but du jeu. Mais dans cette logique-là, ce qui est très important dans notre société c'est qu'on mesure bien que la fraternité, elle est fondée sur un principe républicain essentiel, c'est le 1 égal 1 et c'est ce en quoi nous avons un pacte qui nous rassemble et qu'il faut à tout point de vue privilégier en le protégeant.
Je voudrais donc dire ainsi, que l'ensemble des remarques que vous formulez dans votre rapport sur ce que peut apporter cette reconnaissance des droits de l'homme en profondeur dans notre société est un élément fort de la cohésion sociale. Je pense que nous avons encore un grand nombre de sujets à explorer pour que, dans notre société, on évite toutes ces barrières, toutes ces cloisons qui isolent, qui enferment, qui ont l'air de protéger mais qui créent en fait une société morcelée, une société grillagée où chacun se sent dans sa case et est inquiet de ce qui se passe dans la case d'à côté, et au fond, nous avons là un besoin d'ouverture de la société et donc de regarder ce qui, aujourd'hui, peut être source, justement, de ces clivages qu'il faut surmonter. Notamment sur l'histoire, je crois qu'il faut regarder notre histoire en face, tout comme il faut regarder l'adversité en face, il faut regarder l'histoire en face. Si nous n'avions pas regardé l'histoire en face avec nos amis Allemands, jamais nous n'aurions pu construire l'Europe malgré les horreurs de notre histoire, malgré tout ce que notre histoire a construit de sombre, d'inacceptable et d'intolérable là aussi. Et donc c'est cette capacité que nous avons à regarder l'histoire et à pouvoir surmonter ces lourdeurs et ces énormes pesanteurs. Je pense que sur les questions de l'immigration par exemple, il faut aller dans la même direction. J'ai proposé, j'ai engagé la création d'une cité nationale de l'histoire de l'immigration car je crois que chacun a droit à son histoire, chacun doit regarder sa propre histoire et c'est en faisant ce parcours des uns et des autres, ensemble regardons l'histoire avec ses points positifs, et aussi avec les points négatifs, et aussi avec ses propres horreurs et ses propres phénomènes que nous devons rejeter mais ce n'est que par notre capacité à regarder ensemble cette histoire que chacun peut trouver dans la République sa place avec son origine mais sa capacité de dépasser son origine par le projet républicain.. Je crois que ce qui est très important dans notre démarche et dans cette pensée des droits de l'homme telle que vous la concevez, c'est à la fois une valeur, c'est à la fois, si vous le permettez, si le cardinal le permet, un peu la démarche du pèlerin de Saint-Jacques qui fait du chemin aussi, un peu la destination. Saint-Jacques est présent dans chaque pas et donc je pense que c'est ça les droits de l'homme. Les droits de l'homme c'est à la fois une valeur, c'est à la fois une perspective mais c'est aussi un chemin, un chemin qui permet de construire notre propre démarche et de veiller à ce que, sur des sujets comme l'immigration par exemple, nous puissions regarder notre histoire et permettre à ceux qui sont aujourd'hui Français issus de l'immigration d'avoir eux aussi, dans notre République, droit à leur histoire. C'est un élément de notre société qui nous rend, je crois, tous adulte et qui nous aide les uns et les autres à surmonter tous ces cloisonnements qui peuvent être pour nous à un moment ou à un d'autre, des causes de discriminations et des sources d'inégalités et des sources d'attitudes qui peuvent conduire à l'exclusion, ce qui est notre lutte commune.
Je voudrais enfin terminer en disant que dans tout ce que vous pouvez dénoncer aujourd'hui , je crois que la France se doit d'être exemplaire, alors tout cela est difficile évidemment et nous sommes dans une situation où la dimension internationale est particulièrement importante. Quand on parle d'Internet ou quand on parle de télévision, quand on parle d'antenne parabolique, quand on parle de tous ces moyens technologiques qui aujourd'hui permettent aux idées noires de pouvoir se répandre, je crois vraiment que là nous avons une action internationale à engager. Nous avons déjà eu, je le disais tout à l'heure à propos de l'OSCE, un certain nombre d'initiatives, je crois vraiment que l'idée européenne et que la construction européenne sur ce sujet, doit aussi nous permettre d'avancer car je pense que vraiment notre continent avec ses 450 millions d'habitants peut être un espace aussi qui fait de ces valeurs, des éléments importants pour le reste du monde. Je crois vraiment, et sans vouloir ici conclure sur un message qui serait un message lié à l'échéance du 29 mai que nous avons les uns et les autres face à nous. Mais je voudrais simplement dire que je crois vraiment que notre continent doit porter des valeurs, que nous ne pouvons pas être les seuls à les porter et ces valeurs aujourd'hui, qui sont celles des droits de l'homme et qui sont liées au pacte républicain, nous devons les défendre, il faut pouvoir leur donner aussi une géographie, une consistance, une résistance, parce qu'elles sont agressées partout dans le monde et donc pour leur donner les forces, certes il faut les défendre sur notre propre territoire, et je ne cherche pas là des excuses à nos insuffisances, bien au contraire, je cherche des raisons supplémentaires d'être exemplaire, mais ceci doit se faire dans une capacité aujourd'hui à partager ces valeurs et au fond, c'est peut-être cela l'ambition qui doit relier aujourd'hui le continent européen, c'est d'être un espace qui partage ces valeurs d'humanisme, qui partage l'ensemble de ces valeurs en leur donnant suffisamment de forces pour que le combat qui est le vôtre, celui de la lutte contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme soient des combats qui soient gagnants, gagnants non seulement parce que chaque individu soit convaincu, mais que tout un continent, dans le monde entier porte ces valeurs. Je remercie chacune et chacun d'entre vous.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 24 mars 2005)
Mesdames et messieurs les membres de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme,
Je voudrais, en lisant la deuxième page de votre rapport, rappeler la loi du 13 juillet 1990 : ... le 21 mars de chaque année, date retenue par l'Organisation des Nations Unies pour la Journée internationale pour l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales, la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme remet au gouvernement un rapport sur la lutte contre le racisme. Ce rapport est immédiatement rendu public ". Nous sommes quand même dans une procédure très démocratique ; je voudrais dire que c'est très important, dans une situation difficile comme la nôtre en ce qui concerne le racisme et l'antisémitisme, de regarder les choses en face et d'avoir les moyens de l'information et de la réflexion. On ne peut s'attaquer à un adversaire que si on sait le regarder en face. Mon gouvernement ne veut pas tourner la tête face à ces réalités. Je vous remercie de contribuer ainsi à éclairer la situation et la réflexion de notre pays sur des sujets aussi importants.
Ce rapport que vous venez de me remettre monsieur le Président, est l'occasion pour votre Institution, pour votre Commission, de dresser un bilan des travaux effectués des avis rendus. J'ai noté des satisfactions et des nuances. Il s'agit également pour le gouvernement, d'un miroir que vous lui tendez concernant la réalité de la lutte menée contre le racisme et la xénophobie et plus généralement, contre toutes les formes de discriminations. Je voudrais vous dire combien nous avons, au sein du gouvernement, d'attention pour les travaux de la CNCDH. Mais avant de regarder le travail accompli et de tracer avec vous quelques perspectives, je voudrais revenir sur la situation à laquelle nous nous heurtons et qui mérite donc un échange entre nous.
Les chiffres recensant les faits racistes et xénophobes que votre rapport publie tous les ans, sont cette année, très élevés. Cette situation, je la connais et croyez bien qu'elle est particulièrement présente au cur de notre action. C'est pour lutter contre ce fléau que j'ai créé et réuni six fois depuis décembre 2003, le Comité Interministériel (auquel je faisais allusion tout à l'heure) de Lutte Contre le Racisme et l'Antisémitisme. Il me permet d'en prendre une mesure précise et comme vous le soulignez dans votre rapport, l'outil statistique est fondamental face à ce type de phénomène, et j'ai bien noté les améliorations nécessaires à l'harmonisation interministérielle des statistiques. Face à ce fléau, le gouvernement agit avec détermination et en mobilisant l'ensemble de ses forces. Ce qui m'est apparu comme le plus important dans le Comité interministériel, c'est l'addition horizontale des sujets. On ne peut pas traiter le problème de la ville séparément du problème de l'école, du problème de l'emploi du problème du chômage. L'ensemble des sujets doit être pris de manière globale, s'adressant à la société dans sa dimension humaine totale et il est, de ce point de vue là, nécessaire d'avoir une vision interministérielle et de sortir des cloisonnements qui faisaient que les uns pouvaient se satisfaire de leurs actions, pendant que les autres pouvaient s'inquiéter des leurs. En fait, on voit qu'il est nécessaire d'avoir une vision globale et c'est un des mérites de votre rapport qui a notamment permis de montrer qu'au cours de l'année 2004, cette mobilisation constante des services de police notamment et de gendarmerie pour l'élucidation des infractions, a été significative, même si je sais qu'il reste des actions essentielles à mener. On a fait des pas significatifs je crois. Je pense notamment au guide pratique qui a été élaboré pour les policiers et les gendarmes, parce que c'est à la fois un guide méthodologique, mais je dirais, c'est aussi un guide éthique sur ces sujets et je pense que, pour les victimes c'est un élément important pour leur sécurité physique et morale.
Dans le domaine de la justice, les magistrats référents qui sont placés auprès de chaque cour d'appel, se sont régulièrement réunis aussi à la Chancellerie. Je pense que la sensibilisation police/gendarmerie est nécessaire comme celle de la justice. Il était nécessaire que les référents puissent se rencontrer pour échanger leurs expériences et puis aussi, rencontrer des représentants des victimes, des représentants de la communauté juive et avoir un certain nombre de dialogues qui leur ont permis d'y voir plus clair sur des situations qu'ils devaient maîtriser. J'ai d'ailleurs décidé (c'était au cours du dernier Comité interministériel) de présider personnellement une de ces réunions des différents référents de chaque cour d'appel dans les prochaines semaines. J'ai noté dans votre rapport, des statistiques importantes et c'est une information qui mérite d'être travaillée.. Nous avons engagé un programme afin de lutter contre le communautarisme en milieu pénitentiaire, un programme actuellement mis en oeuvre qui vise, en restant vigilant face au prosélytisme de certains activistes, à assurer la présence en détention d'aumôniers de toutes confessions.
De même, dans le domaine de l'éducation, nous avons mis en place un système de repérage, ça c'est aussi essentiel, qui décèle les actes antisémites parmi les actes racistes, puisque finalement on s'apercevait que tout ceci était globalisé et que dans cette globalisation on avait du mal à mesurer exactement la nature même de ces faits. Et nous avons pu obtenir ainsi des réactions plus rapides des autorités académiques qui ont pu aussi coordonner mieux leur propre initiative et leur propre réseau. C'est également dans le cadre du Comité interministériel, que nous avons pu progresser sur le problème des télévisions et des images absolument insupportables, inacceptables, intolérables dans une démocratie, qui ont pu être diffusées sur notre territoire... Il nous fallait un dispositif législatif. Nous avons bâti ce dispositif législatif et nous sommes aujourd'hui en mesure de pouvoir interdire la diffusion de chaînes dont le contenu est contraire à la dignité de la personne humaine. C'est un élément très important, parce que nous assistons à une véritable mise en scène de la haine et au fond, la télévision permet de donner à la haine cette théâtralisation qui donne une puissance à l'image, qui donne à la haine naturellement, un impact qu'elle ne mérite pas. Et là, nous avons pu nourrir notre dispositif législatif des outils nécessaires pour intervenir sur ces sujets. Je suis heureux de voir que d'autres pays ont suivi notre démarche pour aboutir aux mêmes interdictions.
Sur le plan international, la France, dans le domaine de l'Internet - sujet aussi que vous évoquez dans votre rapport, sur lequel vous avez travaillé -, la France a organisé, dans le cadre de l'OSCE, une conférence (c'était en juin dernier), afin de tenter de concilier la volonté de mise en place de nouveaux instruments de lutte contre le racisme et l'antisémitisme sur l'Internet et la conception anglo-saxonne de la liberté d'expression. Et je crois que là, c'est un sujet très important. La liberté d'expression évidemment n'autorise en aucune façon l'expression de la haine, et nous avons vu sur certains sujets récemment, que le fait de dénoncer un certain nombre de comportements provoquaient chez les auteurs de ces comportements, une sorte d'extrême qui les conduisaient à la faute qu'ils avaient, jusqu'ici, évité de commettre en utilisant habilement des procédés qui leur permettaient d'échapper à nos règles juridiques. Mais là, nous avons pu avoir et grâce à notre capacité aujourd'hui à dénoncer, à prendre la parole sur ces sujets, à ne pas rester silencieux, à ne pas cacher ce qui se passe en matière de racisme et d'antisémitisme, nous avons pu là, mettre en place un certain nombre de moyens qui nous permettent d'agir et donc ainsi de garder l'espoir.
Il est des aspects positifs qui me paraissent également devoir être soulignés dans votre rapport et notamment votre sondage, qui me paraît très important parce que, face à la montée du racisme, de l'antisémitisme, la xénophobie, les Français ne restent pas indifférents. Et c'est "+10" dont vous avez évoqué tout à l'heure le chiffre, qui me paraît très important : les français ont conscience de cette montée et ils la réprouvent et ils réclament des sanctions plus sévères. C'est un élément réconfortant parce que cela veut dire que la stratégie qui consisterait à nier l'adversaire pour mieux le maîtriser, est une mauvaise stratégie. La stratégie qui consiste à dénoncer, d'abord identifier, puis dénoncer les actes de racisme et d'antisémitisme, permet de mobiliser l'opinion contre cette situation et donc d'avoir au fond, la capacité à réagir et à construire, notamment parce que nous sommes dans une démocratie avec le soutien d'une majorité de Françaises et de Français, la capacité de construire nos outils d'intervention et nous ne pouvons le faire que s'il y a conscience des phénomènes. Et s'il y a conscience de ces phénomènes, nous pouvons agir que si ces phénomènes sont connus, mesurés et si, dans un rapport comme le vôtre, on peut évaluer, année après année, l'état de la situation. Donc sur ce sujet de l'antisémitisme et du racisme, je voudrais vous confirmer que mon gouvernement est vraiment déterminé. Les débats que nous avons eus (sur la laïcité notamment), ont montré que nos valeurs, la liberté, l'égalité, la fraternité, méritaient d'être vivifiées en ce début de 21ème siècle, et qu'on voit bien tout ce qu'il peut y avoir dans la notion de liberté, et notamment dans " la liberté d'expression ", tout ce qu'il peut y avoir comme sens des responsabilités, la place que doit avoir l'égalité et l'égalité des chances par rapport à l'égalitarisme. Ce qui est la fraternité par rapport à la solidarité, un certain nombre de sujets qui sont très importants, qui méritent vraiment une réflexion et qui font que nous avons un pacte républicain qui peut, dans la société française, rassembler le pays et que ce pacte-là, il est contraire, il est opposé à tout ce qui aujourd'hui, peut ressembler de près ou de loin à du racisme, à de l'antisémitisme et à la xénophobie. C'est donc une détermination totale qui nous anime parce que notre système républicain et l'identité même de la France aujourd'hui, se sentent agressés par le racisme et l'antisémitisme. Donc nous sommes là sur des sujets de fond, quels qu'en soient les auteurs (j'ai bien noté les origines dont vous avez parlé), quels qu'en soient les auteurs, quelles qu'en soient les formes car, on peut imaginer qu'avec le temps, les formes puissent évoluer. Il s'agit toujours d'une menace contre notre pacte républicain, contre l'identité même de notre pays. Notre détermination doit être sans faille, il n'y a pas de fait dont on puisse dire qu'il soit, à un moment ou à un autre, banal. Ils doivent tous mériter notre révolte, le petit comme le grand. Il n'y a pas de petit racisme et de grand racisme, comme il n'y a pas de petit terrorisme et de grand terrorisme. Il y a des actes qui doivent être condamnés, dénoncés et faire preuve donc, de la plus sévère des réactions de la part de la société.
Je voulais faire quelques commentaires sur les avis de votre Commission nationale. Une occasion donc m'en est donnée aujourd'hui d'abord pour vous rendre hommage, ainsi qu'à la qualité de ces avis. Vous avez consacré cette année une part importante de votre activité aux droits de l'homme en prison, et je vous en remercie, car le travail est là aussi très important et semble-t-il exhaustif. J'attache une importance tout à fait particulière à ce rapport dans la mesure où, comme vous le savez, la situation objective, matérielle, dans les prisons d'un Etat constitue un indicateur fiable des droits de l'homme dans ce même Etat et ça, c'est un point très important. Et je pense que ça doit là aussi, mettre notre conscience à vif quand nous voyons la situation dans laquelle notre pays s'est longtemps installé. Nous avons engagé un certain nombre d'initiatives face à l'augmentation rapide et importante de la population carcérale, mais également face à la vétusté et à l'inadaptation du parc pénitentiaire et nous avons souhaité que soient prises, prioritairement, des mesures urgentes afin de lutter contre la surpopulation et de garantir les conditions matérielles de détention conformes à la dignité humaine. C'est un sujet que vous connaissez et que vous avez traité. C'est un point clé de l'action gouvernementale, c'est le sens notamment à la suite de la loi du 9 septembre 2002 que nous avons donné au programme de construction, donc lié à un choix d'orientation et de programmation pour la justice, avec la construction de 13.200 places, qui a été présenté le 21 novembre 2002.
La loi sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité quant à elle, a notamment pour objet de donner aussi une plus grande crédibilité aux peines, d'une part, d'autre part de favoriser les alternatives à l'incarcération aussi bien naturellement les alternatives à l'incarcération classiques, traditionnelles, que celles qui peuvent faire appel aux technologies, ainsi que l'aménagement des courtes peines d'emprisonnement. Notre volonté est de prévenir la récidive, il en va de l'intérêt du détenu mais également, évidemment, de la société, ceci est clair pour tous. Pour cela, la loi de mars 2004 impose un examen de la situation de chaque condamné avant sa sortie afin de préparer concrètement sa réinsertion. Là nous sommes vraiment dans un travail humain, profond, qui demande évidemment et des moyens, et des savoir-faire. Et vous m'avez fait part, monsieur le Président, de l'inquiétude quant à certains instruments internationaux, notamment celui relatif à la cour pénale internationale, j'ai bien noté votre remarque sur ce sujet. Déjà l'année dernière vous aviez rendu un avis concernant l'adaptation du droit français au statut de cette cour et j'avais eu l'occasion d'y souscrire. Les travaux interministériels sont en cours, je souhaite que le Conseil d'Etat soit saisi le plus rapidement possible, d'un avant projet de loi après que vous ayez eu l'occasion vous-mêmes de vous exprimer sur ce sujet.
En ce qui concerne la ratification du protocole facultatif à la convention des Nations Unies contre la torture. L'avant projet de loi de ratification est en cours d'élaboration, nous y avons déjà travaillé et cette ratification devrait intervenir dans les prochains mois. L'étude que votre Commission a faite en avril dernier de la pratique scandaleuse des mutilations sexuelles féminines qui existent encore en France constitue une approche tout à fait complète et pertinente de cette problématique et j'ai bien entendu les remarques sur la lenteur de notre action sur ce sujet, vous êtes entendus. L'action des pouvoirs publics en la matière doit être exemplaire, qu'il s'agisse de celle des services sociaux, de la police, de la gendarmerie, des juges des enfants mais aussi des procureurs de la République. Elle peut être améliorée, nous ferons en sorte qu'elle le soit, je pense notamment qu'il faut réfléchir à une modification législative tendant à une meilleure répression de ce type d'infraction. Enfin et même si cela est sans doute encore prématuré, je souhaite saluer la Commission et son président, vous saluer les unes et les autres, mesdames et messieurs pour l'ensemble des travaux menés depuis votre installation, puisque vous êtes déjà installé depuis près de trois ans, le 22 octobre 2002. Ca vous paraît court, moi ça me paraît un peu long mais, (parce que nous avons le même âge), mais je voudrais vous dire quand même combien votre travail accompli, non seulement dans cette dernière formation, mais il est important de le souligner, je voudrais, dans cette continuité du travail accompli, saluer votre secrétaire général qui quittera très prochainement ses fonctions. Son travail et sa compétence sont reconnus et je voudrais chaleureusement le remercier.
La défense des droits de l'homme vous le savez c'est un impératif républicain, je vous le disais, je pense qu'il est très important que nous restions mobilisés sur ce sujet, nous avons été mobilisés sur la laïcité pendant l'année 2004, je crois qu'il faut rester mobiliser sur ce sujet et continuer la pédagogie, parce que nos concepts sont tellement généreux que parfois ils peuvent être confus et que chacun y met sa part et qu'au fond on oublie quelquefois ce qu'est le sens même de la laïcité. Et je voudrais dire ici que la laïcité ce n'est évidemment pas l'hostilité aux religions. J'ai l'occasion de le dire et de le redire, c'est une forme de grammaire dans une société républicaine pour que les religions se parlent entre elles, que les religions parlent avec l'Etat, que les uns et les autres puissent assumer leur perspective religieuse personnelle mais d'éviter que la religion devienne un projet politique ; C'est cela notre objectif et je crois que la laïcité ça n'a rien à voir avec un régime d'athéisme d'Etat qui viserait à imposer des convictions aux consciences. Nous avons besoin de cette dimension personnelle et moi je suis très heureux de voir que notre société est capable de générer ces volontés de dépassements, cette capacité d'ouverture, cette capacité à avoir foi dans l'avenir des uns et des autres, chacun selon ses propres réflexions, sa propre démarche et le tout, dans une République qui ne condamne pas la foi mais qui fait en sorte que l'exercice puisse en être indépendant et je pense que c'est un élément très important pour défendre la République contre la tentation communautariste. Qu'on puisse dans une société, avoir son engagement religieux, son engagement républicain et qu'on vive bien avec ce double engagement et qu'on ne se sente pas obligé de faire le choix entre l'un ou l'autre. C'est un élément très important de notre vision de la laïcité, c'est une laïcité très vivante, c'est une laïcité fertile, c'est une laïcité pour que l'on se parle, ce n'est pas la laïcité de l'ignorance, ce n'est pas la laïcité du silence, c'est au contraire une laïcité vivante qui fait de la République l'élément fédérateur, qui fait que la République, en ce qui concerne la politique est la règle du jeu, mais ce n'est pas la règle unique pour chaque individu qui prend une règle de vie, chacun menant la vie selon les principes qu'il a lui-même choisi ; c'est je crois, très important à la fois pour la valeur de laïcité, mais également pour la valeur de la liberté qui est inscrite sur les frontons de nos mairies.
Et donc, je voudrais vraiment insister sur ce point parce qu'il est clair que, ce qui est intéressant dans l'idée de République, c'est sa capacité de la faire vivre et que l'idée républicaine est une idée, non je veux dire, c'est un projet. C'est un projet politique qui, à chaque étape, peut faire vivre sa capacité de modernisation, de réflexion et sa capacité de pouvoir enregistrer des progrès. Je pense que sur la liberté, nous avons fait des progrès avec la laïcité, en donnant une interprétation aujourd'hui au 21ème siècle de ce qu'est la laïcité, tout comme nous donnons une interprétation de ce qu'est l'égalité, notamment une égalité des chances parce que l'égalité qui était une valeur elle aussi essentielle et vivante dans notre société, mais ce n'est pas l'égalitarisme qui nous aide, c'est l'égalité des chances, l'égalité des possibles, l'égalité de traitement, autant d'aspirations qui sont quotidiennes dans la vie de nos compatriotes. Donc je voudrais vraiment insister sur ces sujets, c'est ce que nous avons fait en matière d'égalité des chances, notamment en luttant contre toutes les formes de discriminations et notamment en créant la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. C'est un élément très important. Je suis assez fier d'ailleurs de cette décision. Vous comprendrez que si, moi-même je ne m'adresse pas des compliments, j'en reçois peu, alors de temps en temps je suis tenté de me les adresser moi-même. Mais, il y a moins d'un an que Monsieur STASI a remis au Président de la République son rapport, et la structure est créée, en à peine un an ; un an au total ce qui, compte tenu des procédures législatives, la place du débat, de la nôtre aussi, les lenteurs administratives, montrent que, sur ce sujet, il y avait une vraie volonté et ce qui est un facteur d'optimisme, c'est que cette volonté est partagée. On ne crée pas en un an une telle institution s'il n'y a pas vraiment une volonté partagée ; celle du chef de l'Etat mais aussi celle de l'ensemble des participants qui y voient là, le moyen de lutter contre les discriminations et de veiller à ce que l'on puisse construire un outil politique capable de donner des dimensions efficaces à cette lutte contre les discriminations et pour l'égalité. De même en ce qui concerne l'emploi, j'ai réuni la première conférence nationale sur l'égalité des chances, avec un certain nombre de chefs d'entreprise, avec un certain nombre de partenaires sociaux, pour que l'on puisse réfléchir à toutes les discriminations qui existent à l'emploi, à l'embauche, et qu'on puisse mener un certain nombre d'actions afin de lutter contre les discriminations à l'embauche qui sont nombreuses et qui, naturellement, affaiblissent nos concitoyens en raison, soit de la couleur de leur peau, soit de leur patronyme ou soit de leur adresse. Il y a un certain nombre de discriminations qui existent aujourd'hui en matière d'emploi, il faut les regarder, elles aussi, en face. C'est l'objet de cette conférence et l'objet de l'action que nous avons engagé avec l'ensemble des partenaires sociaux sur ces sujets pour surmonter ces barrières qui existent aujourd'hui dans notre pays pour, notamment, l'insertion professionnelle.
Je voudrais dire aussi que, au-delà de la liberté, au-delà de l'égalité, de cette égalité des chances que nous voulons préserver en luttant contre toutes les discriminations, il y a la nécessaire fraternité qui fait partie de notre idéal républicain, et que cette fraternité devrait être de nature à rendre la société moins inquiète, à renforcer le lien social, à essayer de faire en sorte qu'on puisse surmonter les défiances, la tentation du repli, et qu'on puisse avoir confiance en ayant cette relation à l'autre qui est à la fois un défi humaniste, mais qui est aussi un défi civique, un défi de solidarité et au-delà de la solidarité, de faire en sorte que l'action en faveur des autres, que la main tendue ne soit pas simplement une action de type administratif, d'échange de formulaires, mais soit un engagement personnel, c'est cela la fraternité en plus de la solidarité. C'est un engagement des individus, les uns vers les autres, la reconnaissance de l'un, de l'autre. C'est, vous le savez, au fond le " tu " qui est le but du jeu. Mais dans cette logique-là, ce qui est très important dans notre société c'est qu'on mesure bien que la fraternité, elle est fondée sur un principe républicain essentiel, c'est le 1 égal 1 et c'est ce en quoi nous avons un pacte qui nous rassemble et qu'il faut à tout point de vue privilégier en le protégeant.
Je voudrais donc dire ainsi, que l'ensemble des remarques que vous formulez dans votre rapport sur ce que peut apporter cette reconnaissance des droits de l'homme en profondeur dans notre société est un élément fort de la cohésion sociale. Je pense que nous avons encore un grand nombre de sujets à explorer pour que, dans notre société, on évite toutes ces barrières, toutes ces cloisons qui isolent, qui enferment, qui ont l'air de protéger mais qui créent en fait une société morcelée, une société grillagée où chacun se sent dans sa case et est inquiet de ce qui se passe dans la case d'à côté, et au fond, nous avons là un besoin d'ouverture de la société et donc de regarder ce qui, aujourd'hui, peut être source, justement, de ces clivages qu'il faut surmonter. Notamment sur l'histoire, je crois qu'il faut regarder notre histoire en face, tout comme il faut regarder l'adversité en face, il faut regarder l'histoire en face. Si nous n'avions pas regardé l'histoire en face avec nos amis Allemands, jamais nous n'aurions pu construire l'Europe malgré les horreurs de notre histoire, malgré tout ce que notre histoire a construit de sombre, d'inacceptable et d'intolérable là aussi. Et donc c'est cette capacité que nous avons à regarder l'histoire et à pouvoir surmonter ces lourdeurs et ces énormes pesanteurs. Je pense que sur les questions de l'immigration par exemple, il faut aller dans la même direction. J'ai proposé, j'ai engagé la création d'une cité nationale de l'histoire de l'immigration car je crois que chacun a droit à son histoire, chacun doit regarder sa propre histoire et c'est en faisant ce parcours des uns et des autres, ensemble regardons l'histoire avec ses points positifs, et aussi avec les points négatifs, et aussi avec ses propres horreurs et ses propres phénomènes que nous devons rejeter mais ce n'est que par notre capacité à regarder ensemble cette histoire que chacun peut trouver dans la République sa place avec son origine mais sa capacité de dépasser son origine par le projet républicain.. Je crois que ce qui est très important dans notre démarche et dans cette pensée des droits de l'homme telle que vous la concevez, c'est à la fois une valeur, c'est à la fois, si vous le permettez, si le cardinal le permet, un peu la démarche du pèlerin de Saint-Jacques qui fait du chemin aussi, un peu la destination. Saint-Jacques est présent dans chaque pas et donc je pense que c'est ça les droits de l'homme. Les droits de l'homme c'est à la fois une valeur, c'est à la fois une perspective mais c'est aussi un chemin, un chemin qui permet de construire notre propre démarche et de veiller à ce que, sur des sujets comme l'immigration par exemple, nous puissions regarder notre histoire et permettre à ceux qui sont aujourd'hui Français issus de l'immigration d'avoir eux aussi, dans notre République, droit à leur histoire. C'est un élément de notre société qui nous rend, je crois, tous adulte et qui nous aide les uns et les autres à surmonter tous ces cloisonnements qui peuvent être pour nous à un moment ou à un d'autre, des causes de discriminations et des sources d'inégalités et des sources d'attitudes qui peuvent conduire à l'exclusion, ce qui est notre lutte commune.
Je voudrais enfin terminer en disant que dans tout ce que vous pouvez dénoncer aujourd'hui , je crois que la France se doit d'être exemplaire, alors tout cela est difficile évidemment et nous sommes dans une situation où la dimension internationale est particulièrement importante. Quand on parle d'Internet ou quand on parle de télévision, quand on parle d'antenne parabolique, quand on parle de tous ces moyens technologiques qui aujourd'hui permettent aux idées noires de pouvoir se répandre, je crois vraiment que là nous avons une action internationale à engager. Nous avons déjà eu, je le disais tout à l'heure à propos de l'OSCE, un certain nombre d'initiatives, je crois vraiment que l'idée européenne et que la construction européenne sur ce sujet, doit aussi nous permettre d'avancer car je pense que vraiment notre continent avec ses 450 millions d'habitants peut être un espace aussi qui fait de ces valeurs, des éléments importants pour le reste du monde. Je crois vraiment, et sans vouloir ici conclure sur un message qui serait un message lié à l'échéance du 29 mai que nous avons les uns et les autres face à nous. Mais je voudrais simplement dire que je crois vraiment que notre continent doit porter des valeurs, que nous ne pouvons pas être les seuls à les porter et ces valeurs aujourd'hui, qui sont celles des droits de l'homme et qui sont liées au pacte républicain, nous devons les défendre, il faut pouvoir leur donner aussi une géographie, une consistance, une résistance, parce qu'elles sont agressées partout dans le monde et donc pour leur donner les forces, certes il faut les défendre sur notre propre territoire, et je ne cherche pas là des excuses à nos insuffisances, bien au contraire, je cherche des raisons supplémentaires d'être exemplaire, mais ceci doit se faire dans une capacité aujourd'hui à partager ces valeurs et au fond, c'est peut-être cela l'ambition qui doit relier aujourd'hui le continent européen, c'est d'être un espace qui partage ces valeurs d'humanisme, qui partage l'ensemble de ces valeurs en leur donnant suffisamment de forces pour que le combat qui est le vôtre, celui de la lutte contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme soient des combats qui soient gagnants, gagnants non seulement parce que chaque individu soit convaincu, mais que tout un continent, dans le monde entier porte ces valeurs. Je remercie chacune et chacun d'entre vous.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 24 mars 2005)