Déclaration de Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur, sur les contrats de partenariat et la commande publique, au Sénat le 10 février 2005.

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Circonstance : Colloque " les contrats de partenariats " organisé par l'Institut de Gestion Déléguée, au Sénat le 10 février 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de vous retrouver en cette fin d'après-midi, ici, au Sénat pour clore ce colloque sur les "Contrats de partenariats".
Je voudrais tout d'abord saluer le Président MARTINAND qui est à la tête de l'Institut de la Gestion Déléguée (IGD) et à l'origine de cette manifestation de haut niveau qui a rencontré un franc succès. Votre présence en nombre en est la preuve.
Je voudrais vous dire, Président, que c'est un honneur et un bonheur de tenir l'engagement qu'avait pris en son temps mon prédécesseur, Jean-François COPÉ, de participer à ce colloque.
Vous aviez été reçu par Jean-François COPÉ le 8 novembre dernier et vous lui aviez indiqué que, compte tenu de l'objet du colloque, il vous paraissait pertinent que ce soit justement le Ministre qui a la charge des collectivités et des libertés locales qui apportent une touche finale à cette demi-journée de présentation et d'échanges.
Les charmes des remaniements ministériels m'amènent aujourd'hui à tenir sa promesse et j'en suis très heureuse.
Je voudrais aussi faire part de ma gratitude à Christian PONCELET, Président du Sénat, qui n'a pas hésité un seul instant à mettre à votre disposition cette belle salle Georges Clémenceau. Il faut dire que le thème du colloque ne pouvait que rencontrer une attention bienveillante de la part du Président de la Haute Assemblée dont chacun connaît la grande sensibilité aux questions de modernisation de la commande publique.
J'ai conscience qu'au court des quatre heures qui viennent de s'écouler d'éminents spécialistes vous ont apporté des informations précises, complètes et pratiques sur ce nouvel outil proposé aux collectivités comme à l'Etat que constitue le contrat de partenariat.
Je vais donc essayer de ne pas reprendre les explications qui vous ont été déjà données sur les conditions concrètes d'application de ce nouvel outil.
Je crois que les retours d'expérience et l'exposé sur les facteurs-clefs de succès vous ont convenablement éclairés sur les bons côtés de cette nouvelle procédure.
Pour ma part, je voudrais vous indiquer quelle est ma perception du contenu de l'ordonnance du 17 juin 2004 et de ses conséquences.
Et je voudrais le faire d'un double point de vue : celui bien entendu de Ministre des collectivités mais aussi celui d'élue locale.
1°) Lorsqu'on a la charge d'une collectivité, on est en première ligne. Vous le savez, très souvent, nos concitoyens sont en attente de nouveaux équipements pour accueillir leurs enfants, pour se rendre sur leur lieu de travail, pour se détendre ou encore pour se soigner.
Il n'y a rien d'illégitime dans ces demandes de services de qualité et de proximité. Mais l'élu, lui, se heurte à deux réalités incontournables, les moyens financiers et le calendrier. Or, il sait qu'il sera jugé aux résultats.
Il lui faut donc s'employer à expliquer, à convaincre puis à décider et souvent, on se sent bien seul au moment de la décision, je dois le reconnaître.
Si je me suis permise cette courte parenthèse, c'est justement parce que le contrat de partenariat peut constituer un recours pratique pour atteindre les objectifs de transparence des coûts et de rapidité de réalisation qui sont le lot quotidien des élus.
Les choses doivent être claires, le contrat de partenariat ne se substitue pas aux formes classiques de la gestion déléguée ou de la régie. Non, il s'additionne à elles et il élargit le champ contractuel, le champ des possibles.
Il offre aussi aux élus locaux, me semble-t-il, des caractéristiques intéressantes puisqu'il permet d'accéder à des pré-financements et qu'il englobe la totalité de la vie d'un équipement dans le temps.
C'est un argument qui me paraît particulièrement novateur puisque ce contrat peut inclure dans son périmètre la "conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics".
Qui plus est, ce contrat ne se limite pas aux seuls équipements, il permet aussi de gérer et de financer certains services d'intérêt général.
En première analyse, je pense que les élus, notamment les maires de grandes villes et les présidents d'agglomérations ou de communautés urbaines ne tarderont pas à s'approprier ce nouveau contrat.
Le verbe "approprier" est, peut-être, un peu fort, le verbe "apprivoiser" devrait mieux convenir dans un premier temps, qui sera forcément celui de l'apprentissage.
Si j'introduis intuitivement un distinguo entre les collectivités de grande taille et celles, l'immense majorité, de taille plus modeste, c'est que je crois le contrat de partenariat public - privé mieux adapté aux collectivités qui disposent, administrativement parlant, d'une masse "critique" significative, c'est-à-dire de collaborateurs de haut niveau capables d'aider leurs élus à appréhender dans la durée des projets d'une grande complexité technique.
En effet, il serait certainement inconsidéré de vouloir bénéficier davantage du savoir faire et des méthodes de fonctionnement du secteur privé alors que l'on ne dispose pas en interne des ressources humaines susceptibles de guider le choix des élus sur des projets dont le volet "exploitation - maintenance" peut engager la collectivité pour 15 ou 20 ans. Il ne faut pas, je crois, agir à l'aveugle. Comme je l'ai déjà dit, la donne me paraît différente pour les collectivités qui sont très structurées et qui, dans leur organigramme, présentent déjà des "task-force" ou des cellules spécialisées dans la commande publique. Dans un tel cas, les phases amont du contrat de partenariat, je veux parler de l'évaluation préalable ainsi que du montage financier et juridique, pourront être préparés dans les meilleures conditions, c'est-à-dire avec les plus grandes chances de réussite.
Vous savez, je crois qu'il n'y a pas de raison que ce contrat qui connaît un réel succès dans de très nombreux pays européens, ne trouve pas, si j'ose dire, son "public" en France. Simplement, comme souvent face à la nouveauté, cela nécessitera du temps et beaucoup de pédagogie. Ce colloque à succès montre bien qu'il y a une attente. Et cette attente, je peux la comprendre.
Prenons, à "tout hasard", l'exemple du département de Vaucluse et de la liaison routière Est-Ouest qui reliera à terme les autoroutes A 7 et A 9, désengorgeant par là même l'agglomération d'Avignon. Voilà, un projet inscrit au Contrat de plan Etat-Région. Voilà, un projet lourd techniquement puisqu'il nécessitera, in fine, de jeter trois ponts. Voilà, un projet complexe administrativement puisqu'il est "à cheval" sur deux régions et trois départements. Or, aujourd'hui, si le premier tronçon de cette voie expresse est en cours de construction, les trente kilomètres qu'il reste à tracer prendront du temps, beaucoup de temps.
Vous comprendrez, alors, que l'élue locale que je suis également, s'interroge sur le recours ou non à un contrat de partenariat qui rapprocherait sensiblement la date de livraison finale de cette liaison capitale pour Avignon. Certains tentent de m'en dissuader, invoquant les surcoûts du contrat de partenariat dûs notamment aux frais financiers supérieurs à un montage classique ainsi qu'à la marge que se réserveront les opérateurs du secteur privé.
D'autres, au contraire, me font valoir ce qu'ils appellent "les externalités positives", c'est-à-dire, les avantages socio-économiques immédiats qu'il y a à tirer d'un gain de temps dans la réalisation d'une telle voie expresse car, me dit-on, ce qui compte, c'est le "coût économique global".
Vous le voyez, les choses sont loin d'être simples et j'ai volontairement choisi cet exemple que je connais bien pour illustrer les réflexions auxquelles le représentant de l'Etat et de nombreux élus locaux seront confrontés au moment du choix.
2°) Je voudrais, maintenant, appréhender cette forme contractuelle nouvelle en ma qualité de ministre déléguée aux collectivités locales.
A ce titre, ce qui m'importe le plus, c'est de m'assurer que les contrats de partenariat :
- d'une part, tiendront leurs promesses financières offrant aux collectivités un bon moyen de faire face à un contexte budgétaire contraint ;
- d'autre part, respecteront, au fur et à mesure de leur apparition, le cadre juridique qui leur a été fixé par le législateur et précisé par le Conseil d'Etat et le Conseil Constitutionnel.
Sur le plan financier, je serai donc attentive dans les prochains mois aux formules retenues pour partager les risques entre partenaires public et privé. Comme l'a dit Jean-Pierre RAFFARIN, ces contrats doivent déboucher sur des "initiatives créatrices de possibilités nouvelles d'investissement".
C'est cette voie qui doit être suivie mais en bon ordre et en ne perdant jamais de vue que ce type de contrat doit rester "gagnant-gagnant", non seulement dans sa phase initiale mais aussi tout au long de sa durée de vie.
Il ne faudrait pas, en effet, oublier que dans un contrat de partenariat, si le paiement est différé, il n'en demeure pas moins public. Cela signifie que, jusqu'à son terme, c'est essentiellement le contribuable qui sera sollicité et plus marginalement l'usager.
Sur le fonds, je suis optimiste : le champ d'application du "PPP" est large et 75 % des dépenses d'investissements publics résultent aujourd'hui de l'action des collectivités territoriales. Nous devrions donc assister sur le terrain à une déclinaison croissante de contrats de partenariat.
Si tel est le cas, mon rôle comme celui des services de l'Etat consistera à veiller à ce que ces contrats soient conclus à bon escient, c'est-à-dire dans l'esprit de la règle mais aussi en s'approchant le plus possible de sa lettre.
Sur le plan de la légalité, vous savez que les contrats de partenariats conclus par les collectivités devront être transmis au Préfet dans un délai de
15 jours à compter de leur signature.
Il n'y a dans cette disposition rien que du très classique. Ce qui l'est moins, en revanche, ce sera vraisemblablement ce que j'appellerai la mise en place de la doctrine du contrôle de légalité.
A ce stade, on dispose de plusieurs certitudes, notamment sur le fait que les contrats de partenariats seront d'autant plus conformes à la loi du 2 juillet 2003 qu'ils seront mobilisés :
- soit pour répondre à des situations d'urgence qui découlent de circonstances particulières ou locales ;
- soit pour rattraper un retard préjudiciable ;
- soit pour tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service particulier.
Mais, dans le même temps, d'autres exigences habituelles dans le cadre des marchés publics paraissent moins mises en avant à ce stade.
Ainsi, la liste des pièces à fournir n'est pas encore véritablement formalisée alors qu'il semble évident qu'un contrôle de légalité digne ce de nom ne peut pas reposer sur l'examen isolé du contrat de partenariat lui-même, mais bien sur le contrat et l'ensemble des pièces qui en constituent la traduction politique, financière ou encore sociale.
En réalité, et mes consignes aux préfets seront claires sur ce point, il ne s'agira en aucun cas de faire plus de zèle qu'en présence d'un marché public ordinaire ou d'une délégation de service public classique.
Il faudra comme c'est toujours le cas face à une modification de l'état du droit, réserver aux contrats de partenariats un accueil d'autant plus attentif qu'il s'agit d'une forme contractuelle nouvelle associant des logiques juridiques longtemps distinctes, celle du public et celle du privé.
Il faudra aussi vérifier que les dispositions prudentielles prévues par les textes ont bien été observées permettant l'égal accès de tous à la commande publique.
Enfin, il faudra s'assurer et c'est nouveau, que le recours à un tel contrat est bien le fruit d'une comparaison économique qui lui est favorable et qui est fondée à la fois sur la qualité, sur le coût et sur la durée du projet soutenu.
Nous le sentons bien, avec le contrat de partenariat, nous ouvrons une nouvelle voie dans le vaste chantier des relations contractuelles et, comme à chaque fois qu'une innovation de ce genre se produit, il y aura bien entendu une période de rodage que je souhaite la plus sereine possible.
Ce que je veux éviter, vous l'avez compris, c'est que personne "n'essuie les plâtres", ni les représentants de l'Etat, ni les collectivités publiques, ni les opérateurs privés, ni les citoyens-contribuables.
Et pour éviter cela, je compte sur l'esprit de responsabilité de chacun. Je sais qu'ensemble nous pourrons progressivement tirer profit de ce contrat de partenariat. Sa montée en puissance va coïncider avec l'élargissement d'ici à 2008 des compétences des collectivités locales, notamment en matières routières et d'infrastructures de transports. Il sera donc un atout de plus pour le dynamisme de notre économie.
Pour finir, je voudrais vous redire ma confiance dans le développement maîtrisé de ce nouvel outil.
Je voudrais vous redire ma confiance dans cette nouvelle philosophie. Car, vous l'aurez compris à travers ce contrat, c'est aussi la France que la majorité et le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin veulent pour demain qui se dessine, une France qui se secoue, une France imaginative et qui libère les énergies.
Je vous remercie pour votre attention.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 2 mars 2005)