Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, à Radio J le 13 mars 2005, sur les relations franco-israëliennes, l'antisémitisme en France et la situation au proche-Orient, la politique de réforme, la modernisation de la fonction publique, les revendications salariales, la campagne pour la Constitution européenne, la personnalité de J.-P. Raffarin et la fonction de Premier ministre.

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Média : Radio J

Texte intégral

Frédéric HAZIZA : Monsieur Jean-Pierre RAFFARIN, monsieur le Premier ministre bonjour.
Jean-Pierre RAFFARIN : Bonjour.
QUESTION : Et surtout merci d'avoir accepté d'être le 600e invité du FORUM RADIO J. Et puis votre intervention monsieur RAFFARIN est particulièrement attendue aujourd'hui au terme d'une semaine marquée par les manifestations, alors tout d'abord des lycéens mardi, puis des chercheurs mercredi et surtout, et surtout des fonctionnaires et des salariés du privé jeudi. Alors vous allez pouvoir nous dire monsieur le Premier ministre comment vous entendez faire retomber la pression sociale, où se situe cet équilibre dont vous parliez vendredi entre écoute et détermination. En clair, avez vous la volonté politique et les moyens budgétaires de répondre aux revendications de la rue, que ce soit sur le pouvoir d'achat, sur les 35 heures, ou encore peut-être aussi sur la loi FILLON. Et puis nous allons vous demander également avec Gérard LECLERC de FRANCE 2 et Eric MANDONNET de l'EXPRESS ce que traduit à vos yeux cette grogne sociale. Est-ce l'indication d'un profond malaise, de cette sinistrose qui a été diagnostiquée par les préfets, est-ce la preuve, le signe d'un divorce entre la France d'en haut et la France d'en bas, et puis croyez-vous au risque d'un plus vaste mouvement de contestation, voir d'un embrasement social du pays, au-delà aussi quelle conséquence politique, quelle conséquence sur de référendum du 29 mai, la dynamique du " non " n'est-elle pas désormais en route. Et puis pour commencer monsieur le Premier ministre nous allons évoquer avec vous bien entendu cette visite que vous effectuez à partir de mardi en Israël, que traduit elle en ce qui concerne les relations bi latérales franco-israélienne, quel jugement portez-vous sur l'évolution du processus de paix, sur l'avenir du Moyen Orient, ou encore sur la situation au Liban. Et puis monsieur le Premier ministre, comment la France entend elle faire entendre sa voix dans la région, et c'est Eric MANDONNET qui va vous poser la première question de cette émission.
Éric MANDONNET - Vous serez donc demain soir à Jérusalem, c'est la première fois qu'un Premier ministre mais aussi à titre au privé que vous vous rendez en Israël, dans la ville trois fois saintes, quel est votre sentiment personnel à la veille de ce voyage ?
Jean-Pierre RAFFARIN : C'est un sentiment de gravité, mais c'est aussi une joie profonde d'être à Jérusalem. J'y vais dans des circonstances particulières, parce que j'y vais pour l'inauguration d'un mémorial, et donc j'y vais pour ...
QUESTION : Donc pour l'inauguration du nouveau site du Yad Vashem, mémorial de la déportation.
Jean-Pierre RAFFARIN : Yad Vashem, c'est cela, et donc dans des circonstances particulièrement pressentes, prenantes, poignantes, que je vais à Jérusalem, c'est d'abord donc un voyage de mémoire, un voyage qui dénonce les horreurs, cette période de notre civilisation où finalement les écluses du mal ont été ouvertes, donc je me prépare à vivre des moments de très grandes émotions, de gravité. Alors cette mémoire nous allons être de nombreux français a y participer, beaucoup de personnalités du monde entier seront présentes et j'espère que ce sera l'occasion d'afficher, d'affirmer cette victoire sur l'horreur qui est au fond l'uvre civilisatrice. C'est finalement ce que porte un peu la construction européenne, cette victoire sur la guerre, cette victoire sur l'hiver, mais au-delà de ce moment de mémoire je pense que cette émotion partagée c'est aussi l'occasion de dire aux peuples d'Israël l'amitié du peuple français. C'est l'occasion de renforcer notre coopération bilatérale qui a beaucoup progressé depuis la venue du président KASSAV à Paris en 2004, Michel BARNIER s'est rendu deux fois en Israël, nous avons des projets et je souhaite renforcer cette coopération bilatérale. Et puis c'est aussi le moyen de dire, c'est le moment de dire que la France croit à cet espoir de paix qui apparaît dans la région et c 'est aussi l'occasion de dire combien nous sommes disponibles nous Français mais nous Européens aussi pour participer à cette uvre de paix.
QUESTION : Justement dans les relations entre la France et Israël, il y a souvent eu beaucoup d'incompréhensions, encore récemment le mois dernier monsieur SHARON disait que la France avait une politique pro arabe.
Jean-Pierre RAFFARIN : Ecoutez, je ne veux pas polémiquer, nous avons des discussions avec nos amis israéliens, nous avons des désaccords, nous avons une amitié de fond, je crois que c'est ça la politique internationale, nous avons forcément des désaccords, avec les amis américains, les alliés américains, nous avons des désaccords, mais nous avons une alliance de fond, une proximité, il y a dans les relations entre Israël et la France des relations de passion, il y a des relations d'histoire, il y a des relations qui à tout jamais font que nous sommes des peuples frères. Alors nous devons naturellement étudier les positions des uns et des autres, faire preuve de compréhension, l'histoire de la politique française est une histoire qui a toujours été celle de la proximité avec Israël pour son existence même et pour sa sécurité. Alors c'est clair que nous avons toujours soutenu la position en qui concerne l'Etat palestinien, de manière à ce qu'il soit viable, et durable, et donc dans cette région du monde, nous voulons un équilibre de paix, donc c'est vrai qu'il y a eu de temps en temps des tensions ; Je crois que depuis quelque temps, et notamment depuis la visite du président KASSAV à Paris je pense que les positions se rapprochent et en tout cas dans un moment où l'espoir de paix prend quelques consistances, le devoir de la France, le devoir de l'Europe est de participer à la concrétisation de cette paix. Ce qu'a fait monsieur SHARON à Gaza est courageux, ce sont des initiatives qui politiquement sont difficiles, je le mesure, la France la mesure, nous avons aussi mesuré la prise d'autorité je dirais de monsieur AMAS (phon) et donc il y a dans cette nouvelle donne une perspective de paix que je ne veux pas compromettre par quelques polémiques que ce soit.
QUESTION : Monsieur RAFFARIN on parle d'une visite de monsieur SHARON à Paris en avril, vous confirmez ? Jean-Pierre RAFFARIN Je crois que c'est une éventualité qui a quelques consistances.
QUESTION : On parle même du 17 avril.
Jean-Pierre RAFFARIN : Je ne peux pas vous en donner la date.
QUESTION : Mais en tout cas le Premier ministre israélien a de grandes chances d'être l'invité de la France en avril à Paris ?
Jean-Pierre RAFFARIN : C'est une hypothèse.
QUESTION : Alors quand vous disiez tout à l'heure : les choses ont changé depuis la venue du président KASSAV à Paris, est-ce que les choses n'ont pas changé plutôt depuis la disparition de Yasser ARAFAT ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Depuis l'élection de monsieur BUSH, depuis ... on peut prendre beaucoup d'évènements internationaux qui ont marqué la nouvelle donne, donc depuis la situation en Irak, depuis beaucoup d'évènements qui ont marqué cette situation dramatique qu'est le conflit israélo-palestinien, parce que ce conflit a une résonance mondiale dans toutes les sociétés et donc c'est pour ça que c'est une priorité mondiale, planétaire que de faire la paix dans cette région du monde. Alors je crois que la disparition de Yasser ARAFAT a naturellement donné à cette situation une nouvelle perspective, cette perspective aujourd'hui porte l'espoir, personne ne peut savoir ce qui se serait passé dans un autre cas de figure, en tout cas il faut regarder l'avenir et l'avenir c'est la perspective de la paix, c'est cela le regard de la France.
QUESTION : Mais votre attitude personnelle lors de la mort de Yasser ARAFAT et notamment votre présence à Villacoublay, avait été critiquée, en Israël on a constaté que la France en avait beaucoup fait lors de la mort de Yasser ARAFAT.
Jean-Pierre RAFFARIN : La France a respecté le protocole, les règles du protocole, toutes les données du protocole et nous avons fait ce que nous avions le devoir de faire à la fois en ce qui concerne l'attitude humanitaire de la France et aussi en ce qui concerne les règles du protocole qui ont été respectées, à la lettre.
QUESTION : Quand vous dites la France est disponible pour participer pour faire avancer le processus de paix, ça voudrait dire qu'on pourrait penser à une conférence internationale qui pourrait se tenir à Paris ou alors plutôt une diplomatie dynamique qui pourrait aller au Proche Orient rencontrer les gens et recevoir donc notamment Ariel SHARON et plus tard Marc MONDABAS (phon) à Paris.
Jean-Pierre RAFFARIN : Nous pensons que la conférence de Londres était une étape très importante, nous pensons que la feuille de route reste la ligne directrice de notre action, nous pensons que nous devons agir en permanence en cohérence avec l'Union européenne, donc dans ce contexte là il faut en effet que la France fasse entendre son message de paix, et sa diplomatie est très active comme le montre les déplacements fréquents de Michel BARNIER dans la région.
QUESTION : Et quand vous disiez tout à l'heure : SHARON est courageux en évacuant Gaza et en évacuant aussi des colonies en Cis Jordanie, vous considérez aujourd'hui que c'est un homme de paix Ariel SHARON ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Je considère aujourd'hui qu'il y a un espoir de paix, donc nous sommes-nous Européens et nous Français partenaires de cet espoir de paix, nous sommes co responsables de cet espoir de paix. Donc c'est cela qui pour nous est le plus important. Moi depuis que je fais de la politique et depuis les négociations de Camp David, je n'ai pas vu de circonstances aussi prometteuses, même si elles sont difficiles, même si elles sont toujours incertaines, donc notre devoir, le devoir de chaque responsable politique est de participer à cet espoir de paix pour que ce soit une réalité dans la région.
Gérard LECLERC - Alors à la lisière entre la politique française et la politique étrangère, il y a eu ce dîner du CRIF le 12 février dernier où Roger CUKIERMAN a (...) devant vous la France, il y avait également plusieurs ministres qui étaient à vos côtés, donc la politique étrangère de la France de fragiliser la lutte contre l'antisémitisme. Qu'est-ce que vous en avez pensé, qu'est-ce que vous en pensez ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Si vous voulez j'ai été surpris par une partie de ses propos car le gouvernement français est particulièrement engagé dans la lutte contre l'antisémitisme et j'ai le sentiment que mon gouvernement d'ailleurs sur ce sujet est en rupture, avec ce qui se faisait précédemment. Parce que nous avons refusé de nier, nous avons refusé de minimiser, nous avons voulu regarder les choses en face ; L'antisémitisme existe et pour le combattre il faut d'abord le reconnaître. Et donc j'ai eu une attitude qui est une attitude de lucidité et de vérité. Alors je l'ai dit, mais je l'ai dit sans polémique.
QUESTION : Vous avez dit : je ne veux pas polémiquer. Mais est-ce que sur le coup vous ne vous êtes pas dit : je vais partir, je vais quitter cette salle ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Non, parce que ...
QUESTION : Parce que vous avez vu qu'on vous l'a reproché d'être resté.
Jean-Pierre RAFFARIN : Non, le gouvernement français est invité, quand on reçoit des gens on se comporte comme on veut. Quand on est invité on respecte tous ceux qui sont invités, je voyais bien que dans la salle il y a un certain nombre de personnes qui ne partageaient pas l'avis qui était exprimé. Donc je me suis dit que dans les circonstances qui sont aujourd'hui celles de la perspective de paix, la dignité de la France, la dignité du chef du gouvernement français, c'est de s'élever au-delà des polémiques et de rester un partenaire disponible, non facteur de polémique, disponible pour cet espoir de paix. Et je sais que toutes les personnalités qui étaient présentes à ce dîner sont favorables à ce que la France se mobilise pour la paix, Michel BARNIER est allé en Israël, j'y vais, nous avons un certain nombre d'échanges qui sont aujourd'hui renforcés, je crois plutôt que nous sommes dans une période de progrès et la polémique est sur ce sujet inutile.
QUESTION : Vous aviez fait allusion lors de ce dîner à un livre qui vous choquait, et il semblerait que le ministère de l'Intérieur soit défavorable à toute censure. Est-ce que vous vous souhaitez que d'une manière ou d'une autre des sanctions soient prises contre ce livre ? Frédéric HAZIZA Pour citer le nom du livre c'est " pauvre homme ".
Jean-Pierre RAFFARIN : Je ne le citerais pas, parce que c'est tout le problème de la censure, c'est qu'on finit par faire de la promotion pour des choses que l'on veut condamner. Donc le ministre de l'Intérieur a souhaité une expertise du ministère de la Justice, je crois que c'est un élément important de la démarche. Moi je pense que la liberté d'expression est un élément structurant de notre pacte républicain, mais je crois vraiment qu'il ne faut pas hésiter à faire respecter la dignité de l'autre, et la liberté d'expression doit s'arrêter quand elle porte atteinte à la dignité de l'autre. Et donc il y a un certain nombre de sujets sur lequel je crois il faut faire preuve de fermeté. Alors sur ce sujet spécifique j'attends l'avis du ministère de la Justice mais je suis vraiment déterminé à ce que des lois, je pense notamment à la loi fait voter au Parlement par Pierre LELLOUCH, ce type de loi qui fait en sorte que chacun puisse se sentir respecté dans les attitudes, mais aussi dans les paroles des autres, tout ceci fait partie de je dirais l'esprit français, et donc il faut vraiment veiller à ce que l'on puisse limiter cette sournoise progression de l'antisémitisme.
QUESTION : Quand vous parlez de l'esprit français LE PEN par rapport à l'esprit français, comment vous expliquez que 60 ans après Auschwitz, on a commémoré le 27 janvier le 60e anniversaire de la libération des camps, l'extrême droite soit si haute en Europe et singulièrement France, et que LE PEN a dérapé, à provoquer et puis à exister politiquement ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Je pense que dans la situation qu'est la France, le parti politique auquel vous faites allusion n'est pas en expansion, nous avons connu des périodes plus difficiles, plus menaçantes, donc je pense qu'il faut continuer notre ligne, c'est-à-dire être clairement engagés contre le racisme, contre l'antisémitisme, montrer que s'attaquer aujourd'hui à un juif c'est s'attaquer à la France, comme l'a dit le chef de l'Etat reconnaître la responsabilité de l'Etat français dans l'histoire sombre de notre pays, et de l'Europe et donc je pense que cette attitude de vérité est la seule attitude...
QUESTION : Contre tous les racismes bien entendu.
Jean-Pierre RAFFARIN : Contre toutes les formes de racisme exactement. Le racisme et l'antisémitisme sont des adversaires de notre pacte républicain, de ce qu'est la France.
QUESTION : La situation au Liban, croyez vous et êtes vous satisfait par le retrait qui s'est engagé des troupes syriennes ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Ecoutez, la satisfaction viendra de l'application de la résolution de l'ONU. Nous avons voté une résolution, nous y avons beaucoup travaillé, avec notamment les Etats-Unis, cette résolution fixe ce qui est pour nous l'objectif à atteindre, il y a des signes qui vont dans la bonne direction, nous souhaitons l'application pleine et entière de la résolution du conseil de sécurité. C'est-à-dire que nous avons demandé le retrait des forces et des services. Donc, nous attendons le retrait des forces et des services. Avec un calendrier précis, nous souhaitons vraiment que ce qui aujourd'hui est un signe positif soit prolongé jusqu'à ce que la résolution soit complètement appliquée.
QUESTION : Calendrier précis, Bachar AL ASAD a annoncé d'abord un redéploiement des forces syriennes vers la frontière syro libanaise, et puis on a annoncé hier le retrait des forces et des troupes syriennes, un retrait définitif. Est-ce que vous souhaitez que le calendrier inclut le retrait de ces forces avant les élections libanaises ?
Jean-Pierre RAFFARIN : La résolution 459, toute la résolution. Moi je souhaite vraiment que le peuple libanais puisse assumer sa souveraineté, nous avons été vraiment admiratifs devant la conscience démocratique du peuple libanais. Ce qui s'est passé avec l'assassinat odieux, inacceptable de monsieur HARIRI, a déclenché une réaction profondément démocratique, et nous souhaitons vraiment que cette démocratie puisse s'exprimer, nous respectons les choix du peuple libanais, nous avons pris des engagements internationaux, nous sommes sur cette ligne là, pour le reste nous veillons à ce que le peuple libanais puisse gérer lui-même son avenir. Ce qui compte pour ce peuple comme pour les autres, c'est l'accès à la souveraineté nationale, c'est ça qui nous paraît le plus important.
QUESTION : Peuple libanais, toujours une question...
QUESTION : Le Hezbollah a fait des démonstrations de force au Liban, a conspué Jacques CHIRAC. Plusieurs pays, les Etats-Unis, l'Allemagne, voudraient classer le Hezbollah parmi les organisations terroristes, est-ce que la réflexion de la France sur ce sujet évolue ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Nous sommes en discussion permanente avec nos partenaires européens sur ce sujet, il est évident que la situation aujourd'hui au Liban nous impose de laisser le peuple libanais avec ses forces politiques, avec ses mouvements politiques, régler son problème de souveraineté, et donc autant nous avons avec l'ONU une ligne directrice pour que la résolution puisse conduire à la souveraineté du Liban, autant nous n'avons pas à nous immiscer dans les affaires intérieures du Liban.
QUESTION : Monsieur le Premier ministre quand on voit la situation en Irak où il y a des élections libres, maintenant le Liban où les Syriens se retirent, le processus de paix qui semble progresser entre Israéliens et Palestiniens, est-ce que quelque part il ne faut pas dire " merci à BUSH ", est-ce que la politique américaine n'obtient pas là des résultats tangibles ?
QUESTION : Vous disiez tout à l'heure " nos amis américains " d'ailleurs, et " nos alliés américains ".
Jean-Pierre RAFFARIN : Oui, parce que le peuple américain est un peuple avec lequel nous avons des relations de gratitude et d'amitiés. Et il va de soi que nous pouvons là aussi, je l'ai dit tout à l'heure, avoir un certain nombre de désaccords ; Nous jugeons un certain nombre de signaux, comme des signaux très positifs. Mais quand je vois les derniers attentats qui se sont passés en Irak, je me dis la route est encore longue pour la souveraineté du peuple irakien. Donc nous enregistrons tous les signes positifs, c'est vrai que le taux de participation électoral est un signal important, mais je pense qu'il faut se garder de trop de triomphalisme démocratique ; Aujourd'hui continuons à travailler, continuons à faire en sorte que les idées de la démocratie, mais aussi les idées de la souveraineté des peuples puisse avancer ensemble, nous enregistrons de signaux positifs, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire, et ne soyons pas dans une attitude qui serait une attitude triomphaliste, je crois qu'aujourd'hui nous sommes dans une région du monde qui souffre, qui connaît la pauvreté, et cette pauvreté génère toujours le terrorisme et que l'adversaire du terrorisme que nous sommes évidemment, l'ensemble des démocraties sont mobilisées contre le terrorisme, tout ceci nous impose aussi de travailler les questions du développement, car il y a évidemment la question politique, mais il y a aussi la question du niveau de vie des populations dans ces régions du monde, car nous savons bien combien les thèses intégristes, les thèses extrémistes peuvent être fertiles en terre pauvreté.
QUESTION : Alors vous parlez de développement, en tout cas concernant l'Iran, l'Iran essaye de développer une industrie nucléaire, les Etats Unis considèrent qu'il s'agit d'industrie nucléaire militaire, est-ce que ce dossier iranien doit être envoyé devant le conseil de sécurité de l'ONU ? Et est-ce que vous avez la même position que les Etats-Unis ? Après on y reviendra pour conclure cette première partie au problème, à la prise d'otages de Florence AUBENAS et de son accompagnateur syrien.
Jean-Pierre RAFFARIN : Nous sommes dans une démarche coordonnée au niveau européen, nous souhaitons vraiment que la démarche qui a été initiée par les trois ministres des affaires étrangères de l'Union européenne présents en Iran puisse se poursuivre. Et nous souhaitons un rapprochement des positions et nous sommes en voie de rapprochement, mais ce n'est pas à ce jour achevé.
QUESTION : Est-ce que vous parliez de risque nucléaire iranien ou pas ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Bien sûr qu'il y a un certain nombre de risques mais le risque par définition nous avons besoin les uns et les autres et de le préciser, et surtout d'éviter qu'il y ait ce que nous avons connu dans le passé, des attitudes qui seraient des attitudes de dénonciations abusives donc il faut être attentif à ce que nous dénonçons soit vraiment réel et que tout ceci exige une information objective. C'est ce que nous souhaitons, c'est la position de la France, c'était la position de la France en Irak, en ce qui concerne les armes de destruction massive.
QUESTION : Monsieur le Premier ministre, le 3 mars vous avez demandé aux ravisseurs de Florence AUBENAS et de Hussein HANOUN, d'engager une discussion avec les seuls services officiels de la France, est-ce que depuis cette date vous avez eu des revendications plus précises, et est-ce que vous pouvez nous dire si l'enlèvement est lié à des motifs crapuleux, ou à des objectifs politiques ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Depuis cette date, je vous réponds clairement, les services officiels français ont connu une accélération des contacts et des informations qui nous permettent aujourd'hui d'avoir quelques espoirs, notamment parce qu'il nous paraît aujourd'hui important d'avoir stabilisé quelques contacts avec des personnes qui comme nous veulent la libération de Florence AUBENAS et de Hussein HANOUN.
QUESTION : Des personnes qui connaissent ... Qui peuvent avoir des contacts avec les ravisseurs ou qui sont proches ou qui sont les ravisseurs ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Pour la sécurité des otages, je ne peux pas vous en dire plus, je reste très prudent, mais je garde espoir et tous les services officiels français sont mobilisés après avoir été renforcés.
QUESTION : Alors est-ce que vous considérez aussi que derrière cette prise d'otages il y a éventuellement les services syriens ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Je ne vous en dirais pas plus, maintenant je pense à la vie de Florence AUBENAS, je pense à la vie de Hussein HANOUN, nous sommes mobilisés, je peux vous dire aujourd'hui que nous vivons une situation qui nous permet avec cette accélération de contacts, et avec cette accélération des informations d'avoir un espoir.
QUESTION : D'avoir un espoir de libération peut-être proche ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Prudence et espoir.
QUESTION : Monsieur le Premier ministre nous allons marquer une pause et nous retrouver dans quelques instants.
QUESTION : Beaucoup de manifestants cette semaine, dans les rues de Paris, dans et les grandes villes de province, principalement un mot d'ordre, le pouvoir d'achat, les syndicats vous demandent d'ouvrir des négociations, allez vous ouvrir des négociations notamment dans la fonction publique ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Oui. Un commentaire sur la situation. Je ne suis pas surpris. Je ne suis pas surpris parce que nous avons fait en 2004 plus de croissance que nous avions prévue, nous avions prévu initialement une croissance de 1,7 %, nous faisons une croissance de 2, 5 %, il est légitime que beaucoup de Françaises et de Français revendiquent une amélioration de leur pouvoir d'achat. Je note que les manifestations ont été importantes, je note aussi qu'elles ont été encadrées de manière responsable, les manifestations du 10 mars, et c'est tout à fait important, et significatif. Ces manifestations font partie, vous le savez, de notre tradition sociale, du dialogue social, donc dans ce dialogue, le gouvernement ne doit pas être silencieux. Donc je réponds trois propositions à cette situation, avec trois propositions à cette situation. Premièrement en ce qui concerne la fonction publique. Notre nation a besoin d'une fonction publique modernisée quant à son organisation, motivée quant à ses fonctionnaires. C'est pour ça que j'ai demandé à Renaud DUTREIL d'engager une négociation avec les syndicats de fonctionnaires, avant la fin mars, sur deux sujets : la modernisation, la réforme de la fonction publique, avec les questions de carrière, les questions de formation, les questions naturellement de parité, un certain nombre de sujets que les syndicats d'ailleurs pourront ajouter un certain nombre de sujets s'ils le souhaitent, parce que je souhaite vraiment qu'il y ait une réflexion de fond. Une réflexion de réforme sur la fonction publique. Et cette réforme doit aller dans le sens de la modernisation. Force Ouvrière par exemple propose que le Commissariat au Plan travaille sur le service public en Europe, et qu'on adapte la situation de la France à cette situation européenne, c'est un sujet sur lequel je suis ouvert. Donc réflexion sur la modernisation de la fonction publique. Mais également discussion, négociation sur les salaires, sur les salaires pour l'année 2005 et pour l'année 2006, puisque je pense que comme l'année 2005 est très engagée ça nous permettra d'avoir une lisibilité sur l'année 2006, lisibilité sociale, mais aussi pour le gouvernement lisibilité financière et budgétaire. Voilà ce que je propose pour la fonction publique. Donc tout ceci avant la fin mars. En ce qui concerne le secteur privé, je demande à Jean-Louis BORLOO, que la réunion qui est prévue, la réunion de travail sur les salaires dans le cadre de la commission nationale de convention collective, qui doit avoir lieu le 18 mars, soit présidée par l'un des ministres du pole social. Je pense à Gérard LARCHER en charge des relations sociales. C'est le lieu où l'on débat de l'augmentation du SMIC, mais on débat aussi des questions de grille, de classification, et notamment de la situation obsolète d'un certain nombre de branches professionnelles qui ont des minima inférieures au SMIC. Je souhaite que cette réunion soit aussi l'occasion de définir un calendrier de travail qui permettra à l'Etat de jouer pleinement son rôle d'incitateur. Et troisièmement, je ferais le 23 mars au conseil économique et social une intervention pour proposer une relance de la participation et de l'intéressement des salariés. Je travaille avec Thierry BRETON sur ce sujet, nous allons d'ailleurs proposer dans quelques jours des initiatives ponctuelles pour l'année 2005 avant les initiatives plus stratégiques que nous allons proposer pour l'avenir du pays, et pour renforcer la participation et intéresser les salariés au résultat de l'entreprise, dans les jours prochains Thierry BRETON pourra connaître des mesures pour stimuler l'intéressement exceptionnel qui est nécessaire de dégager en 2005 concernant le résultat d'un certain nombre d'entreprises ; Des entreprises ont eu de bons résultats, celles qui ont eu de bons résultats il faut les inciter à partager ces résultats. Tout ceci s'intègre dans mon plan France 2005 où j'avais parlé de croissance partagée. Le partage de la croissance c'est l'objectif du gouvernement.
QUESTION : Pour les fonctionnaires on a parlé d'une augmentation de 1 % cette année, c'est dans l'ordre du possible ?
Jean-Pierre RAFFARIN : J'ouvre la discussion je ne la ferme pas en annonçant des chiffres, j'ouvre la discussion sur l'ensemble des sujets, je pense aux bas salaires, je pense à ceux qui sont en fin de carrière, je pense aux questions de formation tout au long de la carrière, je pense aux questions de deuxième carrière dans la fonction publique, il y a des sujets structurels, il y a des sujets financiers, je reste ouvert, nous abordons cette discussion avec une attitude ouverte, ouverte à la modernisation de la fonction publique, ouverte aussi à la motivation des fonctionnaires.
QUESTION : 1 % d'augmentation c'est 800 millions d'euros, vous les avez ou pas ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Nous avons aujourd'hui un certain nombre de possibilités financières qui sont minces évidemment, mais pour l'année 2005 comme pour l'année 2006, on parle de profit d'un certain nombre d'entreprises, donc on parle de retour de la croissance, donc il y a des rentrées fiscales qui sont supérieures et qui seront probablement supérieures, si la croissance continue, à ce que nous avons prévu. Nous avons là donc une mince marge de manuvre mais nous avons une marge de manuvre pour répondre à ce qui doit être pour nous un élément important qui est le partage de la croissance.
QUESTION : Vous avez du grain à moudre.
Jean-Pierre RAFFARIN : Nous avons la possibilité de discuter et de conclure. Moi je souhaite vraiment que notre pays se mobilise pour la croissance et donc nous avons besoin dans cette perspective d'un climat social où chacun puisse se sentir respecté.
QUESTION : Dans cette discussion avec les fonctionnaires est-ce que vous êtes dans une logique du donnant donnant ? Est-ce que l'effort du gouvernement sera d'autant plus fort qu'il y aura des évolutions dans la modernisation de la fonction publique ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Nous ne sommes plus dans l'époque des cadeaux évidemment, il ne s'agit pas de faire des cadeaux aux uns ou aux autres, nous n'en avons pas les moyens et ce n'est pas le dialogue social moderne. Il s'agit de co-responsabilité et donc nous souhaitons vraiment qu'il y ait des efforts sur la modernisation de la fonction publique. Mon gouvernement est un gouvernement de réformes, la fonction publique est intégrée à cette logique de réformes, donc bien sûr nous souhaitons des réformes du service public et je le disais tout à l'heure, nous souhaitons une réflexion générale pour que le service public à la Française trouve toute sa place dans la nouvelle donne européenne. Donc il y a là une réflexion stratégique qui appartient à la logique de réformes à laquelle je suis très attaché. Et il va de soi que les conditions de rémunération font partie de la motivation des fonctionnaires pour cette action de modernisation du service public.
QUESTION : Est-ce qu'une contrepartie ne pourrait pas être une baisse du nombre des fonctionnaires, est-ce que vous n'avez pas essayé d'échanger une baisse du nombre des fonctionnaires contre une augmentation des salaires ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Nous ne marchandons pas ainsi. Pour nous la fonction publique c'est le service public, c'est ce qui est un des liens fondamentaux de notre république, donc nous souhaitons des fonctionnaires motivés. Nous avons besoin d'une fonction publique d'Etat, active, nous avons besoin d'une fonction publique hospitalière, motivée, nous avons besoin d'une fonction publique territorialisée qui elle aussi participe à la mobilisation du service public, donc nous souhaitons une motivation globale de la fonction publique. Nous ne souhaitons pas aujourd'hui avoir d'objectifs qui seraient des objectifs quantitatifs sur les effectifs, nous souhaitons le meilleur service au meilleur prix, avec une capacité de respect des carrières, des parcours des femmes et des hommes qui sont dans la fonction publique. Donc je souhaite vraiment que nous puissions globalement avoir une gestion publique qui soit une gestion publique de bons principes notamment conformes aux principes européens, mais je ne souhaite pas une discussion qui commence par " je veux réduire ". Il y a des départs en retraite, il y a des règles qui ont été discutées, il y a discussions qui ouvertes. Tout ceci est sur la table de discussion, nous sommes dans une situation où nous ne devons pas avoir d'a priori. Les a priori c'est la modernisation de la France, c'est la nécessité de réformer notre pays, et je compte bien poursuivre les réformes du pays.
QUESTION : Quand vous parlez de négociations, de discussions, ça devrait durer au maximum combien de temps ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Ca c'est aux partenaires de le définir.
QUESTION : Vous avez une idée en tête ou pas ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Ecoutez, moi je souhaite qu'on aille le plus vite possible, et donc je sais que les partenaires sont également motivés pour qu'on aille vite, nous avons de toute façon une échéance qui est celle de novembre 2005 pour laquelle nous avons prévu une augmentation de salaire dans la fonction publique, donc je souhaite que les discussions naturellement soient achevées pour une grande partie des sujets à ce moment là, mais il est possible qu'elles se poursuivent sur d'autres sujets. Il y a naturellement des calendriers qui peuvent être différents en fonction des différents sujets.
QUESTION : Et dans le privé est-ce que vous ne pourriez pas faire quelque chose sur le SMIC, peut-être anticiper la hausse prévue au mois de juillet ?
Jean-Pierre RAFFARIN : C'est un sujet qui est en discussion, pour le SMIC vous savez que mon gouvernement a fait beaucoup, c'est une des grandes fiertés de ce gouvernement puisque nous avons fait pour plus d'un million de personnes qui sont au SMIC une augmentation qui n'avait jamais été faite dans ce pays depuis très longtemps, depuis plus de 30 ans, nous avons permis à ces personnes grâce à l'augmentation du SMIC d'avoir l'équivalent d'un treizième mois. Nous continuerons donc dans cette perspective, et nous augmenterons le SMIC le 1er juillet.
QUESTION : Pas avant ?
Jean-Pierre RAFFARIN : La commission qui se réunit le 18 mars parlera de ces questions là. Nous sommes ouverts à la discussion, mais j'ai des engagements qui ont été des engagements pris sur trois ans, en ce qui concerne le SMIC, je tiendrais les engagements qui ont été pris.
QUESTION : Est-ce que vous avez le sentiment que le MEDEF est dans les mêmes dispositions que vous, et est vraiment prêt à négocier sur les salaires ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Eh bien écoutez l'Etat fera son travail de facilitateur, fera son travail de mobilisateur, et donc je souhaite vraiment que nous puissions avoir dans notre pays cette vision de la croissance partagée. Quand il n'y a pas de croissance, tout le monde fait des efforts, quand la croissance revient, il faut savoir partager la croissance, c'est une des perspectives qui est je crois celle de notre organisation sociale du modèle social français.
QUESTION : En dehors du MEDEF il y a aussi la CGPME qui a d'ores et déjà prévenu qu'il n'y avait quasiment pas de marge de manuvre pour augmenter les salaires dans les PME. Est-ce que ça veut dire que les salariés du privé essentiellement les salariés des PME ne verront pas la couleur de la croissance ?
Jean-Pierre RAFFARIN : On ne peut pas dire les choses comme ça, d'abord parce que les PME c'est un concept qui n'existe pas, nous avons aujourd'hui des petites entreprises, des moyennes entreprises, des grandes entreprises, des petites entreprises qui gagnent de l'argent, des moyennes entreprises qui perdent de l'argent, et donc ce que nous souhaitons c'est que quand il y a des résultats on puisse partager. Donc je crois qu'il y aura, et notamment par l'initiative que nous prendrons en matière de participation, il y a des salariés de petites entreprises, des salariés de moyennes entreprises, et des salariés de grandes entreprises qui pourront bénéficier des fruits de la croissance.
QUESTION : Ca veut dire que la participation pourra concerner les PME ? Les petites entreprises ?
Jean-Pierre RAFFARIN : C'est le projet que nous avons.
QUESTION : Et de quelle manière précisément ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Eh bien vous aurez la réponse le 23 mars, au conseil économique et social, c'est le projet que je présenterais, c'est une des dimensions de ce projet de faire en sorte que les salariés des PME puissent aussi bénéficier de l'intéressement pour partager les fruits des résultats.
QUESTION : Mais le problème avec la participation c'est que le déblocage des fonds n'intervient pas tout de suite. Pour l'instant il est je crois de cinq ans, j'en suis sûr même, est-ce qu'il peut passer à deux ou trois ans ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Thierry BRETON vous répondra dans les jours qui viennent sur ce sujet.
QUESTION : Mais vous le souhaitez ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Nous travaillons ensemble sur ces sujets.
QUESTION : Et alors vous parliez tout à l'heure aussi des bénéfices importants des entreprises du CAC 40, vous disiez qu'elles ont fait beaucoup de bénéfices et que là vous parliez de croissance partagée, ça veut dire que ces bénéfices pourraient être ... ; une participation au bénéfice pourrait être utilisée pour favoriser le pouvoir d'achat ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Bien sûr, mais ne faites pas de manichéisme, on a besoin que les entreprises françaises et notamment les entreprises internationales aient de l'argent et gagnent de l'argent, parce que c'est avec l'argent qu'on fait des investissements, et c'est avec l'argent qu'on fait de l'emploi. Donc je ne perds, pas mon cap, mon cap est celui de la réforme, de la modernisation de la société française, et je garde ce cap de la mobilisation économique des forces vives de la France. Et c'est pour ça que je vous dis clairement que les projets de loi qui sont actuellement en débat au parlement continueront leur voie législative démocratiquement jusqu'à l'issue du débat. Donc je continuerais la politique de réforme. Il s'agit là d'avoir une capacité dans notre pays de nous adapter à la situation du XXIe siècle, notamment d'avoir un certain nombre de champions qui gagnent de l'argent, mais qui savent mobiliser cet argent pour investir pour l'emploi de demain, et qui savent aussi avoir une politique sociale avancée. Mais je voudrais vous dire que quand je regarde bien les différentes entreprises, ce ne sont pas celles qui quelquefois ont les résultats les plus importants qui sont les moins généreuses sur le plan salarial. Donc faisons très attention à ne pas désigner des entreprises par leur résultat, parce que très souvent les entreprises qui ont des résultats savent le distribuer. Il y a des exceptions. Il y a aussi un certain nombre d'entreprises qui aujourd'hui sont capables par leurs résultats de mener à la fois une politique industrielle de recherche, d'innovation ambitieuse, mais aussi une politique sociale active.
QUESTION : Vous parliez d'emploi, le chômage lui continue d'augmenter. Vous aviez pronostiqué une baisse de 10 % du chômage cette année, est-ce que vous maintenez cette prévision ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Si vous voulez le pronostic que j'ai fait c'était une baisse de 200000 emplois - c'est un engagement oui, oui - je l'ai fait et je vois que l'UNEDIC ... 200000 chômeurs, l'UNEDIC fait une provision de 120000, donc tout dépendra du niveau de la croissance, nous avons fait une prévision de croissance à 2,5 %, avec un baril qui était dans nos prévisions à 36 dollars, nous avions là sur une parité euro-dollar qui était un peu plus favorable qu'elle ne l'est actuellement, donc tout cela fait que l'UNEDIC a une prévision inférieure à la notre, mais l'UNEDIC prévoit une baisse significative du chômage à 120000 demandeurs d'emploi en moins ; Moi je pense qu'avec le plan de cohésion sociale, avec tout ce que nous avons fait sur les départs à la retraite pour les longues carrières, avec les allègements de charge pour les jeunes, avec tout ce que nous avons fait nous connaîtrons en 2005 une baisse significative du chômage. Je maintiens cet engagement.
QUESTION : Vous maintenez les 10 %.
Jean-Pierre RAFFARIN : Les 10 %. Je pense que nous pouvons les atteindre, c'est mon devoir de mettre la situation de l'administration d'une part, mais aussi des différents acteurs économiques sur ce sujet, comme priorité. La priorité c'est la baisse du chômage en France. Tout ce qui est aujourd'hui lié au, je dirais, au climat national est très important, et naturellement très lié au niveau du chômage. Je pense, nous avons toutes les informations qui aujourd'hui nous donnent le sentiment qu'en 2005 nous serons dans une baisse significative...
QUESTION : Significative ça ne veut pas dire forcément 10 % de moins.
Jean-Pierre RAFFARIN : Mais moi je me bats pour 10 %, et je m'engage pour ces 10 %. Donc je le fais, je ne suis pas le seul, dans le pays, ça ne vous a pas échappé. Donc je le fais et je le fais avec conviction. Je pense aujourd'hui que cet objectif est atteignable avant la fin de l'année 2005.
QUESTION : Nous allons parler dans un instant des lycéens, qui ont obtenu très très vite le retrait de la partie du projet gouvernemental concernant le bac, les fonctionnaires semblent obtenir après leur manifestation ce qu'ils ne réussissaient pas à obtenir avant le 10 mars, vous vous étiez rendu célèbre par une formule " ce n'est pas la rue qui gouverne ", est-ce que, à trois mois d'un référendum, il suffit aujourd'hui de descendre dans la rue pour obtenir satisfaction ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Non. J'apprécie toujours les commentaires qui avant les manifestations, font monter les manifestations, ne parlent que des manifestations et puis après disent : il ne faut pas céder aux manifestations. J'admire cette dialectique dans la société française, moi j'ai une politique de réformes. La fonction publique elle fait partie des réformes. L'éducation elle fait partie des réformes. Je vous ai dit très clairement, ça ne vous a certainement point échappé, que les projets de loi qui sont actuellement en débat au parlement poursuivront démocratiquement leur parcours législatif. Ca veut dire que les textes qui sont aujourd'hui en discussion au parlement poursuivront le débat jusque...
QUESTION : Notamment le projet FILLON.
Jean-Pierre RAFFARIN : Notamment le projet FILLON, et d'autres iront au terme de leur parcours législatif. Je suis quelqu'un qui mène son programme de réformes, j'ai dit que je voulais équilibrer mon devoir d'écoute, et ma mission d'action. Un Premier ministre c'est quelqu'un qui a un devoir d'écoute, et qui écoute quand la croissance est plus forte que prévu il y a un certain nombre de gens qui veulent que cette croissance soit mieux partagée. J'entends ce message. Ca ne veut pas dire que j'abandonne ma mission d'action et ma mission de reformes.
QUESTION : Concernant ce projet FILLON, il y a une demande qui vous est faite, c'est de maintenir les TPE, qu'est-ce que vous répondez aux lycéens ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Je pense que le projet FILLON aujourd'hui est au parlement, c'est au parlement maintenant de pouvoir...
QUESTION : Il peut encore bouger ou on n'y touche plus ?
Jean-Pierre RAFFARIN- Le gouvernement a fait sa proposition, la proposition du gouvernement n'est pas modifiée. Nous avons discuté avec les uns, avec les autres, et la proposition du gouvernement n'est pas modifiée, et donc elle est en débat au parlement. Laissons la démocratie faire. Vous parliez tout à l'heure du pouvoir de la rue, il y a aussi le pouvoir du parlement, et la démocratie elle se passe aussi au parlement.
QUESTION : Ca veut dire que vous pourriez accepter un amendement sénatorial ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Je ne suis pas pour que le projet FILLON aujourd'hui soit bouleversé. Je pense que le projet FILLON répond à une nécessité impérieuse pour le pays. Nous avons besoin de défendre la réussite scolaire, comme une priorité nationale. Je suis affligé, je suis attristé, je suis blessé de voir qu'un pays aussi moderne, aussi fort que la France sur le plan international, laisse plus de 100000 jeunes sortir de son système éducatif, sans qualification, sans validation des acquis. Je suis vraiment affligé et quand je vois qu'on ne va pas toujours chercher le talent des uns et des autres, je crois vraiment qu'il n'y a pas de jeunes sans talent. L'école doit aller chercher le talent de chaque jeune, pour lui donner confiance en lui-même, pour lui donner envie de bâtir lui-même son propre avenir, le projet FILLON répond à cette aspiration, un socle républicain, plus de juste. Vous croyez aujourd'hui qu'il y a vraiment deux justices dans l'éducation ? Vous croyez qu'on est traité toujours de la même façon quand on est dans un lycée au cur de Paris ou dans un lycée en province dans une région rurale ? Moi j'ai vécu ces inégalités, moi j'ai vécu cette disparité, alors on me dit aujourd'hui : l'école républicaine est bien. Oui l'école républicaine elle a besoin de plus de justice, de plus de réussite, de plus d'engagement. C'est ça notre projet, c'est ça notre projet de loi, c'est ça le projet FILLON et sur ce sujet là vous pouvez être sûr que le gouvernement est déterminé. Ecoute, devoir d'écoute. Aussi mission d'action.
QUESTION : Alors à propos d'éducation il y a un rapport de la cour des comptes qui dit qu'il y aurait l'équivalent de 32000 postes d'enseignants qui ne seraient pas affectés, qu'est-ce que vous en pensez ?
QUESTION : Tout ceci mérite des études et des expertises, elles sont engagées, nous voulons être dans la situation où évidemment on pourra améliorer le dispositif éducatif, c'est ça l'objet du texte FILLON, mais je ne veux pas accuser les enseignants. Nous avons besoin aujourd'hui de la motivation, de la mobilisation des enseignants. Ils font un travail important pour l'éducation de nos enfants. On ne réforme pas l'éducation nationale en accusant les enseignants. Comme on ne réforme pas la recherche en s'en prenant aux chercheurs. Nous avons besoin des enseignants, nous avons besoin des chercheurs, pour que la France soit mobilisée sur la société de la connaissance, la société de l'intelligence, la société de l'information qui est la société du XXIe siècle. Donc il y a un certain nombre de réformes nécessaires, il y a un certain nombre d'aménagement nécessaire, mais je ne suis pas un accusateur, je suis un réformateur.
QUESTION : Et à propos de ces journées de grande grève et de manifestations, de nouveau on reparle du service minimum. Bernard ACCOYER a dit qu'il fallait légiférer, qu'il serait peut-être nécessaire de légiférer, on en parle depuis trois ans, ça ne bouge pas beaucoup, il faut une loi sur le service minimum ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Ca bouge quand même beaucoup puisque vous avez vu qu'il y avait des accords qui étaient signés, le ministre Gilles de ROBIEN a engagé le dialogue social sur ces questions, nous avons fixé une échéance, au printemps, pour dire que de deux choses l'une, ou on peut avancer par contrat et nous avançons par contrat, ou si les contrats n'avancent pas, dans les entreprises, dans les services, à ce moment là nous légiférerons. Donc nous donnons la priorité aux contrats sur la loi. Si les contrats ne règlent pas le problème il y aura une loi. Ce que nous souhaitons c'est que la contractualisation, le dialogue social, permettent de régler le problème. Nous restons sur la position qui est la notre. Il est clair qu'il ne faut pas qu'il y ait de rupture du service public en cas de grève. Et donc nous voulons que cette capacité à disposer d'un service public en toute circonstance pour les citoyens, est affirmée, soit elle est affirmée par accord, soit si ce n'est pas possible, nous le ferons affirmer par la loi.
QUESTION : Alors vous parliez de chercheurs à l'instant, on commémore ces jours ci le 100ème anniversaire de la publication par Albert EINSTEIN de la théorie de la relativité. Vous savez ce que lui disait Charlie CHAPLIN, il lui disait : " je suis Charlie CHAPLIN - c'était deux amis- on m'acclame parce que tout le monde me comprend, et on vous acclame parce que personne ne vous comprend ". Alors vous pourquoi on vous acclame, c'est parce qu'on vous comprend ou on ne vous comprend pas ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Je vois que vous avez la qualité et la finesse d'EINSTEIN. Mais je vais vous dire, le gouvernement c'est une responsabilité difficile, d'abord parce que nous avons des difficultés à affronter, vous l'avez vu sur le plan international, sur le plan national, sur le plan économique, sur le plan financier, que les aspirations des Français sont quelquefois contradictoires, et donc nous devons faire un texte, là je fais un texte sur la réforme pour la loi sur l'eau, il faut que ce soit un texte équilibré, qui puisse être acceptable par tous ceux qui ont une vision d'avenir pour que l'eau soit protégée, et aussi ceux qui utilisent l'eau et notamment les agriculteurs. Donc nous avons toujours à chercher l'équilibre, et donc il y a des décisions qui ne sont pas populaires, il y en a d'autres qui sont plus populaires. Moi je suis au-delà de la recherche d'une image personnelle, je suis là pour agir, je souhaite que mon action soit efficace et réformatrice. Le problème aujourd'hui c'est d'engager un certain nombre de réformes. Les retraites, on en a beaucoup parlé dans ce pays, je serais celui qui les a réformées. L'assurance maladie, le dossier médical partagé, c'est mon gouvernement qui l'aura fait. Les réformes sur la dépendance, la réforme sur la dépendance pour aider les personnes handicapées, pour aider les personnes âgées, cette journée nationale de solidarité, elle n'est pas toujours populaire, mais elle va dégager plus de 2 milliards d'euro par, elle va nous permettre de créer des places dans des centres pour les personnes âgées, pour les personnes handicapées, elle va nous permettre de répondre à des problèmes sociaux, elle va nous permettre de défendre le modèle social français. C'est ça qui me guide, c'est pas la recherche de la popularité. Vous avez cité EINSTEIN, on peut citer COLUCHE aussi. Attention, la popularité c'est comme un parfum mais il ne faut pas tomber dans la bouteille parce que ça devient une odeur.
QUESTION : On va marquer une seconde pause et on se retrouve pour la conclusion de cette émission dans quelques instants Monsieur le Premier ministre.
QUESTION : Le référendum sur la constitution européenne est donc prévu pour le 29 mai, François HOLLANDE a estimé que la dramatisation ne payait pas et que si le " non " l'emportait ce serait une panne de l'Europe, et non une crise destructrice. Est-ce que vous êtes d'accord pour ne pas dramatiser le scrutin ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Je pense que c'est un vote historique. Donc comme tout vote historique c'est de la responsabilité majeure, tout dépend quelle est la définition de la dramatisation. Je pense qu'il faut garder en effet dans le débat des arguments qui soient des arguments et démocratiques et à la hauteur de l'enjeu. C'est vrai que je crois que par exemple sans me mêler des affaires du parti socialiste, Henri EMMANUELLI a franchi la ligne rose. Il faut garder des arguments qui sont à la hauteur de l'enjeu. L'enjeu est historique. Un ministre, un Président français qui sera autour d'une table de négociations pour défendre l'agriculture, pour défendre les intérêts de la France en Europe, s'il est porteur d'un " oui " évidemment il aura une forte crédibilité comme il a actuellement, si son pays a voté non, il sera dans une situation fragile avec une image de la France affaissée. Regardons les réalités en face. On écoute les différents responsables européens nous dire aujourd'hui : Espérons que les Français ont bien conscience de l'enjeu pour nous tous, pour 450 millions d'Européens. Donc l'enjeu n'est pas un enjeu d'élection cantonale, et Dieu sait si je respecte les élections cantonales. Mais c'est un enjeu historique. Pour moi, l'Europe est devenue continentale. L'Europe à 25 est devenue une Europe puissance, elle ne sera puissante que si elle est capable de se gouverner. Si elle a des institutions qui la rendent efficaces et justes. Donc je crois que ce traité constitutionnel est efficace et juste, je crois qu'il permet l'Europe politique avec des vraies responsables politiques, avec un Président de l'Europe qui pourra présider l'Europe cinq ans durant. C'est donc un vrai responsable qui devra répondre aux interpellations publiques du citoyen européen. Donc cette Europe politique elle sera plus efficace. Et puis elle sera aussi plus juste, parce que c'est une Europe qui est sociale. Il y a un certain nombre d'éléments dans la constitution européenne qui font progresser l'Europe sociale. J'en reste à la question de monsieur ZAPATERO l'autre jour à l'Assemblée Nationale, on lui pose la question : mais est-ce que l'Europe est assez sociale ? Et il dit : y a t-il au monde un continent, une région qui a un modèle social qui est meilleur que celui de l'Europe ? Ca ne veut pas dire que notre modèle social est satisfaisant, mais en tout cas personne aujourd'hui au monde peut dire avoir un modèle social meilleur que le nôtre.
QUESTION : Justement, un souci sur le social puisque d'un côté on voit les manifestations qui enflent en France, contexte social troublé, et de l'autre côté, si l'on en croit les sondages, le " oui " qui régresse, selon un dernier sondage EXPRESS le " oui " ne serait plus qu'à 56 %, est-ce qu'il y a une crainte que le " non ", compte tenu de ce contexte, l'emporte ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Moi je crois que cette supposée dynamique du " non ", tout ceci est tout à fait une appréciation superficielle. Dans notre pays le " non " existe, souvenez-vous de Maastricht.
QUESTION : Là il a l'air de progresser si l'on en croit...
Jean-Pierre RAFFARIN : Mais il progressera parce que de toute façon le résultat sera serré.
QUESTION : Ah vous croyez que le résultat sera serré ?
Jean-Pierre RAFFARIN : De toute façon....
QUESTION : C'est quoi votre pronostic ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Je n'en sais rien, et vous ne me ferez pas donner un chiffre aujourd'hui. Mais il ne faut pas croire que ce type d'enjeu dans un pays comme la France est un enjeu dans lequel il n'y a pas véritablement de positions qui seraient des positions fortes de part et d'autres. J'invite tous ceux qui sont comme moi convaincus que c'est un vote d'histoire et non pas un vote d'humeur, de se mobiliser pour l'histoire, mais il ne faut pas considérer que la victoire est acquise. Je me souviens de Maastricht, le " oui " avait été un peu méprisant pour le " non ". Le " oui " avait ignoré le " non ". Et le " oui " a découvert le " non " dans les 15 derniers jours. La France est un pays qui sait partager donc je dis que l'Europe a besoin d'une mobilisation, que tous ceux qui pensent que ce traité peut faire avancer l'histoire de l'Europe, peut donner à l'Europe son projet pour le XXIe siècle, ceux là doivent considérer que leur mobilisation est indispensable à la victoire du " oui ".
QUESTION : Et vous-même vous allez vous mobiliser, vous serez en tête du peloton du " oui " ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Je suis mobilisé, je ne crois pas qu'il doit y avoir un seul " oui " et une hiérarchie dans le " oui ".
QUESTION : Et un seul chef de campagne notamment dans la majorité au gouvernement ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Je pense que nous devons additionner des " oui ", je l'ai dit et redit, je suis d'accord avec François HOLLANDE pour voter " oui ", c'est pas pour ça que je suis d'accord avec Ségolène ROYAL quand elle augmente les impôts régionaux en Poitou Charente. Je pense qu'on peut voter " oui " ensemble sans être d'accord sur d'autres sujets. Donc il faut additionner des " oui ". C'est ce qui est je crois très important pour notre perspective européenne. Moi je pense, je vais vous dire ma conviction, le projet européen s'est quelque peu essoufflé. Au départ il est né avec les SCHUMANN, les MONET, avec De GAULLE, ADENAUER, avec un certain nombre de personnalités, c'était un grand projet. Puis, progressivement la bureaucratie, les lourdeurs, les procédures, ont un peu essoufflé l'Europe. Il faut aujourd'hui relancer le projet européen, et tout à l'heure on parlait de la Shoah. Je pense que l'Europe c'est la victoire sur l'hiver, l'Europe c'est la victoire sur la guerre, l'Europe c'est la victoire sur l'horreur, l'Europe signifie la paix, et aujourd'hui peut-être qu'il faut que notre génération se dise que nos parents ont fait l'Europe à l'intérieur de nos frontières pour la paix, que nous nous devons conforter l'Europe à l'extérieur de nos frontières, pour la paix. Quand je disais que pour le conflit israélo-palestinien il fallait que l'Europe s'engage, je pense que c'est la conscience européenne aujourd'hui qui est utile dans des conflits comme ceux que nous connaissons partout dans le monde. L'Europe signifie la paix, elle doit la signifier pour elle-même, elle doit la signifier pour les autres.
QUESTION : Et vous avez le sentiment qu'aujourd'hui tout le monde tire dans le même sens, tous les partisans du " oui " font vraiment tout ce qu'ils peuvent, ce qu'ils veulent ou est-ce qu'il n'y a pas un brouillage parfois avec l'affaire de la Turquie, avec ...
QUESTION : Avec le contexte social également.
Jean-Pierre RAFFARIN : C'est un sujet complexe mais nous sommes encore loin de l'échéance, vous savez que dans toute échéance ce sont les dernières semaines dans lesquelles l'opinion publique des Françaises et des Français vont se forger, donc c'est un sujet qui va prendre le temps du débat. Moi je suis très heureux du fait qu'on ait le temps de débattre. Il faut qu'on puisse discuter de tous les sujets. Je pense qu'il n'y a pas de sujet tabou, c'est ça un grand choix démocratique. La France pour une fois a un référendum qui est annoncé déjà depuis longtemps, il y a eu un débat parlementaire, il y a eu une révision constitutionnelle avec un congrès à Versailles, il y a des débats partout en France, nous avons le temps de débattre sérieusement d'un enjeu historique. Je crois que pour notre démocratie c'est vraiment un temps fort, un temps exceptionnel et c'est pour ça que je crois que ce sera plus un temps d'histoire qu'un temps d'humeur.
QUESTION : Vous parlez de débat, Philippe DE VILLIERS, qui était à votre place la semaine dernière, vous a demandé un débat. Il souhaitait débattre avec vous. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Moi je participerais comme l'ensemble des responsables de la majorité à un certain nombre de débats. Alors je ne peux pas vous dire à ce jour avec qui, quand et comment, mais je crois qu'il faut débattre, il faut expliquer pourquoi aujourd'hui nous avons une nouvelle Europe en perspective, il faut expliquer ce que ça veut dire que l'Europe politique qui nous est proposée. Pendant très longtemps par exemple deux conceptions de l'Europe se sont opposées, il y avait la conception de l'Europe des nations, et il y avait la conception de l'Europe de l'intégration, l'Europe fédérale. Aujourd'hui ces deux débats, ces deux positions sont dépassés par le projet de traité, puisqu'on va avoir des processus de décision qui exigeront une majorité des Etats, et une majorité des peuples. A la fois Europe des Nations et Europe des peuples. Donc là nous avons un nouveau projet européen, plus politique, avec un Président de la commission qui sera élu au parlement européen. La démocratie européenne avance, et la démocratie elle porte la paix. On ne voit pas des démocraties en guerre, et je pense que pour le monde entier, l'Europe démocratique signifie la paix, c'est je pense une responsabilité collective que le peuple français a sur les épaules, pour pouvoir s'exprimer le 29 mai.
QUESTION : Responsabilité collective, François HOLLANDE aujourd'hui c'est pas le défenseur le plus loyal du " oui " par rapport à François BAYROU peut-être, et puis même à Nicolas SARKOZY.
Jean-Pierre RAFFARIN : Tout dépend la loyauté par rapport à qui. Je respecte les valeurs humaines des dirigeants de notre pays et vous ne me ferez pas classer le hit parade de la loyauté à l'intérieur des responsables politiques français.
QUESTION : Vous en êtes à quatre ministres de l'Economie depuis votre arrivée à Matignon. D'abord pour éviter que la valse continue, est-ce que vous souhaitez à la suite de ce que l'on a appelé " l'affaire GAYMARD ", est-ce que vous souhaitez établir de nouvelles règles de transparence, ou est-ce que vous souhaitez au moins qu'une commission, que vous installeriez, réfléchisse à mettre au clair les facilités qu'ont aujourd'hui les hommes politiques, les hauts fonctionnaires et peut-être d'autres ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Jean-Louis DEBRE a annoncé qu'il y aurait pour tous les responsables politiques une réflexion sur ce sujet avec des propositions. Donc je crois qu'il faut que nous soyons toujours en situation de vigilance sur ces sujets. Mais je dois dire que j'ai été le premier qui a aujourd'hui un gouvernement dans lequel il n'y a pas de fonds secret. Je suis à la tête d'un gouvernement dans lequel il n'y a pas de rémunération clandestine. Je suis à la tête d'un gouvernement pour lequel le salaire des ministres est imposable. Je suis dans un gouvernement où on a défini les conditions de logement avec précision. Donc je progresse régulièrement sur l'ensemble de ces sujets, je pense que au total avec l'ensemble des circulaires qui existent et celles qui doivent être actualisées, et en permanence actualisées parce qu'il est nécessaire d'être toujours plus exigeants, je pense que nous avons aujourd'hui ce qui peut être qualifié de statut dans la vie politique, des responsables politiques, il faut clairement faire progresser la transparence sur tous ces sujets.
QUESTION : Il faut un statut de l'élu ou pas ? Un vrai statut de l'élu dont on parle depuis des années et des années ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Il y a eu beaucoup de travaux sur ces questions là, il y a un certain nombre de progrès qui ont été faits mais dans le statut de l'élu il y a la rémunération de l'élu, il y a un certain nombre de choses, je pense par exemple que le fait que la rémunération des élus soit imposable est un progrès très important. Et je pense que le fait qu'il n'y ait plus de fonds secret est aussi un élément très important. Il n'y a plus ces primes qu'on distribuait de ci de là un peu selon les désirs des uns ou des autres, aujourd'hui nous avons un dispositif qui est un dispositif qui affiche d'énormes progrès de transparence.
QUESTION : Comment vous avez vécu vous-même monsieur le Premier ministre l'affaire GAYMARD ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Ca ne vous regarde pas.
QUESTION : Est-ce que vous avez le sentiment d'en avoir tiré toutes les leçons, toutes les conséquences ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Oui.
QUESTION : Ca ne se reproduira plus ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Il est évident que dans ce type de circonstance, j'ai pris un certain nombre de mesures pour que ça ne se reproduise plus.
QUESTION : Mais le fait d'avoir du vous être séparé d'un ministre des Finances auquel on prévoyait un avenir brillant, peut-être même au-delà de Bercy, ça ne vous a pas ébranlé quelque part ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Vous parlez au Premier ministre, ou vous parlez à Jean-Pierre RAFFARIN ?
QUESTION : Aux deux.
Jean-Pierre RAFFARIN : Jean-Pierre RAFFARIN il a eu des émotions fortes sur ce sujet, mais il les garde pour lui parce que forcément nous avons des relations personnelles entre responsables, donc ces relations personnelles sont évidemment affectées par des situations de ce genre, mais ça ne relève pas du débat public.
QUESTION : Il y a eu une petite histoire qui a surpris cette semaine, c'est la disparition de six dossiers fiscaux concernant des personnalités, est-ce que vous privilégiez une bizarrerie administrative, ou est-ce que vous redoutez un coup fourré ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Ecoutez, j'ai été particulièrement choqué par cette nouvelle et j'approuve tout à fait la décision de Thierry BRETON de porter plainte. Maintenant l'affaire est devant la justice, et que la justice soit faite.
QUESTION : Vous vous étiez fixé comme objectif de rester à Matignon jusqu'au référendum, c'est toujours le cas, ou est-ce que ça voudrait dire qu'éventuellement vous pourriez partir après le référendum ?
Jean-Pierre RAFFARIN : Je n'ai pas pour objectif de rester à Matignon.
QUESTION : Ah oui.
Jean-Pierre RAFFARIN : J'ai pour objectif d'assumer ma mission. La mission que j'ai de moderniser la France, d'être à la tête d'un gouvernement qui suit les orientations du chef de l'Etat pour moderniser le pays. Mon parcours personnel est celui du désintéressement. Donc je ne me fixe ni calendrier, ni durée, je constate simplement que le meilleur moyen d'être à Matignon en situation d'action c'est de faire des réformes. Et donc j'ai un programme de réformes, de modernisation de la société française, nous avons l'école et le temps de travail qui sont aujourd'hui au parlement, nous préparons un grand débat sur la recherche, nous avons une loi d'orientation sur l'agriculture, nous avons une grande loi PME. Donc je peux vous dire qu'en ce qui concerne les réformes le gouvernement continue.
GERARD LECLERC
Ca demande du temps, donc ça veut dire que vous pourriez rester à Matignon jusqu'à la fin de la législature ?
JEAN-PIERRE RAFFARIN
Le gouvernement continue son travail, ça ne veut pas dire que les hommes sont forcément installés durablement dans leur fonction, mais le gouvernement doit continuer son travail. J'assume mes responsabilités avec désintéressement, je note par ailleurs que ce désintéressement ne va pas contre la stabilité.
ERIC MONDANNET
Vous n'êtes pas fatigué en tout cas aujourd'hui après presque trois ans d'action.
JEAN-PIERRE RAFFARIN
Eh bien écoutez, quand je regarde nos mines à tous les trois, c'est pas moi qui ait la mine la plus blanche.
FREDERIC HAZIZA
Mais est-ce que vous en avez marre quelque part de ces difficultés d'être Premier ministre. Quand vous êtes arrivé à Matignon est-ce que vous vous attendiez à ce que ce soit aussi dur ?
JEAN-PIERRE RAFFARIN
Je savais que c'était difficile, je savais que c'était dur, je savais que c'était une responsabilité particulièrement éprouvante, et d'ailleurs le chef de l'Etat me l'a dit dès les premières minutes de nos discussions. Donc je n'ai pas été trompé sur la fonction. Je sais ce qu'elle est, je l'assume, je l'assumerais autant que le Président de la République souhaitera que je l'assume. C'est pour moi un élément très important de la capacité qu'a la France à faire face aux défis qui lui sont posés. Aujourd'hui on a une stabilité institutionnelle qui nous permet d'avoir par exemple ce que nous avons eu cette semaine, une démocratie sociale qui intègre manifestations et agitations. Mais c'est pas pour ça que nos institutions sont bouleversées. On a des institutions qui fonctionnent, à condition naturellement qu'elles soient assumées avec cette capacité et d'écoute, et de réformes. Mais donc on a un système institutionnel dont le Président de la République est la clé de voûte, dont le Président de la République est l'homme en charge de l'essentiel, sa relation avec le Premier ministre est forcément une relation de confiance, la majorité est là pour éclairer la route et soutenir l'action du gouvernement, au Parlement elle doit être unie, sur le parti elle doit être aussi être unie, et elle doit préparer l'avenir et notamment les prochaines échéances. Donc il y a je dirais un carré parfait, qui fonctionne, ce carré c'est Président-gouvernement-parlement-parti, c'est ce qui est aujourd'hui la règle de la Vème République.
GERARD LECLERC
Plusieurs personnalités de la majorité, même des ministres, ont souhaité que Jacques CHIRAC se représente en 2007, est-ce que vous en faites partie ?
JEAN-PIERRE RAFFARIN
Moi je ne suis pas dans l'échéance de 2007, je suis dans l'échéance de 2005, puis de 2006, puis de 2007. Donc je ne suis pas pour aujourd'hui que le débat politique de 2007 dévore notre débat politique. Nous avons une année 2005 qui est une année difficile, a bien des égards, parce que nous avons des réformes à terminer, nous avons des équations budgétaires difficiles. Nous aurons toute une année 2006 de travail, car mon pronostic est que le débat présidentiel s'ouvrira au début de l'année 2007. Donc nous avons devant nous toute l'année 2005, toute l'année 2006 de travail pour la France et pour les Français. Et donc je ne souhaiterais pas qu'un débat à horizon 2007 vienne gêner l'action, ralentir le dynamisme, ralentir l'action réformatrice, il faut travailler tout au long de 2005 et tout au long de 2006 pour mettre la France en situation d'être forte dans l'Europe que nous voulons construire.
GERARD LECLERC
Au jour d'aujourd'hui comme monsieur DOUSTE-BLAZY que Jacques CHIRAC soit candidat en 2007 ?
JEAN-PIERRE RAFFARIN
Ecoutez je n'ai pas l'habitude de faire parler le Président de la République. Je souhaite vraiment que nous travaillons, ma mission moi n'est pas de faire des pronostics, ma mission est de travailler.
FREDERIC HAZIZA
Certains imaginent auprès de vous, certains de vos proches imaginent que vous-même monsieur RAFFARIN vous pourriez être candidat en 2007. Vous l'excluez totalement ou pas ?

JEAN-PIERRE RAFFARIN
Je vous dis queje suis un bosseur, je bosse, et pour bosser il faut travailler au jour le jour. Donc pour moi je travaille 2005,je travaille aux réformes et au projet pour 2006, nous verrons en 2007 le moment venu comment se présente le débat politique. Le Président de la République sait qu'il peut compter sur moi, en toute circonstance, ça fait partie de sa sérénité.
FREDERIC HAZIZA
Donc vous n'excluez rien pour vous ?
JEAN-PIERRE RAFFARIN
Moi je suis là pour travailler 2005-2006, je ne suis pas là pour les pronostics de 2007.
FREDERIC HAZIZA
On n'a pas beaucoup parlé de Nicolas SARKOZY, on n'en a pas du tout parlé d'ailleurs, il va peut-être revenir à l'Assemblée nationale la semaine prochaine
JEAN-PIERRE RAFFARIN
Je crois que c'est assez probable.
FREDERIC HAZIZA
C'est assez probable, sauf si la participation n'est pas assez importante. Mais vous croyez qu'il peut vous compliquer la tâche à l'Assemblée ou au contraire être un allié de poids important qui pourra vous aider tous les jours ?
JEAN-PIERRE RAFFARIN
Le rôle dans la Vème République du parti majoritaire c'est de soutenir le gouvernement et d'éclairer la route, de préparer l'avenir. Donc je ne vois pas en quoi nous pourrions avoir avec le parti majoritaire des difficultés, s'il y avait des difficultés, ça voudrait dire qu'il y ait crise. Donc je ne crois pas à la crise, je ne crois donc pas aux difficultés.
FREDERIC HAZIZA
Jean-Louis DEBRE avait dit, avait parlé, avait évoqué, avait redouté une crise de régime par rapport aux relations entre Jacques CHIRAC et Nicolas SARKOZY.
JEAN-PIERRE RAFFARIN
Il a été sur ce point rassuré.
GERARD LECLERC
On dit que Nicolas SARKOZY va faire beaucoup de propositions dans les jours qui viennent sur les heures supplémentaires, sur les droits de succession, toute une série de choses. Pour vous c'est bien, c'est positif, ou ça peut vous gêner ?
JEAN-PIERRE RAFFARIN
C'est positif. Le parti est là pour éclairer l'avenir, pour préparer les décisions de demain, et donc moi je suis là pour agir aujourd'hui, le parti prépare et réfléchit pour demain, c'est tout à fait complémentaire.
ERIC MANDONNET
Vous travaillez sur 2005, sur 2006, mais si l'on vous regarde, vous travaillez aussi sur 2012, non pas à l'élection présidentielle de 2012, mais d'après votre pins' un autre rendez-vous, en quoi Paris est-il aujourd'hui juste pour une raison la candidature de Paris est-elle supérieure à celle des autres villes ?
JEAN-PIERRE RAFFARIN
Je pense que au fond ce qu'est la France aujourd'hui en terme de valeur, c'est cet humanisme français qui est très proche de l'olympisme, et finalement la meilleure des démonstrations pour la candidature de Paris c'est de dire que l'humanisme moderne c'est l'olympisme, nous sommes porteurs tous ensemble, dans l'unité nationale, au-delà des clivages politiques, du chef de l'Etat aux autres responsables politiques, avec tout le mouvement sportif, nous sommes dans cette valeur de l'olympisme qui est un humanisme moderne.
FREDERIC HAZIZA
Merci en tout cas monsieur RAFFARIN d'avoir été notre invité, vous étiez l'invité du 600 ème FORUM RADIO
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 mars 2005)