Déclaration de M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur le projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, Paris le 3 mars 2005.

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Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Comme conseiller à la jeunesse et au sport à la Présidence de la République, j'avais suivi la mise en oeuvre de la suspension du service national.
A cette époque, les réflexions s'engageaient sur la création d'un service civil.
C'est à cette occasion que j'ai rencontré Lisbeth Shepherd, jeune américaine désireuse de promouvoir en France l'idée d'un mouvement national de service volontaire des jeunes, et trois étudiantes de l'ESSEC, Julie Chénot, Anne-Claire Pache et Marie Trellu-Kane, atuelle présidente d'Unis Cité.
De cette rencontre est née ma conviction de la nécessité de l'implication de nos concitoyens, en particulier les jeunes, dans un engagement au service d'une cause d'intérêt général.
Pour permettre l'essor de cette forme d'engagement dans notre pays, il est nécessaire de créer un cadre législatif afin que, d'une part, les volontaires soient reconnus et protégés et, d'autre part, que les associations agissent en toute sécurité juridique.
Telle a été la volonté affirmée par le Premier Ministre, notamment à l'occasion de l'installation du Conseil National de la Vie Associative en mars 2004.
Dans cette démarche, le Premier Ministre a toujours été d'un soutien permanent et m'a encouragé à construire cette loi que je vous présente aujourd'hui.
Ainsi, ce projet de loi a tout d'abord pour objet de fixer un cadre légal pour toutes les formes de volontariat en France et en Europe, complétant ainsi la loi récemment promulguée sur le volontariat de solidarité internationale.
Par ailleurs, ce texte permettra aussi de régler le problème du statut des animateurs et directeurs occasionnels en centres de vacances et de loisirs, pendant depuis 5 ans.
J'ai choisi de joindre ces deux sujets distincts dans un même texte, afin d'apporter au plus vite des réponses aux attentes du monde associatif dans son ensemble et des mouvements de jeunesse et d'éducation populaire en particulier.
Je voudrais maintenant vous exposer ma vision du volontariat associatif et de sa place au sein des associations. Les associations sont le moyen privilégié de l'expression de la volonté d'engagement de nos concitoyens au service d'une cause d'intérêt général, au travers de la construction d'un projet commun.
L'existence de plus d'un million d'associations en activité dans notre pays démontre s'il en était besoin la vitalité du secteur et l'enthousiasme des bâtisseurs associatifs.
L'engagement bénévole est au coeur de la vie associative, indispensable à la création et à l'organisation des associations, mais aussi à la réalisation de nombreux projets et cela en toute indépendance. Selon les dernières statistiques, nous comptons en France 13 millions de bénévoles.
Le mouvement associatif s'est aussi largement professionnalisé et a recruté 1,5 millions de salariés, pour, d'une part, pérenniser certaines de ses actions et, d'autre part, répondre à la demande de services collectifs exprimée par nos concitoyens.
Aux cotés du bénévolat et du salariat, il est aujourd'hui nécessaire de reconnaître l'existence et de permettre le développement du volontariat associatif. Ce qui caractérise le volontaire c'est qu'il s'engage, pour une durée déterminée et à titre exclusif, à se consacrer de façon désintéressée à un projet d'intérêt général.
Ainsi, le volontaire s'investit pleinement, pour un temps de sa vie, dans un projet associatif qu'il partage. Aux côtés des autres formes d'engagement et sans se substituer à l'emploi, le volontariat doit devenir le troisième pilier des ressources humaines des associations et constituer un levier important pour le développement du mouvement associatif.
Le volontariat répond à des besoins identifiés au sein des associations comme l'accompagnement de personnes en difficulté sociale, la restauration du patrimoine ou la sauvegarde de l'environnement, ainsi qu'à l'aspiration de nombreux citoyens de participer davantage à des causes d'intérêt général.
Le volontariat humanitaire à l'international est maintenant un phénomène établi et reconnu. Je suis convaincu qu'il existe en France et en Europe des causes toutes aussi légitimes pour s'engager.
Or le volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité, créé en 2000, n'a pas rencontré le succès escompté en raison de la rigidité de son statut et de la lourdeur de ses procédures. Ce dispositif ne concerne aujourd'hui que quelques centaines de jeunes, malgré le dynamisme de certaines associations comme Unis-Cité et Cotravaux, alors que ce sont chaque année plusieurs dizaines de milliers de personnes de tous âges qui, potentiellement, pourraient envisager de s'engager dans une démarche de volontariat.
Que prévoit le texte que je vous présente ? Tout d'abord que la mission confiée au volontaire doit relever de l'intérêt général. La longue liste des secteurs concernés, que vous trouverez dans votre dossier, reprend la définition des oeuvres d'intérêt général figurant au code [général] des impôts.
Dans ce cadre, toute personne de nationalité européenne ou tout étranger justifiant d'une résidence régulière et continue de plus d'un an en France pourra se porter candidat au volontariat, à condition d'être majeure. Le volontariat n'est donc pas réservé aux jeunes, mais pourra être effectué à tout âge de la vie.
L'exercice de toute, activité rémunérée sera incompatible avec le contrat de volontariat.
Consacrant l'essentiel de son activité à son engagement associatif, le volontaire ne pourra prétendre aux revenus de remplacement (indemnisation du chômage, allocation spécifique de solidarité...).
Pour résumer, le volontariat, déconnecté de toute finalité professionnelle, n'a pas vocation à constituer prioritairement une voie d'insertion économique, ni un complément de ressources.
Quant au candidat au volontariat, si celui-ci est salarié, sa démission au profit d'un engagement volontaire lui permettra de retrouver, à l'issue de sa mission, le droit à indemnisation du chômage.
Chaque contrat de volontariat aura une durée maximale de deux ans. Au total, le volontaire pourra consacrer jusqu'à trois ans de sa vie au volontariat.
Le volontaire sera indemnisé par l'association dans la limite d'un maximum fixé par décret. Il s'agit d'une indemnité qui n'aura pas le caractère d'un salaire ou d'une rémunération. Elle ne sera pas soumise à l'impôt sur le revenu ni aux prélèvements sociaux.
Bien évidemment, son montant maximal sera fixé de façon à ne pas remettre en cause le caractère désintéressé de cette collaboration et éviter tout risque de confusion avec l'emploi salarié.
Dans ces conditions, le contrat de volontariat, qui sera conclu par écrit, ne relèvera pas des règles du code du travail.
L'association d'accueil assurera au volontaire une formation adaptée aux missions qui lui sont confiées.
Le volontaire bénéficiera d'une affiliation pleine et entière au régime général de la sécurité sociale, y compris la retraite, moyennant une cotisation forfaitaire versée par l'organisme d'accueil.
Pour les volontaires titulaires de contrats de volontariat conclus pour une durée minimale continue de trois mois, le fonds de solidarité vieillesse prendra à sa charge le versement des cotisations complémentaires nécessaires pour valider auprès du régime général un nombre de trimestres égal à la durée du contrat de volontariat.
Cette disposition, à laquelle j'attache beaucoup d'importance, permet de garantir que les volontaires ne seront pas pénalisés au moment où ils feront valoir leurs droits à une pension de retraite publique ou privée.
Les compétences acquises pendant des missions de volontariat pourront être prises en compte au titre de la validation des acquis de l'expérience.
J'ai souhaité que des garanties soient apportées afin d'éviter que, par un détournement de l'esprit de la loi, le volontariat se développe au détriment du bénévolat ou du salariat.
J'insiste sur ce point fondamental.
Le volontariat doit tout au contraire constituer une porte d'entrée vers le bénévolat de responsabilité dans les associations. Je suis convaincu que les volontaires constitueront une source très importante de renouvellement du vivier des responsables associatifs, au travers de l'apprentissage intensif à la vie associative qu'ils auront vécu pendant quelques mois ou quelques années.
Le volontariat sera incompatible avec la perception d'une pension de retraite. En effet, les retraités, qui bénéficient à la fois d'un revenu et d'une protection sociale, peuvent assurer des activités d'intérêt général à titre purement bénévole. De même, il fallait éviter que des retraités du secteur associatif puissent poursuivre leur activité sous couvert de volontariat, ce qui serait préjudiciable à l'emploi dans le secteur.
Par ailleurs, afin d'éviter que les nouvelles dispositions législatives ne soient détournées de leur objet, les associations ayant procédé à un licenciement économique dans les six mois précédant la date d'effet du contrat ne pourront recourir à des volontaires. De même, il sera interdit aux associations de substituer des personnes volontaires à leurs salariés ayant été licenciés ou ayant démissionné dans les six derniers mois.
L'Etat garantira le respect des conditions fixées par la loi en délivrant à l'association ou à la fondation reconnue d'utilité publique qui souhaite accueillir des volontaires un agrément valable pour une durée limitée.
L'examen du dossier d'agrément par l'administration s'attachera notamment aux motifs du recours au volontariat, à la nature des missions confiées aux personnes volontaires et à la capacité de l'organisme à assurer leur prise en charge.
Cette loi permettra également de clarifier la situation au regard du droit du travail des personnels pédagogiques occasionnels des centres de vacances (CV) et des centres de loisirs sans hébergement (CLSH). Il s'agit des adultes et des jeunes, souvent des étudiants ou des enseignants, qui encadrent durant leur temps libre les activités des mineurs accueillis dans les centres. Ces intervenants non professionnels, dont la capacité est reconnue au travers du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) et du brevet d'aptitude aux fonctions de directeur (BAFD), sont au nombre de 36.000 directeurs occasionnels et plus de 200.000 animateurs occasionnels. Ils contractent ainsi, au profit de la jeunesse, un véritable engagement éducatif.
Les formateurs non professionnels, au nombre de 7.500, qui interviennent de façon occasionnelle lors des sessions destinées aux stagiaires voulant obtenir le BAFA ou le BAFD relèvent de la même logique d'engagement éducatif.
Le texte présenté a précisément pour objet de reconnaître, par son inscription dans le code du travail, la notion d'engagement éducatif.
En effet, les dispositions des lois relatives à la réduction du temps de travail créent, depuis 2000, une insécurité juridique de nature à compromettre gravement l'équilibre économique et social du secteur de l'animation à but non lucratif.
De nombreux CVL et CLSH ont fait l'objet de procès verbaux des inspecteurs du travail, qui ont conduit certains dirigeants associatifs devant les juridictions pénales.
Les conséquences négatives d'une disparition des CVL et des CLSH gérés par des associations ou des comités d'entreprise seraient très lourdes. Ce sont plusieurs millions de mineurs, notamment ceux qui sont issus de familles modestes, qui seraient privés de l'accès à prix modéré à une multitude d'activités ludiques, sportives, culturelles et scientifiques.
Les caractéristiques spécifiques de l'engagement éducatif comme la présence permanente auprès des enfants, la difficulté à déterminer le temps de travail effectif, mais aussi le caractère occasionnel de la collaboration, la participation à l'élaboration et à la conduite du projet pédagogique nécessitent un régime adapté.
La loi permettra donc de rémunérer ces personnels occasionnels sur la base d'un forfait journalier.
Cette réponse législative est attendue depuis 2000 par l'ensemble des acteurs concernés, n'est-ce pas Messieurs Henrard et Demeulier.
Ce régime dérogatoire sera encadré par l'Etat, qui fixera par décret le montant minimum journalier, ainsi que le décompte du temps de travail si un accord entre partenaires sociaux de la branche n'aboutissait pas. L'objectif, j'y insiste, est de ne pas remettre en cause l'équilibre économique et social actuel du secteur de l'animation à but non lucratif.
Le dialogue permanent avec les acteurs concernés, qui constitue ma méthode de travail, a permis d'apporter des solutions concrètes à des questions restées trop longtemps sans réponse.
J'étais donc particulièrement heureux, ce matin en Conseil des ministres, de présenter ces textes, onze mois après ma prise de fonctions comme ministre chargé de la jeunesse et de la vie associative.
Je vous remercie de votre attention et je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
(Source http://www.sports.gouv.fr, le 14 mars 2005)