Conférence de presse de M. François Bayrou, président de l'UDF, sur l'organisation de la campagne de l'UDF en faveur du "oui" au référendum sur la Constitution européenne, l'intervention du président de la République devant les jeunes sur TF1prévue le 14 avril, les raisons de la montée du "non" dans l'opinion et sur les clauses de révision de la Constitution européenne, à Paris le 13 avril 2005

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Circonstance : Conférence de presse consécutive au bureau politique de l'UDF, à Paris le 13 avril 2005

Texte intégral

François Bayrou - Nous venons de tenir un bureau politique consacré à la campagne référendaire, avec l'expression unanime de tous les membres du bureau engagés pour le oui, ce qui fait de l'UDF une originalité dans la vie politique française. Nous avons le sentiment que c'est maintenant que se joue une partie du destin de ce référendum, constatant à la fois le besoin d'explication d'un grand nombre de Français - pourquoi vote-t-on et sur quoi vote-t-on ?- et constatant en même temps le besoin d'engagement.
Jusqu'à maintenant il y a eu un oui rationnel contre un non passionnel, et l'UDF a la certitude qu'il faut qu'il y ait aussi un oui émotionnel, un oui d'engagement. Ce qui se joue n'est pas seulement le raisonnable contre le passionnel, il y a dans l'entreprise européenne, probablement le plus bel idéal qu'on ait pu proposer aux citoyens depuis cinquante ans. Il faut que cette dimension émotionnelle, d'espoir, idéaliste, se fasse aussi entendre dans la campagne. Ce sera une des raisons profondes du choix des Français. Autrement dit, cette volonté d'engagement positif et offensif s'est exprimée tout au long du bureau politique de ce matin, et elle est aussi très importante pour l'avenir du référendum. Entouré de Hervé Morin, président du groupe UDF à l'Assemblée nationale, Michel Mercier président du groupe UDF-UC au Sénat et Marielle de Sarnez qui dirige la campagne du référendum, je suis naturellement prêt à répondre à vos questions.
Marielle de Sarnez - Vous avez trouvé dans votre dossier de presse :
- un tract que nous avons diffusé pour le moment à plus de deux millions d'exemplaires ;
- un document de douze pages qui recense les principaux arguments pour la Constitution diffusé à deux cent mille exemplaires ;
- un DVD que nous avons édité à cinquante mille exemplaires et qui servira d'entrée dans toutes les réunions, petites, grandes, moyennes qui se tiennent.
Je pense que nous aurons au minimum environ mille réunions qui se seront tenues entre maintenant et la fin de la campagne, peut-être même plus, c'est-à-dire une moyenne de dix réunions par département. Réunions de dialogue, de débat et aussi nombreuses rencontres que nous faisons vers les catégories socio-professionnelles qui doutent ou qui hésitent pour écouter leurs craintes, leurs peurs et essayer le mieux possible de leur répondre. C'est donc une campagne offensive, une campagne allante que nous organisons.
Ce n'est pas -François Bayrou l'a dit- un oui de raison, c'est un oui de conviction, c'est un oui de construction pour une Europe plus unie, pour une Europe plus forte, pour une Europe plus démocratique, pour une Europe plus sociale. Voilà la campagne que nous faisons, que nous souhaitons comme une campagne la plus heureuse possible.
François Bayrou - J'ajoute que le DVD est envoyé cette semaine à tous les militants UDF, donc à 50 000 exemplaires.

Question sur l'intervention de Jacques Chirac devant des jeunes
François Bayrou - D'abord il y aura plusieurs interventions du Président de la République. Je pense que parler avec des jeunes c'est juste, en ce sens qu'ils sont ceux qui vont vivre l'Europe, que l'avenir de l'Europe et le visage qui va être le sien les intéresse. Je souhaite que de ce débat sorte beaucoup de clarté. Il me paraît important qu'il soit organisé de manière que les interrogations puissent s'exprimer et que les réponses soient les plus claires possible.
Il y a de la part des Français un immense besoin de comprendre pourquoi on vote et sur quoi on vote, quel est l'enjeu. Et l'enjeu s'exprime très simplement : voulons-nous une Europe unie ou pas ? Face à l'Amérique et à la Chine qui apparaît, voulons-nous une Europe unie ? Voulons-nous que cette Europe unie soit l'affaire des citoyens que nous sommes ? Comme une commune est l'affaire des citoyens qui élisent le conseil municipal tous les six ans, comme un pays est l'affaire des citoyens qui élisent des députés et un président de la République, l'affaire européenne deviendra l'affaire des citoyens. C'est cela l'objet de la Constitution. Et tout le reste, les débats qui se multiplient, ce n'est pas autre chose que la reprise des traités déjà existants.
Si jamais le non l'emportait, on rejetterait l'Europe des citoyens et on garderait uniquement les traités existants, c'est-à-dire la partie III que certains veulent combattre ou condamner. C'est donc un marché de dupes absolu ! Inviter à voter contre la Constitution au nom de la partie III, c'est écarter la démocratisation de l'Europe et ne garder que les traités existants dont la partie III est le fidèle reflet, et du même coup c'est aussi écarter les droits fondamentaux des citoyens européens.
Question sur la forme de l'émission avec Jacques Chirac
François Bayrou - Je pense que les débats sur la forme sont vraiment, dans une affaire comme celle-là, un peu seconds ou secondaires. On aura tout le temps après de commenter la forme. Je m'attache au fond.
Question sur l'équilibre dans les médias entre le oui et le non
François Bayrou - Il y aura forcément un décompte, une recherche d'équilibre de la part des médias. J'imagine que tout cela est affaire de bon sens.
Question sur l'émission avec Jacques Chirac
Hervé Morin - Je trouve que le Président de la République, dans la Ve République, indique le chemin vers lequel il compte mener le pays et après il prend la forme qu'il souhaite pour le faire. Cela peut être une interview, un débat avec des journalistes S'il décide de le faire dans la configuration qu'il a décidée, c'est son droit. Ce qui est important, c'est qu'il s'engage. Qu'il s'engage de cette façon ou d'une autre, peu importe. Tous les présidents de la République l'ont fait. Il est normal que le Président de la République le fasse et que les Français l'entendent.
François Bayrou - Pour moi, ce qui était important, c'était qu'il y ait de la part du Président de la République une prise de position pour clarifier les enjeux : pour quoi vote-t-on et sur quoi vote-t-on ? C'est ce que j'attends de l'émission de demain. Que l'on puisse enfin clarifier aux yeux d'un grand nombre de Français quel est le sujet. Le sujet c'est : 1) Est-ce qu'on veut une Europe unie face à l'Amérique et à la Chine ? 2) Est-ce qu'on veut que cette Europe soit l'affaire de tous les Européens, des citoyens et pas seulement des experts ? La Constitution répond à ces deux sujets. Et si l'on arrive à recentrer le débat sur son véritable sujet -démocratisation de l'Europe unie- alors on aura fait un grand pas.
On a trop souvent l'impression que de la défense de l'Europe, c'est " on ne peut pas faire autrement ". Or nous, nous pensons que c'est la plus belle aventure qu'on ait proposée aux citoyens depuis très longtemps. Nous voulons la défendre comme telle. Le projet de vouloir non plus une affaire d'experts, mais une affaire de femmes et d'hommes, de citoyens, comme le destin de leur pays est leur affaire ou comme le destin de leur commune est leur affaire, me paraît un progrès décisif. Un progrès décisif aussi pour la force de l'Europe parce que les volontés décidées par les citoyens s'imposent aux gouvernants, même quand ils sont timides.
Question : Les arguments de fond à avancer
François Bayrou - Nous voulons l'Europe unie, oui ou non ? Face à l'Europe et à ce que les Français mesurent tous les jours, la puissance montante de la Chine -on vient de le voir dans toute l'industrie textile- voulons-nous une Europe unie ou une Europe dispersée ? La Constitution va vers l'Europe unie.
- Voulons-nous une Europe pour les experts, comme elle a été trop souvent jusqu'à maintenant ? Ou nous voulons une Europe dans laquelle notre voix de citoyenne ou de citoyen aura la même importance que dans une élection nationale ou locale ? La Constitution institue une Europe pour les citoyens, une Europe où ils vont décider. C'est un très grand pas.
- Enfin la Constitution donne aux citoyens européens des droits qu'ils n'avaient pas jusqu'à maintenant.
Pour nous, ce sont des arguments de fond. La plupart des débats se focalisent sur une autre partie de la Constitution, qu'on appelle la troisième partie, qui n'est pas autre chose que la reprise des traités déjà en vigueur. Cela veut dire que, si par hasard ou par malheur, on votait non à la Constitution, on mettrait par terre l'Europe démocratique et on garderait toutes les dispositions des politiques européennes qui sont déjà en vigueur dans la partie III. Franchement ce serait obtenir le contraire de ce que cherchent, au fond, ceux qui s'expriment dans ce sens.
Question sur l'inquiétude sur la montée du non
François Bayrou - Il n'y a pas de raison d'être rassuré, fondamentalement. Bien sûr qu'il faut être inquiet et il suffit de voir les enquêtes d'opinion qui traduisent un malaise profond du pays. Mais nous, nous croyons que le projet européen est un de ceux qui a fait vivre la France depuis cinquante ans et nous croyons que beaucoup de Français ne l'ont pas oublié.
Ce matin on a repris, en particulier, un des arguments qui est " si on vote non, on renégociera ". J'ai deux arguments qui me paraissent devoir être opposés à cette affirmation.
Premièrement, on renégociera avec qui ? Je mets au défi les défenseurs du non de trouver un seul responsable d'un des vingt-quatre autres pays européens pour venir devant les Français et dire " si vous votez non, cela va nous aider et on renégociera ". Un responsable présentable, bien sûr car on trouvera sans aucun doute l'extrême droite d'autres pays européens, mais on ne trouvera pas un responsable de quelque courant que ce soit, d'un seul des vingt-quatre autres pays européens qui pourra dire cela.
Deuxièmement je pose une question : on renégociera dans quel sens ? Dans le sens de M. Le Pen ? Dans le sens de Mme Buffet ? Ou dans le sens que M. Fabius affirme défendre ? Dans le non, il y aura plus de partisans de M. Le Pen et d'extrême gauche que de partisans de M. Fabius. Il me semble donc que, renégocier avec qui et renégocier dans quel sens, cela relativise beaucoup l'argument utilisé par ceux qui appellent à la renégociation du traité.
Question sur l'évolution du texte de la Constitution
Marielle de Sarnez - La Constitution évoluera par révision comme toutes les constitutions, c'est très facile. Comme tous les traités que nous avons eus jusqu'à présent, nous réviserons cette Constitution comme nous l'avons fait à plusieurs reprises pour la Constitution française. On peut le faire dans quatre ans, dans six ans, dans huit ans, en ayant le même processus que pour les traités existants. Nous avons, ce qui est un peu technique, la clause " passerelle " qui est extrêmement importante. Cette clause, présente dans la Constitution, dit tout simplement que pour les politiques qui sont encore à l'unanimité aujourd'hui -je pense à la politique étrangère, ou fiscale, ou sociale- on pourrait demain passer à la majorité en le décidant, si les chefs d'Etat et de gouvernement le décident. Cela ne nécessiterait pas de révision de la Constitution : c'est une avancée qui est elle-même contenue dans le texte.
François Bayrou - J'ajouterai un argument. Si l'on dit que ce sera difficile d'obtenir des changements à l'unanimité, alors combien plus difficile encore d'obtenir une renégociation à l'unanimité ?
Marielle de Sarnez - Cela sera d'autant plus difficile que le traité de Nice existe et donc que les Etats et gouvernements n'auront pas de " couteau sous la gorge ". S'il y a échec de la Constitution, il suffit tout simplement d'en rester aux traités actuels.
(Source http://www.udf-europe.net, le 18 avril 2005)