Message de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur le développement durable, au Sénat le 22 avril 2005.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Ouverture du colloque Sénat-Unitar-UIP sur le développement durable, le 22 avril 2005

Texte intégral

Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Il m'appartient aujourd'hui, au nom du Président du Sénat, Christian PONCELET, d'introduire cette conférence inaugurale à l'initiative globale de renforcement des capacités des parlements sur les institutions internationales et le droit international de l'environnement en tant qu'outil du développement durable.
Je voudrais tout d'abord saluer cette initiative conjointe de l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) et de l'Union interparlementaire, à laquelle l'Assemblée parlementaire de la francophonie a apporté son soutien.
En accueillant cette conférence inaugurale, le Sénat de la République française a souhaité montrer l'importance qu'il accorde à l'information des parlementaires, surtout lorsqu'elle a pour objet de sensibiliser à un sujet aussi crucial que le développement durable.
Le Sénat accueille cette conférence avec d'autant plus d'enthousiasme que nous, sénateurs, qui représentons les collectivités territoriales de France, sommes les premiers aménageurs et donc les premiers écologistes de France.
Selon une idée tenace, le développement durable, comme tout ce qui renvoie à des enjeux de portée internationale, relèverait des seules négociations entre gouvernements, dans les enceintes des institutions internationales.
Le développement durable serait une affaire de haute politique internationale, durablement hors de portée du simple citoyen que nous représentons tous ici. Or, la déclaration de Rio de 1992 affirme au contraire que " la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient ".
Le débat récent sur la directive Bolkestein en France est emblématique de ce déficit démocratique au niveau des instances européennes. Si le Parlement français avait été davantage impliqué en amont dans le processus d'élaboration de cette directive, le psychodrame vécu en France à cause de cette directive n'aurait sans doute pas eu lieu.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Sénat français a mis en place une antenne administrative permanente à Bruxelles en relation avec les trois institutions européennes participant aux décisions (Commission européenne, Conseil européen, Parlement européen), afin d'être informé le plus rapidement et le plus en amont possible des activités de ces institutions et des projets européens en cours d'élaboration.
Heureusement, le Traité établissant une Constitution pour l'Europe donne des pouvoirs accrus aux Parlements nationaux qui pourront désormais intervenir directement auprès des institutions de l'Union pour veiller à l'application du principe de subsidiarité.
Ces pouvoirs nouveaux donnés aux Parlements nationaux sont d'autant plus importants pour le sujet qui nous rassemble aujourd'hui que le développement durable figure expressément au rang des objectifs de l'Union européenne, inscrits à l'article I-3 du Traité établissant une Constitution : " L'Union oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. "
La modification récente de la Constitution de 1958 pour y adosser la Charte de l'environnement témoigne par ailleurs de l'importance croissante des enjeux liés au développement durable dans la mise en oeuvre des politiques publiques françaises.
Il appartient maintenant aux acteurs économiques et aux citoyens d'adopter un comportement plus écologique. L'écologie de proximité est celle de notre quotidien, dans nos lieux de vie. Elle concerne la qualité de l'air, la lutte contre le bruit, la protection de la nature et des paysages ou encore le traitement des eaux et la gestion des déchets. Elle a une forte dimension sociale, dans la mesure où ce sont souvent les plus défavorisés qui subissent les plus fortes nuisances.
Mais le développement durable passe aussi par une prise de conscience forte au plan mondial : l'atmosphère terrestre est un bien commun. L'effet de serre ne s'arrêtant pas aux frontières, il serait naïf d'imaginer qu'il pourrait être jugulé sans la mise en oeuvre d'une action concertée et recevant l'appui effectif de tous.
Martin Luther King ne disait-il pas que " si nous n'arrivons pas à vivre ensemble comme des frères, nous mourrons ensemble comme des imbéciles " ?
Le développement durable fait partie des défis à portée universelle. Il sera l'oeuvre commune de tous ou ne sera pas.
Doit-on attendre de disposer d'observations concluantes et indiscutables pour agir ? Car c'est précisément d'action dont il s'agit ici. Le développement durable n'advient pas seul.
Des actions adaptées impliquent une bonne volonté de tous et le souci de son prochain. Elles nécessitent une démocratisation des institutions mondiales laissant une place à tous les acteurs impliqués. Parce que le développement durable est un " processus de changement ", selon l'expression retenue par le rapport Brundtland, et qu'il est soumis de ce fait à un arbitrage collectif permanent.
Comment utiliser le principe de précaution sans le transformer en frein au progrès et à la croissance ? Comment agir sur la consommation d'énergie sans bloquer le développement des pays les plus pauvres ? Comment concilier le libre-échange et le souci de solidarité ?
Quelques questions parmi d'autres qui appellent l'instauration de nouvelles règles et méthodes, de nouveaux principes et comportements. Et pour en arriver là, il faut dès à présent disposer des bases pour un vrai dialogue, durable, constructif, entre des protagonistes actifs qui ne font pas semblant d'être impliqués.
Le développement durable n'est pas un effet de mode. C'est un défi. Un défi à l'égoïsme, à l'avarice, à l'étroitesse de vue. Il ne peut s'imposer que par l'adhésion de tous, ce qui aujourd'hui est loin d'être acquis. Or c'est aujourd'hui que presque tout se joue. Demain, il sera trop tard.
Je vous souhaite d'excellents travaux.
(Source http://www.senat.fr, le 17 mai 2005)