Déclaration de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur le travail accompli par la Banque interaméricaine de développement, l'aide au développement apportée par la France et l'Union européenne en Amérique latine et sur la lutte contre la pauvreté, La Nouvelle-Orléans, le 27 mars 2000.

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Circonstance : Assemblée de la Banque Interaméricaine de Développement, à La Nouvelle Orléans (Etats Unis) le 27 mars 2000

Texte intégral

Monsieur le Président de la Banque Interaméricaine de Développement,
Mesdames et messieurs les Gouverneurs,
Mesdames et messieurs,
Je voudrais tout d'abord remercier les autorités de Louisiane et des Etats-Unis, au nom de tous les Gouverneurs, et leur dire combien nous sommes heureux de nous retrouver à la Nouvelle-Orléans pour cette assemblée. Il y a un an, Dominique Strauss-Kahn formait le vu que cette ville et sa french touch marquent la continuité avec l'assemblée de Paris. La Nouvelle-Orléans est en effet un exemple vivant d'union des cultures entre les Amériques et l'Europe. Je pense qu'elle symbolise très bien l'esprit de notre banque et la réalité de son action.
I - Fêtons tout d'abord ensemble le travail commun réussi au service de l'Amérique latine.
La France a eu l'honneur de présider l'assemblée des Gouverneurs pendant une année particulièrement riche pour l'Amérique latine et pour la Banque Interaméricaine de Développement. Aux côtés du Président Iglesias et avec votre concours à tous, nous avons employé notre énergie à faire progresser les débats d'actualité, à nous poser dès aujourd'hui les questions essentielles pour l'avenir de notre institution, à donner les meilleures orientations possible au financement du développement en Amérique latine.
Le bilan que nous pouvons dresser de cette année de travail intense est très positif pour la région comme pour la Banque.
1/ Pour l'Amérique latine, les douze derniers mois ont été ceux du retour à la confiance.
Les moments de crise importée d'autres continents sont désormais passés et les perspectives sont favorables. L'année 1999 a sans doute marqué le cap le plus difficile à passer, avec une croissance pratiquement ramenée à zéro pour l'ensemble de la région. Mais l'amélioration de la situation internationale et les réformes courageuses qui ont été mises en uvre par les Gouvernements de la région permettent d'espérer à nouveau. Le Fonds Monétaire International prévoit une croissance de 4 % pour la région en l'an 2000, ce qui permet d'envisager l'avenir avec confiance. Cet excellent résultat, les pays d'Amérique latine et des Caraïbes le doivent d'abord à leurs propres efforts, qui méritent d'être reconnus par l'ensemble de la communauté financière internationale. Le meilleur signal de cette reconnaissance est que ces pays ont progressivement retrouvé un accès au marché que la crise avait rendu difficile, voire impossible.
2/ Notre assemblée vient au terme d'une année exceptionnelle pour la Banque Interaméricaine de Développement. Une année faite de célébration, d'avancées concrètes et de réflexions sur le long terme.
- Notre tempérament latin connaît l'importance de la célébration dans la vie d'une communauté.
La célébration du quarantième anniversaire de la Banque nous a rappelé combien notre institution rassemble une seule et même famille, dans une communion d'esprit pour le développement de la région. Cette famille mobilise les plus hautes autorités, comme en atteste la présence de chefs d'Etat et de Gouvernement à chacune des réunions de la Banque. Le Président Jacques Chirac et le Premier Ministre Lionel Jospin ont été heureux d'en être les hôtes à Paris, pour marquer le début de cette quarantième année de la BID. Je suis certain que la célébration de Quintandinhia, le point d'orgue de cet anniversaire en décembre dernier, restera longtemps dans nos mémoires comme une référence dans l'histoire de la Banque. Au nom des Gouverneurs, je remercie à nouveau le Président Cardoso et les autorités brésiliennes pour avoir accueilli cette célébration.
- Le développement est fait d'avancées concrètes et notre institution a besoin que ses Gouverneurs lui donnent les orientations et les moyens de son action.
Je me félicite que cette assemblée ait permis de tenir pour la première fois une réunion restreinte des Gouverneurs, comme Enrique Iglesias et Dominique Strauss-Kahn l'avaient proposé à Paris, pour aborder ensemble les principaux sujets d'actualité pour l'Amérique latine et pour l'institution. La légitimité politique des institutions financières est une préoccupation essentielle pour la France et cette réunion annuelle du " comité du développement de l'Amérique latine " est destinée à assurer le consensus politique sur les orientations de la BID. Je souhaite que cette bonne habitude devienne une tradition de la BID.
Sur un plan très concret, je veux saluer en particulier deux résultats de l'année écoulée :
- l'augmentation de capital que nous avions décidée à Paris pour la Société interaméricaine d'investissement est sur le point d'entrer en vigueur. L'entrée au capital de nouveaux actionnaires à connu quelques péripéties, qui ne remettent pas en cause la volonté d'accueillir de nouveaux membres. Je ne doute pas que nous puissions régler rapidement les dernières modalités pratiques.
- le travail réalisé par la Banque sur la mise en uvre de l'initiative sur la dette permet d'en percevoir désormais plus clairement les enjeux pour l'institution et pour l'Amérique latine. Nous devons maintenant déterminer ensemble les modalités d'un financement complet et équitablement partagé du traitement des créances de la BID sur les quatre pays de la région éligibles à une réduction de dette. Le comité restreint de Gouverneurs que nous avons décidé de créer aura précisément pour but de préciser ce financement, à partir de la flexibilité des ressources internes de la Banque et de contributions équilibrées de ses actionnaires.
- Nous devons préparer l'avenir en élaborant la stratégie à moyen terme de notre institution.
Sous l'impulsion du Président, la Banque Interaméricaine a réalisé un travail très important d'analyse et de proposition pour une stratégie institutionnelle renouvelée. Le résultat témoigne d'une vision claire des enjeux du développement et reflète la parfaite adéquation entre l'institution et sa région. Nous devons encore en discuter précisément les termes et en élaborer les applications concrètes. Nous comptons sur le Président Iglesias pour mener à bien ces travaux avec clairvoyance, compétence et détermination.
La France retire de cette année de présidence le sentiment d'une avancée notable des chantiers de la Banque Interaméricaine de Développement. Nous comptons naturellement sur les Etats-Unis, en tant que prochains présidents de l'assemblée des Gouverneurs, pour poursuivre dans cette voie avec tout l'engagement national nécessaire.
II - Nous partageons aussi une vision ambitieuse du développement de l'Amérique latine et des Caraïbes qui rapproche nos continents.
La France a des convictions claires sur les priorités du développement et le besoin de mieux organiser les règles de l'économie mondiale. Ces convictions européennes se fondent sur une tradition de solidarité envers les pays pauvres, d'équité sociale et de développement économique maîtrisé. Nous les exprimons tout aussi clairement, en tant que Président de l'assemblée des Gouverneurs de la Banque intéraméricaine de développement jusqu'à aujourd'hui et en tant que Président de l'Union européenne à compter du 1er juillet prochain.
1/ Le défi majeur de l'Amérique latine demeure la pauvreté. Elle prend principalement deux formes, qu'il faut également combattre :
- L'Amérique latine compte en son sein des pays émergents et des pays pauvres. Elle possède ainsi la chance de pouvoir faire jouer le succès des premiers au bénéfice des seconds. Faisons ensemble le pari que dans moins d'une décennie la région ne comptera plus aucun pays pauvre. Il faut pour cela que la solidarité régionale se manifeste pleinement au profit des pays pauvres, en particulier pour les deux priorités actuelles : les aider à s'insérer dans l'économie régionale et à supprimer l'obstacle de l'endettement.
L'Union européenne a adopté une démarche similaire dès ses origines pour permettre à certains pays de rattraper le niveau de vie des plus riches. Après plusieurs décennies d'expérience, nous pouvons aujourd'hui en mesurer le succès, au bénéfice de tous. La Banque interaméricaine de développement joue un rôle essentiel pour faciliter et exprimer concrètement cette solidarité régionale, vers une croissance partagée. La France n'a qu'un souhait : que l'ensemble des actionnaires de la BID, et notamment tous les pays d'Amérique latine continue de faire confiance à la Banque et de la soutenir dans cette uvre de solidarité régionale et internationale.
- L'autre défi de la pauvreté se trouve dans chacun de nos pays : ce sont les inégalités sociales et la pauvreté des populations elles-mêmes, même dans les pays les plus avancés. Dans les pays émergents d'Amérique latine en particulier, la croissance rapide de la dernière décennie n'a pas laissé le temps aux structures économiques et sociales de s'adapter. Les populations vulnérables restent très nombreuses. Plus généralement, les inégalités sociales sont très importantes en Amérique Latine. Notre défi commun est donc de répondre au droit de ces populations à accéder à de meilleures conditions de vie. Cet enjeu est naturellement essentiel pour le développement ; il l'est aussi pour la stabilité économique et sociale de la région. Là encore, la Banque interaméricaine a démontré son savoir faire et nous la soutiendrons pleinement.
2/ Lutter efficacement contre la pauvreté suppose un modèle de développement équilibré, et des institutions fortes pour le soutenir.
L'éradication de la pauvreté ne se décrète pas, pas plus qu'il n'existe de loi absolue ou de recette miracle pour conduire un pays vers un nouvel essor. Notre objectif commun est de lutter contre la pauvreté. La France a la conviction que nous ne pourrons l'atteindre que par un développement équilibré, dont la Banque Interaméricaine est sans doute aujourd'hui le meilleur avocat.
Ce modèle est fondé sur quelques principes essentiels. J'ai déjà mentionné l'équité sociale, la croissance économique et l'intégration régionale. Ce sont des bases indispensables, mais d'autres éléments sont tout aussi nécessaires :
- Les populations doivent pouvoir participer aux choix de développement, dans une société de responsabilité et de légitimité démocratique.
- L'état de droit doit être assuré. La qualité des institutions juridiques et judiciaires et l'adaptation du droit économique sont des éléments essentiels de la croissance et de la cohésion sociale d'un pays.
- Le respect des ciments culturels est au cur de l'attente de nos populations pour bien vivre la mondialisation. Nul ne peut se développer en reniant son identité.
La Banque Interaméricaine de Développement a su reconnaître ces priorités, souvent avant les autres, et les mettre en uvre concrètement.
Au moment où certaines voix s'élèvent pour proposer de séparer les responsabilités des institutions financières internationales en fonction de catégories de pays, au risque d'isoler encore davantage les plus pauvres, la France trouve dans la Banque Interaméricaine de Développement et dans ses relations avec le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, un point d'équilibre efficace. Chacune de ces institutions a sa légitimité propre, une vocation régionale pour la BID, une vocation mondiale pour les institutions de Bretton Woods.
La France croit fermement que la communauté internationale n'a rien à gagner à développer une dichotomie artificielle entre ces institutions. Elles ont été créées avec des métiers et des vocations complémentaires pour servir au mieux, auprès de chaque pays, les intérêts du développement et de la stabilité internationale. Il nous appartient en tant que Gouverneurs de définir leurs objectifs et de veiller à leur étroite coopération.
3/ Nous devons continuer de faire progresser l'organisation multilatérale de nos échanges, dans lequel les grandes régions occupent une place croissante.
La mondialisation est une réalité que nous constatons tous les jours. Nous devons adopter des règles communes qui garantissent l'équité du commerce et préservent le droit des pays en développement à pleinement bénéficier de l'essor du commerce mondial. La conférence de Seattle n'a pas été totalement un échec et a permis un rapprochement des points de vue même s'il a été insuffisant. Nous gardons la conviction que le dialogue Nord-Sud doit être renforcé et nous devons travailler à rendre l'OMC plus efficace, plus transparente et plus démocratique. L'ouverture commerciale est source de bien-être et de croissance mais force est de constater qu'elle entraîne instabilité et inégalités. Elle doit donc s'accompagner d'un cadre réglementaire stable et transparent et d'une cohérence des règles multilatérales internationales à la fois commerciales et financières. Nous avons le devoir d'organiser les marchés par des institutions multilatérales, à la fois pour prévenir les fragilités systémiques, les exclusions et les inéquités et pour éviter la domination de quelques uns. Pour que ces règles reflètent un véritable équilibre mondial, nos pays doivent savoir s'organiser en unions régionales pour être pleinement présents dans les discussions multilatérales.
La France et l'Union européenne s'engagent pleinement aux côtés des pays en développement pour lutter contre la pauvreté, soutenir un développement équilibré à long terme et donner à chaque région la possibilité de faire entendre sa voix dans les enceintes multilatérales.
Cet engagement n'est pas vain. L'Europe en assume pleinement la cohérence et le confirme dans ses engagements financiers. Elle fournit à elle seule plus de la moitié de l'aide publique au développement dont bénéficient l'Amérique latine et les Caraïbes. Je suis heureux et fier de la relation étroite qui se construit entre l'Union européenne et les unions régionales d'Amérique latine. Ce type de relation nous mène sur la voie du progrès, entre régions bien sûr, mais également pour l'ensemble de la communauté internationale.
Nous sommes particulièrement attachés au rôle que joue la Banque interaméricaine de développement pour fédérer ces échanges et mobiliser la solidarité internationale au profit de la région. Nous comptons sur tout le talent de notre Président, Enrique Iglesias, pour continuer de mener cette institution au service du développement humain.
(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr)