Texte intégral
Q- Vous ne voterez pas la loi d'habilitation permettant au Gouvernement de légiférer sur le domaine de l'emploi, en tout cas jusqu'au 1er septembre, sans passer par le Parlement. Est-ce que le Parti communiste, et donc votre groupe, va s'associer à la motion de censure qui va être déposée par les socialistes ?
R- Bien évidemment, puisque c'est un des moyens parlementaires de condamner clairement la politique du Gouvernement. On ne connaît pas encore le texte de la motion de censure, mais nous aurons un acte contre cette politique dans l'esprit d'ailleurs de ce que souhaitent les Françaises et les Français, qui l'ont exprimé à l'occasion du référendum, entre autres.
Q- Vous ne connaissez pas encore le contenu de cette motion de censure de vos camarades socialistes. Est-ce que vous allez en discuter avec le président du groupe socialiste ou est-ce que chacun fait son affaire dans son coin ?
R- Le groupe socialiste a déposé sa motion de censure. Il faut au moins 65 députés pour pouvoir le faire. Nous n'avons pas la chance d'avoir 65 députés, c'est regrettable.
Q- Mais vous pourriez être consultés. Vous auriez pu...
R- Vous savez, chacun vit sa vie et moi, je suis pour que chacun puisse vivre sa vie et de se rencontrer de temps à autre, conjoncturellement, dans des combats utiles pour la gauche.
Q- Parlons de ces ordonnances. Finalement, pourquoi êtes-vous contre une méthode qui est prise parce que, dit le Premier ministre, il y a urgence. Après tout, dans l'histoire parlementaire, il vous est arrivé d'accepter que l'on procède par ordonnances. Si mes souvenirs sont bons, au début des années 80, P. Mauroy a pris quelques ordonnances sur l'emploi, que vous aviez approuvées.
R- Oui mais, jusqu'à preuve du contraire, P. Mauroy n'est pas membre du Parti communiste et, pour notre part, nous, les parlementaires communistes, nous avons toujours refusé le système des ordonnances, qui est en fait le fait du prince. L'Assemblée nationale, qui est la représentation du peuple de France, démissionne et est démissionnée autoritairement par le Gouvernement, pour lui permettre de gérer les choses à sa manière, à sa sauce. C'est un blanc-seing qu'on demande, et nous ne pouvons pas accepter cette méthode antidémocratique et je crois que c'est un pas en avant dangereux vers un pouvoir restreint. C'est déjà le cas. Nous sommes dans une majorité UMP/UMP, puisque seule l'UMP va éventuellement voter cette loi d'habilitation des ordonnances. On ne peut donc pas accepter cette méthode, et en fait, comme la forme c'est le fond qui remonte à la surface, on voit bien, là, que ce pouvoir qui n'a pas fait ses preuves depuis trois ans et c'est évident, qui parle d'urgence aujourd'hui pour l'emploi comme s'il le découvrait - on a 230.000 chômeurs de plus depuis qu'il est arrivé - est dans l'incapacité de résoudre ce grave problème du chômage en France.
Q- Alors, ce qui ne passe pas, si j'ai bien compris, c'est ce fameux contrat "nouvelle embauche", avec une période, qu'on l'appelle d'une manière ou d'une autre, qui est une période d'essai de deux ans. Néanmoins, s'il est démontré dans quelques mois que ce contrat "nouvelle embauche" produit des emplois, est-ce que, si d'aventure la gauche revenait au pouvoir, vous reviendriez sur cette mesure ?
R- Je souhaite que tous ceux qui sont malheureusement sans emploi uissent en trouver, et le plus rapidement possible. Sauf que très franchement, je ne crois pas du tout à ce système de précarité organisée, à ce système qui met en cause le code du travail - voilà des personnes qui vont avoir un contrat d'essai de deux ans, corvéables et jetables à merci, des emplois "Kleenex". Vous imaginez quelqu'un qui va chercher un appartement, vouloir faire un emprunt pour une voiture ? Il n'aura aucune garantie, il ne sera pas accepté au niveau des banques. C'est une fausse solution...
Q- Est-ce qu'il ne vaut pas mieux avoir un emploi, peut-être moins garanti, que pas d'emploi du tout ?
R- La question qui est posée, c'est qu'il faut une autre politique de l'emploi. C'est ce que j'ai démontré dans mon propos, hier à l'Assemblée nationale. On continue d'alléger les cotisations sociales patronales, ces allégements ont été multipliés dix fois en dix ans, et on a de plus en plus de chômeurs ! La vraie solution, c'est une nouvelle politique industrielle, ce sont des investissements pour le développement de l'emploi... On parle du problème des PME : il faut leur donner des crédits sélectifs, qui leur permettent de créer de l'emploi.
Q- C'est l'objet de la loi de modernisation...
R- Ah, non, pas du tout ! Aujourd'hui, vous avez les PME qui ont des taux de 6 à 8 %, alors que les grands groupes ont des taux de 2 %. C'est injuste !
Q- Estimez-vous que de toute façon et en toute hypothèse, D. de Villepin ne peut
qu'échouer ?
R- Avec cette politique, qui est en fait dictée par l'intérêt de la haute finance, pour parler clair - je me fais parfois brocarder quand je cite le Medef dans mes propos à l'Assemblée nationale, mais c'est une réalité !
Q- Au passage, vous n'avez pas de candidat préféré à la tête du
Medef ?
R- Non, comme disait Jacques Duclos, c'est "blanc bonnet et bonnet blanc" ! Et puis, je ne suis pas au Medef ! Le Medef, ce sont 160.000 adhérents, qui décident pour 60 millions de Français. Cette affaire n'a que trop duré !
Q- Comment expliquez-vous le formidable succès de N. Sarkozy dans tous les sondages, notamment dans le dernier sondage publié par Ifop ? Vous avez, comme d'autres, critiqué les dérapages du ministre de l'Intérieur. Apparemment, cela lui est bénéfique ?
R- C'est un créneau qu'a emprunté N. Sarkozy, ce que j'appellerais du "populisme libéral". On surfe sur une vague populiste, on la capte et on la tourne dans l'intérêt du libéralisme : c'est ce qu'est en train de faire N. Sarkozy, et c'est particulièrement dangereux pour les acquis démocratiques de ce pays, pour ses acquis sociaux. C'est une sorte de leurre organisé. Il surfe y compris sur le terrain du sinistre Le Pen et c'est particulièrement inquiétant pour l'avenir. Cela veut dire que se pose le problème d'une alternative, d'une solution de rechange dans ce pays, c'est-à-dire une transformation sociale, une nouvelle alternative politique, à laquelle doivent travailler les formations de gauche, et plus particulièrement ma formation politique, le PCF.
Q- Mais d'une certaine manière, ne tient-il pas un discours qui prend sur ce terrain, dans l'absence de la gauche, quand il parle des banlieues par exemple ?
R- Il parle des banlieues pour les "nettoyer", il pourrait plutôt consacrer son nettoyage au niveau de ce qui est milieux boursiers et financiers, qui oppressent le monde du travail dans un pays comme le nôtre. Il a choisi évidemment des thèmes flatteurs, qui sont, à mon avis, à terme dangereux. Je pense que se pose effectivement la question d'une alternative à gauche. La gauche a à discuter de perspectives, on n'est pas tous sur la même longueur d'ondes - cela se saurait, on l'a vu au référendum...
Q- Dans une possible alternance à gauche, pensez-vous que se crée une union de la gauche qui intègre l'extrême gauche ?
R- La question n'est pas de refaire ce qui a échoué. Pour l'instant, on a eu des expériences en France, depuis quelques décennies, qui ont vu la gauche plurielle, l'union de la gauche... Et cela n'a pas marché, parce que sur le contenu, quant au fond, une partie de la gauche et, citons-le, le Parti socialiste, qui avait la conduite des affaires, a cédé devant le capitalisme financier, alors que toute la question est de l'affronter clairement, pour créer les conditions d'une transformation sociale. C'est la raison pour laquelle, même s'il n'a pas toutes les qualités, je pense que le PCF a un rôle particulier à jouer. La bataille que nous venons de mener pour le "non" au référendum nous a quelque part requinqué et nous a donné les possibilités d'aider à cette reconstruction.
Q- Fort de ce dynamisme nouveau et pour cette possible reconstruction, faut-il rapidement prendre langue avec le Parti socialiste ? Est-ce que vous avez le sentiment que, du côté des socialistes, ils traînent les pieds ?
R- Le Parti socialiste est en train de régler ses problèmes de famille et je ne me mêle jamais des autres familles...
Q- Il faut attendre qu'ils règlent leurs problèmes de famille avant de pouvoir discuter
avec eux ?
R- Non, je discute avec tout le monde, avec les uns et les autres !
Q- Mais pour reconstruire l'alternance...
R- Mais l'alternance va se reconstruire par le peuple lui-même. La preuve vient d'être faite que "c'est le peuple qui fait le chemin", comme le dit un proverbe chinois. Et la question qui est posée, c'est comment le Parti communiste va aider à ce que le peuple prenne le bon chemin, pas celui dont parlait hier M. de Villepin, qui est le même chemin qu'avant, avec les mêmes ornières et qui mène la France droit dans le mur.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er juillet 2005)
R- Bien évidemment, puisque c'est un des moyens parlementaires de condamner clairement la politique du Gouvernement. On ne connaît pas encore le texte de la motion de censure, mais nous aurons un acte contre cette politique dans l'esprit d'ailleurs de ce que souhaitent les Françaises et les Français, qui l'ont exprimé à l'occasion du référendum, entre autres.
Q- Vous ne connaissez pas encore le contenu de cette motion de censure de vos camarades socialistes. Est-ce que vous allez en discuter avec le président du groupe socialiste ou est-ce que chacun fait son affaire dans son coin ?
R- Le groupe socialiste a déposé sa motion de censure. Il faut au moins 65 députés pour pouvoir le faire. Nous n'avons pas la chance d'avoir 65 députés, c'est regrettable.
Q- Mais vous pourriez être consultés. Vous auriez pu...
R- Vous savez, chacun vit sa vie et moi, je suis pour que chacun puisse vivre sa vie et de se rencontrer de temps à autre, conjoncturellement, dans des combats utiles pour la gauche.
Q- Parlons de ces ordonnances. Finalement, pourquoi êtes-vous contre une méthode qui est prise parce que, dit le Premier ministre, il y a urgence. Après tout, dans l'histoire parlementaire, il vous est arrivé d'accepter que l'on procède par ordonnances. Si mes souvenirs sont bons, au début des années 80, P. Mauroy a pris quelques ordonnances sur l'emploi, que vous aviez approuvées.
R- Oui mais, jusqu'à preuve du contraire, P. Mauroy n'est pas membre du Parti communiste et, pour notre part, nous, les parlementaires communistes, nous avons toujours refusé le système des ordonnances, qui est en fait le fait du prince. L'Assemblée nationale, qui est la représentation du peuple de France, démissionne et est démissionnée autoritairement par le Gouvernement, pour lui permettre de gérer les choses à sa manière, à sa sauce. C'est un blanc-seing qu'on demande, et nous ne pouvons pas accepter cette méthode antidémocratique et je crois que c'est un pas en avant dangereux vers un pouvoir restreint. C'est déjà le cas. Nous sommes dans une majorité UMP/UMP, puisque seule l'UMP va éventuellement voter cette loi d'habilitation des ordonnances. On ne peut donc pas accepter cette méthode, et en fait, comme la forme c'est le fond qui remonte à la surface, on voit bien, là, que ce pouvoir qui n'a pas fait ses preuves depuis trois ans et c'est évident, qui parle d'urgence aujourd'hui pour l'emploi comme s'il le découvrait - on a 230.000 chômeurs de plus depuis qu'il est arrivé - est dans l'incapacité de résoudre ce grave problème du chômage en France.
Q- Alors, ce qui ne passe pas, si j'ai bien compris, c'est ce fameux contrat "nouvelle embauche", avec une période, qu'on l'appelle d'une manière ou d'une autre, qui est une période d'essai de deux ans. Néanmoins, s'il est démontré dans quelques mois que ce contrat "nouvelle embauche" produit des emplois, est-ce que, si d'aventure la gauche revenait au pouvoir, vous reviendriez sur cette mesure ?
R- Je souhaite que tous ceux qui sont malheureusement sans emploi uissent en trouver, et le plus rapidement possible. Sauf que très franchement, je ne crois pas du tout à ce système de précarité organisée, à ce système qui met en cause le code du travail - voilà des personnes qui vont avoir un contrat d'essai de deux ans, corvéables et jetables à merci, des emplois "Kleenex". Vous imaginez quelqu'un qui va chercher un appartement, vouloir faire un emprunt pour une voiture ? Il n'aura aucune garantie, il ne sera pas accepté au niveau des banques. C'est une fausse solution...
Q- Est-ce qu'il ne vaut pas mieux avoir un emploi, peut-être moins garanti, que pas d'emploi du tout ?
R- La question qui est posée, c'est qu'il faut une autre politique de l'emploi. C'est ce que j'ai démontré dans mon propos, hier à l'Assemblée nationale. On continue d'alléger les cotisations sociales patronales, ces allégements ont été multipliés dix fois en dix ans, et on a de plus en plus de chômeurs ! La vraie solution, c'est une nouvelle politique industrielle, ce sont des investissements pour le développement de l'emploi... On parle du problème des PME : il faut leur donner des crédits sélectifs, qui leur permettent de créer de l'emploi.
Q- C'est l'objet de la loi de modernisation...
R- Ah, non, pas du tout ! Aujourd'hui, vous avez les PME qui ont des taux de 6 à 8 %, alors que les grands groupes ont des taux de 2 %. C'est injuste !
Q- Estimez-vous que de toute façon et en toute hypothèse, D. de Villepin ne peut
qu'échouer ?
R- Avec cette politique, qui est en fait dictée par l'intérêt de la haute finance, pour parler clair - je me fais parfois brocarder quand je cite le Medef dans mes propos à l'Assemblée nationale, mais c'est une réalité !
Q- Au passage, vous n'avez pas de candidat préféré à la tête du
Medef ?
R- Non, comme disait Jacques Duclos, c'est "blanc bonnet et bonnet blanc" ! Et puis, je ne suis pas au Medef ! Le Medef, ce sont 160.000 adhérents, qui décident pour 60 millions de Français. Cette affaire n'a que trop duré !
Q- Comment expliquez-vous le formidable succès de N. Sarkozy dans tous les sondages, notamment dans le dernier sondage publié par Ifop ? Vous avez, comme d'autres, critiqué les dérapages du ministre de l'Intérieur. Apparemment, cela lui est bénéfique ?
R- C'est un créneau qu'a emprunté N. Sarkozy, ce que j'appellerais du "populisme libéral". On surfe sur une vague populiste, on la capte et on la tourne dans l'intérêt du libéralisme : c'est ce qu'est en train de faire N. Sarkozy, et c'est particulièrement dangereux pour les acquis démocratiques de ce pays, pour ses acquis sociaux. C'est une sorte de leurre organisé. Il surfe y compris sur le terrain du sinistre Le Pen et c'est particulièrement inquiétant pour l'avenir. Cela veut dire que se pose le problème d'une alternative, d'une solution de rechange dans ce pays, c'est-à-dire une transformation sociale, une nouvelle alternative politique, à laquelle doivent travailler les formations de gauche, et plus particulièrement ma formation politique, le PCF.
Q- Mais d'une certaine manière, ne tient-il pas un discours qui prend sur ce terrain, dans l'absence de la gauche, quand il parle des banlieues par exemple ?
R- Il parle des banlieues pour les "nettoyer", il pourrait plutôt consacrer son nettoyage au niveau de ce qui est milieux boursiers et financiers, qui oppressent le monde du travail dans un pays comme le nôtre. Il a choisi évidemment des thèmes flatteurs, qui sont, à mon avis, à terme dangereux. Je pense que se pose effectivement la question d'une alternative à gauche. La gauche a à discuter de perspectives, on n'est pas tous sur la même longueur d'ondes - cela se saurait, on l'a vu au référendum...
Q- Dans une possible alternance à gauche, pensez-vous que se crée une union de la gauche qui intègre l'extrême gauche ?
R- La question n'est pas de refaire ce qui a échoué. Pour l'instant, on a eu des expériences en France, depuis quelques décennies, qui ont vu la gauche plurielle, l'union de la gauche... Et cela n'a pas marché, parce que sur le contenu, quant au fond, une partie de la gauche et, citons-le, le Parti socialiste, qui avait la conduite des affaires, a cédé devant le capitalisme financier, alors que toute la question est de l'affronter clairement, pour créer les conditions d'une transformation sociale. C'est la raison pour laquelle, même s'il n'a pas toutes les qualités, je pense que le PCF a un rôle particulier à jouer. La bataille que nous venons de mener pour le "non" au référendum nous a quelque part requinqué et nous a donné les possibilités d'aider à cette reconstruction.
Q- Fort de ce dynamisme nouveau et pour cette possible reconstruction, faut-il rapidement prendre langue avec le Parti socialiste ? Est-ce que vous avez le sentiment que, du côté des socialistes, ils traînent les pieds ?
R- Le Parti socialiste est en train de régler ses problèmes de famille et je ne me mêle jamais des autres familles...
Q- Il faut attendre qu'ils règlent leurs problèmes de famille avant de pouvoir discuter
avec eux ?
R- Non, je discute avec tout le monde, avec les uns et les autres !
Q- Mais pour reconstruire l'alternance...
R- Mais l'alternance va se reconstruire par le peuple lui-même. La preuve vient d'être faite que "c'est le peuple qui fait le chemin", comme le dit un proverbe chinois. Et la question qui est posée, c'est comment le Parti communiste va aider à ce que le peuple prenne le bon chemin, pas celui dont parlait hier M. de Villepin, qui est le même chemin qu'avant, avec les mêmes ornières et qui mène la France droit dans le mur.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er juillet 2005)