Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, vous venez de rentrer des Territoires palestiniens et d'Israël, quelques jours avant le départ définitif des derniers soldats israéliens des anciennes colonies de Gaza. Vous avez rencontré Mahmoud Abbas et Ariel Sharon. Quel bilan tirez-vous de cette visite officielle de trois jours ?
R - Rarement aurons-nous vécu un tel paradoxe : d'une part, il y a un processus politique de paix qui avance, avec le retrait d'Israël de la bande de Gaza, avec une Feuille de route dont les objectifs, c'est vrai, ne sont pas totalement atteints aujourd'hui mais dont pourtant la première partie a été réalisée et, en même temps, on trouve à Gaza une violence exacerbée, avec un Etat de droit qui n'est pas respecté.
Aujourd'hui, je crois que l'on peut être optimiste, puisqu'il y a une confiance réciproque entre le gouvernement israélien d'Ariel Sharon et le président Mahmoud Abbas mais, en même temps, on voit bien qu'à Gaza la violence continue.
Q - Malgré tout, ne faut-il pas tempérer cet optimisme ? Vous faisiez allusion au chaos qui règne à Gaza, aux combats inter-Palestiniens, avec un Ariel Sharon qui a déclaré à tout le monde que Gaza était un peu "un solde de tout compte" concernant le retrait, cela voudrait dire qu'il n'y aura peut-être pas d'autres étapes importantes pour la Feuille de route. Mahmoud Abbas ne risque-t-il pas, très vite, d'être dépassé par les événements, voire emporté par le Hamas et le Jihad qui vont vouloir prendre le devant de la scène politique à Gaza ?
R - Il y a en effet, une course contre la montre qui s'opère là-bas aujourd'hui. Si vous me le permettez, il y a deux choses :
D'abord, sur le plan général, on a toujours dit qu'il fallait agir sur un plan global avec un plan venu du haut ; on a perdu beaucoup de temps, en définitif, on ne l'aura pas. La politique des petits pas et des étapes successives, sachant que l'on ne peut commencer la deuxième étape que lorsque la première est réalisée, montre pragmatisme et bon sens.
Cette première étape, c'est Gaza, mais l'évacuation des colons de Gaza, ce n'est pas la première étape, c'est le début de la première étape. Réussir Gaza, c'est quoi ? C'est, en effet, l'évacuation des colons, l'évacuation de l'armée qui aura lieu lundi et mardi ; ensuite, c'est l'arrivée des Palestiniens et surtout, la viabilité économique.
Comment peut-on penser que 50 à 60 % des jeunes Palestiniens à Gaza, l'une des régions les plus denses du monde en terme d'habitants, puissent être au chômage ! Il faut avoir un parcours personnel, il faut avoir un espoir personnel basé sur le travail pour pouvoir espérer dans la vie. Nous avons là un travail, pour l'Union européenne et la France en particulier, mais aussi c'est de la responsabilité israélienne de faire en sorte que Gaza ne soit pas une prison à ciel ouvert mais un endroit ouvert. C'est là où l'Union européenne a fait des propositions, j'ai personnellement fait des propositions à Mahmoud Abbas et Ariel Sharon sur la question des frontières pour pouvoir faire en sorte que Gaza soit ouvert sur le monde extérieur.
Pour ce qui est de l'installation portuaire, un fonctionnaire du ministère des Transports m'a accompagné, grâce au ministre, Dominique Perben, pour dire : "la France et l'Union européenne sont prêtes à vous aider pour construire ce port". Est-ce que ce sera un port transitoire, avec des barges ? Est-ce que ce sera un port à 2 ou 3 km en eau profonde ? Je ne le sais pas. Nous devons avoir un projet, des micros-projets économiques, avec des ONG, qu'elles soient françaises, européennes ou palestiniennes ; bref, donner du sang neuf économique, un projet économique à Gaza.
Q - Vous vous êtes entretenu hier avec le Premier ministre, Ariel Sharon. Quelle est votre impression ? Avez-vous un début de réponse à la question que tout le monde se pose maintenant, c'est-à-dire est-ce que le retrait de Gaza a été fait pour mieux consolider l'emprise israélienne sur la Cisjordanie ? Ou est-ce que M. Sharon serait prêt à accepter un Etat palestinien viable, y compris en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ?
R - C'est une question qu'il faut rapprocher de la précédente. Optimisme ou pas optimisme, c'est en effet le sujet.
Je voudrais d'abord saluer le courage de la démocratie israélienne et du Premier ministre israélien d'avoir déjà fait un pas ; vous me dites que c'est un pas unilatéral au moment où 8.500 colons partent de Gaza, d'autres arrivent en Cisjordanie, peut-être encore plus nombreux, que faut-il faire ?
Q - Certains colons de Gaza sont allés se reloger en Cisjordanie.
R - La question, je crois, est la suivante, et je ne pense pas me tromper : le Premier ministre israélien dit : "Monsieur Douste-Blazy, moi, je ne continuerai pas plus loin tant qu'il n'y aura pas la sécurité pour Israël et cela passe par le désarmement des mouvements terroristes et l'arrêt du terrorisme." Je peux comprendre les Israéliens, comme les Français, les Allemands, les Espagnols ou les Américains qui ne veulent pas de terrorisme, je le comprends.
Comment fait-on pour demander à M. Mahmoud Abbas de désarmer les mouvements terroristes avec une police qui est moins armée, probablement, en tout cas moins professionnelle, moins coordonnée, moins commandée que les fameux mouvements terroristes ? C'est cela la question. Alors, là, il peut y avoir une différence d'appréciation, certains Israéliens pensant que Mahmoud Abbas a le pouvoir, s'il le veut, de le faire, et d'autres - et je suis quand même tenté de me situer plutôt de leur côté - tentés de dire que tant qu'il n'y aura pas une police palestinienne professionnelle, bien payée, organisée, commandée, ordonnée et entraînée, nous n'y arriverons pas.
Q - Que vous a répondu Ariel Sharon sur cette question de l'armement des Palestiniens ?
R - C'est une question que nous devons nous poser. J'ai senti qu'il y avait une confiance réciproque entre Mahmoud Abbas et Ariel Sharon, il y a longtemps qu'une telle confiance n'avait pas existé des deux parties de cet endroit du monde. Cette confiance est basée, d'un côté, sur un retrait des colonies des territoires occupés et, de l'autre, sur la mise en place de la sécurité, de l'établissement d'un Etat de droit.
Lorsque j'étais à Gaza, il y a deux jours et demi, à 4h30 du matin, dans le quartier de l'hôtel dans lequel je me trouvais, Moussa Arafat s'est fait assassiner et 150 personnes sont arrivées, j'ai envie de dire, aux yeux de tout le monde, pour montrer que l'Etat de droit n'est pas respecté. Là je crois que c'est une responsabilité majeure de l'Autorité palestinienne.
Nous devons les aider et c'est la raison pour laquelle l'Union européenne et la France proposent de former des policiers, de former des cadres mais, à côté de la police, de former aussi des juges et des contrôleurs administratifs financiers pour lutter contre la corruption. Il ne peut pas y avoir d'Etat s'il n'y a pas une police qui fait respecter l'Etat de droit, mais il ne peut pas y avoir d'Etat s'il n'y a pas une justice qui envoie en prison les criminels et les terroristes, ce n'est pas possible. La question est de savoir comment est-ce que l'on fait.
J'aimerais prochainement en parler à mes collègues européens car je crois que les fonds que l'Union européenne consacre sont tout à fait utiles sur le plan économique et doivent l'être aussi pour que l'Autorité palestinienne ait un Etat. Car, sinon, cela ne fonctionnera pas. C'est notre responsabilité politique commune et je dirais que les Américains et les Israéliens sont tous aussi intéressés que nous à cela.
Q - Vous avez dit que vous ne souhaitiez pas que Gaza devienne une prison à ciel ouvert. Que peut faire la France plus qu'avant, maintenant que la France a une politique plus offensive au Proche-Orient qu'elle ne l'avait auparavant ? Et, deuxièmement, concernant la question des douaniers qui est très importante parce que cela permet un embryon d'Etat en effet, quelles ont été les réponses à vos propositions des Palestiniens que j'imagine positives mais surtout des Israéliens ?
R - J'ai trouvé qu'il y avait une écoute particulièrement positive, de Shimon Pérès d'abord qui a été très positif concernant notre proposition. Mais Ariel Sharon et Sylvan Shalom, mon homologue israélien, ont en effet dit qu'ils étudieraient cela. L'Union européenne propose d'être tierce partie.
Du côté des Palestiniens, les mesures sont, je crois, acceptées avec un esprit très positif.
Q - Pensez-vous que cela va se réaliser ?
R - J'ai entrevu une position assez positive sur ces propositions, que je ne suis pas seul à faire d'ailleurs, que M. Solana et M. Moratinos, qui étaient dans la région également, ont fait.
Il y a un second sujet qui est important pour répondre à votre question : un jeune de 22 ans qui est palestinien, s'il ne peut pas entrer en Israël, où va-t-il travailler ? A Gaza, mais il faut un plan sur le bâtiment, les travaux publics, sur la mise en place de l'administration, un plan sur des micros-projets économiques, mais le temps que tout cela arrive, il faut aussi avoir des liens économiques, de commerce, de travail tout simplement entre les uns et les autres et c'est là où se pose le problème de la sécurité. Les Israéliens disent qu'ils veulent bien qu'ils rentrent, à condition que ce soit fait en toute sécurité. On retombe sur la question de l'Etat de droit.
Sur la première question que vous avez posée, je crois que le rôle de la France, d'abord au sein de l'Union européenne, est important. Je voudrais prendre un exemple : nous avons décidé de payer 37 % de la nouvelle station d'épuration des eaux usées à Gaza. C'est un projet de l'Union européenne. Nous allons également nous mettre sur les rangs pour l'installation portuaire, nous avons pris, la France est venue à l'hôpital Shifa pour parler de l'accès aux soins, car vous n'aurez pas non plus un Etat de droit s'il n'y a pas un accès aux soins et un plan de santé mentale, en particulier un service de psychiatrie en pédiatrie parce qu'il y a des enfants, de part et d'autre de la frontière, qui sont touchés par le terrorisme dès l'âge de 5 ou 6 ans, avec des ravages pour une vie entière.
Nous avons là la possibilité de dire : Gaza a été évacuée, merci, c'est le courage des Israéliens qui l'a permis, maintenant, rendons viable cet endroit du monde.
Q - Votre visite officielle avait aussi pour but d'évoquer la relation franco-israélienne après le voyage effectué par Ariel Sharon cet été en France ; aujourd'hui, les malentendus et l'incompréhension qui avait caractérisé cette relation sont-ils derrière nous ? Quand le président Chirac pourra-t-il se rendre en Israël pour aller dans le ranch d'Ariel Sharon ?
R - Dans sa ferme, vous voulez dire. Je ne le sais pas, mais ce que je sais, c'est que les relations entre Israël et la France sont aujourd'hui excellentes. Le voyage d'Ariel Sharon a été salué par toute la population française, même par les médias français et par les responsables politiques. En même temps, nous avons aussi envie peut-être d'approfondir nos relations, non seulement sur le plan politique mais aussi sur le plan de la société civile.
J'ai eu par exemple une discussion très longue avec M. Pérès hier sur la révolution technologique que représentent les nanotechnologiques. Voilà un homme qui est un homme de l'avenir lorsqu'il parle des nanotechnologies. La société israélienne est très tournée vers la recherche fondamentale et surtout la recherche appliquée avec les transferts de technologie. Nous avons beaucoup à apprendre et je suis venu avec des chercheurs et des médecins chercheurs français pour parler ensemble de bio et de nanotechnologies. C'est à partir de projets concrets que le monde peut avancer, c'est ce que nous ferons avec eux.
C'est la Fondation franco-israélienne qui va être créée à partir des sociétés civiles.
Q - Brièvement, concernant la situation et le chaos qui prévaut à l'intérieur de la bande de Gaza, cela suscite beaucoup d'inquiétudes. Finalement, le Hamas, le Jihad, tous ces jeunes qui appartiennent à ces deux mouvements islamistes et qui veulent "leur part du gâteau", permettez-moi l'expression, ne vont-ils pas se trouver en position de rupture avec ce que j'appelle l'establishment du Fatah qui incarne, qu'on le veuille ou non, la corruption ? Vous me parlez de Moussa Arafat, parent de Yasser Arafat, même Yasser Arafat lui-même avait un trésor de guerre qui était à l'étranger, des millions de dollars placés à Londres, en Suisse. Qu'est devenu cet argent pour aider tous ces jeunes qui n'ont pas les moyens de vivre dans la décence, et les personnes âgées dont je ne parle même pas ?
R - Ne nous trompons pas ; si dans les élections locales récentes, il y a eu une poussée du Hamas, c'est bien parce qu'aujourd'hui, lorsqu'une veuve de 30 ans avec 2 enfants de 1 et 3 ans cherche une crèche pour ses deux enfants et un appartement social, c'est vrai qu'elle n'a pas face à elle un Etat ou un début d'Etat avec une administration efficace et solide, mais elle a, par contre, un mouvement pour lequel elle peut être amenée ensuite à voter. En effet, la question que vous posez est majeure et je crois que Mahmoud Abbas est l'homme de la situation.
Je pense qu'aujourd'hui l'embryon de justice mis en place grâce aux projets de coopération, de formation de cadres, de juges, de policiers, est de nature à combattre cela. Il ne peut pas y avoir de corruption s'il y a l'équivalent de la Cour des comptes ; or, un système administratif de contrôle du système financier public est en train d'être mis en place. Tout cela ne se fait pas en un instant, mais la question sous-tendue par la vôtre, c'est en effet celle des élections car n'oublions pas, que de part et d'autre, il y a des élections, israéliennes et palestiniennes. Ces élections palestiniennes en décembre et en janvier prochains sont des rendez-vous majeurs à l'occasion desquels le Hamas est amené à se présenter à ces élections.
Q - Israël dit à ce sujet que le Hamas étant un mouvement terroriste, il ne peut pas légitimement se présenter aux élections palestiniennes. Estimez-vous que ce mouvement doit se présenter ?
R - Je ne me permettrais pas de dire cela. Ce que je sais, c'est que la politique de la France est de respecter le choix des uns et des autres. Ce que je sais, c'est que la seule solution pour pouvoir diminuer les voix du Hamas, c'est que l'administration de l'Autorité palestinienne soit crédible.
Je fais de la politique moi-même, je suis un élu local et je sais ce qu'est un centre communal d'action sociale. Cela donne l'impression à ceux qui ont moins que les autres qu'il y a quand même des filets de sécurité. S'il n'y a pas de filets de sécurité, les gens vont les chercher ailleurs, et on sait bien où ils iront les chercher, ils iront chez les populistes et les extrémistes. Il est donc de notre devoir de nous impliquer, nous la communauté internationale, encore plus l'Union européenne et les valeurs qu'elle porte et, au sein de l'Union européenne, la France.
Q - Le Hamas est-il l'un des interlocuteurs de la France et de l'Union européenne ?
R - Le Hamas n'est pas notre interlocuteur.
Q - Mais, il y a des élus du Hamas actuellement ?
R - Il y a des élus du Hamas comme il y a des élus du Hezbollah. Aujourd'hui, nous avons plutôt intérêt, comme d'ailleurs les Américains ou les Israéliens, à aider l'Autorité palestinienne à devenir une autorité crédible et respectée justement pour faire face à une élection dans laquelle le Hamas se présente.
Q - On parlait à l'instant des divisions palestiniennes, mais il y a aussi les divisions israéliennes. M. Sharon vous a-t-il parlé des problèmes qu'il a face à Benyamin Netanyahou qui est l'un des "ténors" du Likoud et qui a mal digéré le retrait de Gaza. Cela ne posera-t-il pas des problèmes dans les mois qui viennent avec peut-être même des élections anticipées ?
R - Je crois d'abord que les processus électoraux israélien et palestinien ne doivent pas empêcher les responsables israéliens et palestiniens au plus haut niveau de continuer à se parler. Les élections ne sont pas toujours les meilleurs moments pour aller vers des positions modérées mais, en même temps, rien n'empêche des négociations ou de maintenir des liens, parce que c'est majeur pour l'avenir de notre planète.
Sur le plan intérieur israélien, vous savez mieux que moi où nous en sommes. On voit qu'il existe un camp de la paix qui est largement soutenu puisque le couple Sharon-Perès l'est aujourd'hui par 55 à 60 % de la population israélienne, après l'évacuation de Gaza. Reste que le système politique israélien est basé sur la proportionnelle intégrale et, donc, sur le régime des partis. C'est celui qui aura le plus de députés qui proposera le Premier ministre. La question est de savoir si, au sein du Likoud, c'est M. Netanyahou ou M. Sharon qui l'emportera. Je ne le sais pas. J'ai parlé évidemment avec eux de cela, ils sont aujourd'hui en plein processus de désignation des primaires, ils ne savent pas qui les militants choisiront. Peut-être y aura-t-il des restructurations, des recompositions de la vie politique israélienne.
Q - Il y a presque 60 ans que l'ONU a décidé de créer deux Etats, un Etat pour les Juifs et un Etat pour les Palestiniens arabes, tout ce que vous dites montre que les problèmes vont continuer, que rien n'est vraiment réglé et que l'on est toujours dans un processus. A votre avis, quand y aura-t-il un Etat palestinien et que peut faire la France pour faire vraiment avancer cette création ?
R - La France doit se battre sur trois points. La première étape doit être une étape de viabilité économique de Gaza, sans laquelle rien ne peut se faire. Deuxièmement, la France pense que la Cisjordanie et Gaza sont indissociables et, plus que jamais, nous rappelons notre souhait d'une mise en oeuvre de la Feuille de route.
Enfin et troisièmement, la communauté internationale et le Quartet sont aujourd'hui présents avec le plan de M. Wolfensohn sur la viabilité économique de Gaza ; mais au-delà, la Feuille de route, acceptée par toutes les parties, doit être respectée. Je comprends que l'on ne passe pas directement à la seconde étape, je peux le comprendre, mais je ne peux pas comprendre que l'on dise que ce sera impossible. Nous disons qu'il y a un pré-requis à la suite de la Feuille de route, comme le dit Ariel Sharon, c'est l'arrêt du terrorisme et le désarmement des mouvements terroristes. Je peux le comprendre, donnons donc les moyens à l'Autorité palestinienne de faire respecter l'Etat de droit.
Je suis de plus en plus convaincu que la solution, la seule solution est d'avoir deux Etats voisins qui se respectent. Voyez en France toutes les discussions que nous avons eues sur la sécurité, sur les criminels, sur la récidive, imaginez qu'en France, nous n'arrêtions pas les gens qui tuent ! Evidemment ce serait le chaos ! Il faut donc donner la possibilité, d'abord à un embryon d'Etat, un embryon et toute l'ambiguïté aujourd'hui de la communauté internationale, me semble-t-il, est de dire que oui, cela ne pourra se faire que si la sécurité de l'Autorité palestinienne est là, mais alors, donnons les moyens à l'Autorité palestinienne de le faire.
Je pense que nous pourrions nous mettre autour d'une table avec au moins l'Union européenne, en prenant à témoins les uns et les autres, en leur demandant si, oui ou non, ils veulent la sécurité et si oui, il faut permettre à Mahmoud Abbas de l'assurer.
La seconde question est : "Mahmoud Abbas, maintenant que vous avez cette possibilité de faire respecter l'Etat de droit, attention faite-le car sinon, cela veut dire que nous n'êtes pas vous-même sincère."
Q - A propos des informations qui sont parues dans la presse sur les causes du décès de Yasser Arafat, beaucoup de choses ont été dites, avez-vous des informations sur cette mystérieuse infection qui a été fatale au président palestinien ?
R - Je n'ai jamais eu de près ou de loin accès au dossier médical.
Q - Vous étiez le ministre de la Santé à l'époque.
R - Oui, mais, comme vous le savez, M. Arafat a été soigné dans un hôpital qui dépendait de l'Armée et pour tout vous dire, heureusement que le ministre de la Santé n'a pas accès, dans une démocratie comme la nôtre, à tous les dossiers médicaux, ce serait alors le début de la dictature ! Je n'y ai jamais eu accès, ce que je sais, c'est que la France a, comme son droit l'exige, proposé à la famille de M. Arafat de lui donner l'ensemble du dossier et évidemment, on ne lui a rien caché. C'est en toute transparence que ceci a été fait.
Q - Beaucoup de Palestiniens pensent qu'il a été empoisonné, est-ce une information que vous réfutez ?
R - Je ne connais pas le dossier médical, je vous prie de m'excuser, c'est plutôt le médecin qui va parler. Je prends l'habitude de connaître mes dossiers sur le plan diplomatique, mais sur un plan médical, cela fait 30 ans que je connais ce sujet, je n'ai jamais parlé d'un dossier médical que je connaissais à quelqu'un, encore moins à la radio. Vous comprendrez donc que je ne puisse pas en parler.
Q - Monsieur le ministre, c'est demain que M. Melhis, le chef de la commission d'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri se rend en Syrie pour poursuivre ses investigations, selon vous, est-ce le signe que la Syrie commence à coopérer à cette enquête ?
R - Vous savez que la France soutient la commission d'enquête internationale qui est mandatée par les Nations unies pour faire la lumière, toute la lumière sur les circonstances et les responsabilités de ce crime. Nous souhaitons que toutes les parties concernées coopèrent pleinement avec la commission d'enquête, comme l'a d'ailleurs demandé, à plusieurs reprises, le Conseil de sécurité. Nous avons pris note de la volonté syrienne de coopérer avec M. Melhis, nous nous réjouissons de la bonne collaboration entre la commission Melhis et les autorités judiciaires libanaises, il faut maintenant attendre le rapport final de M. Melhis et ce sera, je me permets de vous le rappeler, au Conseil de sécurité des Nations unies et à lui seul de l'examiner et d'en tirer les conclusions qui s'imposent, le moment venu.
Q - Quatre anciens hauts responsables de la sécurité libanaise ont été mis en cause dans cet assassinat, pensez-vous que le régime syrien était derrière cet assassinat qui a eu lieu le 14 février ?
R - M. Melhis a tenu une importante conférence de presse au cours de laquelle il a exprimé son souhait de se rendre à Damas pour les besoins de l'enquête. Les autorités syriennes l'ont finalement invité et le magistrat allemand devrait se rendre dans la capitale syrienne demain le 10 septembre.
Oui, quatre anciens responsables de la sécurité, dont un ancien député libanais, ont fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la part des autorités judiciaires libanaises dans le cadre de l'enquête menée par le juge Melhis. Ce sont des personnalités qui sont toujours en détention provisoire et je pense qu'il est important que M. Melhis fasse son travail, tout son travail où qu'il le souhaite.
Q - Monsieur le Ministre, qu'est-ce qui pourrait faire concrètement aujourd'hui que les rapports quelque peu haineux qui se sont instaurés entre le président syrien Bachar el-Assad et le président Chirac depuis l'assassinat de Rafic Hariri le 14 février dernier s'améliorent ? Qu'est-ce qui pourrait changer les rapports exécrables entre la France et la Syrie ?
R - Je rappelle d'abord que la France est mobilisée pour rétablir la souveraineté du Liban. Nous n'avons aucun objectif hostile vis-à-vis de la Syrie, nous pensons simplement comme toujours que la souveraineté nationale, la souveraineté territoriale d'un pays doit être respectée, nous l'avions dit pour l'Irak, nous le disons pour le Liban.
La France ne conteste pas les relations spécifiques qui lient le Liban et la Syrie, mais ces relations doivent être celles d'Etats indépendants et, comme je viens de le dire à l'instant, souverains.
Et enfin, permettez-moi un mot s'agissant des relations entre la Syrie et Israël, la France a toujours soutenu et continue d'encourager l'ouverture de négociations de paix entre Israël et ses voisins avec lesquels il n'a pas conclu de tels accords. Et donc nous souhaitons qu'une solution juste soit trouvée entre Israël et le Liban d'une part, entre Israël et la Syrie d'autre part, et permettre aux prochaines générations de ces pays de vivre en paix et dans la prospérité.
Q - Tout à l'heure, Monsieur le Ministre, vous avez évoqué la souveraineté du Liban. Lors de l'Assemblée générale de l'ONU qui va s'ouvrir à New York, on va bien sûr discuter du Liban. Est-ce que la France a la même position que les Etats-Unis en ce qui concerne la résolution 1559 qui prévoit le démantèlement des milices armées libanaises et non-libanaises ?
R - M. Terje Roed-Larsen, l'envoyé spécial des Nations unies pour la résolution 1559, va remettre un rapport en octobre sur l'application de cette résolution. Je voudrais dire que l'envoyé spécial des Nations unies bénéficie de toute notre confiance. Et nous serons très attentifs au contenu de ce rapport. Il s'agira en effet de poursuivre dans la voie de la reconstruction politique et économique du Liban pour conforter l'unité, la souveraineté et la stabilité retrouvées de ce pays. Je me permets de dire qu'il est important plus que jamais de donner à M. Fouad Siniora, le nouveau Premier ministre libanais, le temps nécessaire pour qu'il mette en oeuvre ses réformes, en particulier sur le plan économique. C'est majeur pour que la communauté internationale vienne ensuite aider le Liban.
Q - Je reviens une seconde au Hezbollah. Est-ce que le Hezbollah doit être désarmé ?
R - Le désarmement des milices est l'objectif de la résolution 1559. Cela doit être mené dans le cadre d'un processus d'intégration politique et doit résulter d'un accord entre les Libanais. Pour cela, nous devons aider l'Etat libanais à renforcer ses institutions, et donc notre priorité est aujourd'hui d'aider le gouvernement libanais à répondre aux défis qui lui sont posés, à favoriser la modernisation et le renforcement des institutions libanaises elles-mêmes.
Q - Monsieur le Ministre, Christian Mallard disait que les relations avec la Syrie ne sont pas bonnes, c'est un euphémisme. Elles ne sont pas non plus excellentes actuellement avec l'Iran puisque la France, avec l'Allemagne et le Royaume-Uni mènent une négociation avec Téhéran sur la question de l'enrichissement de l'uranium, et l'Iran a refusé la récente décision de l'AIEA. Comment voyez-vous un déblocage de cette situation ?
R - Nous examinons le rapport que M. El Baradeï vient de remettre. Ce rapport montre que l'Iran n'a pas répondu aux demandes insistantes du Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale pour l'Energie atomique - je vous rappelle que le Conseil des gouverneurs s'est réuni le 11 août et a souhaité que l'Iran revienne à la pleine suspension de ses activités nucléaires sensibles. Et donc l'Iran ne s'est pas mis en conformité avec les résolutions de l'Agence.
Je voudrais ajouter que ce rapport rappelle également les nombreuses violations par l'Iran de son accord de garantie et la politique de dissimulation suivie par Téhéran. Donc, deux ans et demi après le début de ces inspections approfondies, je dirais que l'Agence n'est pas toujours en mesure de clarifier plusieurs questions importantes et préoccupantes.
Alors, vous savez que le prochain Conseil des gouverneurs est le 19 septembre, il va examiner les implications de ce rapport, il va lui-même déterminer les suites à lui donner. Et ce rapport ne fait que renforcer la nécessité pour l'Iran de revenir au cadre tracé par l'Accord de Paris, de remettre en place les mesures de confiance indispensables demandées par la communauté internationale.
Q - Monsieur le Ministre, à propos de l'Iran, pensez-vous que ce dossier doit être transmis au Conseil de sécurité de l'ONU et pensez-vous que des sanctions doivent être imposées à l'Iran ?
R - Les Européens ont toujours dit qu'en cas de rupture par l'Iran de l'Accord de Paris, dans le cas du non-respect des résolutions de l'Agence internationale pour l'Energie atomique, qu'ils n'auraient d'autre choix que de transmettre le dossier au Conseil de sécurité.
Q - Mais on y est maintenant ?
R - Ce n'est pas notre chemin préféré, et nous appelons l'Iran à prendre les mesures nécessaires au retour de la confiance et à revenir ainsi au cadre défini à Paris. Autrement dit, si l'Iran ne revient pas sur ses décisions, voilà ce que nous souhaitons, mais la main reste tendue ; nous avons fait des propositions économiques, technologiques, en termes de garantie de sécurité, en termes de nucléaire civil, qui nous paraissent non seulement généreuses mais ambitieuses, de manière importante à l'Iran, pour écrire une nouvelle page des relations entre l'Union européenne, et au-delà de la communauté internationale avec l'Iran qui est un grand pays, avec un grand peuple, une grande jeunesse, de grandes universités ; l'Iran est un pays qui compte. Et, donc, nous souhaitons que l'Iran choisisse ces propositions-là, je pense qu'il est toujours temps.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce qu'on peut réellement négocier avec un pays qui vient d'entrer dans sa deuxième phase de la révolution islamique khomeyniste avec un des fils spirituel de Khomeyni, M. Mahmoud Ahmadinejad, un pays qui soutient le terrorisme et qui soutient des mouvements islamistes comme le Hamas, le Jihad et le Hezbollah qui ne veulent pas de la paix avec Israël et qui sont en guerre quelque part contre l'Occident ?
R - La question qui est posée est de savoir si, avant de tout arrêter, de monter d'un cran, est-ce que notre mission n'est pas au contraire de tout faire pour intégrer l'Iran par exemple à l'OMC, de tout faire pour que la population iranienne se rende compte de tout l'intérêt qu'elle a, en termes de pouvoir d'achat, en termes économiques, en termes de liberté, en négociant, en termes de commerce, avec nous. C'est cela qui nous paraît important.
Il est de notre devoir jusqu'au dernier moment, ou alors on n'aurait pas besoin d'un ministre des Affaires étrangères, de tout faire pour faire comprendre l'intérêt mutuel des deux parties, de ne pas justement être unilatéral dans des discussions non négociables.
(...)
Q - J'aimerais qu'on parle de l'Egypte, Monsieur le Ministre. L'Egypte vient de vivre sa première élection présidentielle multipartite. Le président Moubarak semble assuré d'être réélu, des cas de fraude ont été constatés. Comment la France accueille-t-elle cette première élection multipartite ?
R - Nous saluons la tenue de la première élection présidentielle pluraliste dans l'histoire de l'Egypte. Pour nous, c'est un élément évidemment important, comme pour toute la communauté internationale. C'est d'ailleurs une première étape significative pour l'Egypte.
Alors, la supervision par les juges égyptiens de ces élections est un élément important de leur déroulement et nous attendons la proclamation des résultats.
Q - Monsieur le Ministre, en Irak, la France a commencé à former des policiers et gendarmes irakiens. Est-ce que cette implication en Irak, alors que jusqu'à présent la France avait toujours fait attention à rester très distante des opérations militaires en Irak, est-ce que ce début d'implication signifie que la France est en train de modifier sa politique ?
R - La France se tient aux côtés des Irakiens. La France n'a cessé d'uvrer pour qu'ils disposent d'un horizon clair, encore une fois d'une pleine souveraineté y compris dans les domaines sécuritaire et militaire, conformément aux dispositions de la résolution 1546. Et pour nous, il faut permettre le plus rapidement possible aux Irakiens d'assumer pleinement la maîtrise de leur destin.
La France est prête à prendre toute sa part dans la reconstruction du pays ; des projets de coopération, notamment dans le domaine de la formation, ont été engagés ou sont en prévision à titre bilatéral ou avec nos partenaires européens. La France a exclu pour sa part l'envoi des forces militaires sur le terrain. Dès que la situation sécuritaire le permettra, nos entreprises sont prêtes à retourner en Irak pour participer à la mise en oeuvre du potentiel économique de pays.
Q - Vous parliez de la situation sécuritaire en Irak, Monsieur le Ministre, mais vous voyez qu'elle est catastrophique et vous avez vu cette terrible bousculade meurtrière, la semaine dernière ; tous les jours des soldats américains perdent la vie, il y a des combats, il y a des attentats. Qu'est-ce que la France peut penser de ce projet de Constitution qui, pour beaucoup d'analystes, consacre de fait une partition ou peut préfigurer une partition de l'Irak qui est voulue par un certain nombre de dirigeants actuels du pays ?
R - Je groupe vos deux questions, parce qu'en effet, là aussi, on a vécu un paradoxe pendant un mois où, d'un côté, on voyait un projet constitutionnel avancer, soumis au Parlement irakien en se disant "Voilà, cela va mieux", et puis, de l'autre, on voyait une communautarisation, une insécurité, des atrocités, du terrorisme et des attentats se perpétrer.
Alors, deux choses. D'abord, je dirais que la logique sécuritaire en Irak ne peut à elle seule ramener la paix. Encore une fois, la France plaide pour que la logique sécuritaire s'inscrive dans une approche politique, avec pour objectif d'isoler les groupes extrémistes, partisans de la violence. Aussi est-il fondamental que le processus politique soit le plus large et inclusif possible.
La perspective d'un retrait des forces étrangères, dont la présence suscite l'hostilité d'une partie de l'opinion irakienne, est un élément susceptible d'y contribuer. La France ne demande pas le départ immédiat de la force multinationale ; cette force est déployée en Irak conformément à la résolution 1546, mais son mandat expire avec la fin du processus politique, en principe à la fin de l'année, et il appartiendra alors aux autorités irakiennes de dire ce qu'elles souhaitent. Mais les pays voisins ont aussi une responsabilité essentielle pour garantir la stabilité de la région et ils doivent continuer à jouer collectivement un rôle constructif dans ce domaine.
Pour la Constitution maintenant. Vous savez, la rédaction d'un projet de Constitution, c'est toujours une étape supplémentaire attendue de la transition politique en Irak. Pour nous, encore une fois, il appartient naturellement aux Irakiens de décider de l'organisation institutionnelle de leur Etat, le référendum est prévu pour le 15 octobre, ils vont avoir l'occasion de s'exprimer.
Nous appelons les autorités irakiennes à intensifier leurs efforts pour promouvoir un véritable dialogue national afin de créer, autour de ce texte et dans toutes les composantes de la société irakienne, les bases d'un consensus sur l'avenir de leur pays. Alors, je sais qu'il y a la question du fédéralisme d'un côté, celle des ressources pétrolières qu'il faut partager de l'autre maintenant que le problème du statut de l'islam dans la Constitution est réglé.
Q - Dans ce Moyen-Orient instable, Monsieur le Ministre, est-ce qu'on peut parler aujourd'hui d'un rapprochement franco-américain ou d'un alignement de la position française sur celle des Etats-Unis concernant l'Iran, le Liban et la Syrie ?
R - Je crois qu'il est exact que l'affaire irakienne et ses suites ont relevé de profondes divergences d'appréciation non seulement entre les Etats mais plus encore entre les opinions publiques sur la manière dont devaient être conduites les relations internationales, mais, en même temps, on voit qu'il y a une amélioration des relations transatlantiques et, en particulier, dans les sujets comme le Proche et le Moyen-Orient.
Notre action commune en faveur du recouvrement par le Liban de sa pleine souveraineté témoigne de cette capacité à travailler ensemble dans le respect de nos positions mutuelles, mais avec le souci de faire avancer l'objectif de stabilité dans cette région du monde particulièrement troublée.
Oui, je crois qu'il y a un rapprochement des positions sur le Moyen-Orient et, d'ailleurs, le discours de Condoleezza Rice sur le respect des cultures et des civilisations, prononcé à l'Université du Caire il y a maintenant un mois et demi, va dans ce sens.
Q - Monsieur le Ministre, on va commémorer dimanche le 4ème anniversaire des attentats du 11 septembre. Il y a deux mois, le Royaume-Uni était frappé à son tour par des attentats-suicides. Est-ce que la France, du fait de sa non-participation à la guerre en Irak, de ses efforts en faveur du processus de paix au Proche-Orient, est à l'abri du terrorisme ?
R - Personne n'est à l'abri du terrorisme. Et la France prend sa quote-part dans son action anti-terroriste. J'ai lu récemment début juillet un grand article à la Une du Washington Post disant que la France était un des pays au monde, même le deuxième avec les Etats-Unis, les plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme. Le terrorisme, c'est l'inhumanité, la terreur, l'horreur, c'est la lâcheté surtout. Donc, nous devons évidemment nous battre contre les terroristes. Personne n'est à l'abri. Ce pays, en 1995 notamment, a été l'objet d'attentats terroristes. Il est donc important, au contraire, de tout faire pour le respect des cultures, des civilisations, des religions. Aucun Dieu, aucune religion ne peut soutenir la lâcheté.
(...)
Q - (A propos de la réaction des autorités américaines face au cyclone Katrina)
R - Bien entendu il ne m'appartient pas de formuler un quelconque jugement sur le fonctionnement des services américains. Ce que je veux c'est exprimer au peuple américain et au gouvernement des Etats-Unis la peine profonde du peuple français ainsi que notre totale solidarité face à cette immense tragédie qui a frappé de surcroît la Louisiane, qui nous est proche, à plus d'un titre. Sachez que dès le 1er septembre nous avons fait une offre d'assistance aux autorités américaines. Un airbus Beluga ainsi que deux avions Casa ont déjà été dépêchés aux Etats-Unis. Les deux Casa sont partis de Martinique et le Beluga de Toulouse puis de Paris. Ces avions apportent des tentes, des jerricanes, des kits de cuisine, des bâches, des rations alimentaires, tout ce dont ces personnes qui ont malheureusement tout perdu, ont besoin. La Croix-Rouge française a dépêché 17 logisticiens à la demande de la Croix-Rouge américaine, afin de venir en aide aux victimes francophones, et d'autres demandes des américains nous parviennent et nous allons bien sûr y donner suite.
(...)
Q - Pour terminer Monsieur le Ministre, vous aussi vous venez de célébrer vos cent jours, vos cent jours à la tête de la diplomatie française. Votre arrivée avait été considérée comme une surprise par certains, quel bilan tirez-vous de ces trois mois à la tête du Quai d'Orsay ?
R - Etre au Quai d'Orsay c'est être à la tête d'une administration remarquable qui travaille, qui a un sens du patrimoine, de ce que représente la diplomatie française et une vision, derrière un chef de l'Etat qui donne le tempo. Etre au Quai d'Orsay c'est vouloir, petit à petit, comprendre la mondialisation. Regardez ce qui se passe aujourd'hui. Je pars à New York mardi pour le Sommet de l'ONU. Est-ce que prévaut le multilatéralisme ou l'unilatéralisme ? Nous, nous sommes pour le multilatéralisme. Le Quai d'Orsay, la diplomatie française, l'une des trois plus grandes diplomaties du monde, va se battre pour le multilatéralisme.
Et puis en même temps il y a l'avènement de pôles régionaux nouveaux. C'est l'Inde, la Chine, tout le monde en parle, mais ceux dont on parle moins c'est le Brésil, l'Afrique du Sud, le Nigeria, c'est important. Comment la France peut se positionner par rapport à ces nouvelles régions ? Et puis ce sont les valeurs, les valeurs éternelles, universelles de la France qu'il faut faire partager. Et donc oui, c'est une grande responsabilité et c'est en même temps un honneur de servir son pays à ce poste.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 septembre 2005)
R - Rarement aurons-nous vécu un tel paradoxe : d'une part, il y a un processus politique de paix qui avance, avec le retrait d'Israël de la bande de Gaza, avec une Feuille de route dont les objectifs, c'est vrai, ne sont pas totalement atteints aujourd'hui mais dont pourtant la première partie a été réalisée et, en même temps, on trouve à Gaza une violence exacerbée, avec un Etat de droit qui n'est pas respecté.
Aujourd'hui, je crois que l'on peut être optimiste, puisqu'il y a une confiance réciproque entre le gouvernement israélien d'Ariel Sharon et le président Mahmoud Abbas mais, en même temps, on voit bien qu'à Gaza la violence continue.
Q - Malgré tout, ne faut-il pas tempérer cet optimisme ? Vous faisiez allusion au chaos qui règne à Gaza, aux combats inter-Palestiniens, avec un Ariel Sharon qui a déclaré à tout le monde que Gaza était un peu "un solde de tout compte" concernant le retrait, cela voudrait dire qu'il n'y aura peut-être pas d'autres étapes importantes pour la Feuille de route. Mahmoud Abbas ne risque-t-il pas, très vite, d'être dépassé par les événements, voire emporté par le Hamas et le Jihad qui vont vouloir prendre le devant de la scène politique à Gaza ?
R - Il y a en effet, une course contre la montre qui s'opère là-bas aujourd'hui. Si vous me le permettez, il y a deux choses :
D'abord, sur le plan général, on a toujours dit qu'il fallait agir sur un plan global avec un plan venu du haut ; on a perdu beaucoup de temps, en définitif, on ne l'aura pas. La politique des petits pas et des étapes successives, sachant que l'on ne peut commencer la deuxième étape que lorsque la première est réalisée, montre pragmatisme et bon sens.
Cette première étape, c'est Gaza, mais l'évacuation des colons de Gaza, ce n'est pas la première étape, c'est le début de la première étape. Réussir Gaza, c'est quoi ? C'est, en effet, l'évacuation des colons, l'évacuation de l'armée qui aura lieu lundi et mardi ; ensuite, c'est l'arrivée des Palestiniens et surtout, la viabilité économique.
Comment peut-on penser que 50 à 60 % des jeunes Palestiniens à Gaza, l'une des régions les plus denses du monde en terme d'habitants, puissent être au chômage ! Il faut avoir un parcours personnel, il faut avoir un espoir personnel basé sur le travail pour pouvoir espérer dans la vie. Nous avons là un travail, pour l'Union européenne et la France en particulier, mais aussi c'est de la responsabilité israélienne de faire en sorte que Gaza ne soit pas une prison à ciel ouvert mais un endroit ouvert. C'est là où l'Union européenne a fait des propositions, j'ai personnellement fait des propositions à Mahmoud Abbas et Ariel Sharon sur la question des frontières pour pouvoir faire en sorte que Gaza soit ouvert sur le monde extérieur.
Pour ce qui est de l'installation portuaire, un fonctionnaire du ministère des Transports m'a accompagné, grâce au ministre, Dominique Perben, pour dire : "la France et l'Union européenne sont prêtes à vous aider pour construire ce port". Est-ce que ce sera un port transitoire, avec des barges ? Est-ce que ce sera un port à 2 ou 3 km en eau profonde ? Je ne le sais pas. Nous devons avoir un projet, des micros-projets économiques, avec des ONG, qu'elles soient françaises, européennes ou palestiniennes ; bref, donner du sang neuf économique, un projet économique à Gaza.
Q - Vous vous êtes entretenu hier avec le Premier ministre, Ariel Sharon. Quelle est votre impression ? Avez-vous un début de réponse à la question que tout le monde se pose maintenant, c'est-à-dire est-ce que le retrait de Gaza a été fait pour mieux consolider l'emprise israélienne sur la Cisjordanie ? Ou est-ce que M. Sharon serait prêt à accepter un Etat palestinien viable, y compris en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ?
R - C'est une question qu'il faut rapprocher de la précédente. Optimisme ou pas optimisme, c'est en effet le sujet.
Je voudrais d'abord saluer le courage de la démocratie israélienne et du Premier ministre israélien d'avoir déjà fait un pas ; vous me dites que c'est un pas unilatéral au moment où 8.500 colons partent de Gaza, d'autres arrivent en Cisjordanie, peut-être encore plus nombreux, que faut-il faire ?
Q - Certains colons de Gaza sont allés se reloger en Cisjordanie.
R - La question, je crois, est la suivante, et je ne pense pas me tromper : le Premier ministre israélien dit : "Monsieur Douste-Blazy, moi, je ne continuerai pas plus loin tant qu'il n'y aura pas la sécurité pour Israël et cela passe par le désarmement des mouvements terroristes et l'arrêt du terrorisme." Je peux comprendre les Israéliens, comme les Français, les Allemands, les Espagnols ou les Américains qui ne veulent pas de terrorisme, je le comprends.
Comment fait-on pour demander à M. Mahmoud Abbas de désarmer les mouvements terroristes avec une police qui est moins armée, probablement, en tout cas moins professionnelle, moins coordonnée, moins commandée que les fameux mouvements terroristes ? C'est cela la question. Alors, là, il peut y avoir une différence d'appréciation, certains Israéliens pensant que Mahmoud Abbas a le pouvoir, s'il le veut, de le faire, et d'autres - et je suis quand même tenté de me situer plutôt de leur côté - tentés de dire que tant qu'il n'y aura pas une police palestinienne professionnelle, bien payée, organisée, commandée, ordonnée et entraînée, nous n'y arriverons pas.
Q - Que vous a répondu Ariel Sharon sur cette question de l'armement des Palestiniens ?
R - C'est une question que nous devons nous poser. J'ai senti qu'il y avait une confiance réciproque entre Mahmoud Abbas et Ariel Sharon, il y a longtemps qu'une telle confiance n'avait pas existé des deux parties de cet endroit du monde. Cette confiance est basée, d'un côté, sur un retrait des colonies des territoires occupés et, de l'autre, sur la mise en place de la sécurité, de l'établissement d'un Etat de droit.
Lorsque j'étais à Gaza, il y a deux jours et demi, à 4h30 du matin, dans le quartier de l'hôtel dans lequel je me trouvais, Moussa Arafat s'est fait assassiner et 150 personnes sont arrivées, j'ai envie de dire, aux yeux de tout le monde, pour montrer que l'Etat de droit n'est pas respecté. Là je crois que c'est une responsabilité majeure de l'Autorité palestinienne.
Nous devons les aider et c'est la raison pour laquelle l'Union européenne et la France proposent de former des policiers, de former des cadres mais, à côté de la police, de former aussi des juges et des contrôleurs administratifs financiers pour lutter contre la corruption. Il ne peut pas y avoir d'Etat s'il n'y a pas une police qui fait respecter l'Etat de droit, mais il ne peut pas y avoir d'Etat s'il n'y a pas une justice qui envoie en prison les criminels et les terroristes, ce n'est pas possible. La question est de savoir comment est-ce que l'on fait.
J'aimerais prochainement en parler à mes collègues européens car je crois que les fonds que l'Union européenne consacre sont tout à fait utiles sur le plan économique et doivent l'être aussi pour que l'Autorité palestinienne ait un Etat. Car, sinon, cela ne fonctionnera pas. C'est notre responsabilité politique commune et je dirais que les Américains et les Israéliens sont tous aussi intéressés que nous à cela.
Q - Vous avez dit que vous ne souhaitiez pas que Gaza devienne une prison à ciel ouvert. Que peut faire la France plus qu'avant, maintenant que la France a une politique plus offensive au Proche-Orient qu'elle ne l'avait auparavant ? Et, deuxièmement, concernant la question des douaniers qui est très importante parce que cela permet un embryon d'Etat en effet, quelles ont été les réponses à vos propositions des Palestiniens que j'imagine positives mais surtout des Israéliens ?
R - J'ai trouvé qu'il y avait une écoute particulièrement positive, de Shimon Pérès d'abord qui a été très positif concernant notre proposition. Mais Ariel Sharon et Sylvan Shalom, mon homologue israélien, ont en effet dit qu'ils étudieraient cela. L'Union européenne propose d'être tierce partie.
Du côté des Palestiniens, les mesures sont, je crois, acceptées avec un esprit très positif.
Q - Pensez-vous que cela va se réaliser ?
R - J'ai entrevu une position assez positive sur ces propositions, que je ne suis pas seul à faire d'ailleurs, que M. Solana et M. Moratinos, qui étaient dans la région également, ont fait.
Il y a un second sujet qui est important pour répondre à votre question : un jeune de 22 ans qui est palestinien, s'il ne peut pas entrer en Israël, où va-t-il travailler ? A Gaza, mais il faut un plan sur le bâtiment, les travaux publics, sur la mise en place de l'administration, un plan sur des micros-projets économiques, mais le temps que tout cela arrive, il faut aussi avoir des liens économiques, de commerce, de travail tout simplement entre les uns et les autres et c'est là où se pose le problème de la sécurité. Les Israéliens disent qu'ils veulent bien qu'ils rentrent, à condition que ce soit fait en toute sécurité. On retombe sur la question de l'Etat de droit.
Sur la première question que vous avez posée, je crois que le rôle de la France, d'abord au sein de l'Union européenne, est important. Je voudrais prendre un exemple : nous avons décidé de payer 37 % de la nouvelle station d'épuration des eaux usées à Gaza. C'est un projet de l'Union européenne. Nous allons également nous mettre sur les rangs pour l'installation portuaire, nous avons pris, la France est venue à l'hôpital Shifa pour parler de l'accès aux soins, car vous n'aurez pas non plus un Etat de droit s'il n'y a pas un accès aux soins et un plan de santé mentale, en particulier un service de psychiatrie en pédiatrie parce qu'il y a des enfants, de part et d'autre de la frontière, qui sont touchés par le terrorisme dès l'âge de 5 ou 6 ans, avec des ravages pour une vie entière.
Nous avons là la possibilité de dire : Gaza a été évacuée, merci, c'est le courage des Israéliens qui l'a permis, maintenant, rendons viable cet endroit du monde.
Q - Votre visite officielle avait aussi pour but d'évoquer la relation franco-israélienne après le voyage effectué par Ariel Sharon cet été en France ; aujourd'hui, les malentendus et l'incompréhension qui avait caractérisé cette relation sont-ils derrière nous ? Quand le président Chirac pourra-t-il se rendre en Israël pour aller dans le ranch d'Ariel Sharon ?
R - Dans sa ferme, vous voulez dire. Je ne le sais pas, mais ce que je sais, c'est que les relations entre Israël et la France sont aujourd'hui excellentes. Le voyage d'Ariel Sharon a été salué par toute la population française, même par les médias français et par les responsables politiques. En même temps, nous avons aussi envie peut-être d'approfondir nos relations, non seulement sur le plan politique mais aussi sur le plan de la société civile.
J'ai eu par exemple une discussion très longue avec M. Pérès hier sur la révolution technologique que représentent les nanotechnologiques. Voilà un homme qui est un homme de l'avenir lorsqu'il parle des nanotechnologies. La société israélienne est très tournée vers la recherche fondamentale et surtout la recherche appliquée avec les transferts de technologie. Nous avons beaucoup à apprendre et je suis venu avec des chercheurs et des médecins chercheurs français pour parler ensemble de bio et de nanotechnologies. C'est à partir de projets concrets que le monde peut avancer, c'est ce que nous ferons avec eux.
C'est la Fondation franco-israélienne qui va être créée à partir des sociétés civiles.
Q - Brièvement, concernant la situation et le chaos qui prévaut à l'intérieur de la bande de Gaza, cela suscite beaucoup d'inquiétudes. Finalement, le Hamas, le Jihad, tous ces jeunes qui appartiennent à ces deux mouvements islamistes et qui veulent "leur part du gâteau", permettez-moi l'expression, ne vont-ils pas se trouver en position de rupture avec ce que j'appelle l'establishment du Fatah qui incarne, qu'on le veuille ou non, la corruption ? Vous me parlez de Moussa Arafat, parent de Yasser Arafat, même Yasser Arafat lui-même avait un trésor de guerre qui était à l'étranger, des millions de dollars placés à Londres, en Suisse. Qu'est devenu cet argent pour aider tous ces jeunes qui n'ont pas les moyens de vivre dans la décence, et les personnes âgées dont je ne parle même pas ?
R - Ne nous trompons pas ; si dans les élections locales récentes, il y a eu une poussée du Hamas, c'est bien parce qu'aujourd'hui, lorsqu'une veuve de 30 ans avec 2 enfants de 1 et 3 ans cherche une crèche pour ses deux enfants et un appartement social, c'est vrai qu'elle n'a pas face à elle un Etat ou un début d'Etat avec une administration efficace et solide, mais elle a, par contre, un mouvement pour lequel elle peut être amenée ensuite à voter. En effet, la question que vous posez est majeure et je crois que Mahmoud Abbas est l'homme de la situation.
Je pense qu'aujourd'hui l'embryon de justice mis en place grâce aux projets de coopération, de formation de cadres, de juges, de policiers, est de nature à combattre cela. Il ne peut pas y avoir de corruption s'il y a l'équivalent de la Cour des comptes ; or, un système administratif de contrôle du système financier public est en train d'être mis en place. Tout cela ne se fait pas en un instant, mais la question sous-tendue par la vôtre, c'est en effet celle des élections car n'oublions pas, que de part et d'autre, il y a des élections, israéliennes et palestiniennes. Ces élections palestiniennes en décembre et en janvier prochains sont des rendez-vous majeurs à l'occasion desquels le Hamas est amené à se présenter à ces élections.
Q - Israël dit à ce sujet que le Hamas étant un mouvement terroriste, il ne peut pas légitimement se présenter aux élections palestiniennes. Estimez-vous que ce mouvement doit se présenter ?
R - Je ne me permettrais pas de dire cela. Ce que je sais, c'est que la politique de la France est de respecter le choix des uns et des autres. Ce que je sais, c'est que la seule solution pour pouvoir diminuer les voix du Hamas, c'est que l'administration de l'Autorité palestinienne soit crédible.
Je fais de la politique moi-même, je suis un élu local et je sais ce qu'est un centre communal d'action sociale. Cela donne l'impression à ceux qui ont moins que les autres qu'il y a quand même des filets de sécurité. S'il n'y a pas de filets de sécurité, les gens vont les chercher ailleurs, et on sait bien où ils iront les chercher, ils iront chez les populistes et les extrémistes. Il est donc de notre devoir de nous impliquer, nous la communauté internationale, encore plus l'Union européenne et les valeurs qu'elle porte et, au sein de l'Union européenne, la France.
Q - Le Hamas est-il l'un des interlocuteurs de la France et de l'Union européenne ?
R - Le Hamas n'est pas notre interlocuteur.
Q - Mais, il y a des élus du Hamas actuellement ?
R - Il y a des élus du Hamas comme il y a des élus du Hezbollah. Aujourd'hui, nous avons plutôt intérêt, comme d'ailleurs les Américains ou les Israéliens, à aider l'Autorité palestinienne à devenir une autorité crédible et respectée justement pour faire face à une élection dans laquelle le Hamas se présente.
Q - On parlait à l'instant des divisions palestiniennes, mais il y a aussi les divisions israéliennes. M. Sharon vous a-t-il parlé des problèmes qu'il a face à Benyamin Netanyahou qui est l'un des "ténors" du Likoud et qui a mal digéré le retrait de Gaza. Cela ne posera-t-il pas des problèmes dans les mois qui viennent avec peut-être même des élections anticipées ?
R - Je crois d'abord que les processus électoraux israélien et palestinien ne doivent pas empêcher les responsables israéliens et palestiniens au plus haut niveau de continuer à se parler. Les élections ne sont pas toujours les meilleurs moments pour aller vers des positions modérées mais, en même temps, rien n'empêche des négociations ou de maintenir des liens, parce que c'est majeur pour l'avenir de notre planète.
Sur le plan intérieur israélien, vous savez mieux que moi où nous en sommes. On voit qu'il existe un camp de la paix qui est largement soutenu puisque le couple Sharon-Perès l'est aujourd'hui par 55 à 60 % de la population israélienne, après l'évacuation de Gaza. Reste que le système politique israélien est basé sur la proportionnelle intégrale et, donc, sur le régime des partis. C'est celui qui aura le plus de députés qui proposera le Premier ministre. La question est de savoir si, au sein du Likoud, c'est M. Netanyahou ou M. Sharon qui l'emportera. Je ne le sais pas. J'ai parlé évidemment avec eux de cela, ils sont aujourd'hui en plein processus de désignation des primaires, ils ne savent pas qui les militants choisiront. Peut-être y aura-t-il des restructurations, des recompositions de la vie politique israélienne.
Q - Il y a presque 60 ans que l'ONU a décidé de créer deux Etats, un Etat pour les Juifs et un Etat pour les Palestiniens arabes, tout ce que vous dites montre que les problèmes vont continuer, que rien n'est vraiment réglé et que l'on est toujours dans un processus. A votre avis, quand y aura-t-il un Etat palestinien et que peut faire la France pour faire vraiment avancer cette création ?
R - La France doit se battre sur trois points. La première étape doit être une étape de viabilité économique de Gaza, sans laquelle rien ne peut se faire. Deuxièmement, la France pense que la Cisjordanie et Gaza sont indissociables et, plus que jamais, nous rappelons notre souhait d'une mise en oeuvre de la Feuille de route.
Enfin et troisièmement, la communauté internationale et le Quartet sont aujourd'hui présents avec le plan de M. Wolfensohn sur la viabilité économique de Gaza ; mais au-delà, la Feuille de route, acceptée par toutes les parties, doit être respectée. Je comprends que l'on ne passe pas directement à la seconde étape, je peux le comprendre, mais je ne peux pas comprendre que l'on dise que ce sera impossible. Nous disons qu'il y a un pré-requis à la suite de la Feuille de route, comme le dit Ariel Sharon, c'est l'arrêt du terrorisme et le désarmement des mouvements terroristes. Je peux le comprendre, donnons donc les moyens à l'Autorité palestinienne de faire respecter l'Etat de droit.
Je suis de plus en plus convaincu que la solution, la seule solution est d'avoir deux Etats voisins qui se respectent. Voyez en France toutes les discussions que nous avons eues sur la sécurité, sur les criminels, sur la récidive, imaginez qu'en France, nous n'arrêtions pas les gens qui tuent ! Evidemment ce serait le chaos ! Il faut donc donner la possibilité, d'abord à un embryon d'Etat, un embryon et toute l'ambiguïté aujourd'hui de la communauté internationale, me semble-t-il, est de dire que oui, cela ne pourra se faire que si la sécurité de l'Autorité palestinienne est là, mais alors, donnons les moyens à l'Autorité palestinienne de le faire.
Je pense que nous pourrions nous mettre autour d'une table avec au moins l'Union européenne, en prenant à témoins les uns et les autres, en leur demandant si, oui ou non, ils veulent la sécurité et si oui, il faut permettre à Mahmoud Abbas de l'assurer.
La seconde question est : "Mahmoud Abbas, maintenant que vous avez cette possibilité de faire respecter l'Etat de droit, attention faite-le car sinon, cela veut dire que nous n'êtes pas vous-même sincère."
Q - A propos des informations qui sont parues dans la presse sur les causes du décès de Yasser Arafat, beaucoup de choses ont été dites, avez-vous des informations sur cette mystérieuse infection qui a été fatale au président palestinien ?
R - Je n'ai jamais eu de près ou de loin accès au dossier médical.
Q - Vous étiez le ministre de la Santé à l'époque.
R - Oui, mais, comme vous le savez, M. Arafat a été soigné dans un hôpital qui dépendait de l'Armée et pour tout vous dire, heureusement que le ministre de la Santé n'a pas accès, dans une démocratie comme la nôtre, à tous les dossiers médicaux, ce serait alors le début de la dictature ! Je n'y ai jamais eu accès, ce que je sais, c'est que la France a, comme son droit l'exige, proposé à la famille de M. Arafat de lui donner l'ensemble du dossier et évidemment, on ne lui a rien caché. C'est en toute transparence que ceci a été fait.
Q - Beaucoup de Palestiniens pensent qu'il a été empoisonné, est-ce une information que vous réfutez ?
R - Je ne connais pas le dossier médical, je vous prie de m'excuser, c'est plutôt le médecin qui va parler. Je prends l'habitude de connaître mes dossiers sur le plan diplomatique, mais sur un plan médical, cela fait 30 ans que je connais ce sujet, je n'ai jamais parlé d'un dossier médical que je connaissais à quelqu'un, encore moins à la radio. Vous comprendrez donc que je ne puisse pas en parler.
Q - Monsieur le ministre, c'est demain que M. Melhis, le chef de la commission d'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri se rend en Syrie pour poursuivre ses investigations, selon vous, est-ce le signe que la Syrie commence à coopérer à cette enquête ?
R - Vous savez que la France soutient la commission d'enquête internationale qui est mandatée par les Nations unies pour faire la lumière, toute la lumière sur les circonstances et les responsabilités de ce crime. Nous souhaitons que toutes les parties concernées coopèrent pleinement avec la commission d'enquête, comme l'a d'ailleurs demandé, à plusieurs reprises, le Conseil de sécurité. Nous avons pris note de la volonté syrienne de coopérer avec M. Melhis, nous nous réjouissons de la bonne collaboration entre la commission Melhis et les autorités judiciaires libanaises, il faut maintenant attendre le rapport final de M. Melhis et ce sera, je me permets de vous le rappeler, au Conseil de sécurité des Nations unies et à lui seul de l'examiner et d'en tirer les conclusions qui s'imposent, le moment venu.
Q - Quatre anciens hauts responsables de la sécurité libanaise ont été mis en cause dans cet assassinat, pensez-vous que le régime syrien était derrière cet assassinat qui a eu lieu le 14 février ?
R - M. Melhis a tenu une importante conférence de presse au cours de laquelle il a exprimé son souhait de se rendre à Damas pour les besoins de l'enquête. Les autorités syriennes l'ont finalement invité et le magistrat allemand devrait se rendre dans la capitale syrienne demain le 10 septembre.
Oui, quatre anciens responsables de la sécurité, dont un ancien député libanais, ont fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la part des autorités judiciaires libanaises dans le cadre de l'enquête menée par le juge Melhis. Ce sont des personnalités qui sont toujours en détention provisoire et je pense qu'il est important que M. Melhis fasse son travail, tout son travail où qu'il le souhaite.
Q - Monsieur le Ministre, qu'est-ce qui pourrait faire concrètement aujourd'hui que les rapports quelque peu haineux qui se sont instaurés entre le président syrien Bachar el-Assad et le président Chirac depuis l'assassinat de Rafic Hariri le 14 février dernier s'améliorent ? Qu'est-ce qui pourrait changer les rapports exécrables entre la France et la Syrie ?
R - Je rappelle d'abord que la France est mobilisée pour rétablir la souveraineté du Liban. Nous n'avons aucun objectif hostile vis-à-vis de la Syrie, nous pensons simplement comme toujours que la souveraineté nationale, la souveraineté territoriale d'un pays doit être respectée, nous l'avions dit pour l'Irak, nous le disons pour le Liban.
La France ne conteste pas les relations spécifiques qui lient le Liban et la Syrie, mais ces relations doivent être celles d'Etats indépendants et, comme je viens de le dire à l'instant, souverains.
Et enfin, permettez-moi un mot s'agissant des relations entre la Syrie et Israël, la France a toujours soutenu et continue d'encourager l'ouverture de négociations de paix entre Israël et ses voisins avec lesquels il n'a pas conclu de tels accords. Et donc nous souhaitons qu'une solution juste soit trouvée entre Israël et le Liban d'une part, entre Israël et la Syrie d'autre part, et permettre aux prochaines générations de ces pays de vivre en paix et dans la prospérité.
Q - Tout à l'heure, Monsieur le Ministre, vous avez évoqué la souveraineté du Liban. Lors de l'Assemblée générale de l'ONU qui va s'ouvrir à New York, on va bien sûr discuter du Liban. Est-ce que la France a la même position que les Etats-Unis en ce qui concerne la résolution 1559 qui prévoit le démantèlement des milices armées libanaises et non-libanaises ?
R - M. Terje Roed-Larsen, l'envoyé spécial des Nations unies pour la résolution 1559, va remettre un rapport en octobre sur l'application de cette résolution. Je voudrais dire que l'envoyé spécial des Nations unies bénéficie de toute notre confiance. Et nous serons très attentifs au contenu de ce rapport. Il s'agira en effet de poursuivre dans la voie de la reconstruction politique et économique du Liban pour conforter l'unité, la souveraineté et la stabilité retrouvées de ce pays. Je me permets de dire qu'il est important plus que jamais de donner à M. Fouad Siniora, le nouveau Premier ministre libanais, le temps nécessaire pour qu'il mette en oeuvre ses réformes, en particulier sur le plan économique. C'est majeur pour que la communauté internationale vienne ensuite aider le Liban.
Q - Je reviens une seconde au Hezbollah. Est-ce que le Hezbollah doit être désarmé ?
R - Le désarmement des milices est l'objectif de la résolution 1559. Cela doit être mené dans le cadre d'un processus d'intégration politique et doit résulter d'un accord entre les Libanais. Pour cela, nous devons aider l'Etat libanais à renforcer ses institutions, et donc notre priorité est aujourd'hui d'aider le gouvernement libanais à répondre aux défis qui lui sont posés, à favoriser la modernisation et le renforcement des institutions libanaises elles-mêmes.
Q - Monsieur le Ministre, Christian Mallard disait que les relations avec la Syrie ne sont pas bonnes, c'est un euphémisme. Elles ne sont pas non plus excellentes actuellement avec l'Iran puisque la France, avec l'Allemagne et le Royaume-Uni mènent une négociation avec Téhéran sur la question de l'enrichissement de l'uranium, et l'Iran a refusé la récente décision de l'AIEA. Comment voyez-vous un déblocage de cette situation ?
R - Nous examinons le rapport que M. El Baradeï vient de remettre. Ce rapport montre que l'Iran n'a pas répondu aux demandes insistantes du Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale pour l'Energie atomique - je vous rappelle que le Conseil des gouverneurs s'est réuni le 11 août et a souhaité que l'Iran revienne à la pleine suspension de ses activités nucléaires sensibles. Et donc l'Iran ne s'est pas mis en conformité avec les résolutions de l'Agence.
Je voudrais ajouter que ce rapport rappelle également les nombreuses violations par l'Iran de son accord de garantie et la politique de dissimulation suivie par Téhéran. Donc, deux ans et demi après le début de ces inspections approfondies, je dirais que l'Agence n'est pas toujours en mesure de clarifier plusieurs questions importantes et préoccupantes.
Alors, vous savez que le prochain Conseil des gouverneurs est le 19 septembre, il va examiner les implications de ce rapport, il va lui-même déterminer les suites à lui donner. Et ce rapport ne fait que renforcer la nécessité pour l'Iran de revenir au cadre tracé par l'Accord de Paris, de remettre en place les mesures de confiance indispensables demandées par la communauté internationale.
Q - Monsieur le Ministre, à propos de l'Iran, pensez-vous que ce dossier doit être transmis au Conseil de sécurité de l'ONU et pensez-vous que des sanctions doivent être imposées à l'Iran ?
R - Les Européens ont toujours dit qu'en cas de rupture par l'Iran de l'Accord de Paris, dans le cas du non-respect des résolutions de l'Agence internationale pour l'Energie atomique, qu'ils n'auraient d'autre choix que de transmettre le dossier au Conseil de sécurité.
Q - Mais on y est maintenant ?
R - Ce n'est pas notre chemin préféré, et nous appelons l'Iran à prendre les mesures nécessaires au retour de la confiance et à revenir ainsi au cadre défini à Paris. Autrement dit, si l'Iran ne revient pas sur ses décisions, voilà ce que nous souhaitons, mais la main reste tendue ; nous avons fait des propositions économiques, technologiques, en termes de garantie de sécurité, en termes de nucléaire civil, qui nous paraissent non seulement généreuses mais ambitieuses, de manière importante à l'Iran, pour écrire une nouvelle page des relations entre l'Union européenne, et au-delà de la communauté internationale avec l'Iran qui est un grand pays, avec un grand peuple, une grande jeunesse, de grandes universités ; l'Iran est un pays qui compte. Et, donc, nous souhaitons que l'Iran choisisse ces propositions-là, je pense qu'il est toujours temps.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce qu'on peut réellement négocier avec un pays qui vient d'entrer dans sa deuxième phase de la révolution islamique khomeyniste avec un des fils spirituel de Khomeyni, M. Mahmoud Ahmadinejad, un pays qui soutient le terrorisme et qui soutient des mouvements islamistes comme le Hamas, le Jihad et le Hezbollah qui ne veulent pas de la paix avec Israël et qui sont en guerre quelque part contre l'Occident ?
R - La question qui est posée est de savoir si, avant de tout arrêter, de monter d'un cran, est-ce que notre mission n'est pas au contraire de tout faire pour intégrer l'Iran par exemple à l'OMC, de tout faire pour que la population iranienne se rende compte de tout l'intérêt qu'elle a, en termes de pouvoir d'achat, en termes économiques, en termes de liberté, en négociant, en termes de commerce, avec nous. C'est cela qui nous paraît important.
Il est de notre devoir jusqu'au dernier moment, ou alors on n'aurait pas besoin d'un ministre des Affaires étrangères, de tout faire pour faire comprendre l'intérêt mutuel des deux parties, de ne pas justement être unilatéral dans des discussions non négociables.
(...)
Q - J'aimerais qu'on parle de l'Egypte, Monsieur le Ministre. L'Egypte vient de vivre sa première élection présidentielle multipartite. Le président Moubarak semble assuré d'être réélu, des cas de fraude ont été constatés. Comment la France accueille-t-elle cette première élection multipartite ?
R - Nous saluons la tenue de la première élection présidentielle pluraliste dans l'histoire de l'Egypte. Pour nous, c'est un élément évidemment important, comme pour toute la communauté internationale. C'est d'ailleurs une première étape significative pour l'Egypte.
Alors, la supervision par les juges égyptiens de ces élections est un élément important de leur déroulement et nous attendons la proclamation des résultats.
Q - Monsieur le Ministre, en Irak, la France a commencé à former des policiers et gendarmes irakiens. Est-ce que cette implication en Irak, alors que jusqu'à présent la France avait toujours fait attention à rester très distante des opérations militaires en Irak, est-ce que ce début d'implication signifie que la France est en train de modifier sa politique ?
R - La France se tient aux côtés des Irakiens. La France n'a cessé d'uvrer pour qu'ils disposent d'un horizon clair, encore une fois d'une pleine souveraineté y compris dans les domaines sécuritaire et militaire, conformément aux dispositions de la résolution 1546. Et pour nous, il faut permettre le plus rapidement possible aux Irakiens d'assumer pleinement la maîtrise de leur destin.
La France est prête à prendre toute sa part dans la reconstruction du pays ; des projets de coopération, notamment dans le domaine de la formation, ont été engagés ou sont en prévision à titre bilatéral ou avec nos partenaires européens. La France a exclu pour sa part l'envoi des forces militaires sur le terrain. Dès que la situation sécuritaire le permettra, nos entreprises sont prêtes à retourner en Irak pour participer à la mise en oeuvre du potentiel économique de pays.
Q - Vous parliez de la situation sécuritaire en Irak, Monsieur le Ministre, mais vous voyez qu'elle est catastrophique et vous avez vu cette terrible bousculade meurtrière, la semaine dernière ; tous les jours des soldats américains perdent la vie, il y a des combats, il y a des attentats. Qu'est-ce que la France peut penser de ce projet de Constitution qui, pour beaucoup d'analystes, consacre de fait une partition ou peut préfigurer une partition de l'Irak qui est voulue par un certain nombre de dirigeants actuels du pays ?
R - Je groupe vos deux questions, parce qu'en effet, là aussi, on a vécu un paradoxe pendant un mois où, d'un côté, on voyait un projet constitutionnel avancer, soumis au Parlement irakien en se disant "Voilà, cela va mieux", et puis, de l'autre, on voyait une communautarisation, une insécurité, des atrocités, du terrorisme et des attentats se perpétrer.
Alors, deux choses. D'abord, je dirais que la logique sécuritaire en Irak ne peut à elle seule ramener la paix. Encore une fois, la France plaide pour que la logique sécuritaire s'inscrive dans une approche politique, avec pour objectif d'isoler les groupes extrémistes, partisans de la violence. Aussi est-il fondamental que le processus politique soit le plus large et inclusif possible.
La perspective d'un retrait des forces étrangères, dont la présence suscite l'hostilité d'une partie de l'opinion irakienne, est un élément susceptible d'y contribuer. La France ne demande pas le départ immédiat de la force multinationale ; cette force est déployée en Irak conformément à la résolution 1546, mais son mandat expire avec la fin du processus politique, en principe à la fin de l'année, et il appartiendra alors aux autorités irakiennes de dire ce qu'elles souhaitent. Mais les pays voisins ont aussi une responsabilité essentielle pour garantir la stabilité de la région et ils doivent continuer à jouer collectivement un rôle constructif dans ce domaine.
Pour la Constitution maintenant. Vous savez, la rédaction d'un projet de Constitution, c'est toujours une étape supplémentaire attendue de la transition politique en Irak. Pour nous, encore une fois, il appartient naturellement aux Irakiens de décider de l'organisation institutionnelle de leur Etat, le référendum est prévu pour le 15 octobre, ils vont avoir l'occasion de s'exprimer.
Nous appelons les autorités irakiennes à intensifier leurs efforts pour promouvoir un véritable dialogue national afin de créer, autour de ce texte et dans toutes les composantes de la société irakienne, les bases d'un consensus sur l'avenir de leur pays. Alors, je sais qu'il y a la question du fédéralisme d'un côté, celle des ressources pétrolières qu'il faut partager de l'autre maintenant que le problème du statut de l'islam dans la Constitution est réglé.
Q - Dans ce Moyen-Orient instable, Monsieur le Ministre, est-ce qu'on peut parler aujourd'hui d'un rapprochement franco-américain ou d'un alignement de la position française sur celle des Etats-Unis concernant l'Iran, le Liban et la Syrie ?
R - Je crois qu'il est exact que l'affaire irakienne et ses suites ont relevé de profondes divergences d'appréciation non seulement entre les Etats mais plus encore entre les opinions publiques sur la manière dont devaient être conduites les relations internationales, mais, en même temps, on voit qu'il y a une amélioration des relations transatlantiques et, en particulier, dans les sujets comme le Proche et le Moyen-Orient.
Notre action commune en faveur du recouvrement par le Liban de sa pleine souveraineté témoigne de cette capacité à travailler ensemble dans le respect de nos positions mutuelles, mais avec le souci de faire avancer l'objectif de stabilité dans cette région du monde particulièrement troublée.
Oui, je crois qu'il y a un rapprochement des positions sur le Moyen-Orient et, d'ailleurs, le discours de Condoleezza Rice sur le respect des cultures et des civilisations, prononcé à l'Université du Caire il y a maintenant un mois et demi, va dans ce sens.
Q - Monsieur le Ministre, on va commémorer dimanche le 4ème anniversaire des attentats du 11 septembre. Il y a deux mois, le Royaume-Uni était frappé à son tour par des attentats-suicides. Est-ce que la France, du fait de sa non-participation à la guerre en Irak, de ses efforts en faveur du processus de paix au Proche-Orient, est à l'abri du terrorisme ?
R - Personne n'est à l'abri du terrorisme. Et la France prend sa quote-part dans son action anti-terroriste. J'ai lu récemment début juillet un grand article à la Une du Washington Post disant que la France était un des pays au monde, même le deuxième avec les Etats-Unis, les plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme. Le terrorisme, c'est l'inhumanité, la terreur, l'horreur, c'est la lâcheté surtout. Donc, nous devons évidemment nous battre contre les terroristes. Personne n'est à l'abri. Ce pays, en 1995 notamment, a été l'objet d'attentats terroristes. Il est donc important, au contraire, de tout faire pour le respect des cultures, des civilisations, des religions. Aucun Dieu, aucune religion ne peut soutenir la lâcheté.
(...)
Q - (A propos de la réaction des autorités américaines face au cyclone Katrina)
R - Bien entendu il ne m'appartient pas de formuler un quelconque jugement sur le fonctionnement des services américains. Ce que je veux c'est exprimer au peuple américain et au gouvernement des Etats-Unis la peine profonde du peuple français ainsi que notre totale solidarité face à cette immense tragédie qui a frappé de surcroît la Louisiane, qui nous est proche, à plus d'un titre. Sachez que dès le 1er septembre nous avons fait une offre d'assistance aux autorités américaines. Un airbus Beluga ainsi que deux avions Casa ont déjà été dépêchés aux Etats-Unis. Les deux Casa sont partis de Martinique et le Beluga de Toulouse puis de Paris. Ces avions apportent des tentes, des jerricanes, des kits de cuisine, des bâches, des rations alimentaires, tout ce dont ces personnes qui ont malheureusement tout perdu, ont besoin. La Croix-Rouge française a dépêché 17 logisticiens à la demande de la Croix-Rouge américaine, afin de venir en aide aux victimes francophones, et d'autres demandes des américains nous parviennent et nous allons bien sûr y donner suite.
(...)
Q - Pour terminer Monsieur le Ministre, vous aussi vous venez de célébrer vos cent jours, vos cent jours à la tête de la diplomatie française. Votre arrivée avait été considérée comme une surprise par certains, quel bilan tirez-vous de ces trois mois à la tête du Quai d'Orsay ?
R - Etre au Quai d'Orsay c'est être à la tête d'une administration remarquable qui travaille, qui a un sens du patrimoine, de ce que représente la diplomatie française et une vision, derrière un chef de l'Etat qui donne le tempo. Etre au Quai d'Orsay c'est vouloir, petit à petit, comprendre la mondialisation. Regardez ce qui se passe aujourd'hui. Je pars à New York mardi pour le Sommet de l'ONU. Est-ce que prévaut le multilatéralisme ou l'unilatéralisme ? Nous, nous sommes pour le multilatéralisme. Le Quai d'Orsay, la diplomatie française, l'une des trois plus grandes diplomaties du monde, va se battre pour le multilatéralisme.
Et puis en même temps il y a l'avènement de pôles régionaux nouveaux. C'est l'Inde, la Chine, tout le monde en parle, mais ceux dont on parle moins c'est le Brésil, l'Afrique du Sud, le Nigeria, c'est important. Comment la France peut se positionner par rapport à ces nouvelles régions ? Et puis ce sont les valeurs, les valeurs éternelles, universelles de la France qu'il faut faire partager. Et donc oui, c'est une grande responsabilité et c'est en même temps un honneur de servir son pays à ce poste.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 septembre 2005)