Texte intégral
6 mai 2005
Au référendum, c'est "non" et la lutte pour imposer nos revendications
Au moment où sont rendues publiques les rémunérations des dirigeants de grandes entreprises, a été également rendue publique une étude sur l'évolution des salaires au cours des cinquante dernières années.
Pour les grands patrons, tout va bien. 9% d'augmentation au cours de l'année écoulée sur des salaires dont la moyenne est de 200000 euros par mois. Mais il est vrai que la progression confortable de ces rémunérations de PDG, qui correspondent à 100 ou à 150 salaires d'ouvriers payés au smic, est encore modérée par rapport à la progression des revenus des gros actionnaires pour lesquels travaillent ces PDG.
Pour ce qui est des salaires, le constat est que le pouvoir d'achat des salaires ouvriers n'a cessé de reculer tout au long des années 1980, puis de nouveau au cours des trois dernières années, pour retomber au niveau de 1950. Étant donné l'importance du chômage, cela signifie que le pouvoir d'achat d'une famille ouvrière qui compte un chômeur est même inférieur à celui de 1950.
Voilà le résultat d'un demi-siècle où tout a progressé, surtout les revenus des plus riches, mais où les conditions de vie des travailleurs ont régressé.
Mais comment en serait-il autrement lorsque les progrès de la productivité sont accaparés par les seuls possesseurs de capitaux et leurs larbins, alors que les sacrifices ne sont imposés qu'aux travailleurs?
Comme pour ce lundi de Pentecôte dont on essaie de nous faire croire qu'il s'agit d'une journée de solidarité! Mais c'est aux seuls salariés qu'on demande de travailler gratuitement un jour alors que la moitié de la population n'est pas concernée: ni les commerçants, ni les médecins, les avocats ou autres professions libérales, et surtout pas ceux qui vivent des revenus des capitaux.
Voilà deux illustrations de cette "Europe sociale" dont les partisans du "oui" au référendum nous rebattent les oreilles.
Ils veulent nous faire cautionner leur Constitution. Mais, dans cette Constitution, il n'y a rien, absolument rien pour les travailleurs, rien pour les protéger contre les licenciements, contre ces patrons voyous qui osent proposer à leurs ouvriers des reconversions en Roumanie ou à l'île Maurice pour 100 ou 110 euros de salaire mensuel!
Il n'y a pas la moindre allusion à un salaire minimum européen aligné sur le pays où il est le plus élevé. Rien sur les protections sociales, pas de limitation de l'âge de la retraite, de la durée du travail empêchant d'être usés avant l'âge.
La Constitution ne représente aucun progrès, pas même sur les quelques questions sociales qui ne touchent pas directement aux intérêts du grand patronat.
Elle ne donne même pas aux femmes qui vivent dans des pays où le divorce ou l'interruption volontaire de grossesse sont encore interdits un point d'appui pour combattre les législations réactionnaires.
Et, dans les relations entre États, cette Constitution conforte juridiquement la domination des groupes capitalistes des grands pays d'Europe occidentale sur les autres membres de l'Union, notamment de la partie pauvre de l'Europe.
Depuis cinquante ans que les hommes politiques construisent l'Europe, leur but est de créer un marché à l'échelle du continent, où les capitaux et les marchandises puissent se déplacer librement pour répondre à l'expansion des plus grandes entreprises. Pour favoriser le commerce et les profits, il y a dans la Constitution des mesures concrètes. Pour les êtres humains et leurs droits, il n'y a que des mots creux.
Rares ont été les occasions où les promoteurs de cette Europe de patrons et de marchands ont demandé leur avis aux populations. Eh bien, puisque cette fois ils le demandent, il faut leur dire "non". En sachant cependant que, même si le "non" l'emporte, restent à imposer l'arrêt des attaques contre les travailleurs, l'augmentation générale de tous les salaires, la fin du chômage et de la précarité, l'interdiction des licenciements collectifs. Mais cela ne sortira pas des urnes et ne pourra être imposé que par la détermination du monde du travail.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 10 mai 2005)
13 mai 2005
"Non" a une Constitution qui n'apporte rien aux peuples !
Les 8 et 9 mai, des cérémonies se sont succédé pour commémorer le soixantième anniversaire de la défaite de l'Allemagne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Chirac y est allé de la gerbe traditionnelle et les grands de ce monde se sont retrouvés à Moscou pour une cérémonie collective.
La Deuxième Guerre mondiale a été une immense boucherie: 50 millions de tués, dont la moitié pour la seule Union soviétique. Mais lorsqu'on voit les chefs des puissances impérialistes d'aujourd'hui commémorer ce qui fut une catastrophe pour les peuples, on ne peut ressentir que du dégoût, tant est immense la responsabilité de leurs prédécesseurs, et surtout celle des grands groupes capitalistes qu'ils servent et dont la rivalité a entraîné successivement la Première, puis la Seconde Guerre mondiale. Et ces groupes, aussi bien les groupes allemands, les Thyssen, Krupp, IG-Farben, que les groupes concurrents britanniques, américains, français, sont toujours là, sous les mêmes noms ou sous d'autres. Ils prospèrent toujours de l'exploitation de leurs travailleurs et du pillage de la planète.
Bien sûr, c'est le régime nazi au pouvoir en Allemagne qui a déclenché la guerre. Ce régime infâme est arrivé au pouvoir par l'écrasement de la classe ouvrière allemande, applaudi pour cela par toutes les bourgeoisies d'Europe, y compris en France et en Grande-Bretagne, avant que la machine de guerre allemande menace leurs intérêts.
Mais réduire la Deuxième Guerre mondiale à une guerre entre nazisme et démocratie est un mensonge destiné à dégager la responsabilité des groupes capitalistes.
Côté Allemagne, c'était une dictature hideuse. Mais était-ce la liberté de l'autre côté? Le 8 mai 1945, alors qu'on prétendait fêter la liberté revenue, il a suffi, en Algérie sous domination coloniale française, que des manifestants revendiquent l'indépendance pour que l'armée française et les milices de colons européens déclenchent une répression féroce à Sétif: 15000 morts sûrement, 45000 peut-être. Une répression assumée par un gouvernement comprenant tout l'éventail des grands partis politiques, des gaullistes au Parti Communiste. Il n'était pas question à l'époque, pour la bourgeoisie impérialiste française, de se passer de ses colonies, pas plus qu'il n'en était question pour la bourgeoisie britannique. Ce sont leurs empires coloniaux qui leur permettaient d'échapper à l'étroitesse de leurs marchés nationaux et de contrer l'impérialisme allemand, particulièrement agressif car dépourvu de colonies. La démocratie en France et en Grande-Bretagne reposait sur l'esclavage de leurs empires coloniaux respectifs.
Contrainte de "décoloniser", la France a dû s'entendre avec l'Allemagne pour créer ce "Marché commun" qui, rejoint par la Grande-Bretagne, est devenu, au fil des marchandages, "l'Union européenne".
Cette entente forcée entre impérialismes rivaux est-elle pour autant le règne de la paix? Même pas. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il n'y a jamais eu un moment sur la planète sans une guerre quelque part, y compris en Europe. Que l'on se souvienne de la guerre fratricide qui a déchiré l'ex-Yougoslavie avec, derrière elle, un sourd conflit d'intérêts entre la France et l'Allemagne, soutenant qui le camp serbe, qui le camp croate. Et de l'Afghanistan à l'Irak, il y a des troupes de pays européens aux côtés des troupes américaines.
Alors, lorsque les défenseurs du "oui" à la Constitution présentent celle-ci comme un instrument de paix, c'est un mensonge. Si elle prévoit une armée européenne pour le plus grand bonheur de nos marchands d'armes à la Dassault ou Lagardère, ce n'est pas pour faire la paix. La Constitution ne crée pas les conditions de relations fraternelles entre peuples, même à l'intérieur de l'Union. Elle ne fait que fixer les règles à l'avantage des puissances d'Europe occidentale, celles qui, alliées ou ennemies, ont toujours cherché à dominer le continent.
Cette Constitution qui, par ailleurs, n'apporte rien aux travailleurs, n'apporte rien non plus aux peuples.
La question qui sera posée au référendum ne mérite qu'une seule réponse: "non".
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 18 mai 2005)
20 mai 2005
Non à la Constitution, et non à la régression sociale
Ceux qui essaient de nous vendre le projet de Constitution européenne vantent ce qu'ils appellent l'Europe sociale. Jusques et y compris Chirac, Raffarin, Sarkozy, tous ces gens qui, depuis trois ans qu'ils sont au gouvernement, portent coup sur coup aux travailleurs. Mais depuis vingt ans, la prétendue Europe sociale de tous les gouvernements qui se sont succédé, c'est le chômage qui s'aggrave, les salaires qui stagnent, le pouvoir d'achat qui baisse, la précarité qui se généralise, la pauvreté qui s'étend.
En guise de progrès social, le monde du travail en est revenu au niveau de vie d'il y a cinquante ans. Ceux parmi les travailleurs qui ont entre 40 et 60 ans ont subi nombre de reculs. Et combien d'entre eux les ont subis brutalement, par suite d'un licenciement qui les a privés de travail pendant des mois et parfois pendant des années, pour retrouver ensuite un emploi précaire avec un salaire dérisoire? Tous les travailleurs, ceux des chaînes de production bien sûr, mais aussi ceux des bureaux, des hôpitaux ou des grands commerces, ont senti dans l'accélération du rythme de travail, les cadences de plus en plus dures, la morgue croissante de l'encadrement, le mépris des patrons. Et pour les jeunes travailleurs, ceux qui ont vingt ans, il apparaît presque normal de commencer sa vie professionnelle comme chômeur ou de galérer de petits boulots en petits boulots, avant de trouver une embauche - mais seulement comme intérimaire ou en CDD.
Ce n'est certes pas l'Europe qui en est responsable.
L'unification de l'Europe, la suppression des frontières sont en elles-mêmes d'excellentes choses. Mais ce qui nous est demandé le 29 mai, ce n'est pas de nous prononcer pour ou contre l'Europe. C'est d'approuver un projet de Constitution qui ne protège en rien les travailleurs de France et d'Europe, qui ne leur apporte aucun progrès et qui n'utilise le mot "social" que pour tenter de dissimuler le fait qu'elle ne vise qu'à organiser pour les capitalistes leur marché... et ses iniquités.
Les partisans du "oui" prétendent que c'est pour uvrer à la paix que les États de l'Europe occidentale se sont engagés dans ce qu'ils appellent la "construction européenne". Mais ce ne sont pas les bons sentiments qui ont motivé leur démarche. La rivalité entre les trois bourgeoisies les plus puissantes du continent, britannique, française et allemande, a dominé l'histoire depuis la moitié du XIXe siècle. Chacun de ces États a cherché pendant plusieurs décennies à occuper la place prépondérante en Europe. Leur rivalité a abouti à imposer aux peuples les deux guerres mondiales du siècle dernier. Faute d'arriver à se départager dans les guerres, ces puissances ont fini par s'entendre pour unifier les marchés nationaux morcelés et pour faire ouvrir les marchés d'Europe de l'Est à leurs capitaux et à leurs produits. Mais le fait que les capitaux britanniques, français, allemands se fassent "librement concurrence" pour dominer, exploiter et piller la partie pauvre de l'Europe ne rend cette domination meilleure ni pour les travailleurs des pays les plus industrialisés, ni pour ceux des pays les plus pauvres. Nous n'avons aucune raison d'approuver cela.
Les partis qui défendent le "oui" nous mentent, comme nous mentent ceux qui, au nom de la "souveraineté nationale", présentent aux travailleurs l'État, la législation sociale de leur pays, comme une protection. Les frontières, les barrières douanières n'ont jamais été faites pour protéger le monde du travail, mais pour protéger les capitalistes et leurs affaires.
La seule perspective qui vaille, pour les travailleurs, ce n'est pas de se réfugier frileusement derrière des frontières ou des douanes, ni de mettre leurs espoirs dans des acquis particuliers contre les travailleurs d'autres pays. Mais c'est, partout en Europe, de lutter pour s'opposer à l'offensive que le grand capital mène sans discontinuer contre le monde du travail.
Voter "non" le 29 mai ne nous fera pas faire l'économie de cette lutte. Mais ce sera au moins le moyen de dire que nous ne sommes pas dupes des mensonges que l'on veut nous faire avaler sur leur prétendue "Europe sociale".
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 19 mai 2005)
27 mai 2005
Au référendum, c'est Non !
Le dimanche 29 mai, le matraquage médiatique ne nous laisse pas l'oublier, nous aurons à voter pour ou contre le projet de Constitution européenne. Ses rédacteurs, comme ceux qui appellent à voter "oui", assument ou ont assumé tous trop de responsabilités gouvernementales dans les coups portés depuis des années contre les travailleurs pour que ces derniers puissent accepter ce mauvais coup de plus en votant "oui".
Comment imaginer qu'une Constitution chaleureusement recommandée par Chirac, Raffarin et Sarkozy, puisse contenir quoi que ce soit de bon pour le monde du travail? Et le fait que la direction du Parti Socialiste soutienne ce projet ne le rend pas meilleur.
Cela prouve seulement que la droite au pouvoir et le Parti Socialiste qui veut y revenir défendent une fois de plus la même politique. Pendant les cinq ans du gouvernement Jospin, les attaques contre les travailleurs n'ont pas cessé, pas plus que les restrictions financières pour les services publics, voire leur privatisation.
Le 22 mai d'ailleurs, lors des élections régionales en Allemagne, le "socialiste" Schroeder a été désavoué pour avoir mené là-bas la même politique antiouvrière que Raffarin ici, en France.
Les responsables du grand patronat appellent aussi à voter "oui" à cette Constitution. Et pour cause: cette Constitution, comme tous les traités qui l'ont précédée, consacre un vaste marché permettant aux grands groupes financiers et industriels d'augmenter encore leurs profits.
Donc, rien que de voir qui sont ceux qui patronnent ce projet de Constitution donne aux travailleurs toutes les raisons de s'y opposer.
Si cette Constitution n'apporte rien de bon aux travailleurs ici, en France, elle n'est pas non plus favorable aux peuples. Il se trouve dans le camp des défenseurs du "oui" aussi bien que du "non" des gens pour brandir la menace que représenteraient pour les travailleurs de ce pays le plombier polonais ou le travailleur en bâtiment tchèque. Mais qui parle de ces trusts français, allemands ou britanniques qui se sont approprié les usines, les banques, les chaînes de distribution des pays de l'Est? Ces prédateurs ont mis la main sur la quasi-totalité des économies de ces pays pour piller leurs ressources et pour s'octroyer le droit d'exploiter leurs travailleurs, bien plus mal payés encore que nous. Les ennemis des travailleurs des deux parties de l'Europe sont les mêmes groupes capitalistes, responsables ici comme là-bas des salaires insuffisants, de l'insécurité de l'emploi et de la précarité. Ils n'ont pas besoin de Constitution pour soumettre la société à leur dictature, mais la Constitution consacre leur domination. Cela ne doit pas être avec notre accord.
Il faut que la Constitution soit rejetée mais il faudra se méfier de ceux qui, une fois les urnes du référendum rangées, se mettront immanquablement à nous proposer de nouvelles échéances électorales, la présidentielle ou les législatives de 2007. Les vedettes de la politique amusent la galerie avec l'existence ou non d'un plan de rechange en cas de victoire du "non", ou avec la possibilité ou non de renégocier le texte de la Constitution. Mais disons-nous bien que, même s'il y a un "plan de rechange", il ne sera pas plus favorable aux travailleurs. Ceux des dirigeants du Parti Socialiste qui, comme Fabius, ont choisi de faire voter "non", ne sont pas devenus pour autant les défenseurs du monde du travail.
Quelle que soit l'issue de ce référendum, elle ne réglera aucun des problèmes des travailleurs. Si nous les laissons faire, les plans de licenciements continueront et le pouvoir d'achat du monde du travail continuera à s'affaiblir.
Le changement du rapport de forces entre le grand patronat et le gouvernement d'un côté, et le monde du travail de l'autre, ne se produira pas dans les urnes mais seulement par les grèves. Il est indispensable d'imposer des objectifs vitaux pour notre avenir, comme en finir avec le chômage par l'interdiction des licenciements collectifs et la répartition du travail entre tous ainsi que l'augmentation générale des salaires.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 31 mai 2005)
Au référendum, c'est "non" et la lutte pour imposer nos revendications
Au moment où sont rendues publiques les rémunérations des dirigeants de grandes entreprises, a été également rendue publique une étude sur l'évolution des salaires au cours des cinquante dernières années.
Pour les grands patrons, tout va bien. 9% d'augmentation au cours de l'année écoulée sur des salaires dont la moyenne est de 200000 euros par mois. Mais il est vrai que la progression confortable de ces rémunérations de PDG, qui correspondent à 100 ou à 150 salaires d'ouvriers payés au smic, est encore modérée par rapport à la progression des revenus des gros actionnaires pour lesquels travaillent ces PDG.
Pour ce qui est des salaires, le constat est que le pouvoir d'achat des salaires ouvriers n'a cessé de reculer tout au long des années 1980, puis de nouveau au cours des trois dernières années, pour retomber au niveau de 1950. Étant donné l'importance du chômage, cela signifie que le pouvoir d'achat d'une famille ouvrière qui compte un chômeur est même inférieur à celui de 1950.
Voilà le résultat d'un demi-siècle où tout a progressé, surtout les revenus des plus riches, mais où les conditions de vie des travailleurs ont régressé.
Mais comment en serait-il autrement lorsque les progrès de la productivité sont accaparés par les seuls possesseurs de capitaux et leurs larbins, alors que les sacrifices ne sont imposés qu'aux travailleurs?
Comme pour ce lundi de Pentecôte dont on essaie de nous faire croire qu'il s'agit d'une journée de solidarité! Mais c'est aux seuls salariés qu'on demande de travailler gratuitement un jour alors que la moitié de la population n'est pas concernée: ni les commerçants, ni les médecins, les avocats ou autres professions libérales, et surtout pas ceux qui vivent des revenus des capitaux.
Voilà deux illustrations de cette "Europe sociale" dont les partisans du "oui" au référendum nous rebattent les oreilles.
Ils veulent nous faire cautionner leur Constitution. Mais, dans cette Constitution, il n'y a rien, absolument rien pour les travailleurs, rien pour les protéger contre les licenciements, contre ces patrons voyous qui osent proposer à leurs ouvriers des reconversions en Roumanie ou à l'île Maurice pour 100 ou 110 euros de salaire mensuel!
Il n'y a pas la moindre allusion à un salaire minimum européen aligné sur le pays où il est le plus élevé. Rien sur les protections sociales, pas de limitation de l'âge de la retraite, de la durée du travail empêchant d'être usés avant l'âge.
La Constitution ne représente aucun progrès, pas même sur les quelques questions sociales qui ne touchent pas directement aux intérêts du grand patronat.
Elle ne donne même pas aux femmes qui vivent dans des pays où le divorce ou l'interruption volontaire de grossesse sont encore interdits un point d'appui pour combattre les législations réactionnaires.
Et, dans les relations entre États, cette Constitution conforte juridiquement la domination des groupes capitalistes des grands pays d'Europe occidentale sur les autres membres de l'Union, notamment de la partie pauvre de l'Europe.
Depuis cinquante ans que les hommes politiques construisent l'Europe, leur but est de créer un marché à l'échelle du continent, où les capitaux et les marchandises puissent se déplacer librement pour répondre à l'expansion des plus grandes entreprises. Pour favoriser le commerce et les profits, il y a dans la Constitution des mesures concrètes. Pour les êtres humains et leurs droits, il n'y a que des mots creux.
Rares ont été les occasions où les promoteurs de cette Europe de patrons et de marchands ont demandé leur avis aux populations. Eh bien, puisque cette fois ils le demandent, il faut leur dire "non". En sachant cependant que, même si le "non" l'emporte, restent à imposer l'arrêt des attaques contre les travailleurs, l'augmentation générale de tous les salaires, la fin du chômage et de la précarité, l'interdiction des licenciements collectifs. Mais cela ne sortira pas des urnes et ne pourra être imposé que par la détermination du monde du travail.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 10 mai 2005)
13 mai 2005
"Non" a une Constitution qui n'apporte rien aux peuples !
Les 8 et 9 mai, des cérémonies se sont succédé pour commémorer le soixantième anniversaire de la défaite de l'Allemagne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Chirac y est allé de la gerbe traditionnelle et les grands de ce monde se sont retrouvés à Moscou pour une cérémonie collective.
La Deuxième Guerre mondiale a été une immense boucherie: 50 millions de tués, dont la moitié pour la seule Union soviétique. Mais lorsqu'on voit les chefs des puissances impérialistes d'aujourd'hui commémorer ce qui fut une catastrophe pour les peuples, on ne peut ressentir que du dégoût, tant est immense la responsabilité de leurs prédécesseurs, et surtout celle des grands groupes capitalistes qu'ils servent et dont la rivalité a entraîné successivement la Première, puis la Seconde Guerre mondiale. Et ces groupes, aussi bien les groupes allemands, les Thyssen, Krupp, IG-Farben, que les groupes concurrents britanniques, américains, français, sont toujours là, sous les mêmes noms ou sous d'autres. Ils prospèrent toujours de l'exploitation de leurs travailleurs et du pillage de la planète.
Bien sûr, c'est le régime nazi au pouvoir en Allemagne qui a déclenché la guerre. Ce régime infâme est arrivé au pouvoir par l'écrasement de la classe ouvrière allemande, applaudi pour cela par toutes les bourgeoisies d'Europe, y compris en France et en Grande-Bretagne, avant que la machine de guerre allemande menace leurs intérêts.
Mais réduire la Deuxième Guerre mondiale à une guerre entre nazisme et démocratie est un mensonge destiné à dégager la responsabilité des groupes capitalistes.
Côté Allemagne, c'était une dictature hideuse. Mais était-ce la liberté de l'autre côté? Le 8 mai 1945, alors qu'on prétendait fêter la liberté revenue, il a suffi, en Algérie sous domination coloniale française, que des manifestants revendiquent l'indépendance pour que l'armée française et les milices de colons européens déclenchent une répression féroce à Sétif: 15000 morts sûrement, 45000 peut-être. Une répression assumée par un gouvernement comprenant tout l'éventail des grands partis politiques, des gaullistes au Parti Communiste. Il n'était pas question à l'époque, pour la bourgeoisie impérialiste française, de se passer de ses colonies, pas plus qu'il n'en était question pour la bourgeoisie britannique. Ce sont leurs empires coloniaux qui leur permettaient d'échapper à l'étroitesse de leurs marchés nationaux et de contrer l'impérialisme allemand, particulièrement agressif car dépourvu de colonies. La démocratie en France et en Grande-Bretagne reposait sur l'esclavage de leurs empires coloniaux respectifs.
Contrainte de "décoloniser", la France a dû s'entendre avec l'Allemagne pour créer ce "Marché commun" qui, rejoint par la Grande-Bretagne, est devenu, au fil des marchandages, "l'Union européenne".
Cette entente forcée entre impérialismes rivaux est-elle pour autant le règne de la paix? Même pas. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il n'y a jamais eu un moment sur la planète sans une guerre quelque part, y compris en Europe. Que l'on se souvienne de la guerre fratricide qui a déchiré l'ex-Yougoslavie avec, derrière elle, un sourd conflit d'intérêts entre la France et l'Allemagne, soutenant qui le camp serbe, qui le camp croate. Et de l'Afghanistan à l'Irak, il y a des troupes de pays européens aux côtés des troupes américaines.
Alors, lorsque les défenseurs du "oui" à la Constitution présentent celle-ci comme un instrument de paix, c'est un mensonge. Si elle prévoit une armée européenne pour le plus grand bonheur de nos marchands d'armes à la Dassault ou Lagardère, ce n'est pas pour faire la paix. La Constitution ne crée pas les conditions de relations fraternelles entre peuples, même à l'intérieur de l'Union. Elle ne fait que fixer les règles à l'avantage des puissances d'Europe occidentale, celles qui, alliées ou ennemies, ont toujours cherché à dominer le continent.
Cette Constitution qui, par ailleurs, n'apporte rien aux travailleurs, n'apporte rien non plus aux peuples.
La question qui sera posée au référendum ne mérite qu'une seule réponse: "non".
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 18 mai 2005)
20 mai 2005
Non à la Constitution, et non à la régression sociale
Ceux qui essaient de nous vendre le projet de Constitution européenne vantent ce qu'ils appellent l'Europe sociale. Jusques et y compris Chirac, Raffarin, Sarkozy, tous ces gens qui, depuis trois ans qu'ils sont au gouvernement, portent coup sur coup aux travailleurs. Mais depuis vingt ans, la prétendue Europe sociale de tous les gouvernements qui se sont succédé, c'est le chômage qui s'aggrave, les salaires qui stagnent, le pouvoir d'achat qui baisse, la précarité qui se généralise, la pauvreté qui s'étend.
En guise de progrès social, le monde du travail en est revenu au niveau de vie d'il y a cinquante ans. Ceux parmi les travailleurs qui ont entre 40 et 60 ans ont subi nombre de reculs. Et combien d'entre eux les ont subis brutalement, par suite d'un licenciement qui les a privés de travail pendant des mois et parfois pendant des années, pour retrouver ensuite un emploi précaire avec un salaire dérisoire? Tous les travailleurs, ceux des chaînes de production bien sûr, mais aussi ceux des bureaux, des hôpitaux ou des grands commerces, ont senti dans l'accélération du rythme de travail, les cadences de plus en plus dures, la morgue croissante de l'encadrement, le mépris des patrons. Et pour les jeunes travailleurs, ceux qui ont vingt ans, il apparaît presque normal de commencer sa vie professionnelle comme chômeur ou de galérer de petits boulots en petits boulots, avant de trouver une embauche - mais seulement comme intérimaire ou en CDD.
Ce n'est certes pas l'Europe qui en est responsable.
L'unification de l'Europe, la suppression des frontières sont en elles-mêmes d'excellentes choses. Mais ce qui nous est demandé le 29 mai, ce n'est pas de nous prononcer pour ou contre l'Europe. C'est d'approuver un projet de Constitution qui ne protège en rien les travailleurs de France et d'Europe, qui ne leur apporte aucun progrès et qui n'utilise le mot "social" que pour tenter de dissimuler le fait qu'elle ne vise qu'à organiser pour les capitalistes leur marché... et ses iniquités.
Les partisans du "oui" prétendent que c'est pour uvrer à la paix que les États de l'Europe occidentale se sont engagés dans ce qu'ils appellent la "construction européenne". Mais ce ne sont pas les bons sentiments qui ont motivé leur démarche. La rivalité entre les trois bourgeoisies les plus puissantes du continent, britannique, française et allemande, a dominé l'histoire depuis la moitié du XIXe siècle. Chacun de ces États a cherché pendant plusieurs décennies à occuper la place prépondérante en Europe. Leur rivalité a abouti à imposer aux peuples les deux guerres mondiales du siècle dernier. Faute d'arriver à se départager dans les guerres, ces puissances ont fini par s'entendre pour unifier les marchés nationaux morcelés et pour faire ouvrir les marchés d'Europe de l'Est à leurs capitaux et à leurs produits. Mais le fait que les capitaux britanniques, français, allemands se fassent "librement concurrence" pour dominer, exploiter et piller la partie pauvre de l'Europe ne rend cette domination meilleure ni pour les travailleurs des pays les plus industrialisés, ni pour ceux des pays les plus pauvres. Nous n'avons aucune raison d'approuver cela.
Les partis qui défendent le "oui" nous mentent, comme nous mentent ceux qui, au nom de la "souveraineté nationale", présentent aux travailleurs l'État, la législation sociale de leur pays, comme une protection. Les frontières, les barrières douanières n'ont jamais été faites pour protéger le monde du travail, mais pour protéger les capitalistes et leurs affaires.
La seule perspective qui vaille, pour les travailleurs, ce n'est pas de se réfugier frileusement derrière des frontières ou des douanes, ni de mettre leurs espoirs dans des acquis particuliers contre les travailleurs d'autres pays. Mais c'est, partout en Europe, de lutter pour s'opposer à l'offensive que le grand capital mène sans discontinuer contre le monde du travail.
Voter "non" le 29 mai ne nous fera pas faire l'économie de cette lutte. Mais ce sera au moins le moyen de dire que nous ne sommes pas dupes des mensonges que l'on veut nous faire avaler sur leur prétendue "Europe sociale".
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 19 mai 2005)
27 mai 2005
Au référendum, c'est Non !
Le dimanche 29 mai, le matraquage médiatique ne nous laisse pas l'oublier, nous aurons à voter pour ou contre le projet de Constitution européenne. Ses rédacteurs, comme ceux qui appellent à voter "oui", assument ou ont assumé tous trop de responsabilités gouvernementales dans les coups portés depuis des années contre les travailleurs pour que ces derniers puissent accepter ce mauvais coup de plus en votant "oui".
Comment imaginer qu'une Constitution chaleureusement recommandée par Chirac, Raffarin et Sarkozy, puisse contenir quoi que ce soit de bon pour le monde du travail? Et le fait que la direction du Parti Socialiste soutienne ce projet ne le rend pas meilleur.
Cela prouve seulement que la droite au pouvoir et le Parti Socialiste qui veut y revenir défendent une fois de plus la même politique. Pendant les cinq ans du gouvernement Jospin, les attaques contre les travailleurs n'ont pas cessé, pas plus que les restrictions financières pour les services publics, voire leur privatisation.
Le 22 mai d'ailleurs, lors des élections régionales en Allemagne, le "socialiste" Schroeder a été désavoué pour avoir mené là-bas la même politique antiouvrière que Raffarin ici, en France.
Les responsables du grand patronat appellent aussi à voter "oui" à cette Constitution. Et pour cause: cette Constitution, comme tous les traités qui l'ont précédée, consacre un vaste marché permettant aux grands groupes financiers et industriels d'augmenter encore leurs profits.
Donc, rien que de voir qui sont ceux qui patronnent ce projet de Constitution donne aux travailleurs toutes les raisons de s'y opposer.
Si cette Constitution n'apporte rien de bon aux travailleurs ici, en France, elle n'est pas non plus favorable aux peuples. Il se trouve dans le camp des défenseurs du "oui" aussi bien que du "non" des gens pour brandir la menace que représenteraient pour les travailleurs de ce pays le plombier polonais ou le travailleur en bâtiment tchèque. Mais qui parle de ces trusts français, allemands ou britanniques qui se sont approprié les usines, les banques, les chaînes de distribution des pays de l'Est? Ces prédateurs ont mis la main sur la quasi-totalité des économies de ces pays pour piller leurs ressources et pour s'octroyer le droit d'exploiter leurs travailleurs, bien plus mal payés encore que nous. Les ennemis des travailleurs des deux parties de l'Europe sont les mêmes groupes capitalistes, responsables ici comme là-bas des salaires insuffisants, de l'insécurité de l'emploi et de la précarité. Ils n'ont pas besoin de Constitution pour soumettre la société à leur dictature, mais la Constitution consacre leur domination. Cela ne doit pas être avec notre accord.
Il faut que la Constitution soit rejetée mais il faudra se méfier de ceux qui, une fois les urnes du référendum rangées, se mettront immanquablement à nous proposer de nouvelles échéances électorales, la présidentielle ou les législatives de 2007. Les vedettes de la politique amusent la galerie avec l'existence ou non d'un plan de rechange en cas de victoire du "non", ou avec la possibilité ou non de renégocier le texte de la Constitution. Mais disons-nous bien que, même s'il y a un "plan de rechange", il ne sera pas plus favorable aux travailleurs. Ceux des dirigeants du Parti Socialiste qui, comme Fabius, ont choisi de faire voter "non", ne sont pas devenus pour autant les défenseurs du monde du travail.
Quelle que soit l'issue de ce référendum, elle ne réglera aucun des problèmes des travailleurs. Si nous les laissons faire, les plans de licenciements continueront et le pouvoir d'achat du monde du travail continuera à s'affaiblir.
Le changement du rapport de forces entre le grand patronat et le gouvernement d'un côté, et le monde du travail de l'autre, ne se produira pas dans les urnes mais seulement par les grèves. Il est indispensable d'imposer des objectifs vitaux pour notre avenir, comme en finir avec le chômage par l'interdiction des licenciements collectifs et la répartition du travail entre tous ainsi que l'augmentation générale des salaires.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 31 mai 2005)