Déclaration de Mme Michèlle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur la politique du tourisme notamment sa contribution à l'aménagement du territoire, Paris le 6 octobre 1998

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Circonstance : Colloque sur "Tourisme et aménagement du territoire", à Paris le 6 octobre 1998

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Mesdames, Messieurs,

Je voudrais remercier M. BOUVARD, rapporteur spécial du budget du tourisme, d'avoir pris l'initiative de ce colloque et remercier les députés et sénateurs présents, ainsi que toutes les personnalités de la profession.

Le fait que la représentation nationale ait décidé d'une initiative autour du tourisme, me laisse penser qu'un tournant est en train de se réaliser sur l'approche du tourisme dans notre pays.

Déjà, en recréant un département ministériel pour l'activité qui nous concerne, Monsieur le Premier ministre a, en juin dernier, mis un terme à la banalisation de l'activité touristique nationale.

L'existence du secrétariat d'Etat est déjà, par elle-même, l'expression d'une volonté politique à considérer le tourisme (et tant les acteurs de la profession) comme un élément structurant de la société et du pays.

Bien évidemment, la seule volonté du Gouvernement ne saurait suffire à un retournement de situation. L'engagement de la représentation nationale est un nouveau signe vers tous les professionnels et vers les élus locaux qui comptent sur une véritable et durable politique touristique pour la France.

Pour ce qui concerne ma responsabilité, je souhaite que chacun d'entre vous sache que mon intention est de favoriser l'expression et l'initiative parlementaire et celle des acteurs de terrain que sont les professionnels, les collectivités locales et territoriales, pour lesquelles j'ai la plus grande attention.

Les actes du colloque de ce jour seront pour mon ministère de précieux témoignages pour impulser une politique hardie, moderne et toujours plus innovatrice.

Il serait malvenu et irrespectueux de ma part, si dès l'ouverture de ce colloque, j'apportais des avis définitifs sur les thèmes de vos ateliers. C'est pourquoi je limiterai mon intervention aux grands axes de la politique que je souhaite impulser pour le développement du tourisme.

Vous repérerez rapidement d'ailleurs que ces axes rejoignent les préoccupations de ce colloque dans ses aspects d'aménagement du territoire.

Ces objectifs se retrouvent dans le projet de budget pour 1999. Dès ma prise de fonction, je m'étais engagée à stopper l'hémorragie dont souffrait la dotation pour le tourisme depuis de nombreuses années.

En présentant à l'approbation du Parlement un budget en augmentation de 7,18 % par rapport à la LFI de l'année 1998, je crois qu'il faut retenir, en premier lieu que, la France a des ambitions pour sa politique touristique.

Cette politique je peux la résumer en quelques points prioritaires susceptibles de contribuer à vos débats.

Premièrement, agir pour accroître la fréquentation touristique française et étrangère.

Cela oblige à prendre en considération, l'ensemble de la population française. En cette période de perturbation financière internationale, nous savons qu'elle constitue le socle de notre fréquentation touristique. Le départ en vacances d'un plus grand nombre de nos concitoyens est un objectif social et économique important de ma politique.

Pour le droit aux vacances pour tous, des dispositions se mettent en place vers trois directions.

Je pense en particulier à l'élargissement du droit aux chèques-vacances aux salariés des PME de moins de 50 salariés. J'espère que ce projet, adopté par le Conseil des Ministres le 26 août dernier, sera discuté le plus rapidement possible par le Parlement.

Comme vous le savez, cette disposition concerne 7,5 millions de salariés et leurs familles. Autant dire que dans la perspective de cette extension il faudra que l'offre soit en mesure de répondre à la demande. D'ores et déjà l'Agence Nationale pour le Chèque Vacances prépare un dispositif pour assurer la promotion de cet outil d'aide au départ auprès des nouveaux bénéficiaires.

Vous le savez, je considère que le droit aux vacances est aussi fondamental que celui au travail, à la santé, au logement.

Il est un des espaces de la citoyenneté, y compris pour les handicapés.

S'agissant de ce public, 20 ans après la promulgation de la loi de 1975 posant les fondements de l'intégration des personnes handicapées dans notre société, leur taux de départ demeure très faible. C'est pourquoi j'ai pris l'initiative d'une campagne annuelle de mobilisation en faveur de l'accès aux vacances des personnes handicapées. Les résultats intéressants recueillis cette année lors de la semaine de sensibilisation méritent d'être valorisés et amplifiés.

D'autre part, dès janvier prochain, sera mise en place la structure de " la bourse solidarité vacances ", prévues dans la loi contre l'exclusion.

Concernant la réhabilitation du parc immobilier des organismes du tourisme social, l'effort de relance que j'ai impulsé dès 1998 par le doublement des crédits affectés à ce programme, sera maintenu afin de permettre à ce secteur d'assurer pleinement son rôle essentiel au service du droit aux vacances.

Cette politique en faveur de l'accès aux vacances pour tous nos concitoyens favorisera une relance de la consommation touristique intérieure qui sera bénéfique à l'ensemble de la profession. Elle viendra conforter l'action menée par les Comités Régionaux et Départementaux de tourisme, les Offices de tourisme auprès des touristes français et celle plus large coordonnée par Maison de la France auprès de nos clientèles internationales.

Pour ce qui concerne la clientèle étrangère, qui représente plus de 67 millions de touristes, et place la France au premier rang mondial des destinations touristiques. Il convient néanmoins de ne pas s'endormir sur nos lauriers.

Les perspectives d'augmentation des flux internationaux sont très importantes mais la concurrence internationale est vive. Ce qui implique de définir et de mettre en uvre une stratégie solide et dynamique de conquête et de fidélisation des marchés actuels et des marchés émergents.

C'est pourquoi j'ai voulu donner à Maison de la France les moyens de nos ambitions en contribuant pour 153 MF à cette structure, soit une augmentation de 23,4 %. J'ai inauguré d'ailleurs le 25 septembre dernier, son nouveau bureau à Varsovie, qui nous permettra d'être désormais présents sur les marchés proches de l'Est de l'Europe et qui constitue déjà un signe de son renouveau.

Ce développement spectaculaire des flux touristiques nationaux et internationaux pourrait se poursuivre voire s'amplifier dans les années à venir. L'Organisation Mondiale du Tourisme prévoit dans un récent rapport, un triplement des échanges touristiques mondiaux d'ici 20 ans.

Aussi, est-il essentiel de mettre notre pays et les acteurs du tourisme en ordre de marche pour profiter au mieux des retombées de tels flux.

Cela passe par la définition d'une nouvelle politique d'aménagement du territoire qui favorise, au travers de l'économie touristique, un développement local harmonieux, soucieux de l'environnement, des cultures, des traditions et des hommes.

Cette préoccupation est au cur du débat de ce jour.

L'histoire récente de l'aménagement touristique de la France, vous le savez, est marquée par deux grandes périodes.

La première, durant les années soixante à soixante-dix, est caractérisée par l'explosion de la demande de loisirs et de tourisme. Pour y répondre l'Etat initie de très ambitieux programmes d'équipement touristique, qui ont pour terrains d'opération, des territoires à fort potentiel de développement, je pense bien sûr à la montagne, à la Corse, au Languedoc-Roussillon ou à l'Aquitaine.

La seconde période est marquée par la décentralisation qui a libéré l'initiative locale. La politique de l'Etat s'exerce désormais de façon concertée avec les collectivités, en particulier avec les Régions dans le cadre des contrats de plan.

Néanmoins, devant l'essor du développement, l'Etat et ses partenaires doivent rapidement jouer un rôle de régulateur de l'économie touristique, au nom de l'aménagement du territoire.

Il faut bien reconnaître que le tourisme, comme la plupart des activités marchandes, a une tendance naturelle à la concentration et ne conduit pas spontanément à cet aménagement harmonieux de l'espace auquel nous aspirons.

Aussi suis-je convaincue que la fréquentation touristique doit être mieux répartie sur l'ensemble du territoire national. En effet, comme l'a justement souligné le rapporteur du budget, 80 % des touristes qui séjournent dans notre pays se concentrent sur 20 % de notre territoire.

Cette situation a conduit depuis de nombreuses années déjà, l'Etat et les collectivités à réglementer son développement dans les zones à forte pression touristique et à encourager la mise en tourisme de nouveaux territoires.

Ainsi, après l'ère du lancement des grands aménagements, la politique d'aménagement du territoire a eu pour objectif de maîtriser les développements en particulier au travers des lois de protection montagne et littoral.

Dans le même temps, s'appuyant sur les contrats de Plan, l'Etat et les Régions ont contribué, aux côtés des départements, des collectivités locales et du secteur privé et associatif, à la diversification et l'adaptation de l'offre touristique, au fonctionnement des structures en charge de sa gestion et de sa commercialisation.

Ces aides ont par ailleurs joué un effet de levier essentiel à la mobilisation des fonds structurels européens bien souvent indispensables au bouclage financier des projets.

C'est pourquoi, j'ai décidé dès ma prise de fonction de conforter les crédits affectés aux Contrats de Plan, en particulier dans le domaine du fonctionnement. Ils permettront d'accompagner cet effort de rééquilibrage de l'offre touristique par des investissements adaptés aux réalités des territoires, par la présence sur le terrain de véritables développeurs capables d'impulser des démarches pédagogiques avec les élus et les professionnels du tourisme, de conduire des missions de conseil et d'assistance ou d'encadrer la réalisation d'études de faisabilité de projets.

Ces crédits et ces nouveaux acteurs de l'aménagement permettront également la constitution et l'animation de réseaux pour un développement touristique local équilibré.

Nous ouvrons tous ensemble, à l'aube du troisième millénaire, une nouvelle période de l'histoire de l'économie touristique française.

Quels sont les enjeux territoriaux de cette nouvelle politique du tourisme ?

J'en citerai cinq qui retiennent particulièrement l'attention de mon ministère :

Nous devons en premier lieu, améliorer les dispositifs de maîtrise du développement et de gestion des sites les plus fréquentés.

L'appareil public d'intervention dans les sites les plus fréquentés relève presque toujours d'approches conçues dans des cadres juridiques d'autres secteurs que le tourisme :
- l'urbanisme pour les lois Montagne et Littoral,
- le commerce et l'artisanat pour la maîtrise du développement de l'hôtellerie dans les sites urbains,
- l'économie et les finances pour la loi Pons et ses applications dans les DOM TOM.
- l'environnement et l'écologie pour d'autres mesures de protection ou de gel de territoires.
Je souhaiterais que l'évaluation de ces dispositifs sur l'économie touristique proprement dite, soit effectuée systématiquement. Nous avons pu constater bien souvent que les effets pervers de telle ou telle de ces mesures pouvaient contrebalancer les bénéfices attendus de ces dispositions juridiques.

J'ai demandé par ailleurs à mes services de travailler, dans les espaces protégés, sur le problème de la bonne gestion des flux touristiques et sur les circuits économiques qui peuvent en découler.

Nous devons en effet trouver de meilleures solutions à la répartition des charges entre visiteurs, opérateurs touristiques et collectivités locales dans la gestion et la préservation des espaces naturels, et faire de la préservation des espaces un instrument économiquement crédible de la gestion des territoires.

Beaucoup s'accorde à reconnaître en effet, que c'est autour des idées de développement touristique durable que se trouve l'avenir, en conciliant économie, préservation des ressources et intérêt des populations locales.

Il nous faut également renforcer les méthodes d'intervention pour stimuler le développement du tourisme dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire.

Des travaux ont été lancés par la Direction du Tourisme et l'Agence Française d'Ingénierie Touristique depuis trois ans pour évaluer l'efficacité de l'intervention publique en direction des entreprises touristiques. Ils devraient être exploités dans les mois à venir, en particulier à l'occasion de la préparation du prochain plan.

Le troisième enjeu de cette politique sera de mesurer l'impact et les résultats économiques de l'offre des PME touristiques artisanales dispersées.

Le développement du tourisme a reposé sur une multiplicité d'initiatives publiques et privées, qui assurent certes au tissu français de l'offre une richesse et une diversité incomparables, mais aussi, vous le savez, beaucoup de dispersion.

Une de nos missions sera donc de tenter d'apporter un cadre efficace et rationnel au développement des activités, ne comportant pas de contraintes inutiles, et tenant compte de la décentralisation.
Pour ce faire, la voie contractuelle est sans doute celle à retenir.

Un quatrième enjeu serait de faciliter la modernisation et la réhabilitation des ensembles anciens pour en maintenir la compétitivité.

Le vieillissement accéléré d'une partie de l'offre française des stations hâtivement développées entre 1965 et les années 80, est préoccupant.

Rénover l'existant pour en maintenir l'efficacité économique et sociale constitue sans doute une politique d'aménagement du territoire adaptée à notre temps, puisque cela permet de maintenir la compétitivité de notre tourisme sans consommer de nouveaux sites.

Aussi ai-je pris en ce sens deux types d'initiatives. L'une, je le rappelle, concerne le patrimoine immobilier du tourisme associatif et social pour lequel j'ai obtenu dès le projet de loi de finance 1998, le doublement des crédits.

La seconde concerne l'immobilier privé de loisirs pour la lequel j'ai mené avec le secrétariat d'Etat au budget une négociation. Ainsi, mon ministère a proposé un nouveau cadre juridique : le village résidentiel de tourisme, qui regroupera les résidences d'une zone délimitée au niveau communal ou intercommunal, afin de mener un projet de réhabilitation commun et de proposer une information et des services complémentaires.

Ces opérations, gérées par un opérateur unique, permettront à ce dernier de récupérer la TVA sur le montant des investissements.

Ces mesures soumises à la concertation devraient pouvoir être opérationnelles dans un délai très court.

Enfin il nous faut améliorer les capacités de contribution du tourisme à la solution de problèmes aigus d'aménagement du territoire.

Le tourisme ne saurait régler tous les problèmes sensibles d'aménagement du territoire mais il peut y contribuer. Il pourrait donc, pour les développeurs, être davantage un point d'appuis et de diversification du développement qu'une simple activité peu maîtrisable qui marche toute seule.

Le tourisme est, chacun le sait ici, un secteur en croissance. Et cette croissance est susceptible de créer de très nombreux emplois.

Mais, vous le savez, je ne crois pas à la génération spontanée. Pour cela, il faut une politique volontariste de tous les responsables si l'on veut passer, comme cela reste notre objectif à long terme, du rythme de 12.000 emplois à un rythme de 30.000 emplois créés par an.

Pour ce faire, je souhaite accompagner et soutenir les initiatives des collectivités, du secteur associatif et des professionnels privés qui peuvent, au travers de nouvelles activités originales et attractives, générer de nouvelles ressources et surtout de nouveaux emplois.

Ma démarche a été de favoriser la mise en uvre du plan emploi-jeunes.
Il a engendré à ce jour, la signature de 1.413 conventions et la création de 1.640 emplois, ce qui représente environ 5 % des embauches, tous secteurs confondus.

Ces emplois qui répondent à un réel besoin, produisent d'ores et déjà de nombreux effets positifs sur l'activité économique et sociale touristique.

Plus généralement cela implique de lutter contre la précarité et de faire face, par la formation professionnelle, au défi de la qualité.

De vastes chantiers ont été ouverts au cours de cette année pour améliorer la situation.

La précarité est un handicap pour la qualité de nos prestations touristiques. Il est urgent d'y apporter des solutions concrètes. Il me semble que les pistes de la pluriactivité, de la création d'activités en basse saison, du contrat de travail multi-employeurs ont jusqu'ici été insuffisamment explorées.

Pour les étudier, et contribuer à la recherche et à la mise en uvre de solutions adaptées, j'ai chargé Monsieur Anicet LEPORS, ancien Ministre et Conseiller d'État, d'une mission d'expertise et de conseil sur la situation des saisonniers.

Enfin, je ne vous rappellerai pas toutes les collaborations qui existent entre mon ministère et les instances chargées de l'aménagement du territoire, au niveau national comme au niveau local. Celles-ci sont permanentes.

En conclusion, je pense que le rôle du Tourisme dans l'Aménagement du Territoire de notre territoire est appelé à s'accroître. La ressource de développement et d'emplois qui peut en être tirée est aujourd'hui identifiée par des acteurs de plus en plus nombreux.

Il ne faut pas se bercer d'illusions sur les difficultés de tous ordres que ne manquerait pas de provoquer une approche trop simpliste ou trop naïve du domaine. Erreurs économiques, perte de maîtrise, gaspillages de ressources et de moyens, sanctionneront les initiatives mal conçues.

Mais n'oublions pas non plus que le tourisme, pour ceux qui sauront en domestiquer les dynamiques, constitue une des vraies ressources du développement du 21ème siècle, il nous appartient de relever ensemble le défi que constitue l'Aménagement harmonieux et durable du territoire touristique national.

Je voulais, au début de ce colloque, vous assurer que le Gouvernement entend bien relever ce défi avec tous les acteurs qui s'impliquent pour valoriser nos atouts touristiques dans chaque ville et village de France.

Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.tourisme.gouv.fr, le 27 septembre 2001)